Contenu du sommaire
Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | Vol. 71, no 3, juillet-septembre 2018 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Home Rule for Ireland (1874-1914): the Great Missed Opportunity? - Eugenio Federico Biagini p. 259-275 En Irlande, le nationalisme est l'une des traditions de pensée politique les plus anciennes, mais qui a trouvé une force et une influence nouvelles à la fin du XIXe siècle. Entre 1874 et 1914 ont été conçus et débattus de nouveaux projets de réforme constitutionnelle, par lesquels la classe politique, tant britannique qu'irlandaise, cherchait à transformer l'état parlementaire unitaire soit en une fédération soit en une union, avec dévolution des pouvoirs à un parlement statuant sur l'ensemble de l'Irlande. Cette dernière solution, visant à donner aux Irlandais le contrôle de leurs affaires intérieures sans pour autant abolir l'acte d'Union avec la Grande-Bretagne (datant de 1800), était connue sous le nom de Home Rule. Cet acte d'union n'allait pas jusqu'à envisager l'indépendance, ni même le statut de « Dominion », créé plus tard. Mais durant une vingtaine d'années, les débats virulents autour de cette question divisèrent l'opinion politique en Grande-Bretagne comme en Irlande, au point d'amener cette dernière au bord de la guerre civile dès 1912. La loi sur le Home Rule, votée en 1914 mais non appliquée, en raison de la forte opposition de l'Ulster, fut révisée puis votée à nouveau par le parlement du Royaume-Uni en 1920 — date à laquelle, pourtant, la mesure apparut comme trop limitée et trop tardive pour les nationalistes qui militaient pour une indépendance totale et étaient prêts à se battre pour l'obtenir, comme lors de la Guerre d'Indépendance de 1919-21 ou de la guerre civile de 1922-3. Avec ce débat sur le Home Rule, a-t-on manqué la plus belle chance d'éviter le bain de sang et la déstabilisation durable du pays ? Cet article démontre qu'une solution paisible aurait été possible, n'eût été la polarisation et la véhémence du débat, encouragées depuis Londres par des leaders politiques bien conscients que la proposition de Home Rule suscitait la fureur des impérialistes anglais et écossais, tout en galvanisant simultanément une forme d'idéalisme altruiste et exalté chez les Libéraux. Le fait que Gladstone, Salisbury, Balfour, Chamberlain, Asquith, Lloyd George, Churchill et Bonar Law aient tous pu tirer parti des débats entourant la « situation irlandaise » suggère que celle-ci était en dernier recours une « situation britannique » — ou en tous cas une situation sur laquelle les Britanniques avaient des vues particulièrement tranchées.Nationalism in Ireland is one of the oldest political traditions of that country, one that acquired new effectiveness and influence in the late nineteenth century. Between 1874 and 1914, British and Irish politicians elaborated and debated various schemes of constitutional reform, with a view to transforming the unitary parliamentary state into either a federation or a union with a special devolved parliament for the whole of Ireland. The latter went under the name of Home Rule, because it was about giving the Irish control of their domestic affairs without terminating the 1800 Union with Britain. Home Rule fell far short of independence, or even what later came to be known as “Dominion Status.” Yet it bitterly divided British and Irish political opinion for two generations and brought the country to the brink of civil war by 1912. Passed, but not implemented, in 1914 (because of Ulster's strong opposition), Home Rule was then revised and passed again by the UK parliament in 1920. At that stage, however, it was “too little, too late” for the nationalists, who demanded full independence and were prepared to fight for it (in the War of Independence of 1919-21 and the Civil War of 1922-3). Was Home Rule the great missed opportunity to avoid such bloodshed and long-term unrest? This article concludes that a peaceful solution would have been possible, had it not been for the polarization of the debate and the militancy fomented by London-based leaders, who realised that Home Rule elicited fury and militancy among both English and Scottish imperialists while, at the same time, it galvanised the Liberals into frenzies of selfless idealism. That Gladstone, Salisbury, Balfour, Chamberlain, Asquith, Lloyd George, Churchill and Bonar Law were able to capitalise so much from the issues raised by the “Irish Question” suggests that the latter went unanswered because it was, ultimately, a “British Question” —or a question about which the British people had very strong views.
- Borders, Barriers and Kinopolitics in Nadine Gordimer's Jump and Other Stories (1991) - Fiona McCann p. 276-292 Cet article s'intéresse aux dimensions politiques et esthétiques des frontières et des barrières dans le recueil Jump and Other Stories de Nadine Gordimer, et suggère que leur présence récurrente, tout en participant d'une description de la ségrégation et de la discrimination dans une Afrique du Sud sur le point de faire la transition vers la démocratie, interroge également la manière très spécifique dont ces frontières régulent les mouvements. Trois nouvelles sont analysées: « The Ultimate Safari » qui se focalise sur la frontière internationale entre le Mozambique et l'Afrique du Sud, « Keeping Fit » qui met l'accent sur les barrières et clôtures qui séparent les quartiers aisés des townships, et « Once Upon a Time » qui se moque cruellement de la surenchère chez les Sud-Africains blancs qui se barricadent de plus en plus chez eux. Dans les trois nouvelles, Gordimer entremêle une violence extrême et la banalité apparente du quotidien, variant son approche narratologique afin de proposer des points de vue différents, et tentant d'élargir ses propres frontières littéraires.This article focuses on the politics and aesthetics of borders and barriers in Nadine Gordimer's Jump and Other Stories and suggests that their sheer prevalence in this collection should be read not only as a just depiction of a highly segregated and discriminatory South Africa, albeit poised on the verge of a transition to democracy, but also as a reflection on the very specific ways in which these borders regulate social movement. Three stories are singled out for this analysis: “The Ultimate Safari,” which is concerned with the international border between Mozambique and South Africa, “Keeping Fit,” which lays emphasis on the fences and barriers which divide white suburbs from sprawling townships, and “Once Upon a Time,” which exposes the increasing tendency among affluent whites to barricade themselves into their homes. In all three cases, Gordimer deftly interweaves extreme violence and the quotidian, varying her narratological approach in order to provide different viewpoints, and attempting to expand her own literary boundaries.
- “Such a mistake as I have often seen / In a play”: The Duchess of Malfi, a Tragedy of Errors - Christine Sukic p. 293-308 De nombreux critiques ont montré que la perspective de John Webster dans The Duchess of Malfi était souvent ambiguë: alors que les frères de la duchesse la condamnent parce qu'elle se remarie, elle est aussi représentée comme un modèle de vertu stoïque dans les souffrances qui lui sont imposées; quant à Bosola, dès le départ il apparaît comme une anomalie humorale, et tient le rôle du meurtrier aussi bien que du vengeur, même si dans cette dernière tâche il se révèle totalement incapable, et admet qu'il a tué Antonio sans le vouloir. Les erreurs, dans la pièce, sont envisagées d'un point de vue moral, et permettent à Webster de peindre le tableau d'une société corrompue, mais, surtout, elles participent en plein de l'esthétique irrégulière de la pièce, où, comme le dit Ferdinand de sa sœur, l'erreur et la beauté sont inséparables.Many critics have pointed out John Webster's ambiguities in The Duchess of Malfi: while the Duchess's brothers condemn her for having married Antonio, she also appears as a model of Stoic virtue in the sufferings that are imposed on her; as for Bosola, he appears from the first as a humoral anomaly, and is both murderer and avenger, turning out to be a complete failure in this last task, and admitting to having killed Antonio “unwittingly.” Errors, in the play, are envisaged from a moral perspective and inform Webster's depiction of a corrupt society, but more importantly, they are part of the play's aesthetics, where “fault and beauty” are “blended together” (3.3).
- The Confidence-Man : l'inconfiance de l'homme des foules - Michel Imbert p. 309-331 Dans The Confidence Man, la démocratie en Amérique est dépeinte comme un régime de défiance réciproque. Les tentatives d'abus de confiance sous couvert de charité chrétienne prouvent à quel point elle s'est corrompue en charity business. L'arnaque consiste chaque fois à redonner trompeusement confiance en soi et prouve que ceux en qui en sont victimes se rendent complices des escrocs présumés en se leurrant d'abord et avant tout sur leurs convictions intimes. Et si l'accord avec soi-même est déjà illusoire, il semble a fortiori impossible de l'obtenir entre soi, entre inconnus qui se méconnaissent eux-mêmes. Il semble utopique de prétendre reconstituer une communauté une et indivisible à partir d'individus en désaccord entre eux, et de surcroît de mauvaise foi. Le roman tourne en dérision l'idéologie de la Manifest Destiny, le culte de l'amitié chère aux cercles transcendentalistes et l'idéal révolutionnaire d'une fraternité sans frontières comme autant de fausses promesses. L'harmonie finale tant escomptée semble compromise par les interventions répétées du narrateur et les nombreux récits enchâssés qui en interrompent la progression et en rendent l'issue incertaine.Democracy in America is depicted throughout the novel as a regime of mutual distrust. The various confidence-games that take place under cover of Christian charity prove how it has been corrupted into a debased form of charity business. The trick consists repeatedly in restoring a false sense of self-reliance, thus showing how the dupes delude themselves into believing they have strong convictions of their own. And if, to begin with, it is impossible to be at one with oneself, then it is even more illusory to believe that an agreement can be found between total strangers who are only dimly aware of their own bad faith. How utopian then is the dream of reconstituting an undivided community out of divided and self-divided individuals! The novel is an indictment of the ideology of Manifest Destiny, of the Transcendentalist worship of Friendship and of the revolutionary ideal of Fraternity, denounced as hollow promises. The fulfilment of the dream of achieving a sense of personal and social harmony is postponed and called into question by the various interventions on the narrator's part and the embedded narratives that disrupt the course of the story towards its expected end.
- Atonement: A Conversation with Ian McEwan - Vanessa Guignery p. 332-340 This is the edited transcript of an interview with Ian Mc
Ewan which was conducted on 22 May 2018 at the École Normale Supérieure de Lyon in front of an audience of students. The editor selected the parts of the conversation which concentrated on Ian McEwan's 2001 novel Atonement and its 2007 film adaptation by Joe Wright. Ian McEwan kindly and meticulously revised the final written transcript of this interview.1
- Home Rule for Ireland (1874-1914): the Great Missed Opportunity? - Eugenio Federico Biagini p. 259-275
Varia
- The Lunchbox and Mumbai's Dabbawallahs: Creating Spaces of Desire - Joshil K. Abraham, Judith Misrahi-Barak p. 341-354 L'Inde est souvent présentée comme la plus grande démocratie au monde. Pourtant, c'est une société où les contrastes entre la réussite des classes supérieures et la situation des classes inférieures sont les plus criants. Cet article s'appuie sur The Lunchbox (2013) de Ritesh Batra : ce film de fiction offre un point de vue original sur la société indienne, bien différent de celui qui est souvent adopté. Il s'agit ici du monde socio-économique des employés de bureau effectuant en train leurs trajets journaliers entre Mumbai et ses banlieues éloignées, ainsi que du monde domestique des épouses et des mères au foyer. C'est surtout le réseau de relations dans lesquelles les individus sont pris qui est au centre du film. Sur le mode de la comédie et en utilisant des procédés narratifs spécifiques comme le genre épistolaire ou une structure temporelle non-linéaire, le film pose la question du verrouillage des vies individuelles dans une société de consommation de plus en plus dévorante. Comment s'émanciper des conditions matérielles, des liens familiaux et des coutumes sociales ? Comment créer de nouveaux espaces de liberté ?India is often hailed as being the biggest democracy in the world. Yet, it is a society where the contrasts between the achievements of the upper classes and the situation of the lower classes are among the sharpest. This article will use Ritesh Batra's The Lunchbox (2013): this fiction film offers an original vantage point into Indian contemporary society, not necessarily the one that is most often exhibited. It is the socio-economic world of small employees commuting by train between Mumbai and its remote outer districts, it is also the domestic world of wives and mothers. Most importantly, the network of relations in which the individuals are enmeshed, constitutes the core of the film. Through comedy and specific narrative devices such as letter-writing, or a non-linear time line, the film explores ways to prevent the foreclosure of one's lives in an increasingly consuming, devouring society. Ultimately, how can one emancipate oneself from material conditions, family bonds and social customs, and create new spaces for oneself?
- The Lunchbox and Mumbai's Dabbawallahs: Creating Spaces of Desire - Joshil K. Abraham, Judith Misrahi-Barak p. 341-354
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 355-377