Contenu du sommaire : Vingt ans après : transformations et défis de Hong Kong sous le régime chinois
Revue | Perspectives chinoises |
---|---|
Numéro | no 2018/2 |
Titre du numéro | Vingt ans après : transformations et défis de Hong Kong sous le régime chinois |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Editorial - Jean-Pierre Cabestan, Éric Florence p. 3-8 L'ouverture de la ligne express Guangzhou-Shenzhen-Hongkong (XRL) et de son terminal à Kowloon ouest a eu lieu fin septembre 2018. L'histoire mouvementée de cette ligne illustre au mieux la complexité de la situation de Hong Kong, 21 ans après la rétrocession de l'ancienne colonie britannique à la République populaire de Chine (RPC) en 1997. De nombreux membres du mouvement pro-démocratie et des hommes politiques de l'opposition ont contesté le système de co-implantation des services douaniers et d'immigration chinois à la station Kowloon ouest, qui implique la cession à la RPC d'une partie du territoire de la Région administrative spéciale (RAS) de Hong Kong ainsi que la présence permanente, au coeur de Hong Kong, de fonctionnaires continentaux autorisés à appliquer les lois du continent. Si des procédures légales lancées par des membres de l'opposition sont toujours en cours, il semble pourtant que pour les autorités de Hong Kong et Pékin, l'affaire soit réglée. Ce projet de ligne XRL a posé de nombreux problèmes : un coût important, des vices dans sa construction, des retards dans son achèvement et sa livraison ainsi qu'une absence probable de rentabilité malgré le prix élevé des billets. Néanmoins, ce projet ambitieux, planifié et attendu depuis longtemps a suscité nombre d'interrogations à propos de l'intégration économique de Hong Kong au continent, de son autonomie politique et légale et de son identité, plus de vingt ans après la rétrocession. En somme, ce projet de ligne a poussé un nombre croissant de Hongkongais à se demander dans quelle mesure la RAS est destinée à devenir une métropole chinoise parmi d'autres, telles Canton ou Shanghai. Hong Kong pourra-t-elle conserver à l'avenir son haut degré d'autonomie mais également ses spécificités ? Les cinq articles qui ont été sélectionnés pour ce dossier spécial ont été présentés lors d'une conférence co-organisée en septembre 2017 par le Centre d'études français sur la Chine contemporaine (CEFC) et le Département de science politique et d'études internationales de l'Université baptiste de Hong Kong. Ces contributions soulignent certaines transformations politiques et sociales majeures qui ont eu lieu à Hong Kong depuis la rétrocession. Aucun de ces travaux, pourtant, ne laisse entrevoir un futur où Hong Kong serait pleinement intégrée à la société et au système politique de la République populaire de Chine. Ces textes qui s'inscrivent dans différents champs disciplinaires – la sociologie, la science politique, l'économie politique, les sciences sociales – ont tous été rédigés par des chercheurs hongkongais qui, en plus de produire des travaux d'une grande qualité académique, manifestent également une volonté forte d'implication dans l'avenir de leur ville.
- Évolution de l'économie politique des médias hongkongais - Francis L. F. Lee p. 9-19 Pour la plupart des observateurs, la liberté de la presse à Hong Kong n'a cessé de reculer ces 15 dernières années. Cet article étudie la question de la liberté de la presse du point de vue de l'économie politique des médias. Il est communément admis que le gouvernement chinois a indirectement exercé son influence sur les médias hongkongais en cooptant les patrons de presse, pour la plupart des entrepreneurs ayant d'importants intérêts commerciaux sur le continent. Or le système politico-économique a connu simultanément des tensions internes et a donc ouvert un espace de résistance pour les professionnels des médias, aidant ainsi le système médiatique dans son ensemble à conserver un certain degré d'autonomie par rapport au centre du pouvoir. Au cours des années 2010 le paysage médiatique a cependant subi plusieurs transformations de taille, notamment la détérioration de l'environnement de l'industrie médiatique et l'essor des technologies des médias numériques. Ces mutations ont eu un impact sur la façon dont les patrons de presse calculent leur rapport coût-avantage, contribuant ainsi à l'arrivée de capitaux chinois dans le monde des médias hongkongais. Le secteur des médias numériques est lui aussi confronté au problème de l'ingérence de l'État chinois.
- Le « localisme » à Hong Kong depuis la rétrocession : une approche évènementielle - Samson Yuen, Sanho Chung p. 21-32 Le mouvement pan-démocrate hongkongais après la rétrocession a pendant longtemps pris la forme d'une lutte intense entre le régime hybride hongkongais et la société civile pro-démocratie. Depuis le début des années 2010, une nouvelle force politique, généralement désignée sous le terme de « localiste », a fait son apparition dans le champ politique à travers une série de mouvements de protestation et d'élections. Toutefois, alors que ce mouvement émergent venait de se faire une place dans la vie politique, le régime s'est empressé de se retourner contre lui pour l'écarter du système politique. Comment expliquer les fluctuations du mouvement localiste hongkongais ? Cet article pose l'hypothèse que le localisme ne résulte pas de manière inéluctable du processus socio-politique macro-structurel mais plutôt d'une combinaison d'idées et de logiques d'action reliées de manière séquentielle les unes aux autres au fil des évènements et des constructions discursives. Nous avançons l'idée que le localisme est d'abord né de l'interaction entre les contestations anti « continentalisation » (mainlandisation) et les discours diffusés à la fois sur Internet et dans les sphères intellectuelles, et qu'il est officiellement apparu sur la scène politique après le Mouvement des parapluies. Malgré leur ascension fulgurante, les actions militantes localistes ont fourni l'occasion au régime hybride de marginaliser cette force émergente à travers une répression judiciaire et extrajudiciaire, ce qui a en retour produit une « structure de contestation divisée » (divided structure of contestation) au sein de l'opposition.
- Boom immobilier et essor du localisme à Hong Kong : témoignage de l'élection du Conseil législatif en 2016 - Stan Hok-Wui Wong, Kin Man Wan p. 33-43 Les partis localistes deviennent une force émergente dans le paysage politique hongkongais. Quelles sont les causes de l'essor du localisme au sein du territoire ? Les études existantes s'attachent à en analyser les facteurs culturels et sociaux. Dans cet article, nous proposons une explication politico-économique : des facteurs économiques régionaux et internationaux sont responsables du boom immobilier à Hong Kong depuis le milieu des années 2000 avec d'importantes conséquences sur le plan de la redistribution des richesses. Alors que les propriétaires de logement bénéficient largement de l'envolée des prix de l'immobilier, les non-propriétaires ont eux beaucoup perdu. Leurs intérêts économiques divergents se traduisent alors en orientations politiques distinctes ; les propriétaires soutiennent les partis qui défendent le statu quo, tandis que les non-propriétaires s'orientent vers ceux qui le remettent en question. Grâce aux données récemment disponibles d'un sondage d'opinion, nous apportons les premiers résultats pour soutenir notre thèse. Plus précisément, les propriétaires de logement sont moins susceptibles de s'identifier aux partis localistes et tendent à voter pour les partis pro-gouvernement. Cependant, les personnes à haut revenu tendent plutôt à voter pour les partis localistes.
- Désarticulation entre les valeurs civiques et le nationalisme : cartographie du nationalisme d'État chinois après la rétrocession de Hong Kong - Chan Chi Kit, Anthony Fung Ying Him p. 45-55 Se fondant sur le dialogue ethno-civique du nationalisme, cet article montre comment le nationalisme d'État chinois se dissocie des valeurs civiques de Hong Kong depuis la rétrocession. Globalement, les enquêtes menées entre 2010 et 2016 mettent au jour un affaiblissement du sentiment de fierté à l'égard du nationalisme d'État chinois à Hong Kong et la désarticulation entre ce nationalisme et les valeurs des droits et vertus civiques auxquelles la ville est très attachée. Comme nous le verrons dans cette étude, l'adhésion de Hong Kong au nationalisme chinois à travers des symboles ethniques chinois décroît tout au long de la période considérée. Il sera également mis en évidence que ni les valeurs civiques ni la fierté culturelle de Hong Kong ne sont propices à la construction d'un nationalisme d'État chinois, pas plus qu'elles ne stimulent significativement la résistance culturelle au projet de la Chine de renforcer son identité nationale à Hong Kong. Par ailleurs, cet article met en lumière de manière empirique les limites de la restauration de l'autorité de l'État chinois qui mise essentiellement sur l'appel aux sentiments ethniques et peu sur la dimension civique. Il examine également dans quelle mesure le dialogue ethno-civique sur le renforcement de l'identité nationale de la Chine pourrait contribuer au nationalisme d'État chinois et à sa résistance dans le Hong Kong de l'après-rétrocession.
- Les demandeurs d'asile, symboles de la non-sinité de Hong Kong : le cas d'une enquête dans Chungking Mansions - Gordon Mathews p. 57-64 Cet article traite de la situation des demandeurs d'asile à Hong Kong et de son évolution ces dernières années. Hong Kong traite relativement bien les demandeurs d'asile, même si leurs chances d'obtenir le statut de réfugié sont quasiment nulles. Bien que les demandeurs d'asile n'aient pas le droit de travailler, il leur est presque impossible de vivre uniquement de la minuscule aide gouvernementale qu'ils reçoivent. Face à la négligence du gouvernement, les demandeurs d'asile ont été érigés en héros par certains jeunes Hongkongais après le Mouvement des parapluies. Alors que les demandeurs d'asile étaient jusqu'ici généralement ignorés ou méprisés par les Hongkongais, certains jeunes ont fait d'eux des symboles de la non-sinité de Hong Kong.
- Editorial - Jean-Pierre Cabestan, Éric Florence p. 3-8
Articles
- Jeunes militantes féministes de la Chine d'aujourd'hui : une nouvelle génération ? - Qi Wang p. 65-74 Cet article étudie selon une perspective générationnelle le militantisme féministe chinois à partir des années 2000. Il mobilise trois dimensions de la notion de génération – comme cohorte d'âge, comme cohorte historique et la « génération politique » – pour éclairer la question des changements générationnels dans le féminisme chinois postsocialiste. L'étude montre comment les femmes de la jeune génération ont pris la tête de la contestation féministe en Chine, et comment les conditions historiques dans lesquelles elles ont vécu ont façonné leur approche du féminisme. Parallèlement, l'article étudie l'émergence d'une « génération politique » lorsque des féministes de différents horizons se retrouvent autour d'une prise de conscience politique commune et collaborent en dépit de leur différence d'âge.
- L'évolution des relations sino-russes vue de Moscou : les limites du rapprochement stratégique - Olga Alexeeva, Frédéric Lasserre p. 75-84 Depuis quelques années, on observe un rapprochement économique et politique significatif entre la Chine et la Russie, marqué par l'annonce de nombreux grands accords commerciaux et d'investissements dans les infrastructures de transport et pour l'exploitation des ressources naturelles russes. Cette coopération semble plus marquée depuis la crise ukrainienne de 2014, alors que plusieurs médias européens et américains y voient un signe que la Chine et la Russie sont en train de former une forme d'alliance stratégique, qui pourrait nuire aux intérêts occidentaux. Cet article analyse les différentes formes du rapprochement sino-russe tout en soulignant les limites économiques et politiques de cette coopération.
- Jeunes militantes féministes de la Chine d'aujourd'hui : une nouvelle génération ? - Qi Wang p. 65-74
Actualités
- Contextualiser la loi sur l'hymne national en Chine continentale et à Hong Kong - Ting-Fai Yu p. 85-89
Comptes-rendus de lecture
- Lucien Bianco, Stalin and Mao: A Comparison of the Russian and Chinese Revolutions, - Igor Iwo Chabrowski p. 91-92
- Roberta Zavoretti, Rural Origins, City Lives: Class and Place in Contemporary China, - Éric Florence p. 92-93
- Nicolai Volland, Socialist Cosmopolitanism: The Chinese Literary Universe, 1945-1965, - Krista Van Fleit p. 93-95
- Deborah Brautigam, Will Africa Feed China? - Étienne Monin p. 95-96