Contenu du sommaire : Du conditionnel
Revue | Langue française |
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Numéro | no 200, décembre 2018 |
Titre du numéro | Du conditionnel |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le conditionnel en français : un état de l'art - Jacques Bres p. 5-17
- Le conditionnel temporel subjectif et la possibilité prospective - Laurent Gosselin p. 19-33 Cet article traite de l'emploi dit « temporel subjectif » du conditionnel (p. ex. : Il savait que je viendrais). Il expose d'abord les difficultés auxquelles se trouve confrontée l'analyse de cet emploi au moyen du concept de « possibilité prospective » (analyse proposée par Gosselin 1999 et dans le cadre de la sémantique du temps ramifié par Martin 1981, Vuillaume 2001 et Bres 2009). Il propose ensuite, dans ce cadre, une analyse nouvelle de la possibilité prospective, qui répond aux difficultés signalées et fournit de nouvelles prédictions sur la sémantique des énoncés au conditionnel subjectif.This paper deals with the so-called “subjective temporal” use of the conditional tense (Il savait que je viendrais / He knew that I would come). First we will expose the difficulties to which is confronted the analysis of this use by means of the concept of “prospective possibility” (see Gosselin 1999, and in the framework of branching time semantics, Martin 1981, Vuillaume 2001 and Bres 2009). We then propose, in this framework, a new analysis of prospective possibility, which responds to the indicated difficulties and provides new predictions on the semantics of statements using “subjective temporal” conditional tense.
- Conditionnel, dialogisme et verbes factifs - Jacques Bres, Sascha Diwersy, Giancarlo Luxardo p. 35-47 L'article analyse l'usage temporel du conditionnel (présent) dans les constructions factives négatives {ne pas savoir / ne pas se douter / ignorer que} + conditionnel, p. ex. Ma fille ne se doutait pas que je passerais par là, qui semble invalider l'hypothèse selon laquelle l'ultériorité se calcule à partir d'une énonciation rapportée. L'étude sur corpus fait apparaître que le conditionnel, que l'on trouve dans les constructions factives positives dès l'ancien français, n'apparaît dans les tours factifs négatifs qu'au XVIIe siècle. Nous faisons l'hypothèse que, sur le chemin de la grammaticalisation de l'emploi subjectif initial en emploi objectif (xixe siècle), cette construction correspond à une étape de switch context, dans laquelle la valeur source subjective s'efface au profit de la valeur cible objective.This article analyzes the temporal use of the (present) conditional in the negative factive constructions {ne pas savoir / ne pas se douter / ignorer que} + conditional (e.g. Ma fille ne se doutait pas que je passerais par là ‘My daughter did not suspect I would go through there'), that seems to invalidate the hypothesis according to which ulteriority is calculated from a reported enunciation. The corpus study highlights that the conditional, found in positive factive structures from Old French onwards, only appears in negative factive structures in the 17th century. We hypothesize that, on the grammaticalization path of the initial subjective use into an objective use (19th century), that construction constitutes a switch context, in which the subjective source value disappears in favour of the objective target value.
- Vers une approche constructionnelle des structures au conditionnel - Patrick Caudal p. 49-61 Le présent article s'efforcera d'esquisser un programme de recherche novateur sur le conditionnel et d'avancer quelques arguments empiriques assez détaillés pour étayer l'hypothèse proposée. On peut la qualifier de « constructionnelle » (au sens très large du terme, et pas simplement de Goldberg 1995). L'idée principale qu'il défend est que la diversité des « emplois » du conditionnel ne saurait s'analyser ni seulement à l'aide d'un invariant sémantique (monosémie), ni uniquement par des interprétations en relation de polysémie productive vs d'homonymie, et qu'elle implique parfois des appariements formes/sens conventionnalisés au niveau de constructions syntaxiquement complexes.This paper will put forth an innovative research program on the French conditionnel, backing it with some relatively detailed empirical arguments. The research hypothesis here advanced can be described as constructionalist in the broadest sense (and not simply in the sense of Goldberg 1995). The main idea defended here is that the diversity of the so-called ‘uses' (emplois) of the conditional cannot be accounted for by means of a single semantic invariant (monosemy), nor purely through productive polysemous or homonymous relations between various readings. Rather, it sometimes implies conventionnalized forms/meanings pairings at the level of syntactically complex constructions.
- Évidentialité ou non-prise en charge ? Le cas du conditionnel épistémique en français. Une réanalyse - Patrick Dendale p. 63-76 Dans cet article, nous montrons que l'emploi du conditionnel que nous appelons « conditionnel épistémique 1 » (CE1) peut être considéré, de plein droit, par son sémantisme propre, comme un marqueur évidentiel de reprise. Nous montrons que la valeur de non-prise en charge qui lui est souvent associée comme position neutre du locuteur, parfois même comme le trait le plus important de sa signification en langue, n'est qu'une valeur seconde, dérivée, qui découle indirectement de sa valeur de reprise à autrui et qui peut parfaitement être annulée par des éléments du contexte.In this article, we show that the use of the conditional that we call “conditionnel épistémique 1” (CE1) can be considered, in its own right, by its conventional meaning, as an reportive evidential marker. We also show that the meaning element of non-commitment (neutral position), which is often associated with this tense as neutral stance of the speaker, sometimes even as the most important feature of its proper meaning, “en langue”, is only a secondary meaning element, which derives indirectly from its reportive meaning and can be perfectly overruled by elements of the context.
- Vers les origines sémantiques du conditionnel épistémique. Étude d'un genre juridique en français classique (XVIe-XVIIIe siècles) - Jessica Van de Weerd p. 77-89 Cette étude porte sur l'emploi du conditionnel français que l'on a dans L'ennemi aurait pris la fuite, appelé CE1. S'il y a une abondance d'études sur ce sujet pour le français moderne, il y a une carence flagrante pour les stades antérieurs du français. Cet article analyse le sémantisme du CE1 en français classique (XVIe-XVIIIe siècles) dans le genre textuel des actes notariés. Elle présente la plus ancienne occurrence de ce conditionnel (1507) et avance l'hypothèse que le sémantisme original propre du CE1 comprend un élément évidentiel et/ou un élément de non-confirmation.This study deals with the use of the French conditional exemplified in L'ennemi aurait pris la fuite, called CE1. This usage has been extensively studied for Modern French, but only scarcely for earlier stages. This article analyses the semantics of the CE1 in Classical French (16th-18th centuries) in the specific genre of notarial acts. The article presents the earliest occurrence ever found (1507) and advances the hypothesis that the inherent original semantics of the CE1 includes an evidential element and/or an element of non-confirmation.
- Conditionnel et irréel du passé dans le système hypothétique : facteurs d'évolution à la période classique - Bernard Combettes p. 91-103 Le but de cette étude est d'examiner d'un point de vue diachronique la concurrence du conditionnel passé et du subjonctif plus-que-parfait dans le système hypothétique de l'irréel du passé, le conditionnel prenant peu à peu la place du subjonctif dans les systèmes mixtes. En prenant en compte la période du français préclassique et classique, on essayera de vérifier l'hypothèse que l'ordre respectif de la subordonnée et de la proposition principale est l'un des facteurs de l'évolution, la séquence protase + apodose favorisant l'emploi du conditionnel, qui apparaît comme faisant partie intégrante de la construction hypothétique prototypique, alors que la valeur d'irréel du subjonctif est moins dépendante du contexte syntaxique.The purpose of this study is to examine from a diachronic point of view the competition of past conditional and past perfect subjunctive in the hypothetical system expriming unreal past condition, the conditional taking gradually the place of the subjunctive in mixed systems. By taking into account preclassic and classic French period, we shall try to verify the hypothesis that the respective order of the subordinate and the main clause is one of factors of evolution, the order protase+apodose favoring the use of conditional, which appears as being an integral part of prototypical hypothetical construction, while unreal condition expressed by subjunctive is less dependent on syntactic context.
- Le conditionnel appliqué à devoir/dovere et son potentiel argumentatif - Corinne Rossari, Claudia Ricci, Ljiljana Dolamic p. 105-120 Prenant comme point de départ une différence sémantique entre devoir épistémique au conditionnel en français et dovere en italien (le premier semblant véhiculer une indication de nécessité plus marquée que le second), nous nous proposons de la mettre à l'épreuve au moyen d'une analyse quantitative sur corpus prenant en considération les environnements textuels du verbe modal devoir/dovere ainsi que son indice de représentativité dans des corpus manifestant des variations de genres et d'époque dans les deux langues.We aim to test the semantic difference between French epistemic devoir and Italian epistemic dovere in the conditional mood (the former seeming to convey a stronger indication of necessity than the latter). By means of quantitative analysis, we take into account the textual environments of the modal verb devoir/dovere as well as its degree of representativeness in corpora which indicate genre and diachronic variation in the two languages considered.
- L'énigme de devoir au conditionnel passé - Louis de Saussure p. 121-133 Dans cet article, nous nous interrogeons sur les raisons pour lesquelles le verbe devoir au conditionnel passé suscite une lecture contrefactuelle, alors que ni devoir ni le conditionnel, passé ou non, n'y conduisent à eux seuls. Notre tentative de solution sera pragmatique et s'attache à la concurrence que se livrent ces deux expressions au niveau de l'évidentialité, devoir sélectionnant alors une interprétation prospective, correspondant à d'autres de ses emplois de valeur future.This paper addresses the compositionality of the French modal verb devoir (‘must') in past conditional sentences, focusing on the intriguing fact that such sentences tend to trigger counterfactual interpretations. This is puzzling in particular because neither the verb nor the tense would achieve this interpretation alone. We suggest that this is due to a conflict between evidential, modal and temporal features, from which a meaning of wrong past expectations, hence counterfactuality, emerges pragmatically.
- De l'épistémique au déontique : un usage du conditionnel en contexte argumentatif - Steve Oswald, Alain Rihs p. 135-146 Cet article traite d'un usage particulier du conditionnel, illustré en contexte argumentatif et identifiable à l'expression d'une modalité déontique. Après avoir mis en évidence une valeur sémantique invariante du conditionnel, à savoir le caractère irrealis des états de choses auxquels il est appliqué, les auteurs analysent trois extraits de discours dans lesquels cette valeur semble éludée au profit d'un jugement d'« indésirabilité ». L'article ambitionne de montrer in fine que l'usage déontique peut être envisagé dans le cadre interprétatif même offert par le conditionnel d'irréalité, le locuteur décrivant des situations qu'il voudrait inexistantes.In this paper, we tackle a specific (and overlooked) deontic usage of the conditional mood, found in argumentative contexts. We first highlight the semantic core of the conditional mood, which consists in expressing the irrealis nature of the state of affairs denoted, and then discuss three examples in which a non-desirability judgement supersedes this feature, therefore making it irrelevant. We thus show how the interpretative potential of the conditional mood allows deontic readings to emerge as a resource with which the speaker can convey her opinion that certain actual states of affairs should no longer be the case.
- Marc Wilmet (1938-2018) - Laurence Rosier p. 147-150