Contenu du sommaire : Le temps long des réseaux sociaux numériques

Le développement de la technique d'impression musicale réalisé par Johann Gottlob Immanuel Breitkopf à Leipzig en 1754 participe à l'épanouissement de la branche musicale de sa maison d'édition et, un demi-siècle plus tard, à la publication du support de sociabilité musicale qu'est l'Allgemeine musikalische Zeitung (1798-1848). L'analyse d'exemples musicaux montre comment cette technique contribue indirectement à façonner le discours critique sur la musique et à renforcer l'autorité de l'expert critique.

Portée par un idéal de fraternité universelle, la franc-maçonnerie s'est très vite développée autour de la construction d'un réseau relationnel de nature planétaire, destiné à rassembler les initiés du monde entier. Dans la construction de cette chaîne d'union, le livre imprimé et les médias de masse ont joué un rôle déterminant mais ambivalent, tantôt facilitateur, tantôt destructeur. Aujourd'hui internet, à son tour, avec ses sites, ses blogs, ses forums et ses réseaux sociaux numériques, pourrait bien contribuer à la transformation progressive du réseau maçonnique…

Cet article retrace l'émergence et le déploiement des compétences nécessaires à l'édition des réseaux socionumériques au sein d'un journal, Le Monde. Il met en évidence leur déplacement de l'extérieur de l'entreprise de presse entre les mains des modérateurs, au cœur de la rédaction dans les pratiques des journalistes, puis leur redistribution au sein des différents services du journal. Cette genèse permet d'observer un processus de renouvellement du journalisme au prisme des réseaux socionumériques.

Cet article traite de la Presse Quotidienne Régionale, qui s'impose à partir de la fin du XIXe siècle, et reste dominante dans le secteur de l'information infra-nationale jusqu'à aujourd'hui. Il interroge en particulier les interactions entre les acteurs locaux et un titre de PQR dans la production de l'information. Quels acteurs sont associés, par l'intermédiaire de quels dispositifs socio-techniques, dans quelles configurations socio-économiques et avec quels résultats ? L'objectif est de mettre en perspective les réflexions contemporaines sur la mobilisation de non professionnels dans la fabrication et la transmission des informations avec les modalités de production de contenu qui sont à l'origine de la mise en place d'un titre de la PQR française.

Comparant de façon systématique trois dimensions de la communication à distance : la désincarnation (versus la présence physique), le délai (versus l'instantanéité), et la dissémination (versus le dialogue privé), l'article montre les continuités qui unissent les réseaux sociaux numériques aux technologies précédentes, principalement l'épistolaire. L'histoire n'est pas linéaire, ne suggère ni progrès de la communication, ni perte d'authenticité. Les attitudes par rapport à la présence médiatisée ont été, d'emblée, profondément ambivalentes.

Durant les années 1980 et 1990, le support principal de communication pour les amateurs de micro-informatique est constitué par la galaxie des publications professionnelles et amateurs qui traitent de programmation, proposent des conseils d'équipement et chroniquent une industrie en pleine expansion. Ce sont ces sociabilités de papier qu'entend examiner cet article au travers de l'analyse des co-participations multiples (rédaction de programmes, de jeux, courrier des lecteurs, etc.) qu'elles permettent avant l'ère des réseaux.

Les listes électroniques et forums internet sont l'archétype de la communication médiatisée par ordinateurs. L'article présente leur émergence dans les années 1970-1980, fruit de la convergence des formes techniques des réseaux numériques de données et des formes sociales des communautés d'utilisateurs qui les expérimentent. Pour comprendre comment ces médiums préparent le devenir média social d'Internet, tout en gardant des qualités spécifiques, il s'intéresse à la médiation des sociabilités numériques passant par le choix des protocoles. En ceci, les listes et forums témoignent des conditions de construction, structuration et d'autorité des territoires de la sociabilité des premiers temps de l'Internet.

CBBS, The Well, Fidonet, Geocities, DDS, Calvacom, le Minitel… autant d'espaces, de « communautés virtuelles », où, des années 1970 aux années 1990, les premiers adoptants des communications médiées par ordinateurs ont forgé des réseaux sociaux numériques, qui ne portent pas encore ce nom. Ils nous interrogent sur les ruptures et continuités entre ces expériences du passé et celles d'aujourd'hui et invitent à une réflexion sur les traces laissées par ces communautés, pour mieux penser celles à notre disposition demain.

Cet article étudie la façon dont les outils mis à disposition sur l'internet, et en particulier les réseaux sociaux numériques, ont permis aux personnes trans de créer des communautés virtuelles d'apprentissage ayant pour but d'opérer une remédiation des savoirs d'expériences concernant aussi bien les aspects techniques de la transition que les définitions des identités de genre. Ce processus est abordé d'un point de vue historique, en montrant une évolution concomitante des plateformes d'échanges en ligne et des revendications des mouvements militants trans qui deviennent de plus en plus hybrides et inclusives.

Cet article propose un état des lieux des pratiques de médiation historique sur les réseaux sociaux numériques. Alors que les formes de communication autour d'événements, de fonds d'archives ou de thématiques historiques se multiplient sur ces plateformes, nous développons une typologie distinguant les différents usages des sources, dans le cadre de projets menés par des institutions patrimoniales ou de recherche comme dans des situations qui voient l'irruption d'acteurs aux apports discutables.

Notre recherche autour de la Grande Guerre et de son centenaire sur Twitter repose sur une collecte massive de tweets. La base de données ainsi constituée peut être analysée sous l'angle des temporalités qu'elle recèle, de la haute-fréquence de la circulation de l'information caractéristique des réseaux sociaux numériques à la présence du temps long. L'examen de cet entrelacs de temporalités nous pousse à interroger l'effet des réseaux sociaux numériques sur la notion de régime d'historicité.

L'article évoque le goût sensible des journalistes français pour l'histoire, en montre les origines et les expressions contemporaines. Longtemps, les journalistes et les historiens-universitaires ont fait partie de la même sphère, jusqu'à ce que la professionnalisation des uns et des autres ne les sépare. Dans les années 1950-1960, cependant, on constate un retour massif de l'histoire chez les journalistes, phénomène qui se prolonge jusqu'à nos jours et permet de distinguer quatre catégories de « journalistes-historiens » : les témoins (qui favorisent l'essor de l'histoire immédiate) ; les érudits-vulgarisateurs ; les journalistes spécialisés dans l'information culturelle (souvent proches des universitaires) ; les producteurs et médiateurs d'histoire.

En l'espace de 50 ans, les journaux télévisés français produisent trois compréhensions des meurtres de nouveau-nés de moins de 24 heures : d'abord appréhendés comme des avortements tardifs, choquants mais compréhensibles, les néonaticides sont insérés à partir du milieu des années 1980 dans des processus de responsabilisation contrariés ; au cours des années 2000, ils se muent en actes exclusivement commis par des femmes, résultant d'une souffrance immense, jusqu'alors indicible. La période 2006-2016 permet ainsi de constater la naissance puis la disparition d'une figure criminelle, cristallisant de fortes interrogations sur la maternité : les « bonnes mères néonaticides ».