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Numéro | no 114, octobre-décembre 2018 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Perspectives asiatiques sur les Smart Cities - Carine Henriot, Nicolas Douay, Benoit Granier, Raphaël Languillon-Aussel, Nicolas Leprêtre p. 1-8
- Un « modèle national » de ville intelligente ? Le rôle de l'État dans la mise en œuvre de réseaux électriques intelligents au Japon - Nicolas Leprêtre p. 9-21 En retraçant le processus par lequel l'État japonais a élaboré puis mis en œuvre un « modèle national » de ville intelligente appelé smart community, cet article vise à comprendre les stratégies et les représentations qui ont amené à introduire des technologies dites intelligentes. Nous formulons l'hypothèse que l'établissement de smart communities traduit une approche consensuelle qui confère une flexibilité dans la conduite des projets. Ainsi, l'État japonais s'est positionné en faveur des réseaux électriques intelligents pour maintenir la compétitivité internationale de firmes stratégiques pour son économie. L'établissement d'un « modèle national » regroupant réseaux électriques intelligents et électromobilité sous une forme de gestion décentralisée des flux résulte dès lors d'une volonté de cibler les technologies clefs en vue d'un déploiement international. Pour autant, dans la pratique, le rôle assigné à une même technologie dépend des rapports de force locaux qui s'organisent selon les nouveaux enjeux liés au contexte suivant l'accident de Fukushima : la libéralisation du marché de l'électricité et une volonté d'autonomie dans la production. Le recours à un « modèle national » de smart community révèle ainsi moins une reconfiguration potentielle du macro-système technique que la volonté d'une adaptabilité pour mener des politiques énergétiques. Nous invitons en conclusion à réfléchir sur l'utilisation du » modèle » pour encourager l'innovation et la recherche d'exemplarité.By tracing how the Japanese State has elaborated and implemented a smart city 'national model' called smart community, this article aims at understanding strategies and representations that led to deployment of so-called smart technologies. I argue that the smart communities programme reveals a consensual approach that gives flexibility in the implementation of projects. The Japanese State positioned itself in favor of smart grids to maintain the international competitiveness of companies that are strategic for its economy. A 'national model' combining smart grids and electromobility through decentralized energy management is developed to target key technologies that will be deployed on the international market. In practice however, each technological role varies according to power relations in local demonstration projects and depends on new stakes that emerged from the Fukushima accident, namely the liberalization of the electricity market and a desire for autonomy in energy production. The establishment of a 'national model' of smart community thus highlights the will of adaptability in implementing energy policies, more than a potential reconfiguration of the large technical system. In conclusion, the article explores the use of a 'model' to bolster innovation and exemplarity of local initiatives.
- La « Smart City » comme nouvelle narration des politiques urbaines hongkongaises : le cas du projet urbain de « Kowloon East » - Nicolas Douay p. 22-37 Cet article vise à interroger l'émergence de la « Smart City » comme nouveau référentiel des politiques urbaines hongkongaises. À partir du cas du projet urbain de Kowloon East qui est présenté comme un laboratoire de ces innovations, il s'agit d'observer l'impact du numérique sur le contenu des aménagements mais aussi sur les acteurs et leurs rapports de pouvoir dans la fabrication de la ville. Finalement, les résultats montrent que l'usage de nouvelles technologies numériques n'est pas si important mais que le smart permet un renouvellement de la mise en récit des politiques urbaines, voire une certaine dépolitisation des enjeux urbains.This article questions the emergence of the “smart city” as a new reference for urban policies in Hong Kong. From the case of the Kowloon East urban project, which is presented as a laboratory of these innovations, I look at the impact of digital on the content of urban planning but also on the actors and their power relations in city making. The results show that the use of new digital technologies is not so important but that “smart” allows a renewal of storytelling around urban policies, and even a certain depoliticization of urban issues.
- Le programme « smart communities » au Japon. Nouveaux enjeux de pouvoir des ressources et des systèmes d'information urbains - Raphaël Languillon-Aussel p. 38-55 Le Japon a mis en place en 2010, pour cinq ans, un programme national expérimental de démonstrateurs « smart » appelés « smart communities ». L'irruption du « smart » dans la fabrique urbaine japonaise ne relève toutefois pas d'une révolution soudaine, mais est le produit d'une lente transformation des rapports de pouvoir au sein des coalitions de croissance et des jeux d'acteurs impliqués dans l'aménagement urbain. Cet article formule l'hypothèse que cette transformation radicale des rapports de pouvoirs politiques, économiques et sociaux dont les « smart communities » résultent découle de la maîtrise des systèmes d'information urbains par les acteurs du numérique, et ce, bien en amont de leur centralisation informatique. Empreint d'économie politique, l'article s'ouvre sur une description des spécificités japonaises des « smart cities/smart communities » en termes technologiques, urbanistiques et politiques, puis y interroge la transformation des jeux d'acteurs et des rapports de pouvoir avant de se clore sur une réflexion critique des nouveaux modèles de société urbaine que proposent les acteurs du « smart » au Japon.The Japanese central government developed in 2010 a five year experimental programme of “smart” demonstrators called “smart communities”. The irruption of “smart” in Japanese urban development is, however, not a sudden revolution, but has been produced by a slow transformation of relations of power within urban growth machines around the stakeholders involved in urban planning. This paper formulates the hypothesis that this radical shift of power in social, economic and political relations is the result of an upstream shift in the control of urban information systems by actors of the digital economy. Using a political economy approach, the paper begins with a description of the specificities of Japanese “smart communities” in terms of technology, urban planning, and politics. It then interrogates the transformation of actor power relations, before concluding with a critical analysis of the new models of urban society that actors of the “smart” economy are creating in Japan.
- Smart cities et gouvernementalisation de la consommation d'énergie domestique au Japon. Le rôle central de l'accident de Fukushima et des pratiques étasuniennes - Benoit Granier p. 56-70 Les projets et les expérimentations de smart cities se multiplient depuis la fin des années 2000. C'est en particulier le cas au Japon, où plusieurs dizaines, voire centaines, d'initiatives ont vu le jour depuis le début de la décennie. De nombreux discours mentionnent le rôle central des individus dans les smart cities, et la question de la participation citoyenne fait l'objet d'une littérature croissante. Cet article contribue aux réflexions sur la place des individus dans la smart city en se focalisant sur un processus différent, à savoir le changement de leurs comportements. Cet objectif, étroitement associé aux modalités spécifiques de participation que recouvre la notion de « coproduction », est en effet au cœur de nombreux projets de smart city. C'est le cas au Japon, où quatre Smart Communities ont été mises en place sous l'impulsion de l'État en 2010 et ont servi de terrain d'expérimentation de dispositifs de changement des comportements. Les smart cities japonaises constituent ainsi un support à la gouvernementalisation de la consommation d'énergie domestique. Nous montrerons néanmoins que cet objectif ne s'est imposé que suite à l'accident de Fukushima de mars 2011 et à l'accélération consécutive de la libéralisation des marchés de l'énergie. En effet, les finalités initiales des Smart Communities portaient davantage sur des enjeux économiques et techniques. Outre la catastrophe, les pratiques étasuniennes en matière de dispositifs de changement des comportements et d'expérimentation de ces derniers sont au cœur du processus de gouvernementalisation de la consommation d'énergie des ménages. D'une part, des économistes mandatés par l'État japonais se sont formés et ont appliqué les méthodes du Département de l'énergie étasunien en la matière. D'autre part, les parties prenantes des Smart Communities se sont également tournées de l'autre côté du Pacifique pour faire face aux conséquences de l'accident de Fukushima, et ont ainsi intégré la promotion des économies d'énergie à leurs stratégies.Smart city projects and experiments have dramatically increased in recent years. This is particularly the case in Japan where dozens or even hundreds of initiatives have been introduced this decade. Many discourses highlight the key role of individuals in smart cities, and there is a growing literature dealing with citizen participation. This article contributes to the discussion concerning the place of individuals in so-called smart cities while focusing on a different issue, namely behaviour change. This issue, while closely associated with the specific pattern of participation that is “coproduction”, is indeed a central objective of many smart city projects. This is especially the case in Japan where four Smart Communities were introduced by the government in 2010 and have served as a means for experimenting with measures for behaviour change. Thus, Japanese smart cities constitute a tool for governing household energy consumption. I argue, however, that this was not part of the objectives before the Fukushima disaster of March 2011 and the subsequent liberalisation of energy markets. Indeed, Smart Communities initially focused on economic and technical issues rather than reducing energy consumption. As well as Fukushima, behaviour change methods implemented in the US also play a key role in the governing of household energy consumption. On the one hand, economic advisors of the Japanese government learnt and applied the methods of the US Department of Energy in this area. On the other hand, the stakeholders of Smart Communities also imported behaviour change techniques from the US in order to deal with new issues raised by the Fukushima disaster and its consequences.
- La politique de la ville intelligente en Chine : ancrage local d'un modèle urbain globalisé - Carine Henriot p. 71-85 La ville intelligente ou smart city, en Chine comme ailleurs, se présente comme une utopie urbaine tournée vers la technologie. Cette contribution sur la politique de la ville intelligente en Chine se positionne à l'interface entre les approches spatiale et stratégique de la smart city, et la circulation de ce modèle urbain, à travers l'ancrage local des politiques publiques. Nous montrerons que les politiques nationales chinoises de la ville intelligente témoignent d'une volonté fragmentée de planifier le développement urbain à l'échelle nationale, pour orchestrer une modernisation rapide des équipements, des infrastructures, et de la gestion des services urbains. Nous montrerons également qu'introduits en Chine continentale par l'entreprise américaine d'informatique IBM, les démonstrateurs smart sont expérimentés, à la faveur d'une montée en puissance des entreprises chinoises de l'information, de la communication et des réseaux sociaux comme Tencent ou de la principale entreprise de commerce en ligne, Alibaba. Encouragées par l'obsession d'un rattrapage technologique endogène et des politiques nationales tous azimuts, les municipalités chinoises multiplient les initiatives smart, dans un contexte de recours généralisé au numérique, en particulier pour la vie quotidienne des populations chinoises.In China as elsewhere, the smart city is an urban utopia turned toward technology. This article on smart city policy in China is positioned at the interface between the spatial and strategic approaches of the smart city, and the circulation of this urban model, through the local anchoring of public policies. I demonstrate that the Chinese national policies of the smart city reflect a fragmented will to plan urban development at the national level, in order to orchestrate a rapid modernization of equipment, infrastructure and management of urban services. I also show that the smart demonstrators, introduced in mainland China by the American company, IBM, are experienced, with the rise of Chinese ICT companies and social networks like Tencent, or the leader in global online wholesale trade, Alibaba. Encouraged by the obsession with endogenous technological catch-up and all-out national policies, Chinese municipalities are multiplying smart initiatives, in a context of widespread use of digital technology by Chinese populations in their daily lives.
- Les villes intelligentes indiennes : défis communs et diversification des trajectoires - Sama Khan, Persis Taraporevala, Marie-Hélène Zérah p. 86-99 Dans la foulée de l'enthousiasme mondial pour les villes dites intelligentes, le gouvernement indien a lancé en 2015 un programme pour transformer une centaine de ses villes en Smart Cities. Étant donné la nouveauté de cette politique, cet article suit une approche conjecturale et s'interroge sur les défis et les paradoxes apparents liés à la mise en œuvre de cette politique. La méthodologie se fonde sur un suivi de longue durée des politiques publiques indiennes et sur l'examen des premières étapes de la Smart City Mission (SCM). L'article défend l'idée que d'une part, ce programme ambitieux offre de nouvelles opportunités à de nombreux acteurs privés au détriment d'une attention à la capacité organisationnelle des villes et qu'il incarne d'autre part, une forme renouvelée de défiance profonde face à la démocratie locale urbaine.In the wake of the global enthusiasm for so-called smart cities, the Indian government launched a programme in 2015 to transform one hundred of its cities into Smart Cities. Given the novelty of this policy, this article adopts a speculative approach and questions the apparent challenges and paradoxes related to its implementation. The methodology is based on a long-term tracking of Indian public policies and a review of the first steps of the Smart City Mission (SCM). The article argues that, on the one hand, this ambitious programme offers new opportunities to many private actors to the detriment of the organizational capacity of cities and, on the other hand, it embodies a renewed form of deep distrust of urban local democracy.
- Finnish Water Services: Experiences in Global Perspective, Tapio S. Katko, Helsinki : Finnish Water Utilities Association, 2016 - Bernard Barraqué p. 100-102