Contenu du sommaire : Hors plan : L'économie informelle en URSS
Revue | Cahiers du monde russe |
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Numéro | volume 59, no 2-3, juillet-septembre 2018 |
Titre du numéro | Hors plan : L'économie informelle en URSS |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Juliette Cadiot p. 225-231
- « Tolkachi », Parallel´nye stimuly v stalinskoi ekonomicheskoi sisteme 1930‑e – 1950‑e gody - Oleg V. Khlevniuk p. 233-254 Cet article s'appuie sur de nouvelles sources d'archives pour étudier l'activité des tolkači, agents intermédiaires plus ou moins officiels. Ces agents simplifiaient le problème de l'approvisionnement, ils veillaient à ce que les ressources soient allouées aux entreprises selon le plan et assuraient aussi l'acquisition non planifiée de matières premières et d'équipement. L'ensemble de l'économie soviétique était touché par ce phénomène. L'activité des tolkači contrevenait aux règles de la planification centralisée, mais elle était l'un des moyens les plus importants de surmonter les contradictions d'un système de répartition planifié en proie aux pénuries, c'était en quelque sorte l'introduction de mécanismes de marché dans une économie qui n'était pas de marché. L'article examine la campagne lancée contre les tolkači dans les années 1930-1950, ainsi que les formes et les pratiques de leur activité. L'étude et la catégorisation de ces pratiques, leurs raisons et leurs fonctions constituent l'objet de cet article qui évalue l'ampleur du phénomène et ses conséquences pour l'économie soviétique.Based on new archival documentation, this article investigates the activity of so-called “pushers” ( tolkachi ). Their role was to facilitate supply issues and ensure that resources were allocated to companies according to the plan; but they also ensured unplanned acquisition of raw materials and equipment. This phenomenon was widespread in the Soviet economy. The activity of tolkachi was one of the most important ways to overcome the contradictions of a shortage-ridden planned allocation system, something of an introduction of market mechanisms in a non-market economy. It violated the rules of centralized planning. The article discusses the campaign against tolkachi in the 1930s-1950s, the forms and practices of tolkachi 's activities. It also aims to analyze and categorize these practices, their reasons, and functions. Finally, it measures the extent of this phenomenon and its consequences for the Soviet economy.
- L'affaire Hain : Kyiv, hiver 1952 - Juliette Cadiot p. 255-288 À Kiev, entre le 20 et le 26 novembre 1952, au club du ministère de la Sécurité d'État (MGB), 15/17 rue Rosa Luxembourg, les inculpés Hanan Aronovič Hain, Jakov Evseevič Jarošeckij, David Izrailevič Gerzon, Moisej Salomonovič Gruško, Lev Šlemovič Teplickij, âgés de plus de cinquante ans à l'exception d'un seul, furent jugés coupables par le tribunal militaire de la région de Kyiv d'avoir voulu saboter le commerce soviétique en ayant causé un préjudice à l'État de sept millions de roubles. De 1946 à son renvoi en 1951, Hain dirigea un commerce de gros de textile, une base (Glavlegsbyt) qui pourvoyait la région de Kyiv en tissu pour un chiffre d'affaires de plus de deux milliards de roubles et qui employait 160 salariés. Ce fut à l'issue d'une enquête sur divers détournements, vols et reventes de marchandises, corruption, ayant impliqué des dizaines d'inculpés et une centaine de témoins que les protagonistes principaux de cette affaire furent appréhendés, détenus et condamnés ; trois d'entre eux furent exécutés. À travers l'étude des archives judiciaires de ce procès, se dessinent les traits d'un certain milieu, celui des cadres du commerce soviétique qui faisaient preuve de débrouillardise dans le contexte extrêmement contraint de la désorganisation, du déficit et de l'anxiété de l'après-guerre. Le procès de Hain éclaire la dynamique entre redistribution et marché propre à l'économie soviétique et l'intersection entre le monde des politiques et celui des criminels économiques, à l'échelle régionale et locale.In Kiev, between November 20 and 26, 1952, at the club of the Ministry of State Security (MGB), 15/17 Rosa Luxemburg Street, Khanan Aronovich Khain, Iakov Evseevich Iaroshetsckii, David Izrailevich Gerzon, Moisei Salomonovich Grushko, Lev Shlemovich Teplitskii, aged above fifty years with the exception of one person, were convicted by the military court of Kiev region of sabotaging Soviet trade by causing financial loss to the state of seven million rubles. From 1946 until his dismissal in 1951, Khain had managed a wholesale textile base (Glavlegsbyt) providing Kiev region with fabrics. The base had 160 employees and a revenue of more than two billion rubles. Following an investigation on various embezzlement cases, thefts and resales of merchandise and corruption involving dozens of accused people and a hundred of witnesses, the main protagonists of this affair were apprehended, detained and sentenced; three of them were executed. The study of court documents reveals the specific milieu of Soviet trade cadres who had to make do within extremely limited resources – disorganization, deficit, and postwar anxiety. Khain's trial sheds light on the interrelationship, specific to the Soviet Union, between redistribution and market, and on how the worlds of politicians and economic criminals intersected at the local, regional level.
- Self-Made Boats and Social Self-Management : The late-Soviet ethics of mutual aid - Xenia Cherkaev p. 289-310 L'article débute par les récits rocambolesques de Léningradois qui, à partir de matériaux industriels obtenus de manière illicite, réalisèrent eux-mêmes leurs propres équipements pour pratiquer des activités de loisir de plein air. L'auteur ne considère pas ces récits comme une preuve de la circulation illicite de matériaux, mais davantage comme l'expression de valeurs éthiques : celles-ci auraient la générosité pour base commune et ne sauraient être considérées au prisme de cadres analytiques basés sur l'intérêt privé et la volonté d'acquérir. L'auteur soutient qu'elles doivent plutôt être comprises comme l'expression d'un régime soviétique idiosyncratique de la propriété axé sur le bien de l'individu et qui n'était pas opposé à la propriété socialiste mais en était co-constitutif. Par le biais de l'analyse de documents politiques, d'arguments juridiques et d'articles de presse des années 1960, l'auteur montre que les réformes prévues par le troisième programme du Parti en 1961 ont étendu la logique juridique de la propriété personnelle à la sphère éthique personnelle. Plus précisément, le programme exigeait que le peuple place ses obligations éthiques — œuvrer pour le bien collectif — au-dessus de ses obligations formelles de suivre la loi à la lettre. En encadrant les transactions nécessaires mais non planifiées dans les termes légaux de l'« assistance mutuelle », cette posture morale aida l'économie à paraître fonctionnelle en dépit de ses problèmes endémiques de distribution.This article begins with the heroic stories former-Leningrad residents tell about making their own outdoor tourist gear out of illicitly obtained industrial materials. Reading these stories not as evidence of illicit circulation, but as expressions of ethical values, the author shows that they are united by common assumptions of generosity and argues that these assumptions cannot be understood through analytic frameworks concerned with private, acquisitive interest. Instead, she argues that they must be understood as the expression of an idiosyncratic Soviet property regime based on personal welfare that was not opposed to, but co-constitutive of, socialist property. Analyzing political statements, juridical arguments and media texts from the 1960s, the author shows that the 1961 Third Party Program reforms extended the juridical logic of personal property to personal ethical realms. Specifically, the Program demanded that people place their ethical obligations – to strive for overall greater good – above their formal obligations to follow the letter of the law. By framing necessary but unplanned transactions in the “a-legal” terms of “mutual aid,” this ethical stance helped the economy appear functional despite its endemic circulation problems.
- Rupture du monopole dans la fabrication du cinéma (1958-1970) : Studios institutionnels et pratiques économiques alternatives - Irina Tcherneva p. 311-340 La récente historiographie du cinéma soviétique met en lumière les marges de manœuvre dont les cinéastes disposaient au sein d'une industrie unifiée et hiérarchisée. Ceci permet d'étudier, pour la première fois, la rupture du monopole du trust cinématographique d'État établi dans les années 1930. Dès la fin des années 1950, les studios non professionnels créés auprès des établissements, des instituts de recherche et des usines produisent des films. Ce mouvement d'ampleur s'observe partout en URSS. Ces studios se situent en dehors du périmètre de l'industrie filmique et recourent à des pratiques économiques non encadrées par les instances centrales, ce qui incite celles-ci à procéder à des contrôles tout au long des années 1960. Les studios, au départ qualifiés d'amateurs, pratiquent des prix compétitifs et semblent particulièrement habiles dans la relation de l'offre et de la demande sur le terrain du cinéma commandé par les entreprises et les ministères soviétiques. Ils se retrouvent au cœur de réseaux de coopération qui réunissent autorités locales, cinéastes professionnels, fabriques d'équipement et de pellicule et deviennent de véritables concurrents de la filière classique. Le présent article montre comment les administrations d'État — Comité du cinéma, Conseil des ministres, Comité de contrôle du Parti et de l'État, Comité d'État pour la coordination des travaux de recherche — y décèlent des activités économiques rentables auxquelles elles aspirèrent à fixer des limites. Cette étude s'appuie sur l'analyse des fonds du Comité du cinéma et du Conseil des ministres de Lettonie, et de la documentation du fonds du Comité de contrôle du Parti et de l'État, qui contient des entretiens semi-directifs avec des cinéastes et des données, encore jamais explorées, sur la perception qu'avaient les instances centrales de ces pratiques non avalisées.Recent historiography on Soviet film has shed light on the leeway available to filmmakers within a unified and hierarchical industry. This allows for a first-time study of the break-up of the state trust's monopoly established over film in the 1930s. In the late 1950s, non-professional studios set up in institutions, research institutes and factories started to make films. The movement spread countrywide in the Soviet Union. Operating outside the perimeters of film industry, these studios used economic practices out of central authorities' control, inciting the latter to carry out controls throughout the 1960s. Dubbed at first amateur filmmakers, the studios offered competitive prices and seemed particularly savvy in handling supply and demand when dealing with orders by Soviet enterprises and ministries. They were at the center of cooperation networks bringing together local authorities, professional filmmakers, movie equipment and film manufacturers, and started competing with mainstream cinema. The present article shows how state administrations – the State Film Committee, the Council of Ministers, the Party and State Control Committee, the State Committee for the Coordination of Scientific Research – sought to check what they perceived to be profit-making economic activities. This study is based on analysis of archive collections of the Film Committee and Council of Ministers of Latvia, of documentation from the collection of the Party and State Control Committee, which contains semi-structured interviews with filmmakers and heretofore unexplored data on how central authorities perceived those non-sponsored practices.
Arsenij Roginskij (1946-2017)
- Arsenij Roginskij (1946‑2017) - Alain Blum, Catherine Gousseff p. 343-346
- Arsenij Roginskij : la vérité et le droit : Souvenirs autobiographiques - Arsenij Roginskij p. 347-368
- La chose la plus monstrueuse était l'absence de couleurs - Arsenij Roginskij p. 369-390
- Senja Roginskij : L'histoire d'un homme entier - Maria Ferretti p. 391-402
- Maria Ferretti (1958 - 2018) - Alexis Berelowitch p. 400-402
- Livres reçus - p. 409-410