Contenu du sommaire : Des Antilles aux Indes orientales, la Révolution française et la question coloniale
Revue | Annales historiques de la Révolution française |
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Numéro | no 395, janvier-mars 2019 |
Titre du numéro | Des Antilles aux Indes orientales, la Révolution française et la question coloniale |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Hommage
- Michel Vovelle (1933 - 2018) - p. 3-27
Introduction
- Des Antilles aux Indes orientales, la Révolution française et la question coloniale - Bernard Gainot, Éric Saunier p. 29-35
Articles
- Être prêtre sous le consulat et l'empire en Martinique - Cécilia Elimort-Trani p. 37-56 L'année 1789 est un tournant dans l'histoire des colonies françaises. La religion catholique, dominante depuis la colonisation de la Martinique, avait permis au clergé de s'imposer. Or, les idées révolutionnaires offrent de nouvelles perspectives aux populations de « couleur » dominées. Le clergé semble à bout de souffle et mis en péril par les revendications des colons. Pourtant, la Martinique touchée par la violence révolutionnaire écarte en 1794 ces menaces en se retrouvant sous la domination britannique, ce qui lui permet de préserver ses infrastructures économiques, politiques et sociales. Le clergé est maintenu dans ses pratiques d'Ancien Régime, tout en intégrant les nouveaux enjeux de l'ordre colonial. Intégré à la société créole, il doit cependant se reconstituer ainsi que son dogme. En ce sens, le retour de l'administration française en 1802 par la Paix d'Amiens ouvre de nouvelles perspectives. Toutefois, la mise en application du Concordat en 1801 ainsi que les différentes attentes du gouvernement consulaire en matière de serment des prêtres remettent en cause tout l'ordre religieux établi. De plus, le clergé colonial est également perçu par l'administration et l'élite blanche comme défaillant depuis la Révolution. Certains appellent à un renouveau « missionnaire » ; d'autres veulent radicalement changer les mœurs en matière de religion. Quel est donc l'avenir de ces prêtres en charge des paroisses martiniquaises ?To be a Priest under the Consulate and Empire in Martinique
The year 1789 marked a turning point in the history of the French colonies. The Catholic religion, dominant in Martinique since the beginning of colonization, enabled the clergy to establish a stronghold in the country. Yet, the ideas of the Revolution afforded the local populations new perspectives. The Clergy, itself, felt assailed by this new political situation, and imperiled by the demands of the colonists. However, Martinique in 1794, while affected by Revolutionary violence, avoided these threats through the protection of British rule, retaining its economic, political, and social infrastructures. The clergy maintained its Old Regime practices, while integrating a new set of challenges into the colonial context. Though incorporated into Creole society, the clergy was compelled to reorganize itself, as well as its dogma. In this sense, the return of French administration in 1802 with the Treaty of Amiens afforded new opportunities for the clergy. However, the implementation of the Concordat in 1801, and the different expectations of the Consular government for clerical oath again challenged the established religious order. In addition, the colonial clergy was also perceived by this administration, and the white elite as ineffective since the Revolution. Some called for a renewed « missionary » ; others sought to radically change religious customs. Given these circumstances, what was the future for the priests responsible for the parishes in Martinique ? - La geôle de Saint-Denis : utopie carcérale et lobby esclavagiste à la Réunion sous le Premier Empire - Bruno Maillard p. 57-79 À La Réunion, les esclaves reconnus coupables d'infractions par les tribunaux de droit commun, extraordinaire ou domestique sont couramment sanctionnés depuis le milieu du XVIIIe siècle par des peines d'emprisonnement. Afin de respecter les dispositions de la législation pénale relative à l'encadrement des détenus dans les établissements carcéraux, le gouvernement local s'engage dans une réorganisation des prisons de la colonie sous le Premier Empire. Toutefois, les forces d'inertie coloniale neutralisent la dynamique réformatrice en cours afin de préserver les valeurs de la société esclavagiste.The prison of Saint-Denis : Utopia and Slave Lobby in La Reunion under the First Empire
On Réunion Island, ever since the middle of the eighteenth century, slaves found guilty of breaking the law by ordinary, extraordinary, or domestic courts were sentenced to imprisonment. To comply with the terms of the criminal legislation for the incarceration of prisoners, the local government undertook a reorganization of the prisons in the colony under the First Empire. But different sources of inertia at work in the colonies did much to compromise this reforming program in order to preserve many of the values of slave society. - Pièces d'Inde : commerce oriental et domaine atlantique français au XVIIIe siècle - Raphaël Malangin p. 81-101 Le commerce oriental et le domaine atlantique de la France, principal moteur de prospérité au XVIIIe siècle, sont-ils liés ? C'est pour répondre à cette ancienne question pourtant longtemps écartée que nous présentons les résultats des recherches actuelles. Les traces abondent, commerce oriental et traite négrière française se sont longtemps épaulés au point que la prohibition de 1686 puisse être vue comme le moyen de fournir à la traite les produits exigés par sa clientèle africaine. C'est aussi le commerce oriental qui assure la supériorité de Nantes sur les ports négriers français. Malgré l'entrée des textiles européens dans les assortiments, non seulement la demande en guinée, en indiennes et en cauris de l'Inde ne ralentit pas, mais elle entraîne le commerce oriental, ce qui permet de résoudre une autre inconnue : alors que le négoce de la France est brimé en Inde par les Britanniques après 1765, comment se fait-il que sa croissance reste soutenue jusqu'en 1793 ?« Pieces of India » : Oriental trade and French Atlantic world in the XVIIIth century
Is France's Eastern trade linked to its Atlantic domain as the main source of its prosperity during the eighteenth century ? This article addresses this vital question in the light of more recent research. Evidence suggests that the Oriental trade and the French slave traders have long supported each other to the point that the 1686 prohibition could be viewed as a means of supplying the Indian products demanded by the African clientele. It was also the Eastern trade that ensured the superiority of Nantes among the French slave ports. Despite the presence of European textiles, not only did the demand for Indian guinées, indiennes, and cowry not decrease, but it actually encouraged the Oriental trade, and facilitated the resolution of another long-standing problem : how is it that while French trade was harassed in India by the British after 1765 its growth was sustained until 1793 ? - Les gens de couleur de l'océan Indien en France à la veille de la révolution - Érick Noël p. 103-117 L'immigration en provenance de l'océan Indien est caractérisée au XVIIIe siècle en France par une grande variété de ressortissants, venant tant de l'Inde proprement dite que des Mascareignes, voire de l'Insulinde et de la côte orientale de l'Afrique et de son prolongement malgache. Ces contrastes ont à l'heure où la traite se développe en direction de l'Afrique australe, au terme de la guerre de Sept Ans quand meurt la Compagnie des Indes, interrogé les autorités métropolitaines sur le traitement à accorder en particulier aux Indiens. Libres en principe, les nouveaux venus sont de plus en plus assimilés aux « nègres esclaves » des Îles, au point d'être inclus, lors de la création de la Police des Noirs en 1777, à ceux que l'on renvoie indistinctement vers Saint-Domingue. En ce sens, les Indes orientales reflètent la tendance des gouvernants à considérer, à la fin de l'Ancien Régime, tous les naturels des colonies comme des hommes de couleur, potentiellement esclaves.People of Color from Indian Ocean to France on the eve of the Revolution
Immigration from Indian Ocean in the eighteenth was characterized by a large variety of peoples, coming from Indian subcontinent and Mascarene islands, or from African coasts, including Madagascar. The growth ot the slave trade after the Seven Years' War in Southern Africa, and the crisis of the East India Company, changes the position of the French government, especially about Indians. Theoretically free, the newcomers were assimilated to Negroes, and finally expelled in 1777 to the West Indies, even if they were not born there. Such an evolution reflected the tendancy of the French Monarchy to consider naturals of the colonies as coloured people, potentially slaves. - Guerres révolutionnaires, conspirations et naissance de l'Indépendantisme sud-américain. Menaces sur la souveraineté hispanique en Nouvelle-Grenade, au Venezuela et dans l'île de Trinidad (1791-1806) - Frédéric Spillemaeker p. 119-141 Dans les années 1790, les régions côtières et insulaires de la Nouvelle-Grenade et du Venezuela étaient gagnées par de nouvelles politisations révolutionnaires, notamment parmi les esclaves et les libres de couleur. La Révolution française et la Révolution caribéenne, en particulier à Saint-Domingue, créaient un contexte favorable à de nouvelles revendications. À partir de 1796, les autorités hispaniques durent également faire face à la marine de guerre anglaise, qui s'empara de l'île de la Trinité en février 1797. C'est dans ce contexte que surgit le premier indépendantisme sud-américain : ce mouvement naissant fut-il à même de profiter des deux facteurs de déstabilisation de l'empire hispanique pour prendre son essor ?Between the Caribbean Revolution and English expansionism : threats to the Hispanic sovereignty and the new politicizations in New Grenada, in Venezuela, and on the island of Trinidad (1791-1806)In the 1790's, the coastal regions and islands of New Grenada, and Venezuela were overwhelmed by a new Revolutionary politization, notably among slaves and « libres de couleur ». The French Revolution and the Caribbean Revolution, above all in Santo Domingo, created a context receptive to the new demands. From 1796 onwards, the Hispanic authorities also had to deal with the British Navy, which seized the Island of Trinidad by Spain in February, 1797. This is the historical backdrop to the first South American independence movement. Could this new movement take advantage of these forces of destabilization within the Hispanic empire to foster its development ?
- Le massacre de fructidor an IV à Saint-Domingue : violence et politique de la race sous le directoire - Manuel Covo p. 143-169 L'article mène l'enquête sur un massacre survenu dans la ville des Cayes, la capitale du sud de Saint-Domingue, en fructidor an IV (août 1796). L'identité des victimes, les motivations des meurtriers de même que le déroulement des faits font l'objet de rapports opposés, fortement politisés et difficiles à décrypter. L'analyse de ce meurtre de masse et des écrits qui proliférèrent à son sujet montre les mutations du discours racial tenu dans un empire colonial où l'esclavage avait été officiellement aboli plus de deux ans auparavant. Léger-Félicité Sonthonax, l'homme qui proclama la « liberté générale » en août 1793, en vint à accuser André Rigaud, général dirigeant la partie sud de la colonie, de vouloir ériger une suprématie « mulâtre » au détriment des Blancs et des Noirs. Cette accusation fut récupérée en métropole par la droite esclavagiste pour plaider en faveur d'une francité exclusivement blanche. L'article met ainsi en lumière le rôle des dynamiques locales et de la violence dans la perpétuation, les transformations et les contradictions d'une politique de la race plurielle et instable, à l'heure de la République directoriale.The massacre of «Fructidor an IV » in Santo Domingo : Violence and the Policy of Race under the DirectoryThis article investigates a massacre in the city of Les Cayes, the capital of southern Saint Domingue, in Fructidor year IV (August 1796). The victims' identities, the murderers' motives, and the unfolding of the event were the subject of opposing, highly politicized reports. Analyzing the mass murder and the proliferation of writings on the topic sheds light on the changes in and circulation of the racial discourse in an empire that officially abolished slavery two years earlier. Léger-Félicité Sonthonax, the man who proclaimed « general liberty » in August 1793, came to blame André Rigaud, the general in charge of the southern part of the colony, for erecting a « mulatto » supremacy and oppressing whites and blacks. In the métropole, the right-wing proslavery party coopted the accusation to push for a definition of « Frenchness » as exclusively white. The article demonstrates the role of local dynamics and violence in the perpetuation, transformations and contradictions of a plural and unstable politics of race at the time of the Directorial Republic.
- Tenir les noirs à l'œil. Hypothèse pour une « iconoirlogie » - Pierre Serna p. 171-191 Cet article propose une hypothèse de recherches à partir de travaux récents de l'auteur sur la race et du chantier ouvert de l'iconologie et des cultures visuelles à la fin du XVIIIe siècle, que l'on propose de réunir sous le nom « d'iconoirlogie ». Une fois que les esclaves sont devenus des égaux par la loi du 16 Pluviôse an II, ils ne peuvent plus être considérés comme Africains, car ils sont devenus français et égaux en droits à leurs compatriotes. Pour une partie de la population et de ses savants, cela n'est pas envisageable. De fait, avec le tournant de 1802 et le rétablissement de l'esclavage, une nouvelle stigmatisation de l'Autre va apparaître avec un ensemble de débats autour de la noirceur de la peau. Le XIXe siècle « invente » un nouveau Noir, et une nouvelle Noire pour mieux les rabaisser racialement.Keeping an Eye on the Blacks. Hypothesis for a « iconoirlogie »This study offers a new angle of research inspired by recent works of the author on the subject of race, and influenced by the rich field of studies in iconology and visual cultures at the end of the eigheenth century, approaches that could be united under the rubric of « iconoirlogie ». Once slaves became equal with the law of 16 pluviose an II, they could no longer be considered simply as Africans, alone, for they were now Frenchmen, equal in the same rights as other Frenchmen. For the majority of the Metropolitan population and its intellectuals, however, this situation proved inconceivable. Indeed, after 1802 and the reestablishment of slavery, a new stigmatisation of the « Other » emerged, stirring debates concerning the darkness of the skin. The nineteenth century thus invented a « new » black man, a new black to more easily subjugate, racially.
- Être prêtre sous le consulat et l'empire en Martinique - Cécilia Elimort-Trani p. 37-56
Sources
Position d'hdr
Échos Révolutionnaires
- Un peuple et son roi, entretien avec Pierre Schœller - Dominique Godineau, Pierre Schœller p. 227-240
- Comptes rendus - p. 241-274