Contenu du sommaire : Puissances du gothique
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 20, 2005 |
Titre du numéro | Puissances du gothique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Présentation
- Que veut une forme ? Le néogothique sans rivage - Maïté Bouyssy p. 5-22
Approches
- Le néogothique dans les familles, fantaisie psychanalytique - Jean-Pierre Sag p. 24-29 L'étude psychanalytique de la réception esthétique individuelle, attentive au fantasme, à la fantaisie subjective, à la confidence autobiographique, à la réminiscence culturelle, peut-elle s'élargir à la réception collective ? Les processus affectifs susceptibles de rendre compte d'un goût personnel pour un style (en l'occurrence le néogothique) peuvent-ils être transposés à l'échelle sociale ? À quel équivalent historique d'un conflit inconscient, d'un trauma ou d'un événement passé non élaboré psychiquement pourrait correspondre la résurgence d'une forme dans l'histoire ? D'une manière générale, les systèmes symboliques de déplacement psychique pourraient-ils se retrouver à l'échelle des sociétés et par rapport à quel sujet inconscient de l'histoire ?Can the psycho-analytic study of the individual aesthetic reception – attentive to phantasm, to subjective fantasy, to autobiographic confession, to cultural recollection – be expanded to collective reception ? Can the affective processes underlying personal tastes for certain styles (here, the neogothic style) be transposed to the social scale ? To what historical equivalent of an unconscious conflict, of a trauma or of a past event psychically unelaborated could the resurgence of a form in history correspond ? More generally speaking, could the symbolic systems of psychic movement be found at the scale of societies and in relation to what unconscious subject of history ?
- La plasticité en souffrance - Catherine Malabou p. 31-39 À partir de l'étude du concept de plasticité, découvert dans la pensée de Hegel et qui signifie à la fois la réception et la prise de forme, on tente de caractériser ici le gothique comme la « forme » du siècle. Par forme, il faut entendre ici « ce qui donne forme au siècle », comme une sorte de moule symbolique et conceptuel, mais aussi comme « ce que le siècle forme » : l'esprit du temps si l'on veut, son outil herméneutique privilégié, son schème moteur. On se demande également, à partir de là, ce que signifie une telle forme lorsqu'elle demande à être reconnue, appréhendée comme motif historique directeur d'un temps et d'une culture donnés.From the study of the concept of plasticity, discovered in Hegel's works and which means both the reception and the taking of form, the author tries here to characterize the gothic as the « form » of the century. By form, one must understand « what gives form to the century », as a sort of symbolic and conceptual mould, as well as « what the century forms » : in other words the spirit of the time, its favourite hermeneutic tool, the mainspring of its design. One also wonders what such a form signifies when it wants to be recognized, understood as a historical pattern, driving force of a certain time and culture.
- Y a-t-il une spiritualité néogothique ? Réflexions sur un « passage à l'acte » - Philippe Boutry p. 41-58 Y a-t-il une spiritualité néogothique ? Comment associer ces deux mots : « spiritualité » d'une part, « néogothique », d'autre part ? La présente contribution ne cherche pas à construire un système général de relations, mais, avec prudence et circonspection, des passerelles fragiles, des liens plus ou moins ténus, des relations ambiguës, parfois équivoques ou contradictoires, entre l'univers de la spiritualité religieuse et le « Moyen Âge retrouvé » du xixe siècle français. Elle considère tour à tour les « puissances du néo-gothique » dans le champ de la spiritualité catholique en France, d'abord comme une esthétique, ensuite comme un « passage à l'acte », enfin comme une pratique architecturale.Is there a neogothic spirituality ? How can one associate these two words : « spirituality » and « neogothic » The present contribution doesn't aim at building a general system of relations, but, with caution and circumspection, fragile bridges, more or less tenuous links, ambiguous relationships – sometimes equivocal or contradictory – between the religious world of spirituality and the « new found Middle Ages » of the French 19 th century. The article studies in turn the « neogothic potencies » in the field of the Catholic spirituality in France, first as an aesthetic form, then as a « taking action », and finally as an architectural practice.
- Les visions d'architectures néogothiques de Karl Friedrich Schinkel : édification d'une communauté « néo-allemande patriotico-religieuse » ? - Julie Ramos p. 59-83 Alors que les circonstances politiques le placent dans l'impossibilité matérielle de construire, le futur architecte néo-classique Karl Friedrich Schinkel réalise dans les années 1806-1813 des peintures et des transparents qui contribuent à l'invention d'une architecture nationale capable de réunir les arts et le peuple en une communauté. Nombre de ces images présentent des cathédrales réelles, hybrides ou imaginaires, de nouveaux procédés techniques concourant à leur efficacité (dimensions, éclairage, transparence, musique et figurines animées.) Elles attachent la question du néo-gothique à celle d'un nouveau régime d'historicité reliant christianisme et modernité, comme au rôle du sentiment dans la perception artistique. Elles débouchent sur les projets architecturaux néo-gothiques de Schinkel et son investissement dans les débats entourant la reconstruction de la cathédrale de Cologne.While the political circumstances made it materially impossible for him to build, the future neo-classical architect Karl Friedrich Schinkel achieved, between 1806-1813, paintings and transparent films which contributed to the invention of a national architecture aiming at reuniting art and people in one community. A number of these images present real, hybrid or imaginary cathedrals, new techniques improving their efficiency (dimensions, lighting, transparency, music and animated figurines). They connect the question of the neo-gothic to a new regime of historicity linking Christianism and modernity, as well as to the role of sentiment in artistic perception. They open up on Schinkel's neo-gothic architectural projects and his investment in the debates concerning the cathedral of Cologne.
- Peinture troubadour et Moyen Âge gothique - François Pupil p. 85-102 La construction des premiers bâtiments néogothiques est précédée de plus d'un siècle d'une gothic mood qui touche les arts du décor, pour le spectacle comme pour la maison et les jardins, mais surtout les arts graphiques et la peinture. Des emprunts plus ou moins fantaisistes à l'architecture gothique permirent d'évoquer le passé non classique dès le début du XVIIIe siècle. Ils devinrent plus systématiques à la veille de la Révolution, quand le goût pour l'histoire se répandit, et dominèrent le style troubadour à l'époque de l'Empire. Le romantisme et l'historicisme devaient multiplier les «citations» d'art médiéval, mais sans les connotations poétiques et sentimentales de ce néogothique pictural.The construction of the first neogothic buildings was preceded by more than a century of «gothic mood» in the arts of decoration, for theatre sets as well as for the home, but mainly for graphic arts and painting. Borrowing, in a more or less eccentric way, from gothic architecture, allowed to evoke the non classical past as soon as the beginning of the 18 th century. These borrowings became more systematic at the dawn of the Revolution, when a fad for history developed, and they dominated the troubadour style during the Empire period. Romanticism and historicism will then multiply the «quotations» of medieval art, but without the poetic and sentimental connotations of this pictorial neogothic.
- Le néogothique vu du château - Éric Mension-Rigau p. 103-109 Pourquoi l'aristocratie française a-t-elle manifesté tant d'intérêt pour les styles « néo », et en particulier le néogothique, au XIXe siècle ? Son attitude, certes, s'inscrit dans un phénomène européen : l'attrait romantique pour le Moyen Âge, qui a largement contribué, en France, en Angleterre, dans le monde germanique, à sauver de la ruine définitive d'importants édifices médiévaux, civils ou religieux. Mais trois raisons – observées au cours d'une étude menée sur une œuvre charitable, l'Œuvre des campagnes, née en 1857, qui constitue la dernière tentative de la noblesse française pour rechristianiser les campagnes par l'action conjuguée des prêtres et des châtelains – paraissent plus spécifiques à la France : le rejet du XVIIIe siècle, condamné radicalement, dans la lignée de Maistre et de Bonald ; la nostalgie d'une France peuplée de foules chrétiennes et bâtissant des cathédrales ; la volonté de réaffirmer la fonction symbolique du château et de renouer avec la chaîne des temps, en exaltant en particulier le souvenir de la chevalerie et des croisades.Why did the French aristocracy become so interested in « neo » styles, particularly in the neogothic, during the 19 th century ? This was part, of course, of a European phenomenon : the romantic attraction to the Middle Ages, which has, in France, England and the German world, largely contributed to save important civilian or religious medieval buildings from total ruin. However, three reasons – observed during a research about a charity association, L'Œuvre des campagnes, founded in 1857, which was the last attempt by the French nobles to re-christianize the country through a joint action lead by priests and lords – seem more specific to France : the rejection of the 18 th century, radically abhorred in line with Maistre and Bonald ; the nostalgia of a country of Christian crowds building cathedrals ; the intention to re-affirm the symbolic function of the castle and to perpetuate the chain of time, by exalting in particular the memory of knights and crusades.
- Voyage au monde souterrain espagnol - Lydia Vázquez p. 111-117 Le roman Cornelia Bororquia o la víctima de la Inquisición (1798 ?) acquiert une dimension d'autant plus pathétique, voire grotesque, que son auteur lui-même sera une victime de ce terrible et encore tout-puissant Santo Oficio espagnol. Décors et intrigue typiquement gothico-hispaniques que ceux de ce roman exceptionnel qui illustre parfaitement un grotesque dont les racines ont poussé dans les souterrains et les caveaux espagnols.The novel Cornelia Bororquia o la victima de la Inquisición (1798 ?) has a pathetic, even ludicrous dimension, since its author was himself a victim of that terrible and still almighty Spanish Santo Oficio. The settings and the plot are typically Spanish gothic in this exceptional novel that perfectly illustrates a ridicule whose roots grew in the underground vaults of Spain.
- Le néogothique dans les familles, fantaisie psychanalytique - Jean-Pierre Sag p. 24-29
Études
- Le rêve pour tous : néogothique entre art et industrie - Jean-Michel Leniaud p. 120-132 Le XIXe siècle a inventé le rêve néo-médiéval, fait d'art total et de société unanimiste. Il l'expérimente d'abord en architecture, avec les restaurations monumentales et les campagnes de travaux pour construire des églises nouvelles. L'idée que la production artistique doit permettre de répondre aux besoins de chacun – que le rêve singulier devienne celui de tous – apparaît en premier dans le domaine des arts décoratifs : Viollet-le-Duc développe, à ce sujet, la théorie du rationalisme et le projet d'une fabrication industrialisée ; les manufactures d'art chrétien se multiplient dans l'ancien et dans le nouveau Mondes ; les fabriques et les communautés religieuses achètent sur catalogues. Ainsi commence un projet d'alphabétisation pour l'Église universelle, d'évangélisation massive par l'objet, suffisamment efficace pour laisser aujourd'hui encore plus que des traces.The 19th century invented the neo-medieval dream, made of total art and of a unanimist society. It first experiments with architecture, with monumental renovation works and campaigns promoting the building of new churches. The idea that artistic production must allow to meet with everyone needs – that the singular dream may become the dream of all – first appears in the field of decorative arts : Viollet-le-Duc develops, concerning that matter, the theory of rationalism and the project of industrialised production ; manufactures of Christian art multiply in the old and new worlds ; factories and religious communities order from catalogues. Thus starts a project of alphabetization for a universal church, of mass evangelization through the object, efficient enough to leave more than traces even nowadays.
- Châteaux et grandes demeures néogothiques en Anjou - Guy Massin-Le Goff p. 133-136 Résumé« Le néogothique civil en Anjou » retrace l'évolution de l'architecture et des arts décoratifs appartenant au courant néogothique, depuis leur apparition en Anjou à la fin du XVIIIe siècle, jusqu'au début du XXe siècle, époque de leur déclin.À la différence de certaines régions où il s'est fait rare, le néogothique a trouvé dans cette région française un terrain d'expression remarquable, peut-être l'un des plus riches de France. Même s'il est parfois utilisé à mauvais escient, le nom de l'architecte René Hodé suffit à dessiner les contours d'un sujet, et celui du château de Challain expose à lui seul la complexité des réalisations qui en relèvent.La richesse et la diversité de ce mouvement à la créativité permanente se révèlent à travers une soixantaine d'édifices étudiés. Les trois grands courants propres cette architecture y sont exposés, du néogothique hodéen au néogothique archéologique, en y incluant celui dit « de la fantaisie ». Les données sociologiques et artistiques qui ont présidé à ces créations expliquent leur naissance puis leur développement dans le cercle restreint de la bonne société provinciale qui ne montre aucun retard sur les amples réalisations des pays voisins, l'Allemagne ou la Grande-Bretagne. Une part importante est accordée aux arts décoratifs et au mobilier ornant ces grandes demeures.« The civilian neogothic in Anjou » studies the evolution of architecture and decorative arts belonging to the neogothic movement, since their emergence in Anjou, at the end of the 18 th century, until their decline, in the early 20 th century.Unlike certain regions where it is scarce, the neogothic style has found a remarkable ground for expression in that part of France, probably the richest in the country. The name of the architect René Hodé – even if sometimes unadvisedly mentioned – is enough to outline a subject, and the castle of Challain is a perfect example of the complexity of it.The affluence and the diversity of this movement, with its permanent creativity, are revealed by the study of about sixty constructions. The three main streams of this architectural style are therein exposed, from the hodean neogothic to the archaeological neogothic, including the « fantasy » one. The sociological and artistic data which presided over these creations explain their emergence and their development in the narrow circle of the provincial high society and can compare with major achievements of neighbour countries, Germany or England. An important part of the study focuses on the arts and furniture decorating these large mansions.
- Un atelier de sculpture ornemaniste à Bordeaux - Isabelle Beccia p. 137-151 Dans la seconde moitié du XIXe siècle le mobilier liturgique est une préoccupation constante, dans une période de restauration du patrimoine religieux à l'abandon et de constructions de nouvelles églises. Bernard Jabouin (1810-1889) marbrier sculpteur crée une fabrique de mobilier religieux à Bordeaux dont l'activité dépasse largement le cadre local. Passionné d'archéologie, cet artiste cherche à retrouver l'esprit et les formes du Moyen Âge et produit de très nombreuses œuvres dans le style néo-gothique. Ces dernières, expressions sincères de la foi chrétienne connaissent un réel succès dans un contexte de renouveau religieux.During the second half of the 19 th century, religious furniture was a constant preoccupation, in a period of renovation of neglected religious patrimony and construction of new churches. Bernard Jabouin (1810-1889), marble mason and sculptor, founded a factory of religious furniture in Bordeaux, the activity of which largely outgrew the local market. An enthusiast of archaeology, this artist tried to find the spirit and the forms of the Middle-Ages and produced a large number of works in the neo-gothic style. These works, sincere expressions of the Christian faith, met with a real success in a context of religious revival.
- Le tissu néogothique en Anjou - Anna Leicher p. 153-160 Les tissus néogothiques apparus vers 1835, connaîtront une durée d'utilisation assez courte dans l'usage civil et au contraire très longue pour les usages liturgiques qui ne s'éteindront que dans le quatrième quart du XXe siècle. Les siècles de références s'étendent du XIIe au XVIe siècles mais au XIXe siècle il faut surtout opposer les exploitations industrielles aux recherches archéologiques de Bock, Von Falke et Didron. L'angevin Louis de Farcy (1846-1921) participe à ce mouvement ; ses publications permettent de savoir le degré de connaissance des textiles au XIXe siècle et lui-même commandera des tissus néogothiques pour la cathédrale d'Angers.Neogothic fabrics appeared around 1835, and if their popularity was rather short-lived in civilian terms, it lasted quite a long time in liturgical usage, only fading in the last quarter of the 20 th century. The centuries of reference cover the 12 th throughout the 16 th century, but during the 19 th century, one can mainly oppose their industrial exploitations to Bock, Von Falke and Didron's archaeological research. Louis de Farcy (1846-1921), a native from Anjou, participated in this movement ; his published works inform us about the degree of knowledge on material in the 19th century ; he also ordered neogothic material for the cathedral of Angers.
- L'orfèvrerie néogothique en Anjou - Guy Massin-Le Goff p. 161-165
- Le bijou néogothique parisien - Jacqueline Viruega p. 167-174 La bijouterie néogothique française apparaît vers 1820 sous l'influence romantique et connaît sa plus grande vogue sous la Monarchie de Juillet, puis un bref renouveau sous le Second Empire. Le bijou néogothique appartient à un courant stylistique majeur du XIXe siècle, l'historicisme. Mis au goût du jour par les élites, il séduit ensuite la bourgeoisie, puis une clientèle plus large, grâce à une production en petite série. Son déclin, dans la décennie 1850, correspond à celui de la mode romantique. Le style néogothique est également desservi par une contradiction économique : éphémère comme toute mode, il a duré assez longtemps pour être largement plagié, donc affadi. Il est, de ce point de vue, représentatif de l'éclectisme, caractéristique de la bijouterie du xixe siècle.The French neogothic jewellery appears around 1820 under the romantic influence and meets its greatest success under the Monarchy of July, followed by a brief revival during the Second Empire. The neogothic jewel belongs to a major stylistic trend in the 19 th century, historicism. Made fashionable by the elite, it then seduces the bourgeoisie, followed by a larger clientele, thanks to small mass production. Its decline, in the 1850's, goes along with the romantic fashion. The neogothic style was also disadvantaged by an economical contradiction : although ephemeral like all fashions, it lasted long enough to be largely plagiarized, therefore made insipid. From this point of view, it is characteristic of the eclecticism of the jewellery of the19th century.
- Le rêve pour tous : néogothique entre art et industrie - Jean-Michel Leniaud p. 120-132
Pérennités
- Perennité du gothique - Gérard Monnier p. 175-184 Les références à l'architecture gothique sont multiples tout au long du xixe siècle ; sous différentes formes et avec des contenus variés : représentation et mimétisme, dans l'architecture religieuse ; rationalisme de l'art de bâtir dans l'architecture civile et industrielle ; gothique polémique, porteur d'une vérité, avec le naturalisme de l'art décoratif gothique – une des sources du répertoire ornemental de l'Art nouveau. Au xxe siècle, la référence au gothique est actualisée par la mise au point d'une architecture en béton armé, reçue avec emphase par l'Église catholique, qui y trouve la réponse attendue à l'horizon d'attente d'un art sacré contemporain.References to the gothic architecture are numerous throughout the 19 th century ; under different forms and with varied contents : representation and mimicry, in religious architecture ; rationalism of the art of construction in civilian and industrial architecture ; controversial gothic, carrier of a truth, with the naturalism of the gothic decorative art – one of the sources of the ornamental repertoire of Art Nouveau. During the 20 th century, the reference to the gothic style is updated by the engineering of an architecture using reinforced concrete, received with emphasis by the Catholic church, who finds here an answer to their expectations of a contemporary form of sacred art.
- Goths et gothique aujourd'hui. Histoire d'une culture de jeunes à la mode - Annie Burger-Roussennac p. 185-197 Résumé25 ans après leur apparition sur la scène musicale anglaise et américaine, les gothiques et leur culture buissonnante où cohabitent toutes sortes de références religieuses et culturelles, longtemps confinés dans les marges et la marginalité de l'univers des jeunes, s'imposent dans la durée comme un style majeur et international dont les terres de mission et de prédilection sont les anciens pays communistes d'Europe de l'Est.Goths et gothiques fascinent et inspirent de nombreux créateurs contemporains du cinéma, de la mode et du design (Tim Burton, Philippe Starck, Jean-Paul Gaultier...). Comme le jeune Belge Olivier Theyskens, ils utilisent cette esthétique subversive et très plastique pour convaincre et séduire leurs pairs, et s'imposer sur le marché. Chantre à sa débuts du noir et de looks de gouvernantes victoriennes, soutenu par la directrice du Vogue américain, Anna Wintour, désormais à la tête de la maison Rochas, Theyskens habille aujourd'hui toute la haute société new-yorkaise.25 years after their emergence on the English and American musical scene, the Gothics and their bushy culture, where all sorts of religious and cultural references cohabit, long confined on the fringes of theyoungsters' world, impose themselves through time as a major and international style, inspired by ex-communist countries of eastern Europe.The Goths and the Gothics fascinate and inspire many modern creators in cinema, fashion and design (Tim Burton, Philippe Starck, Jean-Paul Gaultier...). Like the young Belgian Olivier Theyskens, they use that subversive and quite plastic aesthetic in order to convince and seduce their peers, and conquer the market. Champion at his beginnings of black and Victorian governesses' looks, supported by Anna Wintour – manager of the American Vogue – Theyskens, now at the head of the fashion firm Rochas, designs clothes for the high society of New-York today.
- De l'écrit à l'écran : Dracula, avatars et mutations d'une figure gothique - Gilles Menegaldo p. 199-215 Cet article examine le réemploi au cinéma de quelques topoï de la littérature gothique en prenant pour exemple quelques adaptations de Dracula de Bram Stoker, depuis le Nosferatu fondateur de Murnau, jusqu'à la réécriture postmoderne de Coppola. Dans tous ces films, le cadre naturel spectaculaire et sublime joue un rôle essentiel en tant que source de contemplation esthétique et comme locus de l'angoisse. Les réalisateurs mettent aussi en relief le château draculéen et exploitent à leur manière les structures narratives propres au gothique. Le cinéma contribue à mythifier, mais aussi à transformer sensiblement les modes de représentation et la signification de la figure de Dracula, qui est d'abord l'incarnation d'un Autre monstrueux, puis qui évolue vers une image plus humanisée, mais toujours teintée d'une ambivalence permettant d'associer séduction et terreur. Les avatars les plus récents opèrent un renversement plus radical qui fait de Dracula un personnage romantique et tourmenté aux antipodes de la conception de Stoker.This article studies the transposition of a few classics of gothic literature to the screen, taking the example of several adaptations of Dracula by Bram Stoker, from Murnau's founding Nosferatu, to the post-modern re-writing by Coppola. In all these films, the natural settings, spectacular and sublime, play an essential role as a source of aesthetic contemplation and as places of angst. The directors also highlight the draculean castle and exploit in their own way the narrative structures characteristic to the gothic. Cinema contributed to mythicize, but also to noticeably transform the modes of representation and the significance of Dracula's figure, who is first the incarnation of a monstrous Other, and then evolves toward a more humanized image, although still tainted with an ambivalence associating seduction and terror. The latest avatars show a more dramatic shift that makes Dracula a romantic and tormented character radically different from Stoker's conception.
- Perennité du gothique - Gérard Monnier p. 175-184
Pistes
- De l'acquittement du gothique à la dialectique du « gallo-grec » des Lumières - Daniel Rabreau p. 217-224 Sous l'influence des Lumières et dans le contexte d'un pouvoir royal en crise, on théorise en France sur les valeurs structurellement expressives et constructives du gothique. Mais la volonté des élites et des réformateurs de fonder une régénération (des arts, comme de la société) identitaire occulte toute velléité (sinon dans le pittoresque des jardins !) de normalisation actualisée d'un style du passé autre que gréco-romain. La façade en «gothique» réinventé de Sainte-Croix d'Orléans, voulue par Louis XIV, n'eut aucune descendance modélisante, tandis que l'église Sainte-Geneviève de Soufflot (actuel Panthéon de Paris), à l'origine fleuron symbolique du pouvoir de Louis XV, est le résultat d'un syncrétisme gréco-gothique ou gallo-grec dont seule émerge, dans le décor et les formes classiques, la référence au modèle antique régénérateur ; le paradoxe veut que ce modèle soit étroitement associé à la maîtrise de la manière constructive nationale ancestrale – c'est-à-dire qui témoignait des origines gothiques lointaines de la monarchie absolue contestée.Under the influence of the « century of Lights » and in the context of a crisis of the royal power, people theorize in France on the structurally expressive and constructive values of the gothic style. But the elite and reformers' will to found a classical identitarian revival (in arts as well as in society at large) conceals all efforts (except for the picturesque gardens !) to update a normalization of a past style other than the Greco-Roman. The « gothic-like » front reinvented by Sainte-Croix d'Orléans, desired by Louis XIV, had no modelling offspring, while the church of Sainte-Geneviève de Soufflot (now the Pantheon in Paris), originally a symbolic masterpiece of Louis XV's power, is the result of a Greco-gothic or Gallo-Greek syncretism, from which only emerges – in classical settings and forms, the reference to the antic regenerating model ; the paradox is that this model is intimately associated with the mastering of the national ancestral « constructive way » – that is to say the testifying of the old gothic origins of the controversial absolute monarchy.
- Delacroix et les « Néos » : pour le vrai contre le faux - Marie-Claude Genet-Delacroix p. 225-243 Le goût et l'intérêt pour l'art médiéval et la culture humaniste que le peintre Eugène Delacroix a acquis dès son enfance dans sa famille et au lycée Louis-le-Grand l'ont familiarisé très tôt à l'amour de l'antique et aux beautés de l'art gothique. Par ailleurs, en tant qu'artiste il recherche avant tout ce qui est à ses yeux la vérité de l'art, à savoir l'harmonie et l'équilibre de l'art des grands maîtres du passé. Aussi fustige-t-il tous les néo-classiques, néo-gothiques, etc., tous ces néos qui trahissent la vérité de l'art antique et de son idéal qu'il estime quant à lui retrouver dans son œuvre plastique en inventant un langage moderne, celui du romantisme. L'étude s'appuie sur les écrits de l'artiste.The painter Eugène Delacroix acquired a taste and interest for medieval art and humanist culture at an early age in his family and at Louis-le-Grand grammar school, which soon made him familiar with the love of the antic and the beauties of the gothic art. As an artist, he aims above all at finding what is, in his opinion, the truth of the art, namely the harmony and balance of the art of the great masters of the past. Therefore he thrashes all the neo-classics, neo-gothics, etc., all these « neos » who betray the truth of the antic art and its ideal, which he personally thinks can be found in his own plastic works through the invention of a modern language : romanticism. This study is based on the artist's writings.
- De l'acquittement du gothique à la dialectique du « gallo-grec » des Lumières - Daniel Rabreau p. 217-224
Lectures
- Lectures - p. 245-266
Hors cadre
- André Siegfried et la question raciale - Carole Reynaud-Paligot p. 268-285