Contenu du sommaire : De la pleureuse à la veuve joyeuse
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 46, 2018 |
Titre du numéro | De la pleureuse à la veuve joyeuse |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
De la pleureuse à la veuve joyeuse
- Les veuves : joyeuses, désespérées et terrifiantes : Perceptions et représentations - Laurent Bihl, Frédéric Chauvaud p. 9-12
Le rouge et le noir
- Le fantôme de crêpe et la femme à poigne : Veuves criminelles en cour d'assises (1880-1940) - Frédéric Chauvaud p. 13-28 Les « tribunaliers », c'est-à-dire les chroniqueurs judiciaires, inventent une nouvelle figure criminelle : la veuve. Une femme qui a tué son mari peut-elle se présenter avec les vêtements de deuil ? Sous la plume des « journalistes judiciaires » défilent des veuves fantômes et des femmes autoritaires. Ils se demandent quelles ont été les armes utilisées ? Quel sens peut-on leur donner ? Ils s'interrogent sur le mobile du crime. L'épouse criminelle sème le trouble dans le genre et dans la presse.The “fantôme de crêpe” and the Woman to Grip. Criminal Widows in the Court of Assizes (1880-1940)The “tribunaliers” invent a new criminal figure: the widow. Can a woman who killed her husband to show up with the clothes of mourning? Under the pen of the “legal journalists” parade: widows ghosts and authoritarian women. They wonder what were the weapons used? Can what sense we give them? They wonder about the motive for the crime. The criminal wife sow disorder in the genre and in the press.
- Euphémie Lacoste. Veuve noire ou veuve joyeuse ? - Myriam Tsikounas p. 29-46 La femme qui tue son mari est non seulement une criminelle, mais une veuve. Au XIXe siècle, jugée exclusivement, aux assises, par des hommes, elle suscite, dans les comptes rendus judiciaires publiés dans La Gazette des Tribunaux comme dans la presse généraliste, des commentaires qui laissent sourdre les normes de l'époque. L'objectif est ici de comprendre pour quelles raisons, en juillet 1844, au Palais de justice d'Auch, Euphémie Lacoste, accusée d'avoir commandité l'empoisonnement de son époux, quitta libre le tribunal, contrairement à Marie Lafarge, qui, selon les tribunaliers, avait été son modèle quatre ans plus tôt.Euphémie Lacoste. Black Widow or Happy Widow?
The woman who kills her husband is not only a criminal but also a widow. In the 19th century, exclusively tried by men, she creates, in the judiciary reports published in La Gazette des Tribunaux and in the general press, some comments that let well up the standards of that time. The aim is here to understand for what reasons, in July 1844, at the Palais de justice d'Auch, Euphémie Lacose, accused of having organized the poisoning of her husband, has left the Tribunal free, contrary to Marie Lafarge, who, according to the legal reporters, had been her model four years ago. - La veuve tueuse : La Mariée était en noir, de François Truffaut - Antoine de Baecque p. 47-54 En étudiant les conditions de préparation, d'écriture, de fabrication et de tournage du film de François Truffaut, La Mariée était en noir, il s'agit de pointer chez l'auteur du film, l'écrivain adapté (William Irish) et la principale actrice du film (Jeanne Moreau), les marques multiformes du veuvage. Irish comme veuf perpétuel fétichiste du noir ; Truffaut cherchant toutes les manières de faire le deuil de ses histoires d'amour ou de ses passions cinéphiles ; Moreau, enfin, portant le veuvage, via les costumes noirs et blancs de Pierre Cardin, de son époux de fiction assassiné à la sortie même de l'église où ils se sont mariés ; et aidant chacun de ses personnages/futures victimes à mourir en cinéma. « La veuve est vierge », avoue François Truffaut dans une lettre à Alfred Hitchcock : ce paradoxe agit le film et toutes ses interprétations.The Killer Widow. La mariée était en noir, by François Truffaut
The scrutinizing of the conditions in which François Truffaut's La Mariée était en noir was thought up, written and then shot is aimed at shedding light on the multifaceted expressions of widowhood via a close up on in the author of the film, on the writer of the adapted text, and on the actress of the film, Jeanne Moreau. Irish, a perpetual widower with a fetichistic taste for black, Truffaut who was desperately seeking ways get beyond the loss of passions both in the flesh and on the screen, and Moreau, the way in which mourning becomes Moreau with the black and white outfits designed by Pierre Cardin, grieving over the brutal death of her fictional husband who was shot dead on the very steps of the church immediately after the wedding, and helping every single character/next target to die cinematically. As Truffaut admits in a letter to Hitchcock : “The widow is a virgin” a paradox which lies at the core of the film and of all the interpretations of the film.
- Le fantôme de crêpe et la femme à poigne : Veuves criminelles en cour d'assises (1880-1940) - Frédéric Chauvaud p. 13-28
Le spectacle des larmes
- L'iconographie des veuves au XIXe siècle et sa postérité au XXe siècle - Laurence Danguy p. 55-77 La place des veuves au XIXe siècle est réglée par le droit et des usages. Mœurs et représentations collectives influent sur une iconographie qui n'est pas une mais plurielle : les veuves des peintres officiels ne sont pas celles des tenants de la modernité pas plus que celles des illustrateurs de livres précieux ou des dessinateurs de presse. Cet article se propose d'identifier les types structurant l'iconographie des veuves dans la peinture du XIXe siècle, de déterminer leur dépendance aux représentations collectives et de dresser un bilan différentiel avec l'illustration précieuse et l'iconographie populaire.The Iconography of Widows in the 19th Century and its Posterity in the 20th Century
The place of widows during the 19th century was regulated by law and customs. Customs and collective representations influence an iconography that is not one but plural: the widows of official painters are not those of modernists nor than those of illustrators of precious books or press cartoonists. This article aims to identify the types structuring the iconography of widows in 19th century painting, to determine their dependence on collective representations and to draw a differential assessment with precious illustration and popular iconography. - Le veuvage au féminin : Images de la veuve dans la presse humoristique illustrée française à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle - Solange Vernois p. 79-103 Dans le dessin satirique et la caricature de la Belle Époque, les artistes ont souvent mentionné les ambiguïtés entre le statut du veuvage et la condition féminine, entre la protection sociale et l'aspiration à la liberté individuelle. D'une part, ils ont associé le veuvage à des contraintes matérielles, imposant des mesures de prévoyance avant le décès de l'époux, et ont exacerbé la peur de la pauvreté. D'autre part, ils ont montré les aspects paradoxaux du veuvage. Déterminé par des normes morales valorisant la sacralisation du souvenir « à perpétuité », celui-ci expose la femme sans époux, libérée du statut matrimonial, à une liberté jugée dangereuse. Non sans un certain cynisme, les caricaturistes ont débusqué les stratagèmes de la société pour déjouer les conventions et sauvegarder les apparences, en particulier durant la période du deuil. Dépendante du passé, du présent et de l'avenir, la veuve est, d'une certaine manière, le révélateur des préjugés de l'époque, mais aussi d'incertitudes laissant le champ libre à l'expression d'idées féministes novatrices.Widowhood and the Status of Widows: The representation of Widows in the French Illustrated Press at the End of the 19th Century and the Beginning of the 20th CenturySatirists and cartoonists of the turn of the 20th century denounced the ambiguous relationships between widowhood and womanhood and illustrated the sometimes contradictory yearnings of widows for social welfare and individual freedom. On the one hand the cartoonists associated widowhood with financial security and the need for taking out provident schemes prior to the death of the spouse and exacerbated the fear of living in poverty. On the other hand they showed the conflicting aspects of the status of widows. Widowhood was actually a rather unclear status: it complied with moral obligations which imposed heavy constraints on the widow who was as a result protected by a life-long sacred status but it also freed the woman from the bonds of marriage and thus exposed her, as an independant individual, to the moral judgement of the community. Sometimes cynically, cartoonists figured out the strategies used by the people of the time to bypass the usual social conventions and etiquette while still conforming to the norms, particularly during the mourning period. As she was represented as a woman divided between her past and present lives and with great expectations for the future, the widow reflected the common prejudices of the time but also embodied the doubts and questions which brought about the feminist awakening.
- Veuves éplorées, veuves joyeuses, veuves scabreuses : Spectacularisation des figures du veuvage à travers différentes formes médiatiques (XIXe-XXe siècles) - Laurent Bihl p. 105-133 Type social par excellence, la veuve s'inscrit de façon très complexe dans les imaginaires sociaux. Effacées dans les images illustratives, significativement absentes dans la littérature de physiologie du XIXe siècle, les figures de veuves investissent les arts de la scène sous le double registre tragique et comique. Par une démarche souhaitée intermédiale, cet article étudie la dissémination progressive de ces tropismes scéniques (opérette, pièces boulevardières) vers l'image imprimée (registre satirique, fait-diversier), en explicitant les connotations érotiques des « veuves joyeuses » et en les opposant aux figures éplorées, particulièrement nombreuses lors des sorties de guerre.Weeping Widows, Happy Widows, Obscene Widows. Spectacularization of Widowhood's Topics through Different Media Forms (19th-20th century) and the Beginning of the 20th CenturySocial type par excellence, the widow is a very complex figure of our collective mind. The widow characters, hardly ever present in illustrations, significantly absent in the nineteenth-century littérature de physiologie, invest the stage both in tragedies and comedies. With what aims at being an intermedial approach, this article studies the progressive spreading of these stage tropisms (operetta, boulevard theatre) towards the printed image (satires, back pages items) by clarifying the erotic connotations of “happy widows” and by contrasting them with the weeping figures particularly numerous at the end of wars.
- L'iconographie des veuves au XIXe siècle et sa postérité au XXe siècle - Laurence Danguy p. 55-77
La tragédie des veuves
- Parler d'un homme, exister comme femme : Les veuves d'artistes : témoins, « muses », expertes - Julie Verlaine p. 135-157 Les droits de la veuve d'un artiste plasticien, qui touchent notamment la conservation et l'authentification des œuvres, leur vente ou leur don, font d'elle une actrice incontournable dans la valorisation posthume de l'œuvre ; mais également marginalisée, dans un champ artistique en pleine professionnalisation, et oubliée par une histoire de l'art davantage préoccupée de création et de patrimoine. L'étude des cas de Sonia Delaunay, Nina Kandinsky, Jeanne Kosnick-Kloss et Nelly van Doesburg, qui ont en commun d'avoir chacune été la compagne d'un artiste abstrait décédé avant 1945, permet de montrer à la fois leur importante (quoique inégale) présence médiatique et leur capacité à faire valoir lors de leurs interventions publiques leurs propres efforts pour promouvoir et patrimonialiser l'œuvre de leur conjoint défunt.Talking about a Man, Asserting Oneself as a Woman. Artist's Widows: Witness, “Muses”, Experts (19th-20th century) and the Beginning of the 20th CenturyThe rights of an artist's widow, regarding the preservation and authentification of the art works, their sale and donation, make her a key actress in the posthumous valorization of the work ; but also a marginalized one, in an art sector where professionalism grows, as well as forgotten by an art history more interested with creation and heritage. The cases of Sonia Delaunay, Nina Kandinsky, Jeanne Kosnick-Kloss and Nelly van Doesburg, who have in common to have been the companion of an abstract artist deaceased before 1945, allow us to show both how important (although uneven) their media presence was and how they tried and used these shows to shed light on their own efforts to promote and patrimonialize the work of their late companion.
- Veuves de gens de mer en Saintonge (XVIIe-XIXe siècles) - Thierry Sauzeau p. 159-174 Sur le littoral Atlantique, les veuves participent à la plupart des activités en lien avec la mer. On les retrouve dans l'exploitation de l'estran, depuis la cueillette jusqu'à la conchyliculture, en passant par les pêcheries, largement ouvertes aux actrices de la pêche aux écluses d'Oléron et des huîtres pêchées « à la main de fer » sur tous les rochers du littoral. Productrices, les veuves des villages du littoral saintongeais étaient aussi des femmes d'affaires. C'est à la tête d'entreprises de transport, depuis le cabotage jusqu'à l'échelle du commerce international, que ces veuves ont finalement assumé les mêmes fonctions et responsabilités que les hommes, en Saintonge maritime.Seafarer's Widows in Saintonge (17th-19th centuries) Beginning of the 20th Century
On the Atlantic coast, the widows participate in most of the activities in connection with the sea. We find them in the exploitation of the foreshore, since the picking until the shellfish farming, including fisheries, widely opened to the fishing in the “écluses” of Oléron, and also the fish of oysters “in the iron hand” on all the rocks of the coast. Producers, the widows of the villages of the coast of the Saintonge were also businesswomen. It is at the head of transportation companies, since the coastal navigation up to the scale of the international trade, that these widows finally assumed the same functions and the responsibilities as the men, in maritime Saintonge. - Femmes de douleurs : De veuves en orphelines, histoires dans l'histoire du XXe siècle - Pierre Serna p. 175-188 Hors du cadre traditionnel d'un article d'histoire, mais écrit avec le plus de rigueur possible, cet article propose de remettre en ordre une histoire familiale, à partir des souvenirs d'Augustine Guyon-Gellin (1910-2011). Elle traverse un XXe siècle de guerres et de violences, laissant derrière lui, veuves et orphelines qui constituent les nouveaux piliers de cette famille provençale de Manosque.Heartbroken Women. From Widows to Girls Orphans, Privates Histories in the History of 20th century Beginning of the 20th CenturyOut of a traditional history, but rigorously written, this article shows a familal and private history about the Augustine Guyon-Gellin (1910-2011) memories. She went through the 20th century full of wars and violences, letting behind him widows and girls orphans who became the real familiy pillars, in Manosque, a little city from Provence.
- Parler d'un homme, exister comme femme : Les veuves d'artistes : témoins, « muses », expertes - Julie Verlaine p. 135-157
Lieux et ressources
- Les chantiers du numérique à la BnF (1990-2018) - Évelyne Cohen, Pascale Goetschel p. 191-200 À partir d'une rencontre avec Laurent Duplouy, chef du service numérisation au département de la conservation de la direction des services et des réseaux de la BnF, l'article propose une mise en perspective, assortie d'une réflexion, sur les enjeux actuels de la numérisation au sein de la Bibliothèque nationale de France. La reconstitution des étapes, l'analyse du jeu des acteurs qui en ont la charge, l'observation des mutations en cours en constituent les principaux angles d'attaque. En définitive, la numérisation apparaît comme un bon moyen pour appréhender l'évolution de la politique de conservation et de valorisation de la BnF, et plus largement, celle d'une institution de service public.Digital projects at the Bn
F (1990-2018)Initiated by a meeting with Laurent Duplouy (Head of the digitization office in the department of conservation, Directorate of services and networks of the French National Library), this paper presents an outlook and a reflexion about the current challenges of digitization within the « Bibliothèque nationale de France (BnF) ». The reconstitution of steps, the analysis of the actions of the people responsible for it and the observations of the on-going mutations constitute the main angles of attack. Finally, digitization appears to be a good way to analyse the evolution of the BnF policy in terms of conservation and valorisation and more broadly, that of a public service institution.
- Les chantiers du numérique à la BnF (1990-2018) - Évelyne Cohen, Pascale Goetschel p. 191-200
Regards croisés
- Nocturne au musée Grévin : réinventer la visite du musée de cire : « L'enlèvement de Louis XVII au musée Grévin » d'Hervé Guibert - Liliane Ehrhart p. 203-218 En vue d'engager une réflexion sur la place du musée Grévin dans le paysage culturel parisien et l'imaginaire de la fin du XXe siècle, cet article prend comme point de départ « L'enlèvement de Louis XVII au musée Grévin » (1981), un texte inédit de l'écrivain Hervé Guibert. À travers le prisme d'un spectacle fantasmé, calqué sur la scénographie originale de l'institution, Guibert invite à poser un regard critique sur cette institution complexe et singulière fondée à la fin du XIXe siècle. L'analyse de ce texte rédigé près de cent ans après l'ouverture du musée Grévin permet d'interroger ses effets sur l'imaginaire des visiteurs, d'approcher la manière dont sont appréhendés les doubles de cire et la représentation de l'histoire de France, ainsi que de mettre en lumière ses contradictions scénographiques à l'époque.A Night at the Musée Grévin: An Imaginary Visit to the Wax Museum. “L'Enlèvement de Louis XVII au Musée Grévin”, by Hervé GuibertThis article analyzes an unpublished text by the writer Hervé Guibert, “L'enlèvement de Louis XVII au Musée Grévin,” (1981) as a basis for reflecting on the place of the musée Grévin in the Parisian cultural landscape and the realm of the imagination at the end of the 20th century. Through the lens of a fantasized show that builds on the original scenography established by the institution, Guibert invites the visitors to take a critical look at this intricate and unique institution, founded at the end of the 19th century. The analysis of this text, written one hundred years after the opening of the Musée Grévin, allows for study of the ways in which wax doubles and the representation of the History of France are apprehended, and it highlights the museum's scenographic contradictions at the time.
- Nocturne au musée Grévin : réinventer la visite du musée de cire : « L'enlèvement de Louis XVII au musée Grévin » d'Hervé Guibert - Liliane Ehrhart p. 203-218
Trames
- Impressions d'audience : La justice pénale contemporaine (1789-2016) à l'épreuve de la bande dessinée francophone. Affaires minuscules et causes célèbres - Frédéric Chauvaud p. 221-242 Très tôt, la bande dessinée s'est emparée du crime. En apparence, la justice criminelle n'intéresse guère les auteurs. Pourtant, en regardant de plus près, on s'aperçoit que le moment du procès occupe une place un place non négligeable dans les planches dessinées. Scénaristes et dessinateurs montrent une grande diversité. Le tribunal ressemble à un théâtre. Sur la scène, les rôles sont inversés. Des personnages grotesques ont le pouvoir de vie et de mort. L'institution judiciaire apparaît comme une implacable machine.Criminal Justice Contemporary (1789-2018) to the Test of the Comic Francophone. Lowercase and Famous Criminal CasesEarly on, the comic took crime. In appearance, criminal justice interested only little authors. However, looking more closely, one realizes that the time of the trial occupies a significant place in the comic boards. Writers and designers show a great diversity. The Court looks like a theatre. Onstage, the roles are reversed. Grotesque characters have the power of life and death. The judiciary appears as a relentless machine.
- Impressions d'audience : La justice pénale contemporaine (1789-2016) à l'épreuve de la bande dessinée francophone. Affaires minuscules et causes célèbres - Frédéric Chauvaud p. 221-242
Retours sur...
- La Commune de 1871 : un sphinx face à ses images - Eric Fournier p. 245-257 « Crépuscule », « sphinx » ou « aurore » : ces métaphores si imagées sont souvent mobilisées pour saisir la Commune de 1871. Les images de l'événement apparaissent comme un résumé des différents affrontements mémoriels, soulignant, avec sans doute plus de force que l'écrit, un de leurs principal enjeu : l'effacement – ou non – des révolutionnaires eux-mêmes des représentations de cette révolution. Face à la Damnatio mémoriae des images versaillaises, celles des vaincus répliquent en mêlant la mémoire des morts aux combats des vivants. Aux monstres et aux effacements versaillais, s'opposent les spectres mobilisateurs des vaincus. Mais, un renouvellement du regard s'opère à partir du centenaire, en 1971. Alors que l'on proclame la « Commune vivante », les images s'animent, et les communards revivent.The Paris Commune: A Sphinx in Front of its Pictures“Dusk”, “sphinx” or “dawn”: These metaphors full of imagery are often use to understand the Paris commune of 1871. Pictures about this event seem to be a perfect sum up of antagonistic memories, emphasizing, more clearly than texts, one of the main stake: effacement, or not, of the very communards from the memories. Struggling against full effacement done by the Versaillais, the vanquished mix up the living and the dead; oppose their revolutionary specters to monster drawned by the winners. But, after 1971, when the Commune is said “alive”, pictures also come alive again, and the memory of communards too.
- La Commune de 1871 : un sphinx face à ses images - Eric Fournier p. 245-257
Actualités
- Météorites entre ciel et terre, exposition au Muséum national d'histoire naturelle - Pascal Dibie p. 261-263
Grand entretien
- Entretien avec Pierre Trividic, au sujet des films non réalisés de Patrice Chéreau : Sigmaringen (1999-2003), Le Maître de Longwood (2001-2003) et « 51-52 » (2012-2013) - Pierre Trividic, Julien Centrès p. 267-285
Hors cadre
- Les photographies retrouvées de la Casa Susanna - Isabelle Bonnet p. 289-311 Un lot de trois-cent-quarante photographies est découvert dans un marché aux puces de New-York en 2004. Sur ces vieux clichés d'amateurs, pris entre la fin des années 1950 et la fin des années 1960, il n'y a que des hommes travestis en femme. Mais ce sont des « femmes » ordinaires, comme on en voit dans tous les albums de photographies familiales. Ces photographies retrouvées sont la partie immergée d'un vaste réseau clandestin d'hommes mariés, bons pères de famille et bons patriotes. Ils font partie de la classe moyenne blanche américaine. Ils incarnent le rêve américain. Et son cauchemar. Parce que l'Amérique de ces années là, c'est l'Amérique de la guerre froide qui censure, réprime, exclue et traque toutes les désobéissances aux injonctions normatives. Malgré les risques, ces hommes se sont écrits, rencontrés et structurés autour d'un journal clandestin. Ils ont refusé de se soumettre au culte d'une virilité archaïque et ils ont transgressé les prescriptions de genre. Ils se sont construits une identité collective singulière et unique grâce à la photographie. Cette archive visuelle incomparable et rare témoigne d'une véritable sous-culture transgenre qui s'inscrit dans l'histoire politique des minorités sexuelles américaines de l'après-guerre.The Recovery of Casa Susanna's photographs
In 2004, three hundred and forty photographs were found in a New York's flea market. On these old snapshots, dated from the late 1950s to the late 1960s, men are smiling to the camera but they're dressed in women's attire. They enact an ordinary woman, the same one we see in all family photo albums. These recovered photographs are only a small part of a huge underground cross-dressers network of married men, good fathers and good patriots. They belong to the American white middle-class. They embody the American dream. And its nightmare. Because America was, at the time, the Cold War America, anyone who would disobey the normative order would be implacably banned, repressed, excluded and hunted down. Despite the risks, these men wrote to each other, met regularly and organized themselves around a secret magazine. They refused to submit to the cult of ideal manliness and they transgressed the normative prescriptions of gender. They have created a singular and unique collective identity through photography. This rare visual archive is incomparable because it provides insights into a transgender subculture that fully belongs to the political history of US post-war sexual minorities.
- Les photographies retrouvées de la Casa Susanna - Isabelle Bonnet p. 289-311