Contenu du sommaire : La science juridique
Revue | Revue d'histoire des sciences humaines |
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Numéro | no 4, 2001 |
Titre du numéro | La science juridique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : La science juridique entre politique et sciences humaines (XIXème-XXème siècles)
- La science juridique entre politique et sciences humaines (XIXème-XXème siècles) - Frédéric Audren, Jean-Louis Halpérin p. 3-7
- L'histoire du droit constituée en discipline : consécration ou repli identitaire ? - Jean-Louis Halpérin p. 9-32 La reconnaissance de l'histoire du droit en tant que savoir est la conséquence du développement de l'École historique allemande du droit. L'histoire du droit est-elle une science méthodologique ou une pure connaissance érudite ? La question n'a pas fait l'objet de réponses claires de la part des disciples de Savigny. Quand des chaires d'histoire du droit furent créées en Italie, en France ou en Allemagne, le risque était grand d'un isolement des nouveaux spécialistes de la matière, conduisant à une rupture avec les autres sciences humaines. Cet article essaie d'expliquer cette évolution dans l'histoire de la pensée juridique et des facultés de droit en Europe.The foundation of legal history as scholarship is the conséquence of the development of the German Historical School of Law. Is legal history a methodical science or a pure knowledge of erudition ? The question was not clearly answered by Savigny's disciples. When chairs of legal history were established in Italy, France or Germany, the risks of isolation of the new specialists was growing, involving a rupture with other human sciences. The article tries to explain this evolution in the history of legal thinking and european Law Faculties.
- Eugène Lerminier (1803-1857) : la science du droit comme synthèse de l'histoire et de la philosophie - Georges Navet p. 33-56 A. Jourdan, afin de désacraliser le code civil, propose en 1826 une science du droit qui serait une méthode interprétative et critique où la jurisprudence romaine s'articulerait à la philosophie moderne. E. Lerminier reprend le projet quelques années plus tard, en substituant à la jurisprudence romaine une histoire du droit largement inspirée de Savigny. Le droit est à la fois un droit particulier, national, et tend de l'intérieur à l'universalité. Cette tendance est renforcée par l'autre élément de la science, la philosophie, qui pense une universalité toujours plus large et plus pure. La construction de Lerminier ne va pas sans difficultés, et ce d'autant plus que, réticent dès avant 1830 devant la philosophie du droit de Cousin, il ne parvient pas vraiment à la remplacer par une autre après 1830. Le détour politique qu'il emprunte alors, au lieu de le conduire à son but, finit par l'en éloigner définitivement.A. Jourdan, in order to put an end to a vision of the civil code that considered it to be sacred, proposed in 1826 a Legal Science which would be an interpretative and critical method where the Roman jurisprudence would be linked to modern philosophy. E. Lerminier furthered the project some years later, replacing Roman jurisprudence with a history of the Law largely inspired by Savigny. The Law is at the same time a specific and a national Law and it combines both a domestic and a universality outlook. This tendency is reinforced by the other element of Science, Philosophy, which entails an ever broader and purer universality. Lermenier's work is not devoid of problems however, even more so because, unconvinced from before 1830 about Cousin's Philosophy of Law, he did not really manage to replace it by another after 1830. The political detour which he then followed, ended up taking him further away from his goals rather than leading him to them.
- Note sur la carrière d'Eugène Lerminier au Collège de France (1831-1849) - Frédéric Audren, Georges Navet p. 57-67
- Droit, histoire et politique en 1900. Sur quelques implications politiques de la méthode du droit constitutionnel à la fin du XIXème siècle - Guillaume Sacriste p. 69-94 Cet article vise à restituer les conditions sociales de possibilité d'une controverse portant sur la méthode du droit constitutionnel de la fin du XIXème siècle. Les mobilisations multiples au principe de l'Affaire Dreyfus formaient une configuration sociale particulièrement propice à la proposition de modification de la constitution d'Émile de Marcère, l'un des rédacteurs des lois constitutionnelles de la IIIème République. Cette proposition fut le prétexte pour Deslandres, jeune professeur de droit constitutionnel de faire valoir son savoir en matière d'institutions politiques, en prônant l'adoption de la méthode historique critique en droit constitutionnel. Si cette prise de position respectait les problématiques et la mise en forme propres à la science juridique de la fin du siècle, elle était également un coup joué dans le conflit qui opposait au sein du champ juridique les tenants du pouvoir républicain – Adhémar Esmein et Ferdinand Larnaude – aux réformistes traditionalistes, Gény, Saleilles et Deslandres lui-même. Le point de vue exprimé par ce dernier sur la méthode du droit constitutionnel était donc l'expression de la sublimation dans le champ juridique d'une vision du monde politiquement située.This article aims to reproduce the social conditions necessary to make possible a controversy about the method of Constitutional Law of the end of the nineteenth century. The multiple mobilisations following the Dreyfus affair formed a particularly favourable social setting for the proposal to modify the constitution made by Emile de Marcere, one of the authors of the constitutional laws of the Third Republic. This proposition formed the pretext for Deslandres, a young professor of constitutional law, to display his knowledge of political institutions and to advocate the adoption of the critical historic method in Constitutional Law. While this position respected the reasoning and the form of discourse that characterised legal science at the end of the century, it was a blow sounded in the conflict which divided in the judicial field the supporters of republican power – Adhémar Esmein and Ferdinand Larnaude – and the traditionalist reformers, Gény, Saleilles and Deslandres himself. The opinion expressed by the latter on the method of Constitutional Law was, therefore, the expression of the sublimation of a politically-determined vision of the world into the judicial sphere.
- L'autonomisation d'une discipline. La création de l'agrégation de science politique en 1971 - Marc Milet p. 95-116 À partir des outils fournis par l'analyse des politiques publiques, l'étude s'attache à définir les facteurs et les conditions de l'émergence de l'idée de la création d'un concours d'agrégation de science politique et à présenter les modalités du processus décisionnel. La création d'un concours de recrutement autonome est la solution préconisée par l'Association française de science politique afin de pallier le retard de la discipline française et le déficit de professionnalisation. La formulation et la prise de décision, auxquelles les représentants de la corporation sont très fortement associés, sont consécutives au contexte particulier de la crise de l'après mai 68 ; la spécialisation souhaitée rencontre en effet les nouveaux choix des politiques de l'enseignement supérieur. Les divergences qui ont toutefois pu apparaître ont trait à deux modèles de concours qui correspondent aussi à deux conceptions professionnelles : le concours sur épreuve de l'agrégation des facultés de droit, qui consacre l'enseignement et la transmission des savoirs ; le concours par liste d'aptitude des facultés des lettres qui fait prévaloir la recherche et la construction des savoirs. Les diverses contraintes qui pèsent sur un nouveau concours aboutissent au choix en faveur du premier modèle. Pourtant, non sans équivoque, ce changement structurel consacre alors le détachement avec le droit public, rompt avec une science politique carrefour et rend possible son intégration définitive, à terme, au sein des sciences sociales.Through the analysis of public policy, this study sets out to define the factors and conditions in which the idea of an Agrégation de science politique emerged, and to present the decision-making process that led to the creation of that exam. The creation of a self-standing competitive exam was what the Association française de science politique recommanded as a way to help France catch up in that discipline and make up for its apparent lack of professionalisation. The way decisions were made and enforced, in which the association played a great role, had much to do with the particular social context in the aftermath of the may 1968 upheaval in France. The increased specialisation closely followed the new direction taken by the University at that time. Diverging views arose, however, as to which of two types of competitive exams was to be favoured, namely that of the Law school, whereby candidates have to sits exams, and that of the Faculty of Arts, whereby candidates are selected according to the level of abilities they evidence. The former conception emphasises the transmission of knowledge whereas the latter gives precedence to research and the gradual building of knowledge. Various constraints led to the choice of the former model. Quite paradoxically, however that structural evolution allowed political science to break loose from public law. In so doing, political science ceased to be a catch-all discipline and in the process could completely become part of social sciences.
Document
- Paul Huvelin (1873-1924) : juriste et durkheimien - Frédéric Audren p. 117-130
- Les cohésions humaines. La place qu'y tiennent la contrainte juridique et l'attraction morale - Paul Huvelin p. 131-144
Varia
- Métapsychique et psychologie en France (1880-1940) - Nicolas Marmin p. 145-171 Le but de cet article est d'éclairer les relations entre la psychologie et les recherches psychiques en France entre 1880 et 1940. Dans un premier temps, les études sur le spiritisme ou sur la télépathie sont l'objet de discussions dans le champ de la « nouvelle psychologie » en voie d'institutionnalisation. Après 1900, ces études baptisées métapsychiques par un médecin prix Nobel de physiologie, Charles Richet, prennent la tournure d'un « spiritisme matérialiste », surtout axées sur l'étude des effets physiques de la médiumnité. Dès cette époque, quelques psychologues évoquent le danger d'accointances avec la métapsychique, notamment parce que les rumeurs de fraude se font plus pressantes. Pourtant, malgré cette mise à distance, la métapsychique reste largement – souvent prudemment – discutée dans de grandes revues de psychologie. Vers 1920, les métapsychistes fondent leur propre Institut Métapsychique International reconnu d'utilité publique, qui devient un objet culturel attrayant dans le contexte des années Folles : les expériences réalisées sont discutées dans la presse quotidienne et d'influents esprits comme Bergson soutiennent ses entreprises. À cette époque, quelques psychologues – Piéron en tête – se prononcent à nouveau sur le sujet : ils remettent surtout en cause le mode opératoire des expériences métapsychistes, jugées peu rigoureuses. Entre 1920 et 1940, les sujets métapsychiques restent discutés par les psychologues mais le ton change et les critiques deviennent plus acerbes et systématiques : il apparaît ainsi que les psychologues se servent de ces études comme d'un modèle en négatif en vue de préciser leur domaine d'étude (en instituant une sorte de frontière extérieure) et d'insister sur la nécessaire rigueur des procédures expérimentales.I intend here to describe the relationships between psychology and psychical research in France between 1880 and 1940. From 1880 onwards, psychic phenomena such as spiritism or telepathy were widely discussed in the field of the « new psychology ». At the beginning of the twentieth century, those studies, under the name of « méta-psychique » proposed by the French Nobel Prize winner Charles Richet, gave birth to a raw materialistic form of spiritualism. They dealt mainly (but not only) with the physical effects of mediumnism. In the same periods, some psychologists started to point out the dangers of such a dubious vicinity, as scandalous rumours of fraud arose. But the study of some of the most famous French psychological reviews reveals that their interest did not really faded away. Around 1920, the French « métapsychique » became a cultural object, debated at length in many newspapers and even encouraged by influential thinkers like Bergson. However, at the same time, it was also ostracized by mainline psychologists. Again, the study of a few French psychological journals suggests that they widely used « métapsychique » as a counter-model to more closely specify their field of research and to define some of their experimental procedures.
- Métapsychique et psychologie en France (1880-1940) - Nicolas Marmin p. 145-171
Note critique
- L'hystérique, son utérus, son psychothérapeute et autres accessoires anciens et modernes - Pierre-Henri Castel p. 173-180
Livres
- Livres - p. 181-205
- Ouvrages reçus - p. 207-208