Contenu du sommaire : Les politiques monétaires après la crise
Revue | Revue française d'économie |
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Numéro | vol. XXXIII, janvier 2019 |
Titre du numéro | Les politiques monétaires après la crise |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Pierre Jaillet, Jean-Paul Pollin p. 3-20
- Les politiques d'objectifs des banques centrales en perspective - Pierre Jaillet, Benoît Mojon p. 21-61 À l'origine principalement dédiées à des missions de stabilité financière, les banques centrales n'ont développé leur rôle de pilotage macroéconomique qu'après la Seconde Guerre mondiale. L'effondrement en 1973 du système de Bretton Wood les a conduites à substituer à la perte d'ancrage monétaire externe des objectifs internes d'abord ciblés sur des agrégats monétaires. À partir des années 1980, par une dynamique d'expérimentation/imitation, le ciblage de l'inflation s'est généralisé dans la plupart des pays de l'OCDE et de nombreux pays émergents. La crise de 2008 a suscité un large débat sur la validité de cette stratégie dans un environnement de faible inflation. L'article présente des simulations contrefactuelles d'options alternatives portant sur le PIB nominal et sur le niveau des prix. Si ces options présentent des avantages, par exemple en termes de réactivité de la politique monétaire en phase de turbulence, elles ne permettent pas d'invalider les politiques de ciblage flexible de l'inflation en vigueur dans les grandes zones monétaires. La crise a aussi remis les missions de stabilité financière au cœur des préoccupations des banques centrales, suscitant trois interrogations liées à leur périmètre de compétence à la compatibilité avec leur statut d'indépendance et aux interactions entre leurs fonctions monétaires et prudentielles.Central Banks' Objective Policies in Perspective
Initially mainly dedicated to financial stability tasks, central banks did not develop their macroeconomic steering role until after the Second World War. The 1973 collapse of the Bretton Wood system led them to replace the loss of external monetary anchoring with domestic objectives, first targeted at monetary aggregates and then, from the 1980s onwards, at inflation. Through a process of experimentation-imitation, inflation targeting has become widespread in most OECD countries and in many emerging countries. However, the 2008 crisis sparked a wide-ranging debate on the validity of such a strategy in a low-inflation environment. The paper presents counterfactual simulations of alternative options for nominal GDP and the price level. While these options have advantages, for example in terms of the responsiveness of monetary policy in turbulent times, they do not invalidate flexible inflation targeting policies as practiced in large currency areas. The crisis has also put financial stability tasks back at the heart of central banks' concerns, raising three questions related to their scope of competence, its compatibility with their independence status and the interactions between their monetary and prudential functions. - Central Banks' Objective Policies in Perspective - Pierre Jaillet, Benoît Mojon Initially mainly dedicated to financial stability tasks, central banks did not develop their macroeconomic steering role until after the Second World War. The 1973 collapse of the Bretton Wood system led them to replace the loss of external monetary anchoring with domestic objectives, first targeted at monetary aggregates and then, from the 1980s onwards, at inflation. Through a process of experimentation-imitation, inflation targeting has become widespread in most OECD countries and in many emerging countries. However, the 2008 crisis sparked a wide-ranging debate on the validity of such a strategy in a low-inflation environment. The paper presents counterfactual simulations of alternative options for nominal GDP and the price level. While these options have advantages, for example in terms of the responsiveness of monetary policy in turbulent times, they do not invalidate flexible inflation targeting policies as practiced in large currency areas. The crisis has also put financial stability tasks back at the heart of central banks' concerns, raising three questions related to their scope of competence, its compatibility with their independence status and the interactions between their monetary and prudential functions.
- La politique monétaire doit-elle être utilisée à des fins de stabilité financière ? - Grégory Levieuge p. 63-104 L'objectif de cet article est de faire le point sur les avancées théoriques et empiriques concernant le lien entre politique monétaire et (in)stabilité financière. Dans un premier temps, nous examinons pourquoi l'objectif de stabilité des prix a pu entrer en contradiction avec la stabilité financière avant la crise de 2008. Nous nous interrogeons alors sur l'optimalité d'une politique monétaire qui répondrait de manière systématique au cycle financier, conformément au principe de « leaning against the wind » (LAW). À cette fin, nous examinons d'une part les enseignements des travaux sur le LAW qui s'appuient sur des règles de Taylor augmentées et optimisées dans le cadre de modèles DSGE avec frictions financières. D'autre part, nous considérons les résultats des analyses coût/bénéfice associées au LAW. Globalement, ces travaux conduisent à être sceptique quant à l'efficacité et l'optimalité du LAW. Nous pointons les lacunes de cette littérature et soulignons la nécessité de tenir compte des effets de la politique macro-prudentielle.Should Monetary Policy Lean Against the Wind?
The aim of this article is to provide a critical review of the theoretical and empirical literature on the link between monetary policy and financial (in)stability. First, we examine why the goal of price stability may have been contradictory with financial stability before the financial crisis of 2008. Then, we question the optimality of the leaning against the wind strategy (LAW), which suggests monetary policy to respond to the financial cycle in a systematic way. On the one hand, we review the main results related to Taylor rules augmented by financial targets and optimized in DSGE models with financial frictions. On the other hand, we consider the results of the costs/benefits analyses of LAW. Globally, our investigation leads to scepticism concerning the effectiveness and optimality of the LAW. Last, we highlight the shortcomings of this literature, and in particular the need for duly considering the effects of macro-prudential policy. - What Monetary Policy Operational Framework after the Crisis? - Ulrich Bindseil p. 105-126 Cet article examine les techniques et le cadre de mise en œuvre de la politique monétaire à envisager pour la nouvelle normalité (new normal), c'est-à-dire après l'arrivée à maturité de la majeure partie des opérations non standard ayant un impact sur le bilan de la banque centrale et sur les conditions de liquidité. L'article décrit d'abord les principales raisons pour lesquelles cette nouvelle normalité devrait être différente de l'approche adoptée avant 2007. Par la suite, il examine plus en détails quatre éléments spécifiques du cadre de mise en œuvre de la politique monétaire à long terme, à savoir les contreparties éligibles, les actifs éligibles, les questions liées aux taux d'intérêt négatifs et enfin la taille du bilan de la banque centrale. En conclusion, l'article présente une vision d'une mise en œuvre de la politique monétaire de l'avenir qui serait moderne, efficace et automatisée. Cette approche constituerait une alternative au système plancher (floor system) favorisé récemment par la Réserve fédérale américaine et par la Banque d'Angleterre.The article discusses what monetary policy implementation framework and techniques should be envisaged for the new normal, i.e. after the large part of the non-standard operations currently still impacting the central bank balance sheet and liquidity conditions would have matured. First, the main reasons why this new normal should be expected to be different from the pre-2007 approach are explored. Subsequently, the article looks in more detail into four specific elements of the long-term implementation framework, namely the counterparty framework, the eligible assets framework, issues relating to negative interest rate policies, and finally the size of the balance sheet. The article concludes by outlining one vision of a modern, efficient, and automated monetary policy implementation for the future. This framework would be an alternative to the floor approach favoured recently by the Federal Reserve and the Bank of England.
- Les banques centrales peuvent-elles encore être indépendantes ? - Christophe Blot p. 127-164 Cet article discute la notion d'indépendance des banques centrales en s'appuyant sur une analyse critique des fondements du modèle qui s'est imposée dans les années 1990 et en analysant son évolution récente. De fait, les banques centrales sont aujourd'hui fortement impliquées sur les questions de stabilité financière et ont des interactions croissantes avec la politique budgétaire. Nous suggérons alors que l'indépendance des banques centrales n'est pas une condition suffisante pour l'efficacité des politiques économiques. L'élargissement de leur mandat et les interactions avec la politique budgétaire et la régulation financière invitent plutôt à renforcer le contrôle démocratique des banques centrales et la coordination entre la politique monétaire, la politique budgétaire et la politique prudentielle. À cette fin, nous proposons de revoir la composition des comités en charge de la mise en œuvre des politiques monétaire et de régulation financière afin d'internaliser les externalités et de coordonner les décisions.Can Central Banks Still be Independent?
This paper deals with the independence of central banks. It provides a critical analysis of the foundations of the model that emerged in the 1990s and analyses its recent development. Central banks are now heavily involved in financial stability issues and the implementation of unconventional measures have magnified interactions with fiscal policy. We therefore suggest that the independence of central banks is not a sufficient condition for the effectiveness of economic policies. The broadening of their mandate and the interactions with fiscal policy and financial regulation call instead to strengthen the democratic control of central banks and the coordination between monetary policy, fiscal policy and prudential policy. To this end, we propose to change the composition of the committees in charge of the implementation of monetary and financial regulation policies in order to internalize externalities and coordinate decisions. - Peut-on encore modéliser la politique monétaire dans un cadre DSGE ? - Julien Matheron p. 165-200 Cet article étudie l'incorporation des mesures non conventionnelles de politique monétaire dans les modèles d'équilibre général stochastiques et dynamiques. La thèse principale de cet article est qu'il n'y a aucune dimension de la politique monétaire, conventionnelle ou pas, qu'il soit impossible de modéliser dans ce type de cadre.Is it Still Possible to Model Monetary Policy in a DSGE Context?
This article studies how non-standard monetary policy measures can be incorporated in dynamic stochastic general equilibrium models. The main thesis of this article is that there is no dimension of monetary policy, be it regular or non-standard that would be impossible to consider in this class of models. - Hétérogénéité des agents, interconnexions financières et politique monétaire : une approche non conventionnelle - Jean-Luc Gaffard, Mauro Napoletano p. 201-231 Nous réexaminons les fondements des modèles théoriques qui sous-tendent le consensus de politique monétaire prévalant avant la Grande récession. Nous soulignons en quoi l'échec de ces modèles à prévenir la crise et à fournir un guide d'action pendant la récession était dû à l'excès de confiance dans la capacité d'autorégulation des marchés et à la négligence du rôle joué par la finance dont ils témoignaient. Nous présentons, ensuite, les bases d'une approche alternative de la politique monétaire qui met l'accent sur les processus de marché, la coordination entre agents hétérogènes et les externalités transmises via les interconnexions financières. De nouvelles classes de modèles, d'une part les modèles à agents multiples et, d'autre part, les modèles de réseaux financiers, s'inscrivent dans cette approche. Nous discutons, enfin, des nouveaux éclairages fournis par ces modèles s'agissant de la conduite de la politique monétaire et de ses interactions avec les politiques budgétaire et macro-prudentielle.Agents' Heterogeneity, Financial Interconnections, and Monetary Policy: an Unconventional Approach
In this paper, we revisit the main building blocks of the theoretical models underlying the monetary policy consensus before the Great Recession. We highlight how the failure of these models to prevent the crisis and to provide guidance during the recession were due to the excessive confidence in the ability of markets to coordinate demand and supply, and to the neglect of the role of finance. Furthermore, we outline the main elements of an alternative approach to monetary policy that put emphasis on the market processes driving the coordination between heterogeneous agents, and on the externalities transmitted by financial inter-linkages. New classes of models, namely, agent-based and financial network models, capture many elements of this new approach. We discuss some new insights from these models for the conduct of monetary policy, and for its interactions with fiscal and macroprudential policies.