Contenu du sommaire : Sur les traces de la santé environnementale
Revue | Ecologie & politique |
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Numéro | no 58, 2019/1 |
Titre du numéro | Sur les traces de la santé environnementale |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'insurrection des « gilets jaunes », et après ? - Jean-Paul Deléage p. 5-8
Dossier – Sur les traces de la santé environnementale
- Santé et environnement : les traces d'une relation à haut risque - Renaud Bécot, Stéphane Frioux, Anne Marchand p. 9-20
- Les PAES européens : une illustration du paradoxe de la santé environnementale - Julien Forbat p. 21-33 Cet article décrit l'existence d'un « paradoxe de la santé environnementale » opposant la forte volonté d'institutions internationales au manque d'ambition observé au sein des États. Les données utilisées pour cette recherche proviennent d'interviews menées en Suisse, en Allemagne et en Belgique auprès d'experts des politiques publiques de santé environnementale, ainsi que d'une enquête réalisée par le Centre environnement et santé de l'OMS/Europe à Bonn auprès des États membres de la région. Les résultats de notre étude montrent que les principaux obstacles auxquels les politiques publiques de santé environnementale font face dans ces trois États proviennent de leur manque de reconnaissance politique au niveau national, de leur confinement à des mesures d'encouragement de la recherche scientifique et de l'absence de systèmes d'indicateurs en mesure d'évaluer de façon satisfaisante les enjeux de santé environnementale et les résultats des politiques mises en œuvre.This study describes the existence of an “environmental health paradox” opposing the strong will of international organizations to the lack of ambition observed within states. Data used in this study have been obtained from interviews conducted among experts of the Swiss, German and Belgian environmental health policies and from survey results provided by the WHO Regional Office for Europe (WHO/Europe) and its Environmental Health Center in Bonn. Findings show that major obstacles to more ambitious environmental health policies arise from their lack of political recognition at the national level, from their confinement to measures of scientific research and from the absence of any substantial system of indicators capable of correctly assessing environmental health issues and policy outcomes.
- La pollution atmosphérique entre santé et environnement (1958-1996) : L'exemple de l'Association pour la prévention de la pollution atmosphérique (APPA), de sa création à la loi de 1996 - Isabelle Roussel p. 35-52 La création de l'APPA (Association pour la prévention de la pollution atmosphérique), en 1958, répondait à la faible prise en charge de la pollution atmosphérique par l'État français qui, avec la reconstruction, avait pris le contrôle des différents éléments du développement industriel. L'objectif assigné à l'association est bien sanitaire, il consiste à éviter aux populations de pâtir des effets délétères de l'industrialisation massive de la France, mais les méthodes proposées sont très techniques. Pour répondre à cette mission, l'APPA a mis en place différents réseaux de mesures en s'appuyant sur les bureaux d'hygiène de nombreuses villes françaises. Cette orientation vers le mesurage et la connaissance pour objectiver la pollution a détourné l'attention des actions entreprises par les comités régionaux dans différents secteurs dans le cadre de l'hygiénisme municipal : réglage des chaufferies et des moteurs des voitures, campagnes antitabac, etc. Cet investissement en faveur d'une vision technique de la pollution et de sa prévention n'a cessé de s'amplifier par la suite avec sa prise en charge par le corps des mines au moment de la création du ministère de l'Environnement. Il a fallu attendre l'exploitation des premiers résultats de mesures fiables pour que les études épidémiologiques démontrent l'influence de la pollution sur la santé et servent d'appui à la Loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie (LAURE) de 1996. À partir de la fin des années 1990, le contexte de la pollution de l'air change complètement, les acteurs se multiplient et la mission de l'APPA sur le mesurage s'efface au profit des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA).The creation of the APPA, in 1958, was an answer to the poor management of air pollution by the French state, then in control of the various aspects of the reconstruction process and industrial development. The target assigned to the association was truly sanitary, aiming at preventing populations from suffering from the deleterious effects of the massive French industrialization, but the methods put forward were very technical. To deal with this objective, the APPA implemented various measurement networks based on health offices of many French cities. This orientation towards measurement and knowledge to objectify pollution diverted the attention from the actions undertaken by the Regional Committees in different areas in the context of municipal hygiene: control of boiler systems and car engines, anti-smoking campaigns, etc. This investment in favor of a technical vision of air pollution and its prevention has been growing with the support of the mining corps at the time of the creation of the Ministry of the Environment. It was not until the first reliable measurement results were collected that epidemiological studies demonstrated the influence of pollution on health and gave support to the LAURE, the Air Act of 1996. At the end of the 1990s, the context of air pollution changed completely, the actors multiplied and APPA's measurement mission progressively disappeared in favour of the AASQA (Approved associations for monitoring air quality).
- Les sols urbains, un risque discret ? : Le cas de l'agglomération lyonnaise - Marine Canavese, Stéphane Frioux p. 53-68 Depuis environ quarante ans, dans un contexte de déclin des industries en site urbain, de nombreux pays occidentaux ont dû affronter un nouveau problème environnemental, la gestion des sols pollués ou potentiellement pollués. De nombreux acteurs intéressés par cette affaire doivent procéder à une enquête historique : le défi majeur consiste à pouvoir inventorier le plus précisément possible les usages à risque du sol, si l'on veut ensuite évaluer les dangers sanitaires et prescrire des mesures adéquates de dépollution. Notre enquête, nationale et locale sur l'agglomération lyonnaise, aborde le travail incessant, jusqu'à l'époque la plus contemporaine, de production d'inventaires sur les sites industriels et sur le sol urbain et montre la faible place qu'y tient le domaine sanitaire.Since the 1970s, in a context of industrial decline, many Western countries have had to face a new environmental issue, the management of polluted or potentially polluted land. History is necessary for several stakeholders, as the challenge to redevelop brownfields is to identify as precisely as possible the hazardous uses of the land, assess sanitary threats and prescribe the right cleaning-up measures. The enquiry deals with the relentless production, until nowadays, of brownfields' inventories and particularly in an urban context of changes in land uses.
- Les travailleurs sont-ils les « invisibles » de la santé environnementale ou… les « damnés de la terre » ? - Annie Thébaud-Mony p. 69-82 Alors que les premières victimes des risques industriels sont les travailleurs eux-mêmes, comment se fait-il que le travail représente le parent pauvre de l'agenda politique en matière d'environnement ? S'appuyant sur les travaux de recherche menés par l'auteure depuis le début des années 1980, cet article montre comment les transformations sociales du travail ont contribué à rendre invisibles, non seulement le travail en tant que tel, mais les travailleurs eux-mêmes, en particulier ceux impliqués dans les plus bas étages de la production, à l'échelle nationale et internationale, ainsi que les atteintes à la santé des travailleurs du fait des risques du travail. En conclusion sont évoquées les mobilisations visant à dépasser les limites d'une revendication exclusive en matière d'emploi, avec le développement de luttes pour le droit à la vie, à la santé, à la dignité dans le travail, témoignant de l'impossible réduction du travail vivant à une, parmi d'autres, des variables de la santé environnementale.While the first victims of industrial hazards are the workers themselves, why is work almost absent of the environmental policy agenda? Based on the author's researches since the early 1980s, this article shows how social transformations of work have made invisible, not just work as such, but the workers involved in the production, especially at the lowest levels of qualification, nationally and internationally, as well as occupational health damages suffered by the workers themselves. In conclusion, mobilizations aimed at going beyond the limits of an exclusive claiming in terms of job are mentioned, with the development of struggles for the right to life, health and dignity at the working place, testifying of the impossible reduction of work to one, among others, variables of the environmental health.
- Faire entrer en résonance santé-travail et santé-environnement : Une recherche-action sur les cancers d'origine professionnelle et environnementale dans la basse vallée du Rhône - Moritz Hunsmann, Benjamin Lysaniuk p. 83-106 Partant de l'expérience de mise en place d'une recherche-action sur les cancers d'origine professionnelle et environnementale en Avignon, cet article questionne les relations entre santé-travail et santé-environnement, tout comme l'inégale attention portée à ces deux domaines, y compris dans le positionnement d'institutions finançant la recherche scientifique. Les spécificités techniques et politiques des deux domaines les rendent fortement complémentaires et leur articulation étroite souhaitable. Tirant sa force méthodologique de l'analyse de populations restreintes, souvent fortement exposées à des contaminants bien identifiés, la santé-travail apporte sa capacité à agir à la source de nombreuses pollutions : sur le lieu de production. La santé-environnement, parce qu'elle entretient un rapport plus immédiat avec l'espace public, bénéficie d'un potentiel de désenclavement politique des enjeux sanitaires qui en relèvent. Alors que la santé-travail est fréquemment présentée comme un simple sous-champ de la santé environnementale, cet article argue que placer ces deux domaines co-constitutifs du champ de la santé-travail-environnement sur un pied d'égalité serait bénéfique à la compréhension de ses enjeux et in fine à la santé publique.Based on the experience of setting up an action-research programme on occupational and environmental cancers in Avignon, this article questions the relationship between occupational and environmental health, as well as the unequal attention paid to these two areas, including by institutions funding scientific research. The technical and political specificities of these two domains make them highly complementary and their close coordination desirable. Drawing its methodological strength from the analysis of small populations often highly exposed to well-identified contaminants, occupational health provides its ability to act at the source of many types of pollution: the place of production. Given its often highly publicized nature, environmental health has the potential to increase the politicization of health issues that fall within its purview. While occupational health is often presented as a simple subfield of environmental health, this article argues that placing these two co-constituent domains of the field of occupational and environmental health on an equal footing would improve our understanding of the field's key issues, and ultimately be beneficial to public health.
- « Maladie de Lyme » : Quand des médecins refusent de soigner - Geneviève Massard-Guilbaud p. 107-134 La borréliose de Lyme, maladie infectieuse douloureuse, invalidante et difficile à soigner, est en forte expansion dans différentes parties du monde, dont l'Europe. Identifiée par l'OMS comme un problème de santé publique majeur, elle n'est reconnue par les autorités sanitaires françaises que sous sa forme aiguë. La possibilité de sa persistance après traitement selon les recommandations en vigueur et l'existence de sa forme chronique sont en revanche déniées, en dépit de toute évidence et de nombreuses études scientifiques, ce qui empêche la prise en charge des malades, souvent renvoyés vers la psychiatrie ou contraints d'aller se soigner à l'étranger. Pourchassés par le Conseil de l'ordre et les caisses d'assurance maladie, les médecins qui tentent de les soigner et les malades se sont organisés pour faire entendre leur voix. Les négociations récentes auxquelles ils ont participé pour la première fois ont amené certaines avancées, mais les autorités médicales s'obstinent dans une position de déni, bloquant, au prix de méthodes peu soucieuses de démocratie, toute avancée dans la prise en charge thérapeutique et toute recherche. Après avoir présenté l'historique de ces négociations, cet article explore les raisons qui peuvent pousser certains médecins et leur Académie à adopter semblable comportement.Infectious, invalidating and difficult to treat, Lyme disease is rapidly expanding in various parts of the world, including Europe. While it is identified as a major public health issue by the WHO, French health authorities only recognise its acute form. Its possible persistence after treatment in compliance with official recommendations and its chronic form are denied, despite scientific and empirical evidence. This prevents quality care. Patients are often sent over to psychiatry or forced to seek appropriate treatment in Germany or Switzerland. Persecuted by the Ordre des médecins (official medical association) and the Caisses d'assurance maladie (health care insurance funds), those physicians who try to seriously take care of the Lyme patients and the patients themselves have organised themselves to get heard. The recent negotiations in which they took part in for the first time brought about a number of advances, but medical authorities persist in denial. Using little democratic methods, they block any progress in patient care and research. This article shows the history of these negotiations and explores the reasons why certain physicians and the French Academy of Medecine take on such a behaviour.
- Collecter, conserver, cultiver des microbiotes intestinaux : Une biologie du sauvetage - Alexis Zimmer p. 135-150 Des recherches biomédicales estiment que l'« occidentalisation » généralisée des modes de vie a conduit à l'appauvrissement des microbiotes – l'écosystème complexe de microorganismes que nos corps abritent – et à la disparition de certaines souches bactériennes les peuplant. Pour tenter de préserver cette biodiversité en danger, des chercheurs du MIT viennent de lancer le projet d'une banque mondiale – le Global Microbiome Conservancy – qui a pour but de « collecter et de préserver la biodiversité des microbes intestinaux humains pour les générations futures ». Cet article décrit la manière dont ces pratiques participent d'un renouvellement plus large de l'appréhension des corps, des microorganismes et des maladies, ainsi que de leurs relations à l'histoire et aux environnements, et en circonscrit certaines conséquences inconsidérées.Biomedical research suggests that the widespread “westernization” of lifestyles has led to the depletion of microbiotes—the complex ecosystems of micro-organisms of our bodies—and the disappearance of some bacterial strains living in them. In an attempt to preserve this endangered biodiversity, MIT researchers have just launched the Global Microbiome Conservancy project, which aims to “collect and preserve the biodiversity of human intestinal microbes for future generations.” This article describes how these practices contribute to a broader renewal of the understanding of bodies, micro-organisms and diseases, as well as their relationship to history and environments, and identifies some of their implicit and unintended consequences.
Variations
- L'écologie chrétienne de l'encyclique Laudato si' - Louise Roblin p. 151-168 L'encyclique Laudato si', publiée par le pape François en juin 2015, fait figure de nouveauté à la fois dans l'Église catholique et dans la sphère politique. De fait, la proposition d'une « écologie intégrale » qui soit à la fois sociale et environnementale, politique, culturelle et spirituelle, est originale. Cet article entend revenir sur la généalogie conceptuelle de ce texte qui a fait date. Premièrement, bien que l'ancrage théorique dans la tradition catholique soit fort, l'utilisation choisie des textes saints et des courants théologiques oriente le propos. Deuxièmement, l'influence de certains courants de sciences sociales et de militance écologique est forte. Le pape en utilise le cadre d'analyse, et les oriente vers une fin qui est spécifique au christianisme : le Salut (la rédemption) du monde. Le texte, ainsi ancré et orienté, donne un discours politique étonnant, dont le ressort est spirituel.The encyclical Laudato Si', published by Pope Francis in June 2015, is a new feature both in the Catholic Church and in the political sphere. Indeed, the proposal of an “integral ecology” that is at the same time social and environmental, political, cultural and spiritual, is original. This article aims to revisit the conceptual genealogy of this landmark text. First, although the theoretical anchoring in the Catholic tradition is strong, the chosen use of holy texts and theological currents guides the statement. Second, the influence of certain social sciences and ecological militant currents is strong. The Pope uses their framework of analysis, and directs them towards an end that is specific to Christianity: the salvation (redemption) of the world. The text, thus anchored and oriented, gives an astonishing political discourse, which is spiritually driven.
- L'écologie chrétienne de l'encyclique Laudato si' - Louise Roblin p. 151-168
Sources et fondements
- « History really matters » : Une conversation avec Gerald Markowitz et David Rosner - Pascal Marichalar p. 169-189 Depuis les années 1980, Gerald Markowitz et David Rosner ont profondément bouleversé l'histoire des questions de santé au travail et de pollution industrielle. Dans deux entretiens donnés à l'été 2017, ils reviennent sur leur parcours scientifique inédit, mêlant une approche critique des sciences médicales et une histoire sociale du travail, vue simultanément d'en bas (l'expérience des travailleurs) et d'en haut (les stratégies des employeurs). Ils dévoilent aussi quelques secrets de fabrication d'une écriture à quatre mains.Since the 1980s, Gerald Markowitz and David Rosner have deeply revolutionized the historiography of occupational health and industrial pollution. In two interviews given during the summer of 2017, they tell the story of this original scientific enterprise that blends a critical approach to medical sciences and a social history of work, considered simultaneously from the bottom (workers' experience) and from the top (employer strategies). They also reveal some trade secrets about co-authoring.
- « History really matters » : Une conversation avec Gerald Markowitz et David Rosner - Pascal Marichalar p. 169-189
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 191-199