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Revue La Revue de l'IRES Mir@bel
Numéro no 98, 2019/2
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les inégalités se mesurent, les discriminations se constatent - Stéphane Jugnot p. 3-28 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », votée en 2018, cherche à passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Elle s'appuie sur l'idée que les discriminations pourraient se mesurer, offrant ainsi des quantifications pour piloter l'action. Cet article rappelle qu'en réalité, cette prétention est illusoire d'un point de vue statistique en revenant sur les deux approches les plus souvent mobilisées : les analyses statistiques dites « toutes choses égales par ailleurs » et les testings statistiques. Il explique en quoi ces outils ne permettent pas de quantifier l'ampleur des discriminations, sans en remettre en cause l'intérêt. L'absence de mesure n'oblige pas à renoncer à l'action. Elle doit plutôt être une invitation à la réflexion et aux approches interdisciplinaires qui ne font pas du chiffre la pierre angulaire de la preuve.
    The French law adopted in 2018 on the freedom to choose a professional future seeks to shift from an obligation of means to an obligation of results in terms of the gender pay gap. It is based on the notion that discriminations can be measured, providing quantification as a means to steer action. The article recalls that in fact, this goal is unachievable from a statistical point of view, coming back to the two most widely used approaches: “all other things being equal” statistical analysis and statistical testing. It explains why these tools cannot quantify the scope of discrimination, without denying their broad usefulness. The lack of measurement does not mean giving up on the need for action. Rather, it should open the path for ways of thinking and interdisciplinary approaches that do not rely on numbers for proof.
  • Les territoires pluriels des intermédiaires du marché du travail - Jean-Marie Pillon, Delphine Remillon, Carole Tuchszirer p. 29-57 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article porte un nouveau regard sur la place des territoires dans les politiques de l'emploi en s'intéressant à l'activité des intermédiaires locaux du marché du travail. Il questionne la relation que ces intermédiaires instaurent avec les territoires en analysant les rapports qu'entretiennent deux types d'acteurs majeurs, les structures municipales et les agences locales de Pôle emploi. En mobilisant les données d'une enquête qualitative sur deux terrains, nous montrons que le territoire est à la fois un lieu d'application des politiques de l'emploi par des acteurs situés à différentes échelles (macro, méso, micro), porteurs de différentes conceptions du territoire (économique, politique, administrative), et un espace, géographiquement situé, doté d'une dynamique économique et sociale propre qui détermine en partie l'échelle d'intervention la plus pertinente. Cette diversité d'approches pose la question des instances de coordination à même d'imbriquer la multiplicité des manières de se saisir de la variable territoriale. Sur chacun de nos terrains on observe une convergence des interventions des intermédiaires, mais à une échelle géographique distincte, reflet des spécificités locales. Cette synchronisation des interventions se trouve toutefois bousculée par les réformes des politiques de l'emploi qui attisent les concurrences locales.
    The article takes a fresh look at the role of local regions in French employment policies, focusing on the activity of local labor market intermediaries. It explores the relationship between such intermediaries and local regions, analysing the contacts between two major stakeholder categories, municipal structures and local Pôle Emploi job centers. It draws on data from a qualitative survey of two areas to demonstrate that local regions are at the same time sites where macro, meso, and micro stakeholders apply employment policies, bases for economic, political, and administrative understandings of territoriality, and geographical spaces with their own economic and social dynamics that partly determine the relevant scale of intervention. The range of approaches raises the issue of the best coordinating bodies to oversee the multiplicity of ways of understanding the territory as a variable. Each area surveyed revealed a convergence of interventions by intermediaries, albeit on distinct geographical scales reflecting local specificities. The synchronization of interventions is at times thrown off kilter by employment policy reforms that stoke competition locally.
  • La représentation syndicale des femmes, de l'adhésion à la prise de responsabilités : une inclusion socialement sélective - Maxime Lescurieux p. 59-82 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En s'appuyant sur les données de l'enquête Relations professionnelles et négociations d'entreprise (REPONSE) de la Dares et de l'enquête Statistiques sur les ressources et conditions de vie (SRCV) de l'Insee, l'article explore le rôle des politiques volontaristes et de la mutation des organisations syndicales sur l'engagement des femmes depuis la fin des années 1990. Bien que l'on assiste à une relative féminisation du tissu militant, les femmes sont encore sous-représentées au sein du mouvement syndical en 2010. Dans un contexte législatif qui porte dorénavant une exigence d'inclusion des femmes au sein de différentes sphères d'activité (notamment politique et militante) et le renforcement du modèle du cumul des mandats syndicaux, au sens où limiter son engagement reste difficile, l'article rend compte d'un effet ambivalent sur la présence des femmes au sein de l'institution syndicale : plus de femmes cadres, et moins d'ouvrières et d'employées.
    Based on data from the survey on professional relationships and business negotiations (REPONSE) led by the DARES and the Statistics on Resources and Living Conditions Survey (SRCV) led by the INSEE, this article explores the impact of equality policies and changes in the union sphere on women's engagement since the late 1990s. Despite a relative feminization of union members, women were still under-represented in trade unions in 2010. In a legislative context that now requires women to be included in various spheres of activity (particularly political and militant) and the strengthening of the model of multiple union mandates, the article reports an ambivalent effect on the presence of women in the trade union institution, given that placing limits on union commitment remains difficult: female managers and professionals are better represented, but manual workers and employees are less well represented.
  • Le lien emploi-logement : la prise en charge syndicale de la question du logement à l'épreuve des transformations du travail et de l'emploi - Jules-Mathieu Meunier p. 83-111 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article traite de la question du logement des salariés. Celle-ci est abordée sous deux angles distincts : la manière dont elle est prise en charge aux différents échelons de la CFDT et les nouvelles formes d'intervention sur le logement qui se développent en France depuis deux décennies en réponse à l'émergence de besoins sociaux inédits au croisement de l'emploi et du logement. Le propos montre en quoi ces interventions sont porteuses d'une logique de réactualisation des finalités et des modalités de l'action publique en matière de logement. Il s'attache aussi à saisir le « lien emploi-logement » en tant qu'il met l'action des organisations syndicales à l'épreuve des nouveaux risques liés aux transformations du travail – précarisation de l'emploi salarié, injonction à la mobilité géographique – et de la nécessité par suite d'instaurer de nouvelles formes de sécurisation des parcours résidentiels et professionnels.
    This article explores the question of employee housing from two distinct points of view. It first looks at how the issue is handled at various levels in the CFDT union and the new forms of housing-related action that have developed over the past two decades in France in response to the emergence of new social needs at the juncture between employment and housing. The article demonstrates how such actions reflect the logic of updating the finalities and modalities of public interventions on housing. It also seeks to understand the link between employment and housing insofar as it measures trade union actions against the new risks related to changes in the labor market, such as the increased insecurity of waged work and the increasing requirement for geographical mobility, and the concomitant need to create new means of providing security in housing and employment.