Contenu du sommaire : Nom d'un parti ! Pour une onomastique partisane
Revue | Mots. Les langages du politique |
---|---|
Numéro | no 120, juillet 2019 |
Titre du numéro | Nom d'un parti ! Pour une onomastique partisane |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Noms de partis politiques : une onomastique atypique - Paul Bacot, Michelle Lecolle p. 9-13
- Les noms d'organisations politiques imaginaires : analyse d'un générateur automatique de noms de groupuscules - Alice Krieg-Planque p. 15-37 Ce travail contribue à l'étude des noms propres d'organisations politiques. Le sujet est abordé à travers un type de dénomination dont la particularité est de concerner des organisations imaginaires. Ici, le document analysé comporte deux visuels humoristiques (« Toi aussi invente ton groupuscule d'extrême-gauche » et « Toi aussi invente ton groupuscule d'extrême-droite »), relevant d'un dispositif créatif appelé « générateur automatique d'énoncés ». Ces visuels ont été conçus en 2017 par le collectif Mèmes Royalistes, présent sur les réseaux sociaux numériques. Nous montrons comment l'expression de représentations langagières participe, ici, de jugements sur la vie politique française. Dans le cas présent, l'ancrage royaliste et maurrassien de l'auteur du document donne à comprendre les effets de sens que nous mettons en évidence.
This work contributes to the study of the proper nouns of political organizations. The subject is addressed through a type of denomination whose particularity it is to concern imaginary organizations. Here, the document contains two humorous visuals (“Invent your own far-left group” and “Invent your own far-right group”), belonging to a creative device called “automatic statement generator”. These visuals were designed in 2017 by the collective Mèmes Royalistes, which is present on social networks. We show how the expression of language representations participates here in judgments on French political life. In this case, the royalist and Maurrassian foothold of the author of the document gives us an understanding of the meanings effects that we highlight. - Du Parti ouvrier social-démocrate russe au Parti communiste d'Union soviétique : une série de noms programmatiques - Dominique Colas p. 39-55 En 1898, le « Parti ouvrier social-démocrate russe » fut fondé et baptisé ; il fut renommé en 1918 « Parti communiste (bolchevik) de Russie », puis en 1952 « Parti communiste d'Union soviétique ». Selon une théorisation, d'abord due à Lénine, ces trois noms ont en commun une valorisation de « parti », forme supérieure de l'organisation politique, et de nommer les étapes de l'histoire à venir. Il s'agit donc de dénominations programmatiques.
The “Russian Social Democratic Labor Party“ was founded and so named in 1898. In 1918 it was renamed the “Russian Communist Party (Bolshevik)”, and in 1952 the “Communist Party of the Soviet Union”. According to a theory first developed by Lenin, all three names promoted “the party” as a superior form of political organization and indicated the stages of history that were to come. All three therefore were programmatic names. - Un parti sans politique. Onomastique d'une innovation partisane : En Marche ! - Julien Fretel p. 57-71 En Marche !, le parti créé par Emmanuel Macron avant l'élection présidentielle de 2017, est une entreprise particulièrement intéressante à étudier sur le plan du choix et des jeux de mots permettant de désigner un parti politique. Directement inspiré de certains enseignements de la gestion et du marketing, En Marche ! a été pensé comme une marque capable de modifier la donne électorale. Aussi, le lancement de cette marque ne s'est-il pas seulement accompagné d'innovations linguistiques, mais également d'un changement profond dans la manière dont on désigne les acteurs et les instruments au sein des partis politiques. En ce sens, En Marche ! est une entreprise de conquête du pouvoir qui se refuse à employer les mots classiques de la politique.
En Marche!, the party created by Emmanuel Macron before the 2017 presidential elections, is a particularly interesting project because of the choices and puns that allow us to study political party naming. En Marche! was directly inspired by management and marketing programs. It has been conceived as a brand that would be able to change the electoral game. Not only did the launching of this brand go with linguistic innovations but also with profound changes in the way in which actors and instruments are designated within political parties. In this sense, En Marche! is a process of power conquest that refuses to use the classic words of politics. - Fin de parti(e). La dénomination du PS en questions - Éric Treille p. 73-90 Malgré l'inscription de l'enjeu de son abrègement typographique lors du congrès d'Aubervilliers de 2018 et les ruptures onomastiques déjà connues par une grande partie des formations politiques françaises, le PS a conservé sa siglaison. Parti fragilisé par le résultat historiquement faible de son candidat à l'élection présidentielle de 2017, il a fait le choix de la fidélité à l'un des éléments les plus forts de son identité, tout en trouvant d'autres voies symboliques pour sortir de l'après-défaite, comme la vente de son siège rue de Solférino et la perte d'un substitut discursif emblématique.
Despite the inscription of the challenge of its typographical abolition at the Aubervilliers congress of 2018 and the onomastic breaks with the past that are familiar to many of the French political parties, the Socialist party has retained its siglaison. The party, which was weakened by the historically poor result of its candidate in the 2017 presidential election, chose loyalty to one of the strongest elements of its identity, while finding other symbolic ways of leaving electoral defeat behind, with for example the sale of its headquarters in the rue de Solferino and the loss of an emblematic discursive substitute. - Noms de partis et messages politiques : le cas des partis politiques kurdes légaux en Turquie - Salih Akin p. 91-107 Cet article se propose d'examiner les noms des partis politiques kurdes légaux en Turquie. Le corpus d'études est constitué du nom de dix-sept partis légaux fondés entre 1990 et 2014. L'examen de la structure formelle et lexico-sémantique des noms de partis est articulé aux contraintes légales sur la dénomination des partis, telles qu'elles sont imposées par la loi no 2820 sur le statut des partis politiques en Turquie. Les analyses montrent comment les noms des partis politiques kurdes reflètent les évolutions du pays sur la question kurde et les projets de chacun des partis concernant les solutions à cette question : démocratisation du pays, aspiration à la liberté, à la paix, ou à l'égalité kurde-turque, recherche d'autonomie ou d'indépendance de la région kurde, les noms de partis résonnent comme autant de messages politiques.
This article aims to examine the names of Kurdish political parties in Turkey. The corpus of studies is made up of the names of seventeen legal parties that were founded between 1990 and 2014. The examination of the formal and lexical-semantic structure of party names is articulated with the legal constraints on the naming of parties, as imposed by Law No. 2820 on the status of political parties in Turkey. The analyses show how the names of Kurdish political parties reflect the country's evolution on the Kurdish issue and the projects of each party concerning the solutions to this issue: whether it be democratization of the country, aspiration for freedom, peace, or Kurdish-Turkish equality, search for autonomy or independence of the Kurdish region, the party's name sounds as a political message. - Rupture et continuité d'un ethos politique autoritaire : les noms de partis au Burundi - Anne-Claire Courtois p. 109-125 Cet article s'interroge sur les ruptures et continuités de l'onomastique partisane au Burundi, de l'indépendance en 1962 à nos jours. Loin d'être neutres ou démotivés, les noms de partis politiques au Burundi reflètent au contraire l'évolution historique de la société, et révèlent un ethos politique autoritaire qui orienterait les pratiques partisanes de l'ensemble des groupes politiques, dans un temps long, comme semble le prouver la crise traversée depuis 2015.
This article examines the discontinuities and continuities of partisan onomastics in Burundi, from the independence in 1962 until today. Far from being neutral, party names in Burundi reflect the historical evolution of the society, revealing an authoritarian political ethos, that has guided the partisan practices of all political groups since 1962, as the brutalization of the political regime seems to prove in the aftermath of the 2015 electoral crisis. - Du parti de la panthère noire aux panthères : un ou des Black Panther Party(ies) ? - Valérie Bonnet p. 127-143 Cet article se propose d'exposer les variations paradigmatiques et syntagmatiques du syntagme désignatif Black Panther Party for Self Defense (1966-1982), ainsi que les enjeux politiques et discursifs de celles-ci, qu'il s'agisse du nom du parti américain ou de ses diverses adaptations locales par les divers mouvements se reconnaissant dans son discours nationaliste et marxiste. On s'aperçoit que le parti de la panthère noire devient le parti des panthères noires.
This article deals with the name Black Panther Party for Self Defense, and its variations from a discursive and political point of view. It deals with the American party, but also with different aborigenal organisations, which recognize themselves in the former's nationalist and marxist discourse. In the process, the Black Panther Party becomes the Black Panthers party. - Nommer l'islam politique. Répertoire lexical d'un réformisme et ses réappropriations locales dans les noms de partis islamistes - Dilek Yankaya, Clément Steuer, Hassan Zouaoui p. 145-163 Cet article interroge les modalités de nomination des partis islamistes autorisés à participer aux élections dans cinq pays (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte et Turquie). Tandis que ceux-ci sont perçus comme les représentants d'un conservatisme religieux, leurs noms puisent dans des répertoires lexicaux forgés par deux formes de réformisme, l'islamisme de la Nahda et le développementalisme nationaliste. Ces noms énoncent la quête d'un modèle de développement dont l'authenticité s'appuierait sur une double volonté de concrétiser des normes islamiques à l'échelle nationale et de répondre aux revendications des populations locales. L'article montre néanmoins comment, en l'absence d'un tel modèle authentique, quatre mots issus du répertoire lexical réformiste (justice, développement, liberté et renaissance) sont employés comme des « principes correcteurs ». Il contribue ainsi à expliquer comment le pragmatisme de l'islam politique se pratique selon un triptyque de logiques légaliste, d'affirmation électorale et de distinction politique.
Based on a comparative study in five countries (Morocco, Algeria, Tunisia, Egypt and Turkey) since the 1970s, this article studies the methods of designation of Islamist parties. While these are perceived as the representatives of religious conservatism, their names draw on lexical repertoires that are related to two forms of reformism, the Islamism of Nahda and nationalist developmentalism. Their names set out the quest for a development model whose authenticity would rely on a dual desire to implement Islamic norms at the national level and to respond to the demands of local populations. The article shows, however, how, in the absence of such an authentic model, four words from the reformist lexical repertoire (justice, development, freedom and renaissance) are used as “correcting principles”. We thus contribute to explaining how the pragmatism of political Islam is practiced according to a three-prong logic, legalism, electoral affirmation and political distinction. Varia
- Vers une conceptualisation de la notion de « français régional » : de la dialectologie à la sociolinguistique - Marie-Madeleine Bertucci p. 167-183 L'article se développe en trois temps. Il voit d'abord comment la notion de français régional a évolué des premiers travaux d'Albert Dauzat jusqu'aux analyses les plus récentes. Il analyse ensuite l'émergence de la notion de norme endogène, les apports des études sociolinguistiques consacrées aux français non hexagonaux, notamment ceux de la lexicographie francophone, à l'étoffement de la notion de français régional. Il s'interroge enfin sur la modernité de la notion de région dans le contexte mondialisé contemporain et sur la revitalisation qu'elle confère à la notion de français régional.
The article develops in three stages. It first shows how the notion of regional French has evolved from Albert Dauzat's first works to the most recent analyses. It then analyzes the emergence of the notion of endogenous norm, the contributions of sociolinguistic studies devoted to non-hexagonal French, especially those of French-speaking lexicography, and the expansion of the notion of regional French. Finally, it questions the modernity of the notion of region in a contemporary globalized context and the revitalization it confers on the notion of regional French.
- Vers une conceptualisation de la notion de « français régional » : de la dialectologie à la sociolinguistique - Marie-Madeleine Bertucci p. 167-183
Entretien
- « Subvertir la distinction même entre texte et contexte » : Entretien avec Dominique Maingueneau réalisé par Thierry Guilbert - Dominique Maingueneau, Thierry Guilbert p. 185-198 Dominique Maingueneau, linguiste et analyste du discours, est interrogé par Thierry Guilbert sur les relations de l'analyse du discours avec le discours politique. Revenant d'abord sur les débuts de l'analyse du discours de ligne française puis sur un certain nombre de notions et de conceptions proposées par Dominique Maingueneau (positionnement, champ discursif, institutions discursives, discours constituant), l'entretien montre combien l'analyse du discours permet d'appréhender l'intrication du discours et des institutions politiques.
Dominique Maingueneau, a linguist and discourse analyst, is interviewed by Thierry Guilbert on the relationship between discourse analysis and political discourse. Returning first to the beginnings of the French line of discourse analysis and then to a certain number of notions and conceptions proposed by Dominique Maingueneau (positioning, discursive field, discursive institutions, self-constituting discourse), the interview shows the extent to which discourse analysis helps to understand the intricacy of discourse and political institutions.
- « Subvertir la distinction même entre texte et contexte » : Entretien avec Dominique Maingueneau réalisé par Thierry Guilbert - Dominique Maingueneau, Thierry Guilbert p. 185-198