Contenu du sommaire
Revue | Revue française d'histoire des idées politiques |
---|---|
Numéro | no 49, 1er semestre 2019 |
Texte intégral en ligne | Accès réservé |
- Rousseau et ses Considérations sur le gouvernement de Pologne ou Rousseau historien et législateur anti-moderne ? - Alfred Dufour p. 9-63 Réputé « mauvais historien » et théoricien politique plus que législateur, Rousseau offre dans le texte ici présenté un flagrant démenti à ces préjugés. Sollicité par le représentant de la confédération de Bar en France, le comte Wielhorski, de faire part entre 1770 et 1771 de ses réflexions sur la réforme de la constitution de la Pologne dans le vaste débat en cours à ce sujet aussi bien entre philosophes des Lumières qu'entre cours européennes ou magnats polonais, il s'y révèle aussi pénétrant connaisseur de l'histoire des institutions polonaises que véritable réformateur, tenant d'un « républicanisme conservateur », soucieux du respect des institutions nationales comme celles du liberum veto et des confédérations autant que de l'électivité de la couronne, mais aussi de l'émancipation des serfs et de la promotion progressive de la paysannerie.The “Considerations on the Government of Poland”: Rousseau as a historian and anti-modern legislator ? Rousseau is commonly considered a “poor historian” and more of a political theorist than a legislator. The Considerations on the Government of Poland clearly disproves these assumptions. At the request of Count Wielhorski, the Bar Confederation representative in France, Rousseau disclosed his reflections on the constitutional reform of Poland in the years 1770-1771. Taking part in the large debate between Philosophers of the Enlightment, European Courts and Polish Magnates, Rousseau revealed a penetrating knowledge of the history of the Polish institutions and proved to be a genuine reformist, a proponent of a “conservative republicanism” concerned to ensure not only the respect of such national institutions as the liberum veto, the Confederations and the elective monarchy but also the emancipation of the serfs and the progressive promotion of the peasantry.
- Penser la liberté religieuse en 1789 : Stanislas de Clermont-Tonnerre - Patrice Rolland p. 65-99 Pour assurer la liberté d'opinion religieuse en 1789, Stanislas de Clermont-Tonnerre est seul à proposer la séparation des Églises et de l'État contre la nationalisation des biens du clergé. Sa philosophie individualiste de la liberté religieuse s'oppose à la constitution civile du clergé, à l'idée de « religion civile nationale » et de service public du culte. Du seul principe de liberté d'opinion, il déduit un statut juridique de la religion anticipant celui des démocraties libérales contemporaines. Sur ce terrain il est le maître revendiqué de Benjamin Constant.Stanislas de Clermont-Tonnerre on Freedom of Religion in 1789Stanislas de Clermont-Tonnerre was the sole proponent of the separation of Church and State, instead of the confiscation of Church property, to secure the freedom of religious opinion in 1789. His individualistic philosophy of religious freedom opposed the Civil Constitution of the Clergy, the idea of a “national civic religion” and the cult as a public service. From the freedom of thought as a unique premise, he deduced a judicial status of religion anticipating our contemporary liberal democracies. He was in this Benjamin Constant's acknowledged master.
- Pavane pour une révolution heureuse. Aperçu de la pensée politique de Stanislas de Clermont-Tonnerre, 1757-1792 - Jean-Guy Rens p. 101-129 Stanislas de Clermont-Tonnerre a bataillé en 1789 pour permettre aux Juifs d'obtenir la nationalité française. Mais on oublie l'homme qui se cache derrière ce geste d'éclat. Partisan du « principe de lenteur » en matière politique, il lutta au sein du groupe monarchien (Mounier, Lally-Tollendal et Malouet) pour établir un pouvoir exécutif fort qui préfigure la fonction présidentielle sous la Ve République.Pavane for a Happy Revolution
Stanislas de Clermont-Tonnerre fought in 1789 to allow Jews to obtain French citizenship. But we neglect the man behind this dramatic gesture. Supporter of the “slow politics” principle, he fought within the “monarchien” group (Mounier, Lally-Tollendal and Malouet) to establish a strong executive power and can still be used today to shed light on the debate on the presidential function of the Fifth Republic. - « Le début du siècle nouveau » : le débat intellectuel et politique en Allemagne autour de 1800 - Lucien Calvié p. 131-154 Face à la « dégénérescence » révolutionnaire du Directoire (1795-1799), « Le début du siècle nouveau » (Schiller, 1801) cristallise le débat allemand des années 1790-1800 autour de trois secteurs liés entre eux : la politique de Fichte, du « jacobinisme » au nationalisme des Discours à la nation allemande ; dans la dépendance du subjectivisme kantien et fichtéen, la genèse du premier romantisme (Novalis, Schlegel), son ironie et son « tournant » réactionnaire ; et le développement de la pensée de Hegel comme critique du subjectivisme fichtéen et de l'ironie romantique, la question centrale devenant celle de l'État face aux conflits de la société civile.“The beginning of a new century”: the intellectual and political debate in Germany around 1800In face of the revolutionary “degeneration” of the Directory (1795-1799), “The beginning of the new century” (Schiller, 1801) crystallises the German debate of the years 1790-1800 over three interrelated sectors: Fichte's politics from “Jacobinism” to the nationalism of the Addresses to the German Nation; following Fichte's and Kant's subjectivism, the genesis of the First Romanticism (Novalis, Schlegel), its irony and its reactionary “turn”; the development of Hegel's thought as a critique of Fichte's and Kant's subjectivism and romantic irony, the central question becoming the State faced with the conflicts of the civil society.
- De l'industrialisme saint-simonien aux fondateurs du management scientifique : l'utopie de la coopération - Baptiste Rappin p. 155-189 Cet article présente une généalogie de l'industrialisme à travers deux figures marquantes de son histoire : en premier lieu celle de Claude-Henri de Saint-Simon, père de la doctrine industrialiste, puis celle de Frederick Winslow Taylor, fondateur et vulgarisateur du management scientifique. Au centre de notre analyse se trouve le projet politique de la fabrique utopique d'une société intégralement régulée par la coopération.From Saint-Simonian industrialism to the scientific management founders: the utopia of cooperation
This paper shows a genealogy of industrialism by evoking two striking figures of its history: first, that of Claude-Henri of Saint-Simon, father of the industrialist doctrine, then that of Frederick Winslow Taylor, founder and popularizer of the scientific management. The political and utopian project of building a society wholly regulated by cooperation is at the heart of our analysis. - Complexification sociale et effacement de la souveraineté chez Léon Duguit - Émeric Travers p. 191-221 Parce qu'à ses yeux théorie du droit et études des transformations sociales sont une seule et même chose, Léon Duguit regardera les difficultés théoriques de la science juridique de son époque comme l'indice du caractère obsolète de certaines notions. Les impasses doctrinales du droit public doivent, pour lui, être attribuées à l'inadéquation de certains concepts aux faits sociaux. Souveraineté et personnalité étatiques ont certes eu leur efficience, tant théorique que pratique, au cours de l'histoire. Il n'en demeure pas moins que les transformations sociales dont Duguit est le témoin impliquent l'exigence de les dépasser au profit de la notion de service public.Léon Duguit on growing social complexity and the decline of sovereignty
Léon Duguit considered legal theory and social transformation studies to be one and the same thing. He therefore viewed the theoretical difficulties met by the legal science of his time as evidence of the obsolescence of certain notions. Public law kept reaching doctrinal dead ends and the reason of this had to be found in the inadequacy of a number of concepts to social facts. Although Sovereignty and State personality had historically displayed their theoretical and practical efficiency, the social transformations witnessed by Duguit required that they be overcome by the notion of public service. - Quid leges sine moribus ? Jean Massabiau ou l'aporie constitutionnelle du républicanisme au premier XIXe siècle - Oscar Ferreira p. 223-271 Oublié en France, Jean Massabiau (1765-1837) eut pourtant un impact au Brésil, en influençant un des pères de l'indépendance : Silva Lisboa. Conservateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève, il laisse une œuvre marquée par le républicanisme classique. Convaincu que les garanties morales sont plus importantes que les garanties légales et constitutionnelles, il minimise l'intérêt du constitutionnalisme moderne, avant de se raviser sous Juillet, proposant alors une constitution mêlant garanties anciennes et modernes.Quid leges sine moribus? Jean Massabiau or the constitutional aporia of republicanism in the first nineteenth century. Forgotten in France, Jean Massabiau (1765-1837) had an impact in Brazil, influencing one of the founding fathers: Silva Lisboa. Curator of the Sainte-Geneviève Library, he left a work marked by classical republicanism. Convinced that moral guarantees are more important than legal and constitutional guarantees, he minimizes the interest of modern constitutionalism. He changes his mind during the July Monarchy, by proposing a new type of constitution, mixing old and modern guarantees.
- Quelle approche pour quelle histoire des idées politiques ? - Hugo Bonin, Francis Dupuis-Déri p. 273-303 Comment faire l'histoire des idées politiques ? Nous proposons de présenter de manière systématique quatre approches qui tentent de répondre à cette question : la méthode contextualiste, dite École de Cambridge, l'histoire sociale des idées politiques marxiennes, l'histoire conceptuelle et l'histoire populaire des idées politiques. L'intérêt d'une telle comparaison est de mettre en lumière les convergences et divergences entre ces différentes méthodes et de permettre de saisir ce que chacune d'entre elles permet en termes d'interprétation.How to study the history of political ideas?
How should we make an history of political ideas? We propose to systematically present four approaches that attempt to answer this question: the contextualist method, known as the Cambridge School, the Marxian social history of political ideas, conceptual history and the popular history of political ideas. The interest of such a comparison is to highlight the convergences and divergences between these different approaches and to enable the researcher to grasp what each of them allows in terms of interpretation. - Jacques de Cassan - François Monnier p. 305-321 Jacques de Cassan est l'un des juristes politiques de Richelieu. Aujourd'hui bien oublié, il a tenté de démontrer la légitimité juridique des prétentions de la Couronne de France sur certaines possessions de ses voisins. Et comme il n'existait guère d'autres arguments, il s'est appuyé sur le vieux droit féodal pour démontrer la validité de ces prétentions, alors que l'époque était à la mise en place de monarchies modernes et d'États nationaux unitaires. La guerre de Trente Ans a redoublé toutes ses ambitions, même les plus anciennes. Les revendications sont spécieuses, le raisonnement osé, l'histoire instrumentalisée, mais Cassan lève le voile sur les dernières pudeurs du cardinal face à l'opinion et à l'Europe. Il en dit long sur l'état d'esprit des gouvernants d'alors, sur leur volonté de puissance et sur leur expansionnisme forcené.Jacques de Cassan
Jacques de Cassan was one of Richelieu's political lawyers. Quite forgotten today, he endeavoured to demonstrate the legitimacy in law of the pretentions of the French crown over certain possessions of its neighbours. And since there were scarcely any other arguments, he turned towards the old feudal law in order to demonstrate the validity of these pretentions at a time when modern monarchies and unified nation states were being put in place. The Thirty Years War revived all these territorial ambitions, even the oldest amongst them. The claims were specious, the reasoning daring, the history arranged, but Cassan lifted the veil on the Cardinal's last hesitations in the face of public opinion and Europe. It says much on the state of mind of the governments of the time, on their will to power and on their fanatic expansionism. - Conclusion - p. 323-325