Contenu du sommaire : Recherche en sciences humaines sur l'Asie du Sud-Est

Revue Moussons : Recherche en Sciences Humaines sur l'Asie du Sud-Est Mir@bel
Numéro no 33, 2019
Titre du numéro Recherche en sciences humaines sur l'Asie du Sud-Est
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Editorial

    • Vingt ans après - Bernard Formoso, Philippe Le Failler, Mathilde Lefebvre p. 5-10 accès libre
  • Dossier thématique

    • Challenges and Resilience in Myanmar's Urbanization: A Special Issue on Yangon - Maaike Matelski, Marion Sabrié p. 11-31 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Nombreuses sont les grandes villes d'Asie du Sud-Est à s'être développées économiquement et à avoir ensuite connu une modernisation, une gentrification et l'exclusion d'une partie de leur population. À Yangon, l'ancienne capitale et le principal centre urbain du Myanmar, ces processus se sont accélérés depuis peu. Résultant de la transition politique et économique commencée en 2010, les nouvelles opportunités d'emploi, d'éducation et économiques y attirent une population toujours plus nombreuse. Sa métropolisation est en marche, mais elle fait face à une marginalisation d'une partie de sa population, une gentrification et à la croissance de l'habitat informel en périphérie. Tous ces problèmes contribuent à l'augmentation des inégalités au lieu d'un développement inclusif. La politique urbaine, exogène, non-démocratique, top-down et menée de façon incoordonnée par les autorités gouvernementales, régionales et municipales, conduit à une plus grande injustice sociale et à des inégalités croissantes. Les politiques d'aménagement urbain, comme la conservation du patrimoine, sont à appréhender en s'interrogeant sur les inégalités qu'elles peuvent créer. Les groupes marginalisés, déplacés avec ou sans l'usage de la force, devraient obtenir leur « droit à la ville ». Afin de présenter les trois contributions suivantes, notre article présente les défis de la métropolisation de Yangon pour ses habitants et analyse les nouvelles formes exacerbées d'exclusion.
      Many large cities in Southeast Asia have undergone parallel processes of modernization, gentrification and exclusion as a result of economic development. In Yangon, Myanmar's former capital city and still the main urban centre, this process has accelerated only recently. Since the start of the current political and economic transition period in 2010, opportunities for employment, education and business have been drawing ever larger numbers of people towards Yangon. While the city is emerging as an Asian metropolis, it faces problems of marginalization, congestion, gentrification and its corollary, the growth of informal urban outskirts that contribute to rising inequality rather than inclusive development. The exogenous, non-democratic and top-down urban policy led in an uncoordinated manner by the national, regional and municipal authorities leads to more social injustice and inequalities. Urban planning policies such as conservation heritage are also questioned in terms of the inequalities they are likely to generate. However, the marginalized groups, violently evicted or not, should also get their “right to Yangon”. In order to present the three following articles, this article aims at introducing Yangon's metropolization and its challenges for the Yangonites, discussing the causes and consequences of these new and exacerbated forms of exclusion.
    • Yangon “Emerging Metropolis”: Challenges for the Authorities and Resilience of the Yangonites - Marion Sabrié p. 33-64 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis 2010 et l'accélération de l'ouverture économique du Myanmar (ex-Birmanie), de nombreux changements prennent place dans le pays. Ces métamorphoses sont particulièrement visibles dans le paysage de Yangon qui demeure la capitale économique et la porte d'entrée du pays, et importantes pour ses habitants. Sa population augmente et ses quartiers périphériques s'étendent. En réponse à la pression urbaine et à un flot croissant d'immigrants et d'investisseurs nationaux et internationaux, la métropolisation est désorganisée : constructions éparpillées de gratte-ciels et de malls, destruction d'espaces verts, gentrification du Central Business District, etc. Yangon doit également faire face à de nombreux défis, résultant notamment d'une nouvelle législation, ayant permis une importation massive de voitures : infrastructures routières inadaptées à la circulation, embouteillages importants, pollution de l'air, bruit, etc. La municipalité de Yangon – le Yangon City Development Committee – aidée par la Japanese International Cooperation Agency, a préparé un plan de transport urbain à mettre en place dans le Grand Yangon. Alors que les coûts environnementaux, culturels et sociaux semblent élevés, dans quelle mesure les Yangonais bénéficient-ils de l'ouverture économique ? Basé sur des données collectées par le recensement de 2014 et des années d'entretiens avec des acteurs locaux et internationaux vivant à Yangon, l'article analyse les défis urbains auxquels font face les autorités et la résilience des Yangonais face à la métropolisation de leur ville.
      Since the elections of 2010 and the accelerated economic openness of Myanmar (formerly Burma), changes are taking place in the country. Those metamorphoses are particularly visible in Yangon's landscape, which remains the economic capital and the national entry door, and major for its inhabitants. Yangon's population is growing, its suburban areas are expanding, and the limits of its metropolitan area are not well defined yet. As a result of the urban pressure and of the increased influx of people from other regions, as well as foreign investors, the metropolization is disorganized: scattered construction of new skyscrapers, larger malls, destruction of green spaces, gentrification of the Central Business District, etc. Because of the new economic legislation, which has allowed a massive importation of cars, Yangon is also facing many other issues: inadequate road infrastructures, severe traffic congestion, lack of parking spaces, noise and air pollution. Yangon Municipality—the Yangon City Development Committee—assisted by the Japanese International Cooperation Agency, prepared an urban transport plan of Greater Yangon. Since environmental, cultural and social costs seem to be high, to what extent do the Yangonites benefit from the economic openness? Based on data collected by the Myanmar government in the 2014 Census, and years of interviews by the author of local and international actors living in Yangon, this paper analyzes the challenges of the authorities and the resilience of the Yangonites facing the metropolization of Yangon.
    • Informal Settlements and Migrant Challenges in Yangon - Helene Maria Kyed p. 65-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article explore les défis et les stratégies de survie des migrants informels pauvres dans le township de Hlaing Thayar, qui possède la plus importante concentration d'habitations informelles à Yangon. En me basant sur des entretiens effectués avec des habitants de ce quartier informel, des chefs locaux et avec les autorités municipales au début de l'année 2017, je montre que les habitants de ce quartier informel dépendent de leurs réseaux familiaux lâches et des chefs du quartier ou religieux pour affronter les défis auxquels ils sont confrontés. Ce n'est cependant pas un facteur de stabilité dans l'auto-gestion. Des menaces perpétuelles d'éviction et la sécurisation par les autorités municipales accroissent la mobilité et le sentiment d'insécurité des habitants, facteurs de conflits et d'un manque de cohésion sociale. Parallèlement, l'habitat informel maintient une économie informelle, ainsi que des formes de gouvernance non officielles par des « chefs » (lue kyi) qui incluent des agents gouvernementaux bénéficiant des ventes foncières illégales mais aussi de documents officiels aux habitants de ce quartier informel. L'argument majeur de l'article est que le gouvernement perpétue la sécurisation des nouveaux arrivants et des habitants des quartiers informels de Yangon au lieu de la limiter, ce qui va mener, si rien ne change, à une plus grande instabilité.
      This article explores the challenges and survival strategies of poor informal migrants in Hlaing Thayar township, which has the largest concentration of informal settlements in Yangon. Based on interviews with informal settlers, local leaders, and city authorities in early 2017, I show that the informal settlers rely on loose networks of relatives and on local ward and religious leaders to cope with the challenges they face. However, this does not lead to any stable form of self-organization. Constant threats of evictions and securitization by city authorities are creating high levels of mobility and feelings of insecurity, which also cause social disputes and lack of social cohesion. Simultaneously, the informal settlements sustain an informal economy and informal forms of governance by local “big people” (lue kyi), including some government officials, who benefit from illegal land sales and from providing legal documents, like household registers and land papers to the informal migrants. A core argument of the article is that the securitization of newcomers and informal settlers by the government is perpetuating rather than curbing insecurity in Yangon's informal settlements, which could, if not reversed, lead to deeper instability.
    • Migration, Informal Settlement, and Government Response: The Cases of Four Townships in Yangon, Myanmar - Eben Forbes p. 95-117 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Myanmar, la Constitution de 2008 stipule que les citoyens ont le droit de s'installer là où ils le souhaitent. En 2010, lorsque les réformes politiques et économiques commencèrent à prendre de la vitesse, de plus en plus de Birmans décidèrent d'user de ce droit en émigrant vers d'autres villes. Yangon est la destination la plus populaire et sans aucun doute le moteur de la croissance économique du pays dans cette nouvelle ère d'intégration à la globalisation. Mais la ville peine à accueillir autant de nouveaux résidents en si peu de temps et les autorités gouvernementales sont loin d'accorder une quelconque légitimité aux zones d'habitats informels, qui reçoivent le plus grand nombre d'immigrés. Les Yangonais historiques ne sont pas non plus très enthousiastes de les accueillir. Cet article examinera deux zones d'habitat informel : l'une à la toute périphérie de la ville et l'autre entre le Central Business District et la périphérie, dans « la ville centrale ». Ces deux territoires seront comparés en termes de vulnérabilité face à l'éviction, de dette des ménages et de risques environnementaux, ainsi que de leur accès aux services urbains fondamentaux, d'emploi et de temps de transport. Cet article examinera un des problèmes auxquels Yangon est aujourd'hui confrontée : est-il possible de contrôler la croissance urbaine tout en intégrant de nombreux nouveaux venus, en respectant leur droit à la mobilité et en répondant à leurs besoins en services de base ? Cet article est fondé sur le travail de terrain de l'auteur et les enquêtes qu'il a menées auprès des ménages, ainsi que sur un autre travail effectué sur la question du rôle vital joué par ces nouveaux immigrés dans l'économie et le fonctionnement globaux de cette ville en plein développement.
      In Myanmar, the 2008 Constitution stipulated that citizens have the right to settle anywhere in the country. When political and economic reforms begun in 2010 started to gather steam, more and more people began to exercise that right by migrating to cities with Yangon being the most popular destination. Yangon is beyond doubt the driving engine of growth for this country in its new era of induction into the global economy. But Yangon is struggling to support so many new residents so quickly, and government authorities are far from granting any legitimacy to informal settlements—which are receiving the largest numbers of migrants, and the city's original residents are not keen to accept them either. This paper will examine two informal settlement locations—one at the very periphery of the city and the other located in the area between the Central Business District and the periphery, or “Central City”. These two locations will be compared in terms of their vulnerability to eviction, household debt, and environmental hazards; as well as their supply of basic urban services, employment, and commuting time. The paper will examine a central conundrum facing Yangon today: can orderly, controlled urban growth be achieved while also assimilating the many newcomers in ways that respect their right to mobility and need for basic services? This paper relies upon the author's own household surveys and field research in addition to recent scholarship on the subject to elucidate this question in light of the vital role these newcomers play in the overall economy and functioning of this burgeoning city.
  • Varia

    • « À votre service ! » : la fabrication de la domesticité en Asie du Sud-Est - Julien Debonneville, Olivia Killias accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article décrit le rôle d'un acteur-clé des « industries » des migrations contemporaines, à savoir les agences de recrutement et de placement, dans l'économie mondialisée du travail domestique. En se penchant sur deux « industries » de la migration de référence en Asie du Sud-Est, les Philippines et l'Indonésie, cet article montre comment les discours et les pratiques de recrutement et de placement des agences participent à la fabrication de la « domestique idéale ». Dans un premier temps, l'article décrit la façon dont les agences de recrutement participent à la construction discursive et matérielle des corps des migrantes, et dans un deuxième temps, la façon dont les attitudes des travailleuses sont normalisées afin de les faire correspondre aux attentes supposées d'employeur-e-s à l'étranger. Dans un dernier temps, l'article souligne comment les pratiques de recrutement et surtout de placement dans des pays de destination tels que la Malaisie inscrivent les travailleuses domestiques dans des rapports sociaux marqués par des logiques d'altérisation. En considérant les corps en mouvement à la croisée de leur dimension matérielle et symbolique, cet article permet de comprendre comment ces derniers prennent progressivement sens en tant que force de travail « docile » et comme « support » de la différence dans les rapports de domination inhérents à l'économie mondialisée du travail domestique.
      This article discusses the role of a key actor in contemporary migration, namely recruitment and placement agencies, in the globalized economy of domestic labour. By focusing on two key migration “industries” in Southeast Asia, the Philippines and Indonesia, this article reveals how the discourses and practices of recruitment and placement agencies contribute to the making of the “ideal maid”. First, the article examines the making of labouring bodies through recruitment practices in countries of origin, and secondly, it shows how migrant women's attitudes are normalized in an attempt to make them correspond to foreign employers' (supposed) expectations. Finally, the article explores how logics of othering shape the recruitment and, even more so, the placement of migrant domestic workers in destination countries such as Malaysia. By considering bodies in their material and symbolic dimensions, the article points out how domestic workers are progressively produced as a “docile” labour force and as a figure of alterity in the globalized economy of domestic work.
    • Vietnam : une géopolitique en mutation au risque d'un dilemme stratégique ? - Laurent Gédéon p. 143-173 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La rivalité qui oppose la République populaire de Chine au Vietnam au sujet de la mer de Chine méridionale met en lumière la profonde mutation qu'a connue ce pays sur le plan de ses ambitions régionales comme de ses représentations géopolitiques. Si celles-ci ont été et demeurent fondamentalement structurées par son rapport historique avec la Chine, l'horizon géopolitique de Hanoi s'est maritimisé, s'éloignant de la péninsule indochinoise pour s'orienter vers la mer de Chine méridionale où le Vietnam a fait de la souveraineté des archipels Paracels et Spratleys un enjeu prioritaire. Cette évolution a pour conséquence le renforcement progressif des capacités navales de l'armée vietnamienne et le rapprochement de Hanoi avec d'autres puissances maritimes. Dans ce contexte délicat, le Vietnam tente de conserver un juste milieu entre l'affirmation de ses ambitions et maintien d'une coopération avec la Chine. La position de Hanoi est cependant affectée par la montée progressive des tensions entre les États-Unis et la RPC. En complexifiant le maintien d'une équidistance entre Washington et Pékin, celles-ci rendent plus risqués les choix stratégiques à venir du pays.
      The rivalry between People's Republic of China and Vietnam over the South China Sea highlights the profound changes Vietnam has experienced in its regional ambitions and geopolitical perceptions. These have been and remain fundamentally structured by its historical relationship with China. However, the geopolitical horizon of Hanoi has become maritime, moving away from the Indochinese peninsula towards the South China Sea where Vietnam has made sovereignty of the Paracels and Spratly archipelagos a priority issue. The consequence of this development is the gradual strengthening of naval capabilities of the Vietnamese army as well as the rapprochement of Hanoi with other maritime powers. In this sensitive context, Vietnam tries to maintain a proper balance between its regional ambitions and maintenance of cooperation with China. Hanoi's position is however affected by the gradual rise of tensions between United States and the PRC. These complicate the maintenance of equidistance between Washington and Beijing and make the future strategic choices of the country more risky.
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