Contenu du sommaire : Une Europe asymétrique : les idéologies pendant la Seconde Guerre mondiale
Revue | Guerres mondiales et conflits contemporains |
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Numéro | no 275, juillet-septembre 2019 |
Titre du numéro | Une Europe asymétrique : les idéologies pendant la Seconde Guerre mondiale |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier - Une Europe asymétrique : les idéologies pendant la Seconde Guerre mondiale
- Introduction - Chantal Metzger p. 3-5
- La place inégale des États voisins de l'Allemagne nazie : mise en perspective du nouveau Völkerrecht avec la pratique du droit - Clément Millon p. 7-18 Après 1933, dans la science juridique, un nouveau Völkerrecht se développe, qui prend en considération les grands ensembles régionaux. Quelles sont les places de l'Est et de l'Ouest de l'Allemagne nazie dans ce contexte ? Cela dépend de trois facteurs étudiés ici : l'évolution de la doctrine du Völkerrecht en ce domaine ; l'application de la législation d'occupation ; l'image des pays concernés sous le regard vigilant du troisième Reich. Il apparaît essentiellement que l'Ouest de l'Europe a une meilleure position, dans une vision cohérente du monde.After 1933, in the legal doctrine of the Third Reich, a science is in movement: a new Völkerrecht to apply to the main regional blocs. Where do the east and west of Nazi Germany belong in this context? It depends on three factors: the evolution of the doctrine of the Völkerrecht in this field; the application of the legislation during the occupation; the image of the countries concerned under the watchful eyes of the Third Reich. It is apparent that Western Europe is better regarded.
- La Baltique, une mer germanique ? L'Europe du Nord et du Nord-Est dans l'idéologie du troisième Reich - Alexandre Bibert p. 19-30 Avant la guerre, l'unité de l'espace baltique a été diversement appréhendée par les figures éminentes du régime nazi. Les succès rencontrés par l'Allemagne durant la guerre stimulent tout un imaginaire, mais aucune vision normative ne s'impose pour autant. Si l'intention de constituer un Grand Reich germanique autour de l'espace baltique paraît bien en 1941, la définition des contours de celui-ci est hautement évolutive, donc pragmatique, tandis que l'aspiration elle-même demeure masquée et source de tension au sein du régime.Before the Second World War, the unification of the Baltic region was variously conceived by the leading figures of the Nazi regime. Germany's successes during the war inspired ambitious plans, but no standard vision appeared. While the intention of forming a Greater Germanic Reich around the Baltic Sea came into play in 1941, the outline evolved little by little, while the aspiration itself remained hidden and caused tension within the regime.
- Les stratégies de légitimation de la présence de l'Allemagne et de la Pologne en Europe Orientale (1939-1945) - Estelle Bunout p. 31-42 En Allemagne et en Pologne, l'Est fait l'objet d'une lutte idéologique pour asseoir la possession polonaise ou réviser la dépossession allemande avant 1939. La guerre réactualise cet enjeu. Dans le contexte d'une hégémonie allemande en Europe, l'Est tient une fonction d'exploitation, tandis que du point de vue polonais, le rétablissement des frontières orientales est un élément existentiel de la politique du gouvernement en exil. Le discours expert nous informe, par les éléments mis en avant pour servir leurs régimes respectifs, des conceptions sociales sous-jacentes de l'Est qui expliquent le regard asymétrique sur cette région. Les parcours d'Olgierd Górka et de Gotthold Rhode, éclairent l'évolution des regards allemands et polonais sur l'Est durant la guerre.In Germany and Poland, Eastern Europe is the subject of an ideological struggle between Polish possession and the attempt to reverse pre-war German dispossession. The war reinvigorated this issue. In the context of Germany's hegemony in Europe, the East offers a realm for exploitation, while from the point of view of the Polish government in exile the restoration of the eastern frontiers is paramount. The discourse between the experts, Olgierd Górka and Gotthold Rhode, illustrate the evolution during the war of the German and Polish viewpoints.
- L'Union Européenne des Postes et des Télécommunications (1942-1945). Un ensemble d'asymétries complexes - Valentine Aldebert, Sabrina Proschmann p. 43-54 Notre étude se centre sur l'Union européenne des Postes et des Télécommunications née lors d'un congrès à Vienne en octobre 1942. Le but de cette union était une homogénéisation au niveau européen des pratiques et des tarifs des PTT. Cependant, le traitement inégal des membres du congrès et le rejet par l'administration allemande de la participation (pourtant essentielle) d'administrations européennes des PTT, témoignent des limites de cette union. En effet, elle est le reflet de l'idée d'Europe asymétrique. Toutefois, elle rompt avec les asymétries traditionnelles présentes en Europe nazie, tout en renouvelant l'approche que nous avons du technocratisme scientifique : européenne et non pas intercontinentale. En nous centrant sur les fondements idéologiques des asymétries présentes dans cette union, et sur les rapports pays occupants/pays occupés, nous chercherons à mettre en lumière ce qu'est la « coopération » technique en temps de guerre.Our study focuses on the European Post and Telecommunications Union founded at a congress in Vienna in October 1942. The aim of this union was to harmonise PTT practices and tariffs at European level. However, the unequal treatment shown to members and Nazi Germany's rejection of the (essential) participation of European PTT administrations prove the limitations of this union. Indeed, it reveals an asymmetric Europe. At the same time, it breaks with traditional asymmetries current in Nazi-dominated Europe, while renewing our approach to scientific technocratism : European and not global. By focusing on the ideological foundations of the asymmetries present in this union and on the relations between the occupying and occupied countries, we will seek to highlight what technical “cooperation” means in times of war.
- Français à la recherche d'eux-mêmes : « la légion des volontaires français contre le bolchevisme » au front de l'Est (1941-1944) - Aleksandr Vershinin p. 55-67 Le phénomène de la participation des volontaires français à la guerre d'Allemagne contre l'URSS en 1941-1944 est examiné dans cet article. La chute militaire de la France en 1940 qui a entraîné l'effondrement de la Troisième République a porté un coup puissant à la conscience de soi des Français en tant que nation et a donné un élan à la recherche d'une allemande. L'auteur de l'article se concentre sur le problème de l'identification des légionnaires français. Leur perception de soi en tant qu'avant-garde de la civilisation dans le monde de la barbarie a joué un rôle particulier. En fin de compte, cette expérience a échoué. Les légionnaires ont subi un effondrement moral, restant incapables de s'expliquer les perspectives du « nouvel ordre ».The article examines the role of French volunteers in Germany's war against the USSR in 1941-1944. The military collapse of France in 1940, which led to the collapse of the Third Republic, dealt a powerful blow to the self-esteem of the French as a nation and gave impetus to their search for a new identity. There were those who saw the future of the country as part of the German “new order”. The focus here is on the French Legionnaires and their image of themselves as the avant-garde of civilization in a world of barbarism. Ultimately, this experiment failed. The legionnaires suffered a moral collapse, being unable to explain to themselves the objectives of the “new order.”
- Le projet soviétique de l'Europe de l'après-guerre : entre idéologie et réalisme (1943-1945) - Evguénia Olegovna Obitchkina p. 69-82 Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale dans les relations de Kremlin avec les alliés dominait une logique coopérative dans l'esprit de laquelle l'URSS, comme membre des Nations unies, se considérait comme étant dans le monde démocratique, mais une telle auto-identification répondait aux besoins du moment où la démocratie était l'antipode du fascisme. Ayant comme priorité absolue la victoire sur Hitler et tenant à ses intérêts dans le règlement politique de l'après-guerre, Moscou avait montré une grande flexibilité dans sa politique de la réorganisation de l'Europe aux temps de la libération. Ce fut la politique du possible qui se basait sur le rapport de force dans le sens du réalisme classique. Quoique la diplomatie soviétique n'eut pas manqué l'occasion de se servir de son poids militaire pour introduire ces propres intérêts en Europe, elle refusait le scénario révolutionnaire immédiat, misant sur les larges coalitions nationales patriotiques avec une forte présence communiste en France, en Italie, en Grèce et dans les limitrophes de l'Europe de l'Est. Une fois la victoire obtenue, l'union de circonstance avec les démocraties occidentales avait perdu sa raison d'être et l'esprit de la lutte de classes fut de retour dans la politique étrangère de Staline.Towards the end of the Second World War, what prevailed in the relationships between the Kremlin and the western allies, was a logic of cooperation in the spirit of which the USSR, as a member of the United Nations, considered itself as a full part of the democratic world. But such self-identification responded to the needs of that era when fascism and democracy were poles apart. As Moscow considered the victory over Hitler as an absolute priority and attached great importance to its own interests in the political settlement of the post-war period at the time of the Liberation, it had shown great flexibility in reorganizing Europe politically. Politics consisted in what could possibly be done, which meant it was based on a balance of powers and had to cope with reality. Although Soviet diplomacy would not have missed the opportunity to use its military powers to serve its own interests in Europe, it rejected immediate revolution and favoured broad national patriotic coalitions with a strong communist presence in France, Italy, Greece and Eastern Europe's bordering countries. Once victory was achieved, that ad hoc union with the western democracies had lost its very first purpose and the spirit of class struggle was back again in Stalin's foreign policy.
- Londres, capitale du projet européen ? (1940-1945) - Olivier Wieviorka p. 83-95 Une image convenue considère que la Seconde Guerre mondiale a ranimé la flamme de l'idée européenne. Les faits démentent pourtant ce prédicat. Les Anglo-Américains ne cherchèrent jamais à associer leurs « petits alliés » à la conduite de la guerre. Et rares furent les plans à dessiner les contours d'une fédération européenne. Bien des obstacles se dressaient, à commencer par l'hostilité que les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Union soviétique vouaient à l'idée européenne, une idée qui contrariait tant leurs intérêts nationaux que le rêve de gouvernance mondiale que s'efforçait de promouvoir l'ONU. De sorte que la construction européenne est plus la fille de la guerre froide que celle des années sombres.According to a common image, the Second World War rekindled the flame of the European idea. The facts refute this assumption. The Anglo-Americans never sought to associate their “smaller allies” with the conduct of the war, and few were the plans to draw up the contours of a European federation. Many obstacles arose, beginning with the hostility shown by the United States, Great Britain and the Soviet Union to the idea of an integrated Europe, an idea that ran counter to their national interests and to the dream of global governance that the UN was striving to promote. From this point of view, the construction of Europe is much more the daughter of the Cold War than the daughter of the dark years of the Thirties.
- La perception de « l'idée de l'Europe » par les diplomates soviétiques au stade d'élaboration du projet de la nouvelle organisation de sécurité internationale (1943-1944) - Natalia Vassilieva p. 95-107 Le présent article tente d'analyser les points de vue des diplomates soviétiques de haut-rang sur divers projets d'unification européenne proposés pendant la Deuxième Guerre mondiale. En même temps, l'attention particulière est accordée à la perception générale de « l'idée européenne » par les représentants du Commissariat du Peuple aux Affaires étrangères dans le contexte des discussions entre les puissances dirigeantes de la coalition antihitlérienne sur des projets spécifiques visant à créer la nouvelle organisation universelle assurant la paix et la sécurité internationale.This article examines the views of high-ranking Soviet diplomats on different projects relating to the unification of Europe that were proposed in the course of the Second World War. It pays special attention to the perception of « the European idea » on the part of officials of the People's Commissariat for Foreign Affairs, deriving from interallied discussions on the subject of a new universal organization responsible for peace and international security.
- L'Europe et le renouveau du droit international (1941-1945) - Ann-Sophie Schoepfel p. 109-120 À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États alliés instituent les Tribunaux internationaux militaires de Nuremberg et de Tokyo et adoptent de nouveaux principes de droit international. À partir des archives des comités interalliés et de la Commission des crimes de guerre des Nations unies, cet article démontre que la mise en place de ce nouveau cadre juridique à Londres et à Chongqing est aussi importante que le cadre lui-même.At the end of the Second World War, the Allies established the International Military Tribunals at Nuremberg and Tokyo and adopted new principles of international law. From the archives of the Allied committees and of the United Nations War Crimes Commission, this article shows that the implementation of this new legal framework in London and Chungking is as important as the framework itself.
Varia
- La résine française, la guerre, l'occupation (1939-1945) : mobilisation et exploitation d'une ressource stratégique - Sébastien Durand p. 121-141 Tandis que la Drôle de Guerre est l'occasion d'une première confrontation avec la réglementation et la réquisition, la signature de l'armistice marque pour les entreprises résinières françaises le début d'un dialogue complexe avec le gouvernement de Vichy et les occupants. Dans un contexte de graves restrictions (matières premières, main-d'œuvre, moyens de transport), les autorités allemandes parviennent à tirer profit des atouts du tissu économique forestier, puisqu'ils parviennent à intégrer à leur économie de guerre cette richesse tirée du sol. L'organisation de la filière depuis 1939 autour d'une Union corporative des résineux (UCR) a été d'une importance capitale.While the Phony War brought about the first setting-up of regulations and requisitions, the signing of the Armistice marked the start of a complex period for the French resin economy, in that it prompted a fruitful dialogue with both the Vichy government and the German authorities. In a context of severe shortages (primary goods, labour and the means of transport), the occupying forces benefited from the strength of the local forest fabric, since they were able to integrate into their war economy this natural resource drawn from the land. The organization in 1939 of the French UCR was of capital importance.
- La résine française, la guerre, l'occupation (1939-1945) : mobilisation et exploitation d'une ressource stratégique - Sébastien Durand p. 121-141
Note de lecture
- Les Italiens en Afrique du nord pendant la Seconde Guerre mondiale - Michel Ostenc p. 143-146
Comptes rendus
- Comptes rendus - Jean-Noël Grandhomme p. 147-150