Contenu du sommaire : Révoltes sexuelles après #MeToo
Revue | Mouvements |
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Numéro | no 99, automne 2019 |
Titre du numéro | Révoltes sexuelles après #MeToo |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Révoltes sexuelles après #MeToo
- Éditorial - Catherine Achin, Viviane Albenga, Armelle Andro, Pauline Delage, Samira Ouardi, Juliette Rennes, Sylvia Zappi p. 7-10
- « Nous n'avons plus peur ». Chronique des mobilisations contre les violences sexuelles en Espagne (2017-2019) - Antonia Ceballos Cuadrado p. 11-21 Le mouvement de lutte contre les violences faites aux femmes en Espagne a pris appui, avant et après #MeToo, sur plusieurs cas emblématiques et médiatisés qui ont donné lieu à des procès marquants. Il a été accompagné d'une mobilisation féministe massive lors de ces procès et des grèves du 8 mars en 2018 et 2019. L'article revient chronologiquement sur ces différentes mobilisations et sur le rôle des médias et réseaux sociaux dans les formes prises par le mouvement #MeToo en Espagne, jusqu'à la confrontation politique actuelle du parti d'extrême droite Vox avec le mouvement féministe.
- « Regarde dans quel état nous nous mettons ! » Luttes contre les violences sexuelles et renouveau du féminisme en Argentine - Mariana Carbajal, Inès Ichaso, Maritza Sandoval p. 22-30 Les luttes contre la violence machiste en Argentine se sont répandues et popularisées depuis 2015. Loin d'être une injonction des classes moyennes, la prise de conscience féministe et les revendications pour les droits des femmes traversent toute la société : professionnelles, paysannes, ouvrières, étudiantes, adolescentes, majeures, filles, mères et grands-mères. Pour éclairer ces luttes, Inès Ichaso s'entretient avec la journaliste argentine Mariana Carbajal qui a contribué à impulser le mouvement « Ni Una Menos » (« Pas une de moins »). Mariana Carbajal fait partie des Journalistes d'Argentine en Réseau pour une Communication non Sexiste (PAR, de son sigle en espagnol). Elle collabore au journal progressiste Página 12 et anime des émissions sur le genre et le féminisme à la radio et à la télévision. Elle a notamment publié les ouvrages Je te crois, sœur (2019), Maltraitées. Violence de genre dans les rapports de couple (2014) et L'avortement en débat. Apports pour une discussion en attente (2009).1
- Smashboard : développer les outils de la lutte collective contre le patriarcat - Noopur Tiwari, Samira Ouardi p. 31-37 Journaliste et militante féministe indienne, longtemps correspondante en France pour différents journaux, Noopur Tiwari a fondé en 2017 Smashboard.org, une plateforme multifonction, à la fois réseau social, média et centre de ressource en ligne destinée à venir en aide aux femmes victimes de violences sexuelles. Elle nous parle de la philosophie de ce projet original qui aborde la lutte contre les violences sexuelles et sexistes à partir des outils concrets qu'elle nécessite.
- Violences sexuelles & ripostes partisanes - Vanessa Jérome p. 38-47 Depuis l'automne 2017, le mouvement #MeToo a provoqué un véritable séisme sociétal. Initié comme une double invitation, à la dénonciation du caractère systémique des violences sexuelles et à la sororité, il a relativement épargné les politiques. Non parce qu'il n'y aurait rien à en dire. Mais parce qu'ici se combinent, de manière paroxystique, les logiques classiques de l'omerta et les spécificités d'un champ qui échappe encore largement aux tentatives de régulation.
- Une poignée de sel sur les braises de la lutte pour la libération de l'avortement et de la contraception : À propos du film Quand je veux, si je veux - Marie Mathieu p. 48-56 Prenant appui sur le documentaire paru en 2018 Quand je veux, si je veux qui donne la parole à des femmes ayant avorté récemment en France, et dans un contexte où le droit à l'IVG est remis en cause par des gouvernements conservateurs dans de nombreux pays, Marie Mathieu rappelle quelques éléments essentiels sur un combat d'actualité. Alors qu'il est un événement fréquent et ordinaire de la vie des femmes, l'avortement constitue toujours une pratique stigmatisée et un tabou. Derrière les stéréotypes et les méconnaissances existent des vécus et des parcours diversifiés de femmes confrontées à la prise en charge solitaire du travail contraceptif et à des résistances lorsqu'elles souhaitent exercer « un droit, leur droit : celui de mettre un terme à une grossesse et de décider ainsi de leur propre vie ».
- Par des femmes, pour les femmes. Rééditer Notre corps, nous-mêmes quarante ans après l'original - , Pauline Delage p. 57-66 En 1969, alors que le mouvement féministe se développe aux États-Unis, des militantes féministes de Boston se réunissent lors d'ateliers autour de la santé des femmes et de leur corps : le cadre de ces groupes de parole, la non-mixité entre femmes, sont propices à des échanges émancipateurs sur des enjeux intimes, considérés comme des tabous, tels que la sexualité, la contraception ou l'avortement, mais aussi le rapport aux médecins et au pouvoir médical. La parole des femmes constitue alors le socle de la production de savoirs originaux, qui prend d'abord la forme d'une brochure publiée en 1970 puis d'un ouvrage, Our Bodies Ourselves, édité pour la première fois en 1971. Le titre souligne bien la visée politique du livre : l'appropriation par les femmes de leur corps. Traduit ou adapté dans une trentaine de langues, notamment en français en 1977, sous le titre Notre corps, nous-mêmes, le livre devient un classique féministe portant sur la santé et le corps. Si le livre a été édité neuf fois aux États-Unis2, la version française n'a jamais été actualisée jusqu'à présent. Le processus de réécriture mis en route il y a trois ans par le collectif Notre corps nous-mêmes souligne certains des enjeux liés à la transmission de savoirs féministes sur les corps des femmes et à leur actualisation, quarante ans après l'édition originale.
- Vivacité des recherches sur les violences fondées sur le genre : la création du laboratoire junior « VisaGe » - p. 67-74 L'année 2017 a été marquée par le mouvement #MeToo qui a (re)mis en lumière l'ampleur des violences sexistes. Au même moment, un réseau de jeunes chercheur.es spécialisé.es dans l'analyse des violences fondées sur le genre se constituait, témoignant de la vivacité des recherches en sciences sociales dans ce domaine. Il signifie aussi un changement radical dans le paysage académique français : alors que les débats ont longtemps porté sur les lacunes à combler dans les données pour prendre la mesure du phénomène, ils s'orientent désormais vers la discussion de leur interprétation et le décentrement des connaissances. Les membres du Laboratoire junior VisaGe nous exposent ici comment elles s'attachent à comprendre l'unité de ce que l'on nomme « violence », à questionner le rôle des violences dans le maintien et la reproduction de l'ordre de genre et de la domination masculine, ainsi que les effets des actions publiques et des dénonciations féministes mises en œuvre. Elles soulignent également les opportunités ambiguës ouvertes par le mouvement #MeToo : une forme de légitimation de leur objet de recherche et de son importance qui s'accompagne de résistances fortes à l'analyse sociologique et féministe du monde social.
- Après #MeToo : Réappropriation de la sororité et résistances pratiques d'étudiantes françaises - Viviane Albenga, Johanna Dagorn p. 75-84 À l'automne 2017, les hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc ont participé à un mouvement féministe d'ampleur mondiale de dénonciation du harcèlement et des violences sexuelles. En raison de leur âge et de leur style de vie, les étudiantes sont particulièrement touchées et concernées par les violences dans l'espace public. Elles sont également les réceptrices et les relais d'idées et de pratiques féministes via les réseaux sociaux. Cet article revient sur les appropriations de #MeToo et du féminisme par des étudiantes françaises qui mettent en pratique des formes de résistances individuelles et collectives proches de la sororité, pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles.
- Sexualité juvénile et rapports de pouvoir : réflexions sur les conditions d'une éducation à la sexualité - Yaëlle Amsellem-Mainguy, Arthur Vuattoux p. 85-95 Les séances d'éducation à la sexualité – lorsqu'elles ont lieu – sont appréhendées dans une perspective de risques, la sexualité des jeunes se trouvant alors décontextualisée et euphémisée, comme si elle n'était pas traversée par les mêmes rapports de pouvoir que celle des adultes, comme si la violence subie par les jeunes dans la sexualité n'était pas de même nature. En revenant sur plusieurs enquêtes menées auprès de jeunes dans ou hors institutions, Yaëlle Amsellem-Manguy et Arthur Vuattoux soulignent que ce biais particularisant revient à homogénéiser et naturaliser les comportements sexuels des jeunes, au risque de marginaliser encore plus les minorités sexuelles et minorités de genre.
- Naissance du clito, apparition du consentement – itinéraire d'un éducateur à la sexualité - p. 96-103 Le Dr. Kpote intervient depuis près de vingt ans auprès d'adolescent.es comme « animateur de prévention ». Durant ces deux décennies, il a vu le contexte de ses interventions se transformer profondément et il a modifié son approche de l'éducation à la sexualité en conséquence. De l'irruption de l'épidémie du sida à la mise à l'agenda public de la question du consentement par des mouvements comme #MeToo, en passant par la généralisation de la consommation de la pornographie à la faveur du développement d'Internet et des réseaux sociaux, il a fallu élargir les thématiques et changer les manières de parler sexualité avec les jeunes. Il nous raconte comment, en près de deux décennies, il est passé d'une approche très sanitaire de la sexualité à une approche plus sociale, moins technique, plus sensible. Son itinéraire témoigne aussi de l'affirmation montante du désir, du consentement et du plaisir féminin dans la sexualité et les discours sur la sexualité.
- Montrez ce sexe que je ne saurais voir : genre et sexualité dans la série Sex Education (Netflix, 2019) - Laetitia Biscarrat p. 104-110 Diffusée en 2019 sur Netflix, bénéficiant d'un fort succès critique, la série Sex Education reprend les codes du teen drama pour proposer un discours inclusif sur la sexualité. L'article analyse les représentations de la sexualité que cette série met en scène sous l'angle des rapports de genre. Il ouvre des pistes de réflexion sur la portée et les limites de son succès ainsi que de son caractère subversif.
- « Au-delà du « non », faire du consentement une éthique de vie » : Entretien sur la violence, la sexualité et la justice chez les queers radicaux - , Pauline Delage p. 111-120 Si la question des violences et de la sexualité est souvent posée du point de vue hétérosexuel, elle est traitée différemment au sein des groupes queers radicaux. C'est ce qu'illustre cet entretien avec Oxymore, membre du Wely Wely Want et de Cambouis, deux collectifs développant des savoirs et des savoir-faire émancipateurs, destinés à améliorer les conditions de vie et les relations de personnes minorisées.
- Insurrections sexuelles... dix ans après - Wendy Delorme p. 121-130 Chercheuse, écrivain, actrice, performeuse, Wendy Delorme milite depuis bientôt quinze ans pour une réappropriation des corps, de la sexualité et du plaisir mais aussi pour la mise en visibilité des identités sexuelles minoritaires. Dans la lignée du féminisme prochoix et sexpositif qui se déploie aux États-Unis dès les années 1980, elle s'engage, dans les années 2000, dans des actions directes qu'elle combine à la production de nouvelles images des sexualités et à l'écriture de textes politiques sous des formes diverses. En 2009 en particulier, elle publie Insurrection ! En territoire sexuel 1, manifeste « sexopolitique », recueil de textes hybrides où se mêlent fiction et réflexion sur le féminisme. Ce texte résonnait alors comme une forme de déclaration de lutte enfiévrée contre l'hétéropatriarcat. Nous avons voulu savoir dix ans plus tard ce qu'il en était de son point de vue, de ces insurrections sexuelles alors pleines de joie et de fureur. Comment donc ont cheminé ces insurrections à travers les méandres des réseaux sociaux et de la tectonique des plaques politiques ?
- Femmes handicapées et violences sexuelles : entre difficultés de prise en charge et empuissancement - Noémie Aulombard p. 131-135 Malgré #MeToo, certaines femmes, certains corps féminins sont toujours invisibilisés et leurs expériences de la violence sexuelle et sexiste niées. Noémie Aulombard revient ici sur les conséquences du regard valido-centré sur ces violences et sur les enjeux spécifiques de la lutte des femmes handicapées.
- Revendiquer l'asexualité : une résistance aux injonctions sexuelles ? - Zoé de Ory p. 136-144 Depuis quelques années, on a vu émerger sur la toile une identité sexuelle jusque-là inconnue : l'asexualité. Portée par une fraction de la population « lassée de se sentir en marge », elle n'aurait pu se faire connaître sans le concours d'Internet, des forums et des réseaux sociaux. La revendication des personnes asexuelles déplace la ligne de partage habituelle entre sexualité « libérée » et « entravée », entre « vie de plaisir » et « misère sexuelle » : posée comme une orientation dans laquelle le désir sexuel pour autrui serait naturellement absent, l'asexualité est une identification au carrefour des luttes minoritaires, des enjeux féministes autour de la sexualité, et des nouvelles modalités d'expression de soi.
Itinéraire
- Entre science, culture et politique, chroniquer la sexualité - Maïa Mazaurette, Armelle Andro, Sylvia Zappi p. 145-156 Maïa Mazaurette est écrivaine, blogueuse et chroniqueuse. Elle a créé les premiers blogs en France sur la sexualité, dont le blog Sexactu.com (avec le magazine GQ). Elle est l'auteure de romans, de BD et de nombreux ouvrages sur les enjeux contemporains de la sexualité et la place des corps dans la société dont notamment La revanche du clitoris publié avec Damien Mascret en 2008 et Sortir du trou qui paraît en novembre 2019. Elle tient la chronique « Le sexe selon Maïa » dans le journal Le Monde depuis plusieurs années, la chronique « Eros et controverses » dans le journal Le Temps et la chronique « Utopie et Dystopie » dans le journal Usbek & Rica.
- Entre science, culture et politique, chroniquer la sexualité - Maïa Mazaurette, Armelle Andro, Sylvia Zappi p. 145-156