Contenu du sommaire : Un regard renouvelé sur les ressources des jeunes : ressources matérielles, soutien, accès aux capacités
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | no 2, avril-juin 2019 |
Titre du numéro | Un regard renouvelé sur les ressources des jeunes : ressources matérielles, soutien, accès aux capacités |
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- Avant-propos - Nicolas Charles, Mickaël Portela, Émilie Raynaud p. 5-21
- Comment se composent les ressources des jeunes ? Le dossier illustré par l'enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ) - Mickaël Portela, Émilie Raynaud p. 23-52
L'État-providence et les jeunes : vers une plus grande individualisation des politiques de jeunesse ?
- Où va la politique de jeunesse en France ? - Tom Chevalier, Sébastien Grobon p. 53-77 La crise économique a accru les difficultés économiques et sociales des jeunes, et plus particulièrement de ceux qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation (Neets). Afin de prévenir et accompagner ces situations de vulnérabilité, plusieurs réformes ont été mises en place ces dernières années et sont également projetées dans de nombreux rapports. Dans cet article, nous présentons un état des lieux problématisé de ces propositions et réformes à la lumière de l'analyse comparée des régimes d'État-providence et de leurs effets sur les inégalités entre jeunes. Dans un premier temps, nous présentons une typologie des régimes d'accompagnement des jeunes vulnérables en Europe, tout en soulignant les obstacles au changement de l'action publique. Dans un second temps, nous mobilisons ce cadre théorique afin d'identifier trois « trajectoires de réformes » renvoyant à trois stratégies distinctes de lutte contre les inégalités : une trajectoire d'actualisation du régime existant visant d'abord à lutter contre la pauvreté des jeunes ; une trajectoire de dualisation des politiques de jeunesse se focalisant sur une redistribution monétaire verticale entre les familles ; et une trajectoire de changement de régime afin de promouvoir un droit à la formation tout au long de la vie dans la perspective d'une stratégie d'investissement social.The economic crisis has increased the economic and social difficulties for young people, especially those who are not in education, employment or training (NEETs). In order to prevent and assist these situations of vulnerability, several reforms have been implemented in recent years. More in-depth reform proposals are also suggested in many official reports. In this article, we present an overview of these proposals and reforms in the light of the comparative analysis of welfare state systems and their effects on youth inequality. First, we present a typology of support schemes for vulnerable young people in Europe, while highlighting the obstacles to changing public policies. Second, we mobilize this theoretical framework to identify three “reforms trajectories” referring to three distinct strategies to combat inequalities. These are first a trajectory of updating the existing regime aimed first at combating youth poverty ; second, a trajectory of keeping the focus on vertical monetary redistribution between families while adding individual youth policies for young people leaving the education system ; and third, a trajectory of regime change to promote a right to lifelong learning in the context of a social investment strategy.
- D'une politique de défamilialisation à des pratiques de refamilialisation : les ressources des jeunes saisies par la Garantie jeunes - Julie Couronné, Marie Loison-Leruste, François Sarfati p. 79-96 À partir d'une enquête ethnographique menée dans trois missions locales, cet article analyse les représentations et les usages de l'allocation mensuelle versée dans le cadre de la Garantie jeunes. Il s'agit d'un dispositif d'insertion sociale et professionnelle à destination des « jeunes Neets vulnérables ». Le propos porte à la fois sur les positions et sur les pratiques des acteur·trices, qu'il s'agisse des professionnel·les (conseiller·es d'insertion et directions de mission locale) ou des destinataires.La Garantie jeunes relève du principe d'activation et les ressources économiques versées dans son cadre sont un encouragement à la mise en action des destinataires. L'article met en évidence une tension entre défamilialisation et refamilialisation qui caractérise l'usage que font les jeunes de l'allocation. Alors que ce dispositif est construit sur le principe de la défamilialisation de l'aide sociale, son appropriation par les jeunes révèle au contraire un usage familial très fort, dévoilant ainsi des « transferts familiaux inversés ». Néanmoins, l'allocation qu'ils et elles perçoivent à titre individuel, les conforte aussi comme individus. Individus en capacité de contribuer au collectif familial.Based on an ethnographic survey conducted in three local programmes, this article analyses the representations and uses of the monthly allowance paid under the Youth Guarantee. This is a social and professional integration scheme for “vulnerable young NEETs”. The aim is to examine both the positions and practices of the actors, whether they are professionals (integration counsellors and local project managers) or recipients.The Youth Guarantee refers to the idea of activation and the economic resources paid are an incentive for the recipients to take action. The article highlights a tension between defamilialization and refamilialization that characterizes young people's use of the allowance. While this system is based on the principle of defamilialisation of social assistance, its appropriation by young people reveals on the contrary a very strong family use, thus revealing “reverse family transfers”. Nevertheless, the allowance they receive as individuals also supports them as individuals who are able to contribute to the family group.
- Où va la politique de jeunesse en France ? - Tom Chevalier, Sébastien Grobon p. 53-77
Le temps des études : les parents, acteurs du « projet » jeunes ?
- Les étudiants et leurs parents face à l'exercice d'activités rémunérées en cours d'études : quatre portraits de familles - Vanessa Pinto, Tristan Poullaouec, Camille Trémeau p. 97-118 En France, dans un contexte où l'obtention d'un diplôme est nécessaire pour accéder à un emploi qualifié et où les injonctions à l'entraide intergénérationnelle sont très fortes, les études font l'objet d'une mobilisation parentale importante, notamment sur le plan financier. À partir d'une enquête par entretiens auprès de 50 enquêtés – des étudiants et leurs parents ayant répondu à l'enquête nationale sur les ressources des jeunes –, l'article analyse comment se décline cette aide parentale selon les milieux sociaux, comment la participation de l'étudiant au financement de ses études est conçue et quels sens sont donnés aux études et à l'emploi étudiant. À travers quatre portraits de familles socialement diversifiées, il tente ainsi de replacer au sein de l'économie globale des rapports familiaux les études et les activités rémunérées des enfants et de les éclairer par la trajectoire de chacun des parents, leurs rapports au travail et les valeurs transmises à leurs enfants. Les familles adhèrent donc de manière très inégale en fonction de leurs trajectoires et de leurs ressources à la vision, promue par certains discours publics, du travail étudiant comme solution au financement des études et à l'insertion professionnelle des diplômés.In a context in which obtaining a diploma is necessary to access qualified employment and where the insistence on intergenerational mutual assistance is very strong, education in France is the object of significant parental involvement, particularly in financial terms. Based on an interview survey of 50 respondents— students and their parents who responded to the National Youth Resource Survey— the article analyses how parental assistance is provided in different social settings, how student participation in the financing of their studies is designed and what meaning is given to studies and student employment. Through four portraits of socially diversified families, it attempts to place children's studies and paid activities within the global economy of family relationships and to shed light on each parent's trajectory, their relationship to work, and the values transmitted to their children. Therefore, families adhere very unequally, according to their trajectories and resources, to the vision promoted by some public discourse, of student work as a solution to the financing of studies and the professional integration of graduates.
- Soutenir le jeune et son projet : les logiques éducatives parentales à l'épreuve de l'insertion professionnelle - Nicolas Charles, Marie-Clémence Le Pape, Mickaël Portela, Élise Tenret p. 119-142 L'injonction faite aux jeunes en France de suivre des études sans marquer d'arrêt, les menant à s'insérer sans attendre sur le marché du travail, et conditionnant leur intégration sociale et professionnelle sur le long terme, souvent qualifiée de logique du « placement », a fait l'objet de nombreuses recherches. Faisant un pas de côté, cet article cherche à mieux appréhender cette mécanique sociale, souvent étudiée à travers les représentations des jeunes ou l'angle des politiques sociales, en analysant les logiques éducatives des parents. L'article montre que la vision parentale de la jeunesse varie grandement selon l'enjeu, et oscille notamment entre une certaine insouciance sur les questions relationnelles et une inquiétude plus marquée quant à l'insertion professionnelle. En croisant rhétoriques et pratiques éducatives parentales, l'article souligne quatre logiques éducatives visant à répondre à cette injonction à « trouver sa place » – la confiance scolaire et institutionnelle ; l'encadrement stratégique ; l'expérimentation en confiance et l'expérimentation encadrée – qui varient largement notamment selon l'origine sociale des parents. L'article conclut sur une particularité des parents par rapport aux institutions scolaires et sociales, celle de porter personnellement le poids de la responsabilité quand survient une forme d'échec de leurs enfants.Much research has been done on the subject of the strong insistence made on French young people to study without pause, leading them to enter the labour market immediately, conditioning their long-term social and professional transition often described as the logic of “placement”. By analysing the educational logic of parents, this article seeks, from another angle, a better understanding of this social mechanism, often studied through the representations of young people or the angle of social policies. The article shows that the parental vision of youth varies greatly depending on the issue, and oscillates between relaxed means of dealing with relational issues and a pronounced concern about transition-to-work. By combining parental educational rhetoric and practices, the article highlights four educational logics aimed at responding to this insistence on “finding one's place” on the job market —academic and institutional trust ; strategic supervision ; experimentation in trust, and supervised experimentation. They vary widely, particularly according to the parents' social origin. The article concludes with a particularity of parents in relation to educational and social institutions, that of personally bearing the burden of responsibility when a form of failure of their children occurs.
- Les étudiants et leurs parents face à l'exercice d'activités rémunérées en cours d'études : quatre portraits de familles - Vanessa Pinto, Tristan Poullaouec, Camille Trémeau p. 97-118
Des expériences de jeunesse spécifiques : où trouver des ressources pour aller vers l'âge adulte ?
- Le domicile familial comme ressource ? Expériences de recohabitation dans les transitions vers l'âge adulte - Emmanuelle Maunaye, Virginie Muniglia, Émilie Potin, Céline Rothé p. 143-166 À travers une typologie des expériences de recohabitation, cet article interroge la mobilisation du domicile familial comme ressource dans les trajectoires résidentielles des jeunes adultes. Il met en évidence les rapports entretenus à la norme d'entraide familiale et celle d'intégration juvénile, analysée à partir des représentations qu'ont les jeunes du devenir adulte ainsi que de la compréhension du sens qu'a le domicile parental au moment de la recohabitation. Si ces expériences traduisent une tendance à la normalisation du soutien prolongé des parents à l'égard de leurs enfants, elles révèlent également le caractère profondément inégalitaire de cette ressource. Les expériences de recohabitation dépendent, en effet, à la fois de capacités matérielles des familles, mais aussi de modèles différenciés de transition à l'âge adulte, les expériences les plus positives (« le rebond », « la continuité ») étant majoritairement vécues par des jeunes issus des classes moyennes et supérieures, les expériences les plus négatives (« le retour », « le renoncement ») par des jeunes issus des classes populaires.Through a typology of re-cohabitation experiences, this article examines the mobilization of the family home as a resource in the residential trajectories of young adults. It highlights the relationships maintained with the standard of family support and youth integration, analyses based on representations of young people becoming adults, as well as the understanding of the meaning of parental home at the time of re-cohabitation, and representations of family mutual aid. While these experiences reflect a trend towards normalizing parents' long-term support for their children, they also reveal the profound inequality of this resource. Indeed, the experiences of re-cohabitation depend on both the material capacities of families, as well as on differentiated models of transition to adulthood, the most positive experiences (“the rebound”, “continuity”) being lived mainly by young people from the middle and upper classes, the most negative experiences (“the return”, “the renunciation”) by young people from the working classes.
- Les ressources de la proximité. Capital d'autochtonie et engagements locaux des jeunes femmes d'origine populaire et rurale - Sofia Aouani, Sophie Orange, Fanny Renard p. 167-189 Cet article propose de mobiliser le concept de « capital d'autochtonie » pour éclairer les formes de soutien et les types de ressources sur lesquels s'appuient les jeunes femmes d'origine populaire et rurale dans leur accès à l'âge adulte. Le capital d'autochtonie va permettre à ces jeunes femmes de compenser l'absence ou la faiblesse des capitaux culturels et/ou économiques nécessaires à l'insertion professionnelle ou à l'accès à la propriété. En venant combler les décalages entre les titres scolaires et les postes occupés, ou encore en contribuant à offrir aux jeunes femmes des marges de liberté et de résistance face à l'assignation domestique au sein du couple ou aux rapports hiérarchiques dans l'emploi, les ressources locales apparaissent comme des conditions de possibilité de la conciliation entre différents impératifs sociaux qui pèsent sur ces jeunes femmes, et notamment les normes de l'emploi et de la maternité. Mais, s'il permet de pallier l'absence ou la faiblesse des capitaux centraux dans l'accès à certains marchés (emploi, immobilier, matrimonial, etc.), le capital d'autochtonie ne permet pas de compenser intégralement ce déficit.This article mobilises the concept of “indigenous capital” to highlight the forms of support and types of resources on which young women of popular and rural origin rely in their access to adulthood. Indigenous capital will enable these young women to compensate for the absence or weakness of the cultural and/or economic capital necessary for professional integration or access to property. Local resources appear to be conditions for reconciling the various social imperatives that weigh on young women, particularly the norms of employment and motherhood. They do this by bridging the gap between academic qualifications and positions held, or by offering young women margins of freedom and resistance to domestic assignment within the couple or to hierarchical relationships in employment. However, while making it possible to compensate for the absence or weakness of central capital in access to certain markets (employment, real estate, marriage, etc.), indigenous capital does not fully balance this deficit.
- Accompagner sans attenter à la liberté des individus - Jérôme Gautié p. 191-195
- Devenir adulte, 10 ans après - Cécile Van de Velde p. 197-202
- Appel à contribution pluridisciplinaire sur : « Un regard renouvelé sur les ressources des jeunes : Ressources matérielles, soutien, accès aux capacités ». Pour le numéro d'avril-juin 2019 : Le dossier sera coordonné par Nicolas Charles, Mickaël Portela et Émilie Raynaud - p. 203-212
- Le domicile familial comme ressource ? Expériences de recohabitation dans les transitions vers l'âge adulte - Emmanuelle Maunaye, Virginie Muniglia, Émilie Potin, Céline Rothé p. 143-166
Autre thème
- Comportements et pratiques des médecins : exercer dans les zones les moins dotées, cela fait-il une différence ? - Julien Silhol, Bruno Ventelou, Anna Zaytseva, Claire Marbot p. 213-249 Selon les projections récentes, les effectifs de médecins libéraux diminueront de 30 % d'ici à 2027 et la densité standardisée diminuerait jusqu'en 2023, créant des poches de sous-densité relativement nombreuses sur le territoire français métropolitain. L'article s'intéresse aux ajustements que les médecins généralistes de ville mettent en œuvre lorsque, sur leur territoire, ils sont d'ores et déjà confrontés à cette raréfaction. Les données utilisées sont celles du troisième panel des médecins généralistes enrichies d'indicateurs fournis par la CNAMTS. Nous nous sommes appuyés sur l'indicateur d'accessibilité potentielle localisé, développé par l'IRDES et la DREES, pour définir les zones les moins dotées en généralistes. En comparant les comportements des généralistes exerçant dans les zones les moins dotées à leurs homologues des zones mieux dotées, il est apparu d'abord que le planning d'activité du médecin tend à s'intensifier plutôt qu'à s'allonger. Nos données semblent en effet montrer que les rythmes de consultation dans les zones les moins dotées sont plus élevés, alors que le temps de travail global des généralistes s'avère quant à lui peu réactif à la densité en médecins alentour. On note aussi quelques différences statistiquement significatives sur les pratiques médicales : usage accru de certains médicaments, moins de renvoi vers des soins paramédicaux, suivis gynécologique probablement un peu moins réguliers, etc. Cependant, il semble que les différences ne sont pas statistiquement significatives pour les indicateurs de qualité des pratiques rattachés au dispositif de rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP).According to recent projections, the number of private practice physicians will decrease by 30 % by 2027 and the standardised density will continue to decline up to 2023, thus creating territorial inequalities in physicians' distribution in mainland France. This article focuses on the adaptations that private general practitioners (GPs) make when they already practice in underserved areas. The data used are those of the third panel of general practitioners matched with indicators provided by the Social Security (CNAMTS). We used the local potential accessibility indicator developed by IRDES and DREES to define the underserved areas for general practitioners. Our results show that GPs' consultation rhythm is higher in underserved areas, while the overall working-time is not very responsive to the local medical density. We also find some statistically significant differences in practices : more frequent prescription of certain drugs, less referrals to paramedical care, probably less regular gynaecological follow-up, for GPs practicing in underserved areas compared to their counterparts in better-served areas. However, it appears that there are no significant differences regarding the indicators of Rémuneration sur objectifs de santé publique (ROSP) [French supplementary payment-for-performance] program, which could allow a first assessment of the quality of care.
- Comportements et pratiques des médecins : exercer dans les zones les moins dotées, cela fait-il une différence ? - Julien Silhol, Bruno Ventelou, Anna Zaytseva, Claire Marbot p. 213-249