Contenu du sommaire : Vers une défense européenne
Revue | L'Europe en formation |
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Numéro | no 389, automne-hiver 2019 |
Titre du numéro | Vers une défense européenne |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier - Towards a European Defence
- Introduction - Mathias Jopp, George N. Tzogopoulos p. 3-8
- Challenges in the East – Root Causes and Prospects - Susann Heinecke p. 9-32 Cet article traite des défis sécuritaires auxquels l'UE est confrontée à sa frontière orientale. Il décrit les vulnérabilités de la frontière orientale de l'UE et la cause profonde de la situation actuelle, à savoir la décomposition de l'ancien bloc socialiste en deux parties aux références historiques distinctes. Il identifie ensuite l'absence de relations fonctionnelles et résilientes de l'UE avec la Russie comme le principal défi à la sécurité et à l'ordre politique de l'Europe de l'après-guerre froide. Ainsi, l'article affirme que l'amélioration des relations UE-Russie est essentielle non seulement pour résoudre la crise en cours entre les deux parties, mais aussi pour relever deux autres défis : les capacités de l'UE en matière de prévention des conflits et de maintien de la paix dans l'espace post-soviétique ainsi qu'en ce qui concerne le rôle et la portée de l'OTAN dans le dispositif sécuritaire européen. Après l'échec de l'approche restrictive actuelle et de l'approche intégrative des années 1990, qui n'ont pas permis d'aboutir à des relations UE-Russie stables et résilientes, l'article conclut que l'UE devrait reviser son approche et viser à « une coopération conditionnelle ».This article addresses the security challenges that the EU is facing on its eastern border. It describes the vulnerabilities of the EU's eastern border and the root cause of the current situation, namely the decomposition of the former socialist bloc into two parts with distinct historical references. It then identifies the EU's lack of a functioning and resilient relationship with Russia as the main challenge to security and the political order of post-Cold War Europe. Thus, it affirms that improving EU-Russia relations is essential not only to resolve the ongoing crisis between both parties, but also regarding two further challenges: the EU's conflict-prevention and peacekeeping capabilities in the post-Soviet space, and redefining NATO's scope and role in the European security architecture. Following the failure of the current restrictive approach and the integrative approach of the 1990s to lead to stable and resilient EU-Russia relations, the article concludes that the EU should review its approach and aim for “conditional cooperation”.
- NATO's Challenges in the South Flank - Matteo Bressan p. 33-40 L'OTAN doit trouver des moyens de relever les défis en matière de sécurité. De nouvelles menaces émergent de toutes parts : des acteurs étatiques et non étatiques aux terroristes, en passant par les cyberattaques et les attaques hybrides. Par conséquent, l'Alliance doit se préparer sur les plans conceptuel, politique et militaire afin de contribuer à la sécurité de ses États membres en stabilisant davantage son voisinage sud.NATO has to find ways to respond to security challenges. New threats are emerging from many directions: from state and non-state actors to terrorists, cyber and hybrid attacks. As a result, the Alliance has to prepare in conceptual, political and military terms to contribute to the security of its member states by making its southern neighbourhood more stable.
- The Implications of Brexit for Defence - Bastian Giegerich p. 41-49 Bien que le domaine politique de la défense ne soit peut-être pas au cœur de Brexit, le Brexit aura pour sa part des conséquences importantes pour la défense. Cet article examine les répercussions pour le Royaume-Uni et l'UE. Il suggère que l'UE aura plus de mal à atteindre l'autonomie stratégique, un objectif central de la Stratégie globale de l'UE de 2016, tandis que le Royaume-Uni lutterait de par sa puissance moyenne, dans un monde où la concurrence entre grandes puissances serait renouvelée. L'article traite de la prise de décision, des capacités militaires et des questions liées à l'industrie de la défense.While the policy area of defence might not be central to Brexit, Brexit will have important consequences for defence. This article examines implications for both the United Kingdom and the EU. It suggests that the EU will find it harder to achieve strategic autonomy, a central goal of the 2016 EU Global Strategy, and that the UK would struggle as a middling power in a world of renewed great-power competition. The article addresses decision-making, military capability and defence-industrial issues.
- L'initiative européenne d'intervention (IEI) : Le désir d'une Europe plus autonome d'Emmanuel Macron - Jean-Pierre Maulny p. 51-66 Rien ne prédisposait à l'origine Emmanuel Macron à s'intéresser particulièrement aux questions internationales et de défense. Mais son désir de voir la France rayonner de nouveau sur la scène internationale l'a conduit à reprendre les bottes du Général de Gaulle. Seule différence, le désir de conduire une politique de défense indépendante ne se conjugue plus au niveau national, mais au niveau européen. C'est l'objet de son projet d'initiative européenne d'intervention qui se situe dans un cadre plus large que celui de l'Union européenne.From the outset, Emmanuel Macron had no predisposition to take a particular interest in international and defence issues. But his desire to see France reignite on the international scene prompted him to “take up General de Gaulle's boots again”. The only difference is that the desire to conduct an independent defence policy is no longer confined to the national level, but the European one. This is the purpose of its project for a European intervention initiative, which is part of a broader framework than that of the European Union.
- The Wind in the Sails of EU-NATO Cooperation: How Strong and Where To? - Tania Lațici p. 67-84 Les relations entre l'UE et l'OTAN ont clos le chapitre de l'indifférence mutuelle et ouvert celui de la portée stratégique. Les instruments de l'UE peuvent compléter le dispositif de défense de l'OTAN comme en témoignent des études de cas portant sur la mobilité militaire, la guerre hybride et la sécurité maritime. Le plus large débat sur l'autonomie stratégique devrait également avoir lieu au sein de l'OTAN et produire un discours sans ambiguïté sur la manière dont les Européens peuvent être stratégiquement autonomes tout en étant transatlantiques. Il s'agirait avant tout de franchir une nouvelle étape, dans l'intérêt des deux partenaires.The relationship between the EU and NATO has closed the chapter of mutual indifference and opened one of strategic embrace. The EU's instruments can complement NATO's defence posture as case studies ranging from military mobility, hybrid warfare and maritime security demonstrate. The broader debate on strategic autonomy should also take place within NATO and generate an unambiguous narrative of how Europeans can be strategically autonomous and transatlantic at the same time. “You cannot teach an old dog new tricks” should not apply to the transatlantic relationship—how to take it to the next level for the benefit of both partners is the new trick that has to be learnt.
- Strategic Autonomy and EU-NATO Cooperation: A Win-Win Approach - Jolyon Howorth p. 85-103 La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'UE a été lancée dans les années 1990 en tant que quête pour une « autonomie ». Quinze années d'efforts n'ont pas permis d'atteindre cet objectif. La cohérence des États membres de l'UE dans leurs relations sécuritaires avec les États-Unis a toujours été affectée par les divergences entre les objectifs du Royaume-Uni et de la France. Mais à mesure que les dirigeants européens relancent la PSDC post-Brexit, que la « Stratégie globale européenne » de 2016 redécouvre les vertus de « l'autonomie stratégique » et que le monde tournoie avec un président américain qui semble remettre en cause les fondements de l'Alliance atlantique, il est temps de repenser radicalement les relations entre l'UE et l'OTAN. Cet article soutient qu'à plus long terme, c'est par le renforcement des relations UE-OTAN que l'autonomie stratégique de l'UE deviendra possible et qu'un lien transatlantique plus fort verra le jour. Une proposition gagnant-gagnant.The EU's common security and defence policy (CSDP) was launched in the 1990s as a quest for “autonomy”. Fifteen years of efforts failed to deliver that objective. The coherence of the EU member states in their security dealings with the US was always vulnerable to the potentially incompatible objectives of the UK and France. But as EU leaders post-Brexit relaunch the CSDP, as the 2016'European Global Strategy' rediscovers the virtues of “strategic autonomy”, and as the world juggles with a US president who appears to question the basis of the Atlantic Alliance, it is time to radically rethink the relations between the EU and NATO. This paper argues that, in the longer term, it is through the strengthening of the EU-NATO relationship that EU strategic autonomy will become possible, and that a consolidation of the transatlantic bond will emerge. A win-win proposition.
- Flexibility and Differentiated Integration in European Defence Policy - Nico Groenendijk p. 105-120 Cet article traite de la flexibilité et de l'intégration différenciée dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). La plupart des recherches sur la flexibilité et l'intégration différenciée partent par défaut du principe de non-différenciation, ce qui vaut principalement pour l'ancien premier pilier de Maastricht, en raison de son caractère supranational et avec comme principal moteur le modèle communautaire classique pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. Une telle uniformité n'a jamais été le critère principal dans le domaine intergouvernemental de la PESC/PESD, dont la flexibilité et la différenciation font partie intégrante. Tout d'abord, l'article examine et développe les recherches récentes sur l'intégration différenciée, afin de mieux orienter les concepts utilisés vers l'analyse dans le cadre de la PSDC. Par la suite, les pratiques de flexibilité et de différenciation dans le domaine de la PSDC sont cartographiées, avant de déboucher sur quelques remarques en guise de conclusion..This article addresses flexibility and differentiated integration in the domain of the Common Security and Defence Policy (CSDP). Most research on flexibility and differentiated integration starts from the premise of non-differentiation as default mode, which is relevant mainly to the former first Maastricht pillar, with its supranationalist character and with the classical Community method as the main vehicle to ensure proper functioning of the internal market. Such uniformity has never been the main yardstick in the intergovernmentalist domain of the CFSP/CSDP, of which flexibility and differentiation are part and parcel. In the article, first, recent research on differentiated integration is discussed and elaborated upon, in order to gear the concepts used towards analysis in the CSDP area. Subsequently, flexibility and differentiation practises in the CSDP area are mapped, followed by some concluding remarks.
- PESCO and New Methods of Intergovernmental Integration - Mathias Jopp, Jana Schubert p. 121-139 La coopération dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) a généré une dynamique remarquable au cours des deux dernières années pour ce qui est de la nouvelle capacité militaire de planification et de conduite, du Fonds européen de défense et de la coopération structurée permanente. L'article examine ces nouveautés au regard des objectifs liés à leur mise en place et de leur importance stratégique. Il intégrera également des considérations issues du nouvel intergouvernementalisme en tant approche utile pour expliquer l'intégration de l'UE dans ce domaine politique. Si les éléments décrits par cette école de pensée sont identifiables dans les développements de la PSDC, il reste à savoir dans quelle mesure ils permettront d'améliorer et de rendre plus opérationnelles les capacités de défense de l'UE, ainsi que de renforcer l'Alliance atlantique. Outre le fonctionnement des nouveaux mécanismes, cet article fait valoir que beaucoup dépendra de la volonté politique des États membres, et tout particulièrement des ambitions de la France et de l'Allemagne d'agir comme les moteurs d'une véritable PSDC.Cooperation in Common Security and Defence Policy (CSDP) has produced a remarkable dynamic within the last two years when looking at the newly established Military Planning and Conduct Capability, the European Defence Fund and the Permanent Structured Cooperation. The paper examines these novelties in terms of the objectives linked to their setting up and their strategic importance. It will also take into account considerations of the New Intergovernmentalism as a valuable approach to explaining EU integration in this policy field. As much as elements described by this school of thought are identifiable in CSDP developments, the question remains to what extent these will lead to improved and more operational EU defence capabilities and to a strengthened Atlantic Alliance. Alongside the functioning of the new mechanisms, the paper argues that much will depend on the political will of the member states, in particular on the ambitions of France and Germany in acting as drivers of a meaningful CSDP.
- The Current CSDP-Reform Debate and German Strategic Culture: Between Restraint and European Ambition - Daniel Göler p. 141-160 Les divergences de conceptions entre les États membres de l'UE en matière de recours à la force militaire peuvent être considérées comme une des principales raisons de la capacité d'action limitée de la PSDC. En particulier, l'écart entre ce que l'on appelle la “culture de retenue” allemande, d'une part, et les États membres plus disposés à recourir à la force militaire, d'autre part, a provoqué des frictions internes au cours des dernières années. Dans ce contexte, le présent article analyse si les convictions et traditions allemandes en matière de sécurité et de défense sont compatibles avec les récentes initiatives de réforme de la PSDC, telles que la Coopération structurée permanente (PESCO) et l'Initiative européenne d'intervention. Pour répondre à cette question, l'article s'appuie sur l'approche de la culture stratégique.Diverging beliefs between EU member states concerning the use of military force can be considered as a central reason for the CSDP's limited capacity to act. Particularly, the discrepancy between the so-called German ‘culture of restraint' on one side and member states more willing to use military force on the other side has caused internal frictions during the last years. Against this backdrop, the following article analyses whether German beliefs and traditions concerning security and defence issues are compatible with recent reform initiatives for the CSDP, such as the Permanent Structured Cooperation (PESCO) and the European Intervention Initiative. To answer this question the article draws on the analytical framework of the strategic culture approach.
- Framing of the new CSDP in militarily non-aligned Finland and Sweden : Promotion of national interests or a step towards a European security community? - Saila Heinikoski p. 161-176 Cet article examine la façon dont les politiciens suédois et finlandais encadrent l'approfondissement de la coopération en matière de défense dans l'Union européenne, et plus particulièrement la Coopération Structurée Permanente (PESCO) pour la défense. Les données empiriques sont constituées de documents politiques et de comptes rendus de débats parlementaires de 2016 à fin 2019. En recourant à l'analyse des cadres, l'étude montre que ces deux États militairement non alignés encadrent la PESCO de manières très différentes. Le gouvernement suédois considère la PESCO comme un instrument de coopération économiquement rationnelle dans le domaine des marchés publics de défense, tandis que les opposants politiques y voient une menace pour le non-alignement militaire de la Suède. Le gouvernement finlandais, en revanche, conçoit la PESCO comme un pas vers une communauté européenne de sécurité, que les factions adverses considèrent comme un pas vers le fédéralisme. Les politiciens suédois définissent donc l'intégration européenne du point de vue des intérêts nationaux, alors que les dirigeants finlandais abordent la problématique du processus de l'intégration européenne.The article discusses how Swedish and Finnish politicians frame deepening defence cooperation in the European Union, in particular the Permanent Structured Cooperation (PESCO) in defence. The empirical material consists of political documents and parliamentary debates from 2016 to late 2019. By utilising frame analysis, the study illustrates that these two militarily non-aligned states frame PESCO in very different manners. The Swedish Government frames PESCO as an economically rational cooperation in defence procurement, whilst the opposing politicians see it as a threat to the Swedish military non-alignment. The Finnish Government, in contrast, frames PESCO as a step towards a European security community, which the opposing factions consider a step towards federalism. Swedish politicians thus frame European integration in terms of national interests, but Finnish leaders discuss the process of European integration.
- Baltic Concerns and Moderate Engagement - Margarita Šešelgytė p. 177-193 Cet article examine l'engagement modéré des États baltes envers la PSDC et vise à révéler les raisons de ce phénomène. Il fait également valoir que la position des États baltes à l'égard des innovations européennes en matière de défense a légèrement changé et est devenue plus pragmatique depuis 2016. Enfin, il conclut que ce changement positif reste fragile et pourrait même s'inverser sous l'influence de trois facteurs : si les réformes de la défense européenne s'enlisent, si l'UE renoue avec la Russie, ou bien en cas de montée des tensions transatlantiques.The chapter looks into the moderate engagement of Baltic states in CSDP and aims to reveal the reasons behind this phenomenon. It as well argues that the position of Baltic states vis-à-vis European defence innovations has slightly changed since 2016 to a more pragmatic one. It finally concludes that this positive change is quite fragile and might be reversed due to three influencing factors: if European defence reforms stall or if the EU re-engages with Russia, or even in case of an increase in transatlantic tensions.
Tribune
- Mythe et réalité de la défense européenne - Claude Nigoul p. 195-206 La défense est le fondement même de la construction européenne. C'est l'échec de la Communauté Européenne de défense (CED) qui a dévoyé le processus d'unification engagé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale vers la stratégie de la méthode fonctionnelle qui devait déboucher sur l'union politique et n'a, à ce jour, accouché que d'une chimère bureaucratico-économique sans enracinement dans les peuples. Mais nécessité fait loi et la fin de la Guerre froide, les mutations de la menace et les incertitudes de la protection américaine ont relancé la question de savoir si les Européens pouvaient collectivement et de manière autonome veiller à leur propre sécurité. Une architecture de défense sophistiquée a été patiemment conçue et mise en place. En dépit de son raffinement, elle est encore loin d'approcher cet objectif et la défense reste l'apanage des rares États qui en ont les moyens et de l'OTAN pour ceux qui ne les ont pas. Quels que soient les efforts non négligeables entrepris la politique de sécurité et de défense commune reste tributaire d'une hypothétique union politique, sans laquelle les Européens et les moyens qu'ils élaborent laborieusement resteront au mieux les harkis de leurs protecteurs au pire, les victimes de leur impuissance.Defence is the very foundation of European integration. The failure of the European Defence Community (EDC) has diverted the unification process towards the functional method that was expected to lead to political union, but which has so far only given birth to a rootless bureaucratic-economic chimera. Yet necessity became law and the end of the Cold War, the changes in the threat and uncertainties of American protection raised the question of whether Europeans could collectively and autonomously take care of their own security. A sophisticated defence architecture has been patiently designed and implemented. Despite its refinement, it is still far from approaching this objective and defence remains the prerogative of the few states that have the means to do so and of NATO for those that do not. Whatever significant efforts were undertaken, the common security and defence policy remains dependent on a hypothetical political union, without which Europeans and the means they painstakingly develop will remain at best the Harkis of their protectors at worst, the victims of their powerlessness.
- Mythe et réalité de la défense européenne - Claude Nigoul p. 195-206