Contenu du sommaire : « Petite enfance » et migrations

Ce dossier a pour ambition d'apporter une contribution à l'éclairage de la thématique de la « petite enfance », qui suscite un intérêt croissant tant dans l'espace public que chez les chercheurs. Il s'interroge sur les conditions d'accueil et les modalités d'accompagnement favorisant l'accueil des enfants et des familles ainsi que les difficultés rencontrées par ces enfants dans le ou les pays de migration. Il s'agira ainsi de montrer comment l'enfance et la petite enfance sont devenues un enjeu des politiques migratoires actuelles, jusqu'à évoquer les politiques d'intégration mises en place par les pays d'accueil, ainsi que leurs effets sur les jeunes enfants et leur famille.

Pendant longtemps, les représentations médiatiques des migrations n'étaient guère portées vers la petite enfance. Pourtant, à y regarder de plus près on trouve des enfants en bas âge en contexte migratoire à tous les périodes de l'histoire. Que ce soit au sujet des bébés migrants, mis en scène — notamment par la gravure ou la photographie — dans le contexte d'un itinéraire migratoire en cours ou bien concernant les jeunes enfants issus d'une immigration récemment installée dans un territoire, l'historien peut trouver des traces de leur présence singulière, rarement prise en compte comme une expérience à part entière. Le petit enfant fait partie du « tableau » de la migration sans y jouer un rôle majeur. Mais, depuis une vingtaine d'année, la situation a sensiblement changé : bébés et jeunes enfants retiennent davantage l'attention de l'opinion publique, des militants voire de certains politiques autour de l'émotion suscitée par des situations difficiles voire tragiques. En conséquence, de nouveaux regards sont portés sur les migrations : à défaut de révéler plus de tolérance ils reflètent avec plus d'acuité nos contradiction en matière d'altérité entre sensibilité et intransigeance.

La question de l'accueil et de l'accompagnement des populations migrantes est au cœur de l'actualité. Or, si la question des mineurs non accompagnés occupe une place de premier plan, celle des familles, notamment avec de jeunes enfants, est peu prise en considération. À partir d'une enquête qualitative menée auprès de structures d'accueil et d'hébergement pour familles migrantes et de structures d'accueil pour jeunes enfants dans les Bouches-du-Rhône, nous mettrons en évidence la place, les conditions d'accueil et les modalités d'accompagnement élaborées au sein des équipes de professionnels qui supposent de ces derniers des adaptations dans leurs missions, leurs pratiques, mais aussi leurs compétences. Nous mettrons en avant la nécessité de construire des articulations plus étroites entre les secteurs de la petite enfance et de l'accueil des migrants.

Cet article se propose d'étudier un des dispositifs d'aide sociale à l'enfance, le « centre maternel », qui prend notamment en charge des mères seules issues de l'immigration ou primo-migrantes et leurs enfants en bas âge (de moins de trois ans). Il s'agit de comprendre les visées éducatives de ce dispositif et la manière dont les mères les négocient. Au-delà de son rôle de protection et de socialisation de la petite enfance, le centre maternel n'a-t-il pas pour objectif la « fabrique de la mère idéale », c'est-à-dire responsable et intégrée ? Derrière cette mission de cadrage et de protection du jeune enfant se manifeste également une volonté d'éduquer la relation mère-enfant aux valeurs maternelles véhiculées par la société d'accueil. Le jeune enfant, dans ce parcours, se révèle également être une ressource et une protection pour la mère migrante, dans la mesure où il peut lui permettre de développer ses propres stratégies de conquête pour acquérir son autonomie au sein du pays d'accueil.

La question de l'altérité dans l'enseignement en école primaire est mobilisée dans cet article comme clé de lecture à travers laquelle explorer non seulement les processus de construction des discriminations, mais aussi les actions anti-discriminatoires possibles. Cette recherche s'appuie sur le travail d'enseignants et d'éducateurs évoluant sur un territoire stigmatisé : des zones sensibles du sud de l'Italie dans lesquelles les phénomènes de discrimination à l'école, en raison d'une « appartenance » ethnique, sexuelle, physique, de statut, reflètent l'existence d'anciennes et de nouvelles formes d'inégalité sociale. Il s'agit de pratiques anti-discriminatoires qui dessinent des formes transversales d'inclusion sociale en rétablissant ce droit à la citoyenneté universelle que représente le droit à l'éducation.

Cet article a pour objet d'interroger le comportement des familles africaines face à la maladie de leurs jeunes enfants, à partir d'une recherche menée aux urgences pédiatriques de Lille, dans le nord de la France. Il s'agit plus précisément de comprendre ce qui reste des pratiques traditionnelles, d'analyser le lien entre la médecine moderne et la médecine traditionnelle, lorsque l'enfant tombe malade en terre d'immigration.

À partir d'un terrain multi-situé réalisé à Istanbul et à Bruxelles, cet article s'attache à comprendre la diversité des trajectoires et des circulations d'étudiants appartenant aux classes supérieures turques, qui ont pour point commun d'avoir étudié dans une prestigieuse institution scolaire internationale, spécialisée en études européennes, à Bruges (Belgique). L'objectif est de montrer la façon dont certains types de « circulations géographiques » entre Istanbul et Bruxelles sont également des « circulations sociales », c'est-à-dire déterminées par des ressors sociaux propres à certaines fractions des classes dominantes turques. En retour, les individus font face à des barrières sociales et administratives spécifiques aux classes supérieures turques lorsqu'elles souhaitent s'installer et travailler en Europe. Après avoir saisi les trajectoires de ces individus pour circonscrire les déterminants sociologiques de leur mobilité en Europe, nous analyserons comment la réception et les perceptions des divers obstacles à la circulation s'inscrivent dans les expériences biographiques. Si tous les projets de départ sont pensés comme une volonté de s'élever socialement, celles et ceux qui obtiennent des permis de travail et qui « restent » à Bruxelles font face à des difficultés qui les renvoient pour certains à leur position périphérique. À l'inverse, les enquêtés qui « rentrent » à Istanbul ne considèrent pas automatiquement ce «  retour  » comme un échec  ; au contraire, ils mobilisent leur capital international pour se distinguer au niveau national.