Contenu du sommaire : L'avortement : enjeux politiques et sociaux (I)

Revue Problèmes d'Amérique Latine Mir@bel
Numéro no 114, automne 2019
Titre du numéro L'avortement : enjeux politiques et sociaux (I)
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  • Dossier. L'avortement : enjeux politiques et sociaux (I)

    • Présentation - Delphine Lacombe p. 5-11 accès libre avec indexation
    • L'avortement en Argentine : le refus de l'autonomie des femmes - Angeline Montoya p. 13-32 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Le 14 juin 2018, la chambre basse argentine prononça une délibération historique : par 129 voix contre 125 et une abstention, les député-e-s votèrent pour la légalisation de l'avortement pendant les quatorze premières semaines de grossesse. Après des décennies de mobilisation, il semblait que l'Argentine allait devenir le second pays d'Amérique du Sud, après l'Uruguay en 2012, à légaliser une pratique courante mais réalisée dans la plus complète clandestinité. Mais, moins de deux mois plus tard, le 9 août, le Sénat infligea un cruel revers aux pro-choix, rejetant le projet à 38 voix contre 31. L'article revient sur les moments marquants de la politisation de l'avortement en Argentine en relatant d'abord les débats de l'année 1994 et ceux succédant à la crise de 2001. Il analyse le choix stratégique du discours sur la vie pour les acteurs en présence, ainsi que le rôle de l'Eglise catholique pour laquelle l'enjeu principal est de conserver son poids sur les élites politiques et son pouvoir institutionnel, dans un contexte de plus grande pluralité religieuse. Le texte interroge finalement l'apparent paradoxe entre les remarquables avancées des droits et libertés LGBT, et le blocage politique concernant le droit des femmes à avorter en toute légalité et dans de bonnes conditions sanitaires.
      On June 14, 2018, the Argentinian lower house did a historic deliberation : by 129 votes to 125 and one abstention, the deputies voted for the legalization of abortion during the first fourteen weeks of pregnancy. After decades of mobilization, it seemed that Argentina would become the second country in South America, after Uruguay in 2012, to legalize a common practice, but carried out in complete secrecy. But, less than two months later, on August 9, the Senate inflicted a cruel setback on the pro-choices, rejecting the project by 38 votes to 31. The article returns to the defining moments of the politicization of abortion in Argentina by first relating the debates of 1994 and those following the crisis of 2001. He analyzes the strategic choice of discourse on life for the actors, as well as the role of the Catholic Church for which the main challenge is to keep its weight on the political elites and its institutional power, in a context of greater religious plurality. The text finally questions the apparent paradox between the remarkable advances in LGBT rights and freedoms, and the political deadlock concerning the right of women to abort legally and in good sanitary conditions.
    • Le processus de politisation de l'avortement au Brésil - Juan P. Marsiaj p. 33-52 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Depuis la fin de la dictature militaire au Brésil dans les années 1980, la mobilisation du mouvement féministe a joué un rôle central dans la politisation des droits reproductifs des femmes, et plus spécifiquement pour celle de l'avortement. Dans cette même période, des acteurs conservateurs, principalement ceux liés aux églises catholique et évangéliques, ont mis en place une résistance toujours plus forte à la libéralisation de l'interruption de la grossesse. Cet article examine cette dialectique entre le mouvement féministe et le contre-mouvement conservateur pour mettre en lumière les principales dynamiques politiques de la lutte pour la libéralisation des droits reproductifs des femmes. Il soutient que, malgré l'émergence et l'activité intense d'un mouvement féministe à l'échelle nationale et internationale, ainsi que l'existence d'un assez vif débat public sur la question de l'avortement, l'activité fortement organisée d'un contre-mouvement conservateur-religieux bénéficiant du cadre institutionnel politique brésilien a imposé des obstacles à la décriminalisation de l'avortement, même si quelques opportunités sont restées ouvertes pour une libéralisation très relative. Les deux premières parties de l'article analysent l'émergence et les effets du mouvement féministe, ainsi que la relation entre religion et politique depuis les années 1980 au Brésil. Cette toile de fond donne des clés d'explication de l'état de la santé reproductive au Brésil et permet l'examen du processus de politisation de l'avortement dans les diverses arènes institutionnelles de l'état. La conclusion se penche sur les enjeux les plus récents liés aux droits reproductifs et sexuels, après la chute des gouvernements du Parti des Travailleurs (PT) et la renaissance de la droite.
      Since the end of the military dictatorship in Brazil in the 1980s, the mobilization of the feminist movement has played a central role in the politicization of women's reproductive rights and more specifically of the question of abortion. In that same period, conservative actors, particularly those linked to Catholic and Evangelical churches, have set up a strong resistance to the liberalization of the interruption of pregnancy. This opposition has increased in the last few years. This article examines the dialectic relationship between the feminist movement and the conservative countermovement to highlight the main political dynamics of the struggle for the liberalization of women's reproductive rights. The article argues that, despite the emergence and intense activity of a feminist movement operating at the national and international levels, as well as the existence of a lively public debate on abortion, the activity of a strongly organized conservative-religious countermovement that benefitted from the political institutional framework in Brazil imposed obstacles to the decriminalization of abortion, even though a few opportunities remain for a relative liberalization. The first two parts of the article analyze the emergence and the impacts of the feminist movement, as well as the relation between religion and politics since the 1980s in Brazil. This backdrop helps explain the state of reproductive rights in Brazil and allows for the examination of the process of politicization of abortion in different institutional spaces. The conclusion looks at recent challenges regarding sexual and reproductive rights following the fall of Workers' Party (PT) governments and the resurgence of the right.
    • La judiciarisation de l'avortement en Amérique latine et les limites de la citoyenneté - Viviana Bohórquez Monsalve, Jordi Díez, Nora Picasso Uvalle, Garance Robert p. 53-79 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Le phénomène de judiciarisation de la politique en Amérique latine s'est notamment traduit par un essor de l'autonomie de plusieurs Cours suprêmes ou constitutionnelles, une indépendance qui leur a permis d'entrer pleinement dans les débats actuels relatifs aux droits reproductifs. Cet article présente une analyse de ce phénomène, en se focalisant sur quatre décisions relatives à l'avortement, rendues par ces hautes instances juridiques, en Argentine, en Colombie, au Costa Rica et au Mexique. Il détaille les arguments que ces tribunaux ont présentés pour défendre ou s'opposer au droit à l'avortement, et évalue la manière dont ils ont contribué ou non, à l'égalité des sexes. Depuis une perspective historique, il s'agit d'examiner la question de l'intégration des femmes en tant que sujets de plein droit dans des démocraties qui leur garantissent théoriquement une citoyenneté à part entière. L'analyse suggère que, dans trois cas – en Argentine, en Colombie et au Mexique – les verdicts ont révélé des progrès significatifs dans la démocratisation de ces pays, en élargissant effectivement la dimension égalitaire de la démocratie. Dans ces trois cas, l'on peut parler d'une inclusion partielle des femmes dans la citoyenneté, tant des restrictions concernant les raisons acceptables pour interrompre une grossesse continuent à être opérantes. Le cas du Costa Rica prend le contre-pied de cette tendance, puisqu'il admet la primauté au droit à la vie de l'enfant à naître sur tout autre droit des individus féminins. Le droit à l'avortement au Costa Rica se limite donc aux situations dans lesquelles la grossesse met en danger la vie de la femme enceinte.
      The judicialization of politics in Latin America has given several supreme/constitutional courts sufficient autonomy to immerse themselves fully in national debates around reproductive rights. This article presents an analysis of this phenomenon focusing on four high-court rulings in Argentina, Colombia, Mexico and Costa Rica. It analyzes the arguments these tribunals have advanced for or against abortion in order to establish how much they have expanded gender equality. Thinking in historical terms, we are interested in assessing how close these arguments have, or not, resolved what Reva Siegel has called “the woman question :” The inclusion of women as subjects with full rights necessary to enjoy full citizenship. Our analysis suggests that in the Argentine, Mexican and Colombian cases, and despite important differences, the rulings made important strides in advancing equal citizenship, thereby pushing democratization further by expanding its limits. In the three cases the woman question is partially resolved (since there are still limitation on abortions). The Costa Rican case is diametrically opposed insofar as it prioritizes the right to life of the unborn, beyond any woman's right, and limits the right to abortion, except when her physical health or life is in danger.
    • L'interruption légale de grossesse dans la ville de Mexico : la convergence vertueuse d'exigences citoyennes, de changements législatifs, et de nouvelles politiques publiques - Alicia Márquez Murrieta, Garance Robert p. 81-98 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      En 2007, l'assemblée législative du district fédéral de Mexico (aujourd'hui Ciudad de México) a voté une transformation légale très importante : la légalisation de l'avortement avant les 12 premières semaines de gestation. L'article expose les principaux éléments qui ont contribué à la légalisation, ainsi qu'une chronologie des quelques événements marquants de ce processus ; finalement, nous décrivons la mise en pratique de l'Interruption Légale de la Grossesse (ILG). L'article met en évidence le fait que suite à la loi, et d'une manière presque immédiate, des protocoles médicaux et sociaux ont été mis en place, de sorte que les femmes ont pu s'approprier rapidement les nouveaux dispositifs.
      In 2007 Mexico City voted for a very important legal transformation : the legalization of abortion before 12 weeks of gestation. The article makes a short recount of the problem of abortion in Mexico, beginning with a brief revision of the history of abortion in the country ; it also mentions the principal factors that influenced this legal transformation, together with the chronology of some of the most important events ; the article finishes with a brief synthesis of the main aspects of the use of “Legal Interruption of Pregnancy” (ILE in Spanish). The passage tries to emphasis the fact that following the passing of the law there were pragmatic, medical and technical decisions that were instantly made that show the relevance and importance of this law and its immediate use.
  • Varia

    • Minorités sexuelles et de genre en Colombie : Parias ou alliées des FARC ? Années de guerre et processus de paix (2000-2019) - Olga L. González p. 99-121 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Cet article se penche sur la façon dont les FARC, mouvement armé puis parti politique, ont appréhendé les personnes LGBT au cours de ces vingt dernières années. L'article montre comment les questions relatives au genre, initialement ignorées dans le processus de paix, sont devenues un élément important dans les négociations menées à La Havane. L'article documente, dans un premier temps, le traitement des secteurs LGBT par les acteurs de la guerre en Colombie. Il renseigne ensuite le contexte ayant permis aux organisations LGBT de se faire entendre. Il montre enfin comment, à l'occasion des premières élections organisées après la fin du conflit armé, les femmes trans sont devenues des alliées des partis politiques progressistes dans l'échiquier politique colombien. Ce travail s'appuie sur les données du Registre des Victimes mis en place en Colombie depuis 2012, ainsi que sur de nombreux témoignages recueillis par des organisations des droits humains ainsi que par les recherches personnelles de l'auteure.
      This article examines the change of position that has occurred, in the last twenty years, in the FARC organization (first as a guerilla group and later as a political party) regarding the LGBT sector. The article discusses how gender-related issues, which were entirely ignored in the first stages of the peace process between government and guerrilla, came to become a central aspect of the negotiations held in Havana between 2012 and 2016.The article first investigates how members of the LGBT community were initially treated by the war actors in Colombia. It provides some insight into the different forms of violence LGBT people suffered during the armed conflict and reminds readers of who was responsible for those crimes. We then take a closer look at the conditions that made it possible for LGBT organizations to be heard and show how, during the first election period following the end of the armed conflict, trans women became allies to progressive political parties in Colombia. This study is based on data from the national Victims Registry created in Colombia in 2012, as well as on multiple testimonies collected both by human rights organizations and in recent research. It also draws on interviews conducted in the field in 2018 with the actors concerned.
    • Jair Bolsonaro à l'épreuve du pouvoir - Sylvain Souchaud, Rafael Soares Gonçalves p. 123-132 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Dans cet entretien, l'historien brésilien Rafael Soares Gonçalves fait le point sur la période initiale de la présidence de Jair Bolsonaro. Il analyse les tensions idéologiques au sein du gouvernement, ses rapports complexes et conflictuels avec le Parlement, et tente de d'éclairer une politique économique bien peu lisible mais dont le coût social et environnemental est d'ores et déjà préoccupant.
      In this interview, the Brazilian historian Rafael Soares Gonçalves takes stock of the initial period of Jair Bolsonaro's presidency. He analyses the ideological tensions within the government, its complex and conflicting relations with the Parliament, and tries to enlighten a disconcerting economic policy but whose social and environmental cost is already worrying.