Contenu du sommaire : Le mobile et ses usages en Afrique subsaharienne

Revue Réseaux (communication - technologie - société) Mir@bel
Numéro no 219, janvier-mars 2020
Titre du numéro Le mobile et ses usages en Afrique subsaharienne
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation

    • Une révolution mobile en Afrique subsaharienne ? - Jean-Philippe Berrou, Kevin Mellet p. 11-38 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'essor du mobile en Afrique a suscité un enthousiasme fort, dont témoignent tant les rapports et programmes des institutions de l'aide au développement, que la constitution récente d'une « communauté » rassemblant chercheurs, ONG, bailleurs et entreprises autour des nouvelles technologies pour le développement (Information and communication technologies for development ou ICTD). En ouverture de ce numéro qui rassemble des recherches récentes sur les usages des technologies mobiles en Afrique subsaharienne, nous proposons un état des lieux. Le mobile a-t-il tenu ses promesses ? Que sait-on de ses usages concrets en Afrique subsaharienne ? L'article rend compte d'un décalage important entre les promesses des programmes internationaux ou des prévisions économiques, et la réalité des pratiques et des usages. Il introduit les articles du dossier qui mettent en évidence tant l'importance qu'occupe le téléphone mobile dans le quotidien des populations, que la pluralité, et la complexité, des modalités d'appropriations effectives et des enjeux qu'il soulève pour le continent.
      The rapid growth of mobile phones in Africa has generated widespread enthusiasm. This is evidenced by the reports and programmes of development aid institutions and by the recent creation of a “community” bringing together researchers, NGOs, donors and companies around new technologies for development (Information and Communication Technologies for Development or ICTD). In the first article of this issue of Réseaux devoted to recent research on the use of mobile technologies in sub-Saharan Africa, we review the situation. Has the mobile kept its promises? What do we know about its actual uses in sub-Saharan Africa? The article reports on a significant gap between the promises of international programmes or economic forecasts, and the reality of practices and usage. It presents the articles in the special issue, which highlight the importance of mobile phones in the daily lives of populations, as well as the plurality and complexity of the actual take up of this technology and its significance for the continent.
  • Dossier - Le mobile et ses usages en Afrique subsaharienne

    • Le téléphone portable, promoteur de la santé comportementale dans les Suds - Marine Al Dahdah p. 39-69 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans un contexte de réduction des dépenses de santé, mais aussi d'implication accrue des patients, les politiques de santé publique donnent une importance croissante à la responsabilité personnelle des individus envers leur propre santé. La santé par téléphone portable (mSanté) participe de ce courant et positionne le changement des comportements individuels comme objectif central de santé publique. Cet article montre qu'avec la diffusion mondiale du téléphone portable, ces approches comportementales fleurissent également en Afrique. À travers l'étude d'un programme de mSanté piloté au Ghana, cet article explore la figure du patient responsable que ce programme cherche à construire, analyse les messages envoyés et les réactions multiples qu'ils suscitent.
      Against the backdrop of health spending cuts as well as increased patient involvement, public health policies are placing growing importance on individuals' personal responsibility for their own health. Healthcare via mobile phones (mHealth) is part of this trend and positions individual behavioural change as a key public health objective. This article shows that with the global spread of mobile phones, these behavioural approaches are also flourishing in Africa. Based on the study of an mHealth pilot program in Ghana, it explores the responsible patient figure that this programme seeks to construct, analysing the messages sent and the multiple reactions they prompt.
    • Ce que la téléphonie mobile fait à la musique ouest-africaine : Le projet ZikMali : un nouveau modèle de distribution musicale ? - Emmanuelle Olivier p. 71-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Mali, comme dans la plupart des autres pays ouest-africains, l'industrie de la musique populaire connait des changements majeurs avec le passage au haut débit grâce à la technologie 3 G. Un nouvel écosystème musical se met en place, au sein duquel le téléphone mobile non seulement s'impose comme principal mode d'accès à la musique, mais contribue aussi à la transformation des procédés de création, des pratiques d'écoute, d'échange et de stockage, des gouts, des sociabilités et des imaginaires liés à la musique. Ce texte suit, pas à pas, le projet de l'entreprise ZikMali dans le domaine de la distribution numérique de la musique. Cette ethnographie conduira à discuter l'idée communément admise du téléphone mobile comme « digital provider », en montrant tous les écueils, les contraintes, les épreuves à franchir aujourd'hui au Mali, pour permettre de simplement construire un « accès » numérique à la musique. Cette étude de cas sera enfin située par rapport à des travaux sur la numérisation des industries culturelles dans les pays du Nord. On verra que si les contextes de construction d'une offre commerciale de musique en ligne sont assez similaires, les représentations, les logiques et les valeurs sous-jacentes sont en revanche beaucoup plus localisées.
      In Mali, as in most other West African countries, the popular music industry is undergoing major changes with the transition to high-speed Internet using 3G technology. A new music ecosystem is emerging, in which mobile phones are not only the main medium to access music, but also contribute to the transformation of creative processes, of listening, sharing and storage practices, and of tastes, social skills and imaginaries surrounding music. This article follows the company ZikMali's project in the field of digital music distribution, step by step. The ethnography opens a discussion on the commonly accepted idea of the mobile phone as a “digital provider”, showing all the pitfalls, constraints and challenges that have to be overcome today in Mali, simply to build digital “access” to music. Finally, the article situates this case study in relation to work on the digitization of cultural industries in countries of the North. It shows that while the contexts in which a commercial online music offer is built are quite similar, the underlying representations, approaches and values are far more localized.
    • Mon mobile, mon marché : Usages du téléphone mobile et performances économiques dans le secteur informel dakarois - Jean-Philippe Berrou, François Combarnous, Thomas Eekhout, Kevin Mellet p. 105-142 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Afrique subsaharienne, l'immense majorité des entreprises appartiennent au secteur dit « informel ». On sait encore peu de choses sur la façon dont elles se sont emparées du téléphone mobile, qui a fait une brusque et massive irruption dans leur quotidien en moins d'une décennie. S'appuyant sur une enquête originale mêlant méthodes quantitatives et qualitatives, auprès de 500 entrepreneurs du secteur informel de Dakar, l'article apporte trois contributions principales. Premièrement, l'enquête apporte un éclairage empirique ample et détaillé sur l'adoption et les usages du mobile par les entrepreneurs informels d'Afrique subsaharienne. Deuxièmement, l'article propose une typologie robuste et compréhensive des usages professionnels du mobile par ces entrepreneurs, à partir d'une méthodologie d'enquête et d'analyse originale. Enfin, l'article restitue une analyse statistique des relations entre usages du mobile et performances économiques. Il s'agit in fine de contribuer à une meilleure connaissance du secteur informel et de ses dynamiques propres.
      In sub-Saharan Africa, the vast majority of businesses belong to the so-called “informal” sector. As yet, little is known about their take up of the mobile phone, which suddenly and massively irrupted into their daily operations within less than a decade. This article, which is based on an original study of 500 entrepreneurs in the informal sector in Dakar, combines quantitative and qualitative methods. Its contribution is threefold. First, the study provides broad and detailed empirical insight into the adoption and use of mobile phones by informal entrepreneurs in sub-Saharan Africa. Second, the article draws on an original survey and analysis methodology to propose a robust and comprehensive typology of these entrepreneurs' business uses of mobile phones. Finally, it provides a statistical analysis of the relationship between mobile phone uses and economic performance. Ultimately, this article seeks to contribute to a better understanding of the informal sector and its specific dynamics.
    • Le smartphone au service de la coordination informelle dans les casses automobiles d'Abidjan - Jean-Marc Josset, N'da Philippe N'Guessan, Alain Rallet p. 143-178 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les organisations internationales (BIT, Banque mondiale) et les politiques publiques dans les pays en développement fondent de grands espoirs sur la numérisation pour formaliser et ainsi rendre plus efficaces des économies qui sont à dominante informelle. L'article soumet cette thèse à la critique en examinant l'utilisation du numérique, en fait des téléphones et des smartphones, dans la coordination entre les acteurs économiques d'une filière dynamique de la Côte d'Ivoire, celle de la vente de pièces détachées d'automobile. L'article définit tout d'abord les concepts d'informalité, de formalisation et de numérisation qu'il utilise et précise leurs rapports. Puis la démarche ethnographique mobilisée est justifiée et présentée ainsi que le terrain d'enquête, les casses automobiles d'Abidjan. L'analyse des relations entre les acteurs économiques et du rôle qu'y jouent les smartphones est ensuite menée à l'aide des verbatims de l'enquête. Enfin, l'article commente et discute les principaux résultats. Le principal est que les outils numériques utilisés tendent à renforcer les interactions informelles tout en favorisant une forme de formalisation ne s'inscrivant pas dans les dispositifs de codification et d'enregistrement étatiques des transactions.
      International organizations (ILO, World Bank) and public policy makers in developing countries have high hopes that digitization will formalize predominantly informal economies and thus make them more efficient. This article questions that perspective by critically examining the use of digital technology – telephones and smartphones – in the coordination of a dynamic supply chain in Côte d'Ivoire: the sale of car parts. It first defines the concepts of informality, formalization and digitization, thus clarifying their relation to one another. It then justifies and presents the ethnographic approach used, along with the research field: scrapyards in Abidjan. An analysis of the relationships between the economic actors involved and of the role played by smartphones follows, based on field notes from the study. Finally, the article comments on and discusses the main findings: primarily that the digital tools used tend to strengthen informal interactions while also promoting a type of formalization out of line with governmental frameworks for the codification and recording of transactions.
    • « Allô, devin-guérisseur ! » : Plasticité rituelle et usages du téléphone portable par les devins-guérisseurs à Madagascar - Olivia Legrip-Randriambelo p. 179-202 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article décrit et analyse les nouvelles configurations rituelles proposées par les devins-guérisseurs malgaches. Outre les séances de guérison en salle de soin, certains d'entre eux ajustent leurs pratiques à des patients éloignés et proposent des consultations téléphoniques. Dans un premier temps, il sera question d'appréhender la téléphonie mobile comme un élément associé aux pratiques rituelles magico-religieuses. Dans un second temps, il s'agit de savoir pourquoi et comment les devins-guérisseurs malgaches se saisissent de cet outil. Deux facteurs déterminent le recours aux rituels téléphoniques : élargir sa patientèle (par voies publicitaires ou par réseaux de connaissances) et conserver sa patientèle à distance.
      This article describes and analyses the new ritual configurations proposed by Malagasy diviner-healers. In addition to healing sessions in treatment rooms, some of them have adjusted their practices to remote patients, offering telephone consultations. First, the article investigates mobile phones as an element associated with magical-religious ritual practices. Second, it considers why and how Malagasy diviner-healers have taken up this tool. Two factors determine the use of rituals over the phone: expanding one's patient base (through advertising or acquaintance networks), and keeping patients at a distance.
  • Varia

    • Musées et financements participatifs : Nouvelles pratiques et représentations - Marie Ballarini p. 203-240 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans un contexte d'une réduction chronique des subventions publiques au détriment des institutions culturelles et notamment muséales, le mécénat apparaît comme une ressource permettant de maintenir un équilibre budgétaire. Le numérique a permis l'apparition de nouveaux outils de mécénat individuel. Grâce à un questionnaire en ligne et une série d'entretiens, nous réalisons le recensement complet de ces outils et un état des lieux des pratiques, en ligne et hors ligne. Nous remarquons un désintérêt progressif des musées pour les souscriptions traditionnelles au profit des plateformes de crowdfunding et d'autres méthodes nouvelles. Si ce déplacement des pratiques ne modifie pas les capacités financières des musées, il permettrait en revanche, selon eux, de mobiliser des contributeurs plus jeunes ou plus lointains.
      In the face of chronic cuts to public subsidies for cultural institutions, particularly museums, patronage appears to offer a resource to stay afloat. Digital technology has allowed for the emergence of new individual patronage tools. Based on an online questionnaire and a series of interviews, we carried out a comprehensive inventory of these tools and practices, both online and offline. We can see that museums are gradually moving away from traditional subscriptions, turning rather to crowdfunding platforms and other new methods. While this shift in practices does not change museums' financial capacities, in their view it does enable them to mobilize younger or more distant contributors.
  • Notes de lecture