Contenu du sommaire : Vive les communes !

Revue Mouvements Mir@bel
Numéro no 101, printemps 2020
Titre du numéro Vive les communes !
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Vive les communes ! Des ronds-points au municipalisme

    • Éditorial : La révolution commence-t-elle par le local ? Expérimentations communales et dilemmes stratégiques - Marion Carrel, Paula Cossart, Guillaume Gourgues, Pierre-André Juven, Julien Talpin p. 7-11 accès libre
    • Le Gilet et le Marteau. L'Assemblée des assemblées organise l'aile gauche des ronds-points - Quentin Ravelli, Zakaria Bendali, Loïc Bonin, Maxime Gaborit, Théo Grémion, Mila Ivanovic, Pauline Liochon, Naomi Toth p. 13-24 accès libre avec résumé
      L'Assemblée des assemblées constitue une tentative unique de coordination des Gilets jaunes à l'échelle du pays. Cette forme d'organisation tient largement à l'orientation politique et aux milieux sociaux des militants qui ont animé cette fraction du mouvement. Au fil des mois, sa structuration progressive montre l'importance de la démocratie directe mais aussi des efforts d'indépendance, d'autonomie et de structuration qui vont bien au-delà des assemblées locales et des mobilisations sur les ronds-points – auxquelles on réduit trop souvent ce mouvement.
    • « Le fait qu'il y ait des listes citoyennes qui se mettent en place, ça ne doit pas non plus l'arranger… » - Priscillia Ludosky, Guillaume Gourgues p. 25-32 accès libre avec résumé
      Priscillia Ludosky compte parmi les figures centrales et les plus médiatisées du mouvement des Gilets Jaunes. Favorable au Référendum d'Initiative Citoyenne, revendiquant très tôt la mise en place d'une assemblée tirée au sort, elle ne cesse de prendre part aux initiatives permettant de produire des revendications issues des rangs des Gilets Jaunes (Vrai Débat1, Socle Commun). Revenant, pour Mouvements, sur sa volonté de maintenir la pression sur le gouvernement, via l'organisation de la Convention Citoyenne sur le climat, elle considère avec beaucoup de prudence l'idée selon laquelle la conquête du pouvoir municipal puisse être un débouché politique pour les Gilets Jaunes. Elle conçoit toutefois les élections municipales comme une scène supplémentaire de contestation d'Emmanuel Macron, et prône la construction de contre-pouvoirs citoyens locaux, coordonnés à l'échelle nationale.
    • Le Grand débat : une répétition en vue des élections municipales ? - Simon Baecklandt p. 33-40 accès libre avec résumé
      Le Grand débat national devait être une façon de transformer le fonctionnement démocratique. L'observation de son déroulement dans l'agglomération dunkerquoise indique qu'il a surtout été une occasion pour les militants de la République En Marche de renforcer leur ancrage local en préparation des élections municipales. En dépit d'une sensibilité participative, le parti du président contribue surtout à reproduire les règles du jeu politique plus qu'à les subvertir.
    • « Le problème c'est qu'on ne peut pas s'allier avec des gens qui ne sont pas structurés » - Marie-Jeanne Béguet, Pierre-André Juven p. 41-48 accès libre avec résumé
      Marie-Jeanne Béguet est maire de Civrieux, commune de l'Ain de 1500 habitant.es, depuis 1995. Conseillère régionale depuis 2015, présidente des Maires Ruraux de l'Ain et vice-présidente de l'Association des Maires Ruraux de France (AMRF) elle participe avec d'autres élu.es à la défense des intérêts des territoires ruraux. À l'occasion de cet entretien elle revient sur le paradoxe de l'impossible alliance des Gilets jaunes et des maires ruraux de l'AMRF, alors que des deux côtés, la « disparition à la hussarde des services publics » et « la coupure » avec l'échelon national pourraient laisser présager une convergence d'intérêt. Pour Mouvements, elle décrypte cette tension comme relevant d'une conception différente de l'action collective et de l'exercice démocratique, revendiquant de son côté les mérites de la démocratie représentative et les limites de la participation.
    • Les municipalistes rêvent-ils de Métropole ? : Penser les changements radicaux face aux institutions intercommunales - Guillaume Gourgues p. 49-59 accès libre avec résumé
      Les aspirations au « municipalisme », quel que soit leur degré de radicalité politique, se confrontent tôt ou tard à la réalité d'une gestion intercommunale des affaires locales, dont la constitution récente des Métropoles marque une étape importante. Ce changement d'échelle du pouvoir local interpelle : faut-il penser le municipalisme comme un moyen de s'y opposer ou comme un levier de « politisation » des politiques intercommunales et/ou métropolitaines ? Cet article propose de penser ce que pourrait être un municipalisme de coalition, pensé et pratiqué au-delà de la seule échelle communale.
    • Municipalisme et démodynamie : gouverner avec la pression citoyenne - Adrien Roux p. 60-69 accès libre avec résumé
      La théorie et la pratique du municipalisme peuvent intégrer plus solidement la place des contestations et interpellations citoyennes. À partir d'une modélisation des quatre dimensions d'un gouvernement populaire, il est possible de penser l'articulation d'une démodynamie du « peuple qui manifeste » avec la démocratie du « peuple qui gouverne ». Cela nécessite que la pression citoyenne soit protégée, reconnue et soutenue avec de nouvelles règles du jeu qui donnent toute leur place aux dynamiques extra-institutionnelles.
    • Créer deux, trois… mille Saillans ? Des collectifs citoyens face à la conquête du pouvoir municipal - Guillaume Gourgues, Jessica Sainty p. 70-78 accès libre avec résumé
      À l'occasion du festival « Curieuses Démocraties », à Seyne-Les-Alpes, en juillet 2019, Mouvements a interrogé des collectifs citoyens sur leur projet de monter une « liste participative » en vue des élections municipales de 2020. Des membres des collectifs citoyens de Barjols (Ornella, Coralie), Langres (Christophe, Florence), Seyne-Les-Alpes (Isabelle, Gilles, Jean-Claude, Cécile) et Saint-Médard-en-Jalles (Bruno) nous expliquent leur projet, leur mobilisation, tous plus ou moins dans la veine de l'expérience de Saillans, mais aussi leurs doutes au moment de s'engager dans la bataille électorale.
    • Les communs urbains, fer de lance du municipalisme ? Le cas de Barcelone - Maïté Juan p. 79-89 accès libre avec résumé
      Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le gouvernement municipaliste de Barcelona en Comú s'est engagé dans la co-construction d'une politique publique favorisant les communs urbains. Si ce processus entend redonner un pouvoir d'agir aux citoyens sur les institutions qui les affectent dans leur quotidien, dans les faits des tensions émergent entre militants des initiatives citoyennes et militants institutionnels. Le municipalisme barcelonais parvient-il à intégrer, sans les neutraliser, la créativité et la critique citoyenne ? Réciproquement, comment les acteurs associatifs gèrent-ils le risque de récupération et de détournement des innovations citoyennes par les institutions ?
    • À Naples, l'expérimentation de nouveaux modèles administratifs pour relever le défi du municipalisme - Benedetta Celati p. 90-97 accès libre avec résumé
      Occupations citoyennes, libération de bâtiments désaffectés et auto-organisation des habitant.es pour y développer des activités artistiques, écologiques et sociales : ces expérimentations napolitaines transforment les relations entre citoyen.nes et pouvoirs publics. Au fil des discussions et négociations, un « droit communautaire » permettant l'autogestion citoyenne de biens publics se dessine. La municipalité reconnaît l'auto-gouvernement démocratique des espaces occupés, dont elle se porte garante vis-à-vis de la collectivité. Ce « mouvement des biens communs » ne se produit pas sans tensions et conflits, et ne suffit probablement pas pour réaliser un changement institutionnel et politique d'ampleur, mais il montre que des alternatives locales et démocratiques aux dérives du capitalisme financier existent.
    • Pourquoi l'expérience des villes rebelles espagnoles a-t-elle été si brève ? - Héloïse Nez p. 98-105 accès libre avec résumé
      En 2015, des listes citoyennes s'inscrivant dans la continuité du mouvement des Indigné.es créaient la surprise en remportant les plus grandes villes espagnoles comme Madrid et Barcelone, ainsi que plusieurs capitales de province (Valence, Saragosse, La Corogne, Saint-Jacques-de-Compostelle, Cadix) et de plus petites villes. En 2019, la plupart de ces « mairies du changement » n'ont pas été reconduites. Comment expliquer ces défaites électorales ? Quel bilan tirer de ces expériences ?
    • Quelles leçons historiques et politiques tirer du municipalisme ouvrier ? - Rémi Lefebvre p. 106-115 accès libre avec résumé
      Les entreprises municipalistes d'aujourd'hui sont souvent présentées sous le registre de la nouveauté. Si ce « néo-municipalisme » présente en effet des caractéristiques originales, en premier lieu par l'importance centrale donnée à la participation des citoyens, beaucoup des questions qu'il soulève ne sont pas nouvelles, mais renvoient à l'expérience du municipalisme ouvrier qui se développe à partir de la fin du XIXe siècle en France. Les expériences du socialisme et du communisme municipal peuvent constituer un réservoir de bonnes pratiques et d'expériences historiques dans lequel puiser dès lors qu'on veut reconstruire des perspectives de changement social.
    • Autonomie et espaces libérés. À propos de l'expérience zapatiste et des mondes post-capitalistes en gestation - Jérôme Baschet, Paula Cossart, Vincent Farnéa p. 117-130 accès libre avec résumé
      Dans cet entretien, Jérôme Baschet revient sur l'expérience d'auto-gouvernement populaire que les zapatistes construisent depuis 25 ans au Chiapas, comme moyen de saisir concrètement ce que peut être une politique de l'autonomie, une politique non étatique. Il y évoque certaines conditions matérielles, subjectives, temporelles, qui rendent possibles l'amorce d'un cheminement de déprise à l'égard des logiques du monde capitaliste… Le fait de débattre de la construction des espaces libérés peut être défendu comme une stratégie pour tenter de sortir du capitalisme, mais dont il faut aussi discuter les écueils, les limites possibles et la nécessaire articulation avec d'autres stratégies.
    • Genèse et métamorphoses du municipalisme libertaire aux États-Unis : vers une première confédération démocratique nord-américaine ? - Jonathan Durand-Folco, Sixtine van Outryve p. 131-141 accès libre avec résumé
      Si la stratégie du « populisme de gauche » suscite une certaine attention médiatique et académique ces dernières années, la perspective du municipalisme incarne une voie alternative pour construire un projet de transformation sociale par en bas. L'expérience américaine de municipalisme libertaire a connu une accélération après l'élection de Donald Trump en 2016. En dépit des difficultés à constituer une fédération d'assemblées, elle constitue un réservoir unique pouvant nourrir l'imaginaire démocratique.
    • Du municipalisme au communalisme - Paula Cossart, Pierre Sauvêtre p. 142-152 accès libre avec résumé
      De nombreuses tentatives municipalistes contemporaines se réfèrent à Murray Bookchin, le principal théoricien du municipalisme libertaire et du communalisme. Beaucoup de ces tentatives, bien qu'elles renouvellent parfois profondément la vie locale, ont cependant du mal à se défaire du cadre de la souveraineté municipale. Si elles cherchent de façon innovante à faire fonctionner autrement les institutions municipales, elles restent distinctes du communalisme de Bookchin qui implique la mise en place de contre-institutions fondées sur l'autogouvernement des assemblées populaires citoyennes. Les pratiques récentes qui se revendiquent des « communs » remettent ce débat en scène. Associé à la logique des communs, comme formes d'auto-organisations socio-économiques, le communalisme est en train de se redéfinir.
    • Le communalisme au Rojava : une révolution de femmes - Anja Flach p. 153-162 accès libre avec résumé
      Si l'expérience du Rojava est souvent mobilisée pour évoquer la concrétisation du municipalisme libertaire et l'importance que les femmes peuvent occuper dans la structuration et la défense d'une société démocratique et égalitaire, peu d'écrits se basent cependant sur une enquête et une immersion sur ce territoire. Anja Flach, ethnologue allemande, est coauteure de Revolution in Rojava. Democratic Autonomy and Women's Liberation in Syrian Kurdistan (Pluto Press, 2016). Dans cet article, elle revient pour Mouvements sur l'importance des femmes dans le processus révolutionnaire, dans la restructuration de la société et dans la transformation du rapport au réel.
    • Le fokonolona malgache : une utopie réelle ? - Jean-Michel Wachsberger p. 163-169 accès libre avec résumé
      Le fokonolona occupe une place très importante dans l'histoire et le système de croyances et de valeurs des Malgaches. L'institution désigne à la fois l'ensemble des membres d'une communauté rurale et l'assemblée qu'ils constituent pour régler leurs affaires courantes. Suite notamment aux écrits de l'anthropologue anarchiste David Graeber, il est parfois présenté comme un modèle d'organisation politique locale reposant sur un fonctionnement non délégatif et non hiérarchique. Il pourrait ainsi exprimer une culture de la démocratie directe. Cet article revient sur ces représentations et montre qu'elles relèvent plus d'une tradition inventée que d'une réalité immanente.
  • Itinéraire

    • Municipalisme et féminisme - Janet Biehl, Paula Cossart, Gwénola Ricordeau p. 170-180 accès libre avec résumé
      Janet Biehl est née aux États-Unis en 1953. Elle est notamment connue pour ses collaborations intellectuelles avec le fondateur de l'écologie sociale, Murray Bookchin1, mais aussi pour être sa biographe et une commentatrice reconnue de son œuvre. Longtemps engagée dans les réflexions sur l'écologie sociale, elle a annoncé sa rupture avec ce courant politique en 20112. Dans cet entretien, elle revient sur son parcours intellectuel, ses inflexions, mais aussi sur la manière dont se réinvente, aujourd'hui, au Rojava, le municipalisme bookchinien.