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Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 79, 2019 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les données en linguistique : choix, nature et exploitation. Une vue personnelle - Francis Cornish p. 7-42 L'article est une réflexion critique sur la matière première des travaux en linguistique, à savoir, les exemples présentés pour l'analyse. La discussion permettra de mettre en évidence l'attitude du linguiste vis-à-vis de la langue et du langage sous-tendant son choix d'exemples et la manière dont il les traite. Deux grands types de données sont contrastés : les exemples inventés par l'auteur lui-même, puis des extraits choisis par l'auteur provenant de corpus d'énoncés produits par des locuteurs ou scripteurs afin de réaliser un but communicatif ou expressif quelconque. Les avantages et inconvénients de chaque type sont dégagés, tant en ce qui concerne les données elles-mêmes que par rapport à l'usage que l'auteur-linguiste en fait pour sa démonstration. L'article examine également les statuts attribués par l'auteur aux exemples qu'il présente pour mener son analyse, et fait valoir que les mêmes statuts ((a)grammatical, (a)sémantique et (in)cohérent) peuvent caractériser les données attestées tout comme les exemples construits.The article is a critical examination of the raw material of work in Linguistics, namely the examples presented for analysis. The discussion will enable us to point up the linguist's attitude towards language(s) underlying his or her choice of examples and the way in which s/he treats them. Two main types of examples are contrasted: those invented by the author him/herself, and extracts selected by the author from corpora of utterances produced by speakers or writers in order to achieve a communicative or expressive goal of some kind. The advantages and disadvantages of each type are pinpointed, both in terms of the examples themselves and of the use made of them by the author in his or her demonstration. The article also examines the statuses attributed by authors to the examples they present for analysis, and argues that the same statuses ((un)grammatical, (a)semantic and (in)coherent) may characterize attested examples just as well as constructed ones.
- -Isme : suffixe modal pour la formation de noms de discours - Grigory Agabalian p. 43-78 Cet article a pour objectif de s'interroger sur l'applicabilité de la dichotomie dictum / modalité dans la description sémantique d'un groupe important de noms suffixés en -isme rassemblant les noms de doctrines et certains noms d'attitudes. La pertinence de cette interrogation repose sur le fait que le sens construit de ces noms semble correspondre à une attitude positive (modalité) envers ce que représente leur base (dictum). Par exemple populisme a pour sens construit une attitude positive envers le peuple. L'article montre qu'en réalité deux types de sens construits coexistent au sein de ces noms et que la dichotomie dictum / modalité ne peut s'appliquer qu'à l'un d'eux. Ce sens se révèle de surcroît être un discours et nécessite d'être décrit dans le cadre d'un contexte dialogal reconstitué.The aim of this article is to question the applicability of the dictum / modality dichotomy for the description of the constructed meaning of an important group of nouns created by adding the suffix –isme, including nouns of doctrines and some nouns of attitudes. This question appears to be relevant since the constructed meaning of those nouns is a positive attitude (modality) towards the concept represented by their base (dictum). For instance the constructed meaning of populisme is a positive attitude with regard to the people. I show that actually two types of constructed meanings coexist among those nouns and that the dictum / modality dichotomy is applicable to only one of the two. Moreover, this meaning turns out to be a discourse, which needs to be described in a reconstructed dialogic context.
- L' antéposition du topique : une dislocation à pronom nul ? - Márton Gergely Horváth p. 79-99 Notre étude vise à montrer que toutes les constructions à topique antéposé peuvent être analysées comme des dislocations à gauche à pronom nul, et que, par conséquent, les antépositions correspondent en français toujours à des constructions de focalisation. Il a déjà été montré dans d'autres travaux que l'antéposition des compléments d'objet direct à référent générique relève d'une dislocation à pronom nul plutôt que d'une antéposition. Nous élargissons cette analyse à l'ensemble des antépositions topicalisantes, tout en montrant que le référent des COD « antéposés » ne doit pas être nécessairement générique, et que les divergences que présentent les différents types d'« antépositions » résultent en fait de la distinction entre dislocation avec topique suspendu (hanging topic left dislocation) et dislocation avec reprise pronominale clitique (clitic left dislocation), chacune pouvant se réaliser avec un pronom résomptif nul.This paper intends to show that topic fronting constructions (also called topicalizations) are in fact left dislocations with a zero pronoun and, consequently, genuine fronting always corresponds to a focus construction. It has already been shown in other works that a preposed direct object NP whose denotatum is generic is in fact left dislocated and linked to a null pronoun. I broaden the scope of this analysis to all topic fronting constructions in French and show that the denotatum of a preposed direct object NP is not necessarily generic. I also demonstrate that differences presented by diverse types of topic fronting constructions are due to the distinction between hanging topic left dislocation (HTLD) and clitic left dislocation (ClLD), and that both constructions can be realized with a null pronoun.
- La modestie à la française à travers l'acte de l'éloge de soi. Analyse comparative français / américain des procédés pragmatiques de modification utilisés dans les résumés Linkedin - Els Tobback p. 101-136 Cette étude porte sur l'éloge de soi tel qu'il se réalise dans les résumés postés sur LinkedIn par des professionnels de la communication américains et français. S'inscrivant dans la théorie de la politesse, elle se focalise, plus précisément, sur la manière dont les auteurs font recours aux procédés pragmatiques d'atténuation et de renforcement dans ce type de discours voué à la promotion de leurs compétences professionnelles. L'analyse, conduite sur un corpus de quelque 200 résumés, révèle que, comparés aux auteurs américains, les auteurs français éprouvent un plus grand besoin d'atténuer leurs propos lorsque l'autopromotion se fait de manière directe. En revanche, les Français ont moins souvent recours à des procédés qui renforcent l'expression de l'autopromotion. Ainsi, ils semblent manifester une sensibilité accrue face au principe de « modestie » proposée par Leech (1983). Que le facteur culturel entre bien en jeu dans le choix des stratégies discursives ressort aussi du fait que le genre des auteurs ne semble pratiquement avoir aucun impact sur les résultats.This study focuses on self-praise in Linked
In summaries posted by American and French communication professionals. Situated in the framework of Politeness Theory, it examines, more specifically, the use of downgrading and upgrading modifiers in this type of discourse which aim is to self-promote the authors' professional skills. The analysis, conducted on a corpus of about 200 abstracts, reveals that French authors, compared to Americans, feel a greater need to downgrade the expression of self-praise, especially when it is done in a direct way. On the other hand, the French appear to use strengthening devices less often. Hence, they seem to be more sensitive to the “modesty” principle proposed by Leech (1983). Moreover, our study reveals that, unlike the cultural factor, gender hardly plays any role in the choice of the pragmatic modifiers by the LinkedIn authors. - Les phénomènes de resyllabation chez les enfants en âge scolaire : perception d'erreurs et reformulation - Samantha Ruvoletto p. 137-163 Pendant l'acquisition, l'enfant francophone reçoit comme input une langue orale où les frontières entre les mots sont masquées à cause de trois phénomènes de resyllabation très communs : la liaison (p.ex. les ours [lezuʁs]), l'élision (p.ex. l'avion [la.vjɔ̃]) et l'enchaînement (p.ex. une araignée [y.na.ʁɛ.ɲe]). Ces phénomènes sont à l'origine de l'apparition de mauvaises segmentations dans les productions des enfants à partir de l'âge de 2 ans (p. ex. de(s)[n]éléphants [de.ne.le.fɑ̃] pour des[z]éléphants [de.ze.le.fɑ̃] ou u(n)[Ø]avion [ɛ̃.a.vjɔ̃] pour un[n]avion [ɛ.na.vjɔ̃]). Les études développementales observent une diminution de ces erreurs entre 4 et 5 ans et leur disparition à l'âge de 6 ans. Les résultats d'une tâche de perception d'erreurs et de reformulation qu'on a conduite chez 43 enfants francophones au début et à la fin du CP montre qu'ils ont encore des difficultés à identifier les frontières des mots après 6 ans. Comme ni l'input adulte ni les théories développementales ne parviennent à expliquer nos résultats, nous proposons une nouvelle explication qui prend en considération l'acquisition de la littéracie.Early word segmentation in French is complicated by three phenomena of re-syllabification: liaison, elision and enchainement. These processes of re-syllabification lead to errors in oral production by children such as substitutions (e.g. le(s)[n]éléphants [le.ne.le.fɑ̃] for les[z]éléphants [le.ze.le.fɑ̃] ‘the elephants') and non-realizations (e.g. u(n)[Ø]ours [ɛ̃.a.vjɔ̃] for un[n]ours [ɛ̃.nuʁs] ‘a bear'). These errors seem to vanish at around 5 years of age, when children start Primary School. To understand if these three phenomena are really acquired after 5 years of age, we tested 43 French speaking First Graders (6;3) by means of a task of error identification. Results show that the identification of non-realization errors is still a hard task after 5 years of age. As adult input and developmental theories on French word segmentation cannot explain our results, we propose a new explanation taking into account the acquisition of literacy.