Contenu du sommaire
Revue | Le Moyen Age |
---|---|
Numéro | tome 125, no 2, 2019 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Boire et manger aux frais de la princesse : la table à la cour de Marguerite de France - Jean-Baptiste Santamaria p. 315-335 L'étude de la cour et de l'hôtel de Marguerite de France, comtesse de Flandre, d'Artois et de Bourgogne (1312–1382) permet de cerner, malgré l'absence quasi complète de comptes de l'hôtel, l'importance de l'alimentation dans l'incarnation du pouvoir princier : elle démontre la capacité financière et pratique du maître d'hôtel et des métiers à nourrir une cour itinérante tout en satisfaisant aux usages en vigueur dans l'aristocratie, faisant la part belle à la viande mais aussi au poisson de mer. La capacité de la comtesse à nourrir les siens s'appuie sur une grande plasticité des approvisionnements, en particulier le recours à une autoproduction par l'envoi de vin comtois en Artois, qui montre que la comtesse sait « vivre du sien », ce qui ne l'empêche pas d'exploiter de manière opportuniste ses droits seigneuriaux au détriment de certains fournisseurs peu désireux de faire affaire avec la comtesse, mais aussi au marché. Ainsi la comtesse dessine-t-elle par la table les contours d'un bon gouvernement à plusieurs niveaux : l'éthique guidée par les vertus chrétiennes, notamment la charité, l'économique fondée sur la bonne tenue de sa maison fédérée par la libéralité comtale, enfin le politique tant la table permet également d'associer alliés, parents et sujets, en particulier lors des joyeuses entrées.
Despite the almost complete absence of domestic accounts, the study of the court and residence of Margaret of France, countess Palatine of Flanders, Artois, and Burgundy (1312–1382) reveals the importance of food in representing royal power. Food demonstrates the financial and practical ability of the maître d'hôtel and staff to cater for an itinerant court while satisfying the contemporary conventions of the aristocracy, giving pride of place to meat but also to saltwater fish. The countess's ability to provide for her entourage was dependent on a high level of flexibility when it came to supplies. She was also self-reliant and knew how to “live by her own means,” with wine delivered to Artois from her territory in Franche-Comté. However, this did not prevent her from exploiting her seigneurial rights, to the detriment of the market and of certain suppliers who were reluctant to do business with her. The countess therefore illustrated, by means of the dining table, the form of a good government in several respects: ethics, guided by Christian virtues, most notably charity; economy, based on the competent management of her household and structured around the principal of aristocratic generosity; and finally politics, as hosting these events, especially during celebrations, enabled her to gather her allies, relatives, and subjects. - Le temps des miracles. Heiric d'Auxerre, Adrevald de Fleury et l'écriture de l'histoire au IXe siècle - Marie-Céline Isaïa p. 337-368 Heiric d'Auxerre pour saint Germain, Adrevald de Fleury pour saint Benoît, écrivent dans les mêmes années 870 des Miracula. Ni l'un ni l'autre ne se contente de consigner les guérisons qui surviennent de leur temps à proximité des reliques ; leurs Miracula sont au contraire des histoires longues des sanctuaires et des communautés qui les desservent, qui impliquent le recours à des sources écrites en plus des témoignages oraux. Ils documentent ainsi le phénomène d'historicisation de l'hagiographie qui caractérise le IXe siècle carolingien. L'écriture de l'histoire apparaît pour Heiric comme un travail stylistique qui joue de la différence des genres historiographiques (Annales, Histoire, Gesta). La même histoire est pour Adrevald une leçon critique sur l'exercice du pouvoir. La comparaison des deux œuvres prouve que l'écriture de l'histoire est une discipline maîtrisée par ces intellectuels, et que l'hagiographie est l'un de ses lieux d'expérimentation préférés.In the 870s, Heiric of Auxerre and Adrevald of Fleury wrote Miracula about Saint Germanus and Saint Benedict respectively. Neither of these writers limited themselves to relating the miraculous recoveries of their own times; on the contrary, their Miracula are long histories of the sanctuaries and communities that serve them, drawing on written sources as well as oral testimonies. They therefore bear witness to the historicization of hagiography, a distinctive feature of the Carolingian ninth century. Heiric considers the writing of history as a stylistic task that entails a wide range of historiographic genres (Annales, Histoire, Gesta). Adrevald regards history instead as a critical lesson on the use of power. A comparison of these two works proves that the writing of history was a discipline that both these intellectuals had mastered, and that hagiography was one of their favored sites of experimentation.
- Écrire le sacré dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci. Enjeux spirituels d'une langue et d'un style - Claire Donnat-Aracil p. 369-383 L'article interroge la place du sacré dans l'écriture de Gautier de Coinci. En analysant l'articulation qu'établissent les Miracles de Nostre Dame entre la question du choix de la langue (latin ou français) et celle du style (style simple ou orné), il s'agit de montrer que l'auteur reconfigure les rapports d'opposition entre deux langues : la distinction entre latin et vernaculaire ne relève plus d'une concurrence entre langue sacrée et langue profane, mais entre deux types de rapport au divin qui recoupent la partition isidorienne entre sacrum et religiosum. Alors que l'usage du latin exprime le surgissement d'un Dieu qui ne se dévoile que pour révéler son caractère inaccessible, le français exprime l'avènement d'un sacré qui vient habiter le cœur du lecteur. Le latin apparaît dès lors comme une langue religieuse au sens isidorien du terme : la langue de la tradition et de la reproduction de rites qui n'engagent pas l'intériorité de celui qui les pratique. Le français devient quant à lui la seule langue véritablement sacrée, celle de la rencontre intime avec Dieu.This article addresses the role of the sacred in the writing of Gautier de Coincy. By analyzing the relationship that Miracles of Notre Dame establishes between the question of the choice of language (Latin or French) and that of style (simple or ornate), we show that the author reconfigures the oppositional relations between two languages: the relation between Latin and the vernacular no longer involves a competition between a sacred and profane language respectively, but rather between two different types of relation to the divine, coinciding with the Isidorian separation between sacrum and religiosum. Whereas the use of Latin expresses the emergence of a God who only reveals himself in order to show his inaccessible nature, French expresses the possibility of a form of sacred that will inhabit the reader's heart. Latin then appears to be a religious language in the Isidorian sense of the word: the language of tradition and the reproduction of rites that do not involve the interiority of the person practicing them. French then becomes the only truly sacred language, that of an intimate meeting with God.
- Deux opuscules historiques de Bernard Gui traduits en français par Jean Golein (1369) : restauration du texte complet grâce au manuscrit Paris, BnF, Naf. 6776 - Antoine Brix p. 385-403 En 1369, à la demande de Charles V, le carme Jean Golein traduisit en français une série de dix-sept opuscules latins de Bernard Gui, o.p. Il les consigna dans un manuscrit dont plusieurs feuillets ont disparu (Vatican, BAV, Reg. lat. 697), et avec eux des portions notables de quatre opuscules conservés par ce qui était considéré depuis le XIXe siècle comme l'unicum des dix-sept pièces. Par le recours à un deuxième manuscrit, peu connu (Paris, BnF, Naf. 6776), cet article remédie à quatre lacunes du recueil, et rétablit le texte complet de deux opuscules relatifs à l'histoire de France : l'Arbre de la genealogie des roys de France, et les Roys de France.In 1369, Jean Golein, o.carm, was commissioned by King Charles V to translate into French a collection of seventeen Latin texts by Bernard Gui, o.p. He gathered them in a manuscript of which several folia later went missing (Vatican, BAV, Reg. lat. 697), and along with them notable fractions of four texts preserved in what has been considered the sole copy of the seventeen works since its nineteenth-century uncovering. Bringing forth a second, little-known manuscript (Paris, BnF, Naf. 6776), this paper provides a restoration for four lacunae of the collection. The text of two works about French history is hence fully recovered: the Arbre de la genealogie des roys de France and the Roys de France.
- Les destinataires et les intentions de Grégoire de Tours - Sébastien Filion p. 405-419 Cet article s'intéresse aux Histoires de Grégoire de Tours et vise à démontrer que l'auteur s'adressait principalement aux futurs rois Théodebert II et Thierry II afin de les exhorter à ne pas replonger la Gaule dans la guerre civile. Pour ce faire, il est d'abord essentiel de déterminer le moment de la rédaction des Histoires et les principaux destinataires ciblés par l'auteur. C'est pourquoi les deux premières sections sont consacrées à soutenir l'hypothèse d'une rédaction tardive et à identifier les fils de Childebert II comme étant les rois les plus directement interpelés. Finalement, la dernière section propose une discussion de la préface du cinquième livre des Histoires, l'un des chapitres les plus importants de l'ensemble de l'œuvre, pour illustrer la rhétorique, inspirée de la tradition de l'Antiquité tardive, utilisée par l'auteur dans l'ensemble de son œuvre.This article focuses on the Histoires of Gregory of Tours and aims to demonstrate that the author was principally addressing the future kings Theudebert II and Theuderic II in order to urge them not to plunge Gaul into civil war. To do this, we first need to determine the timing of the composition of the Histoires and the author's main addressees. The first two sections are therefore devoted to supporting the hypothesis of a late date of composition, and identifying the sons of Childebert II as the kings who are addressed most directly. Finally, the last section discusses the preface to the fifth book of the Histoires, which is one of the most important chapters of the entire work, to illustrate the form of rhetoric, inspired by the tradition of late antiquity that the author used throughout the work.
- Boire et manger aux frais de la princesse : la table à la cour de Marguerite de France - Jean-Baptiste Santamaria p. 315-335
Bibliographie
- Catastrophes et vulnérabilité sociale au Moyen Âge. À propos d'un ouvrage récent - Laurent Litzenburger p. 421-424
- La Diplomatie à Byzance. À propos d'un ouvrage récent - Benjamin Moulet p. 425-430
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 431-510