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Revue | Revue de science criminelle et de droit pénal comparé |
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Numéro | no 1, janvier-mars 2015 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Doctrine
- Le génocide des Tutsi du Rwanda : la thèse des complicités françaises au prisme des exigences du droit pénal - Damien Roets p. 1-27 L'implication de la France au Rwanda dans les années 1990 est l'objet d'un vaste débat, récemment ravivé par la commémoration du vingtième anniversaire du génocide des Tutsi. Selon certains, des Français (responsables politiques, officiers, simples soldats, mercenaires, marchands d'armes) seraient complices des massacres génocidaires survenus dans ce pays en 1994. À quelles conditions juridiques ces accusations récurrentes pourraient-elles donner lieu, en France, à des condamnations pénales ? Par-delà diverses difficultés relatives à l'application de la loi pénale dans l'espace et dans le temps, il s'agit, pour l'essentiel, dans l'étude qui suit, d'identifier les formes de complicité qui pourraient être retenues pour un certain nombre de comportements, hypothétiques ou avérés, qui font ou pourraient faire l'objet d'investigations judiciaires et, partant, de tenter de faire le départ entre ce qui relève, en réalité, de la seule morale et ce qui relève ou pourrait effectivement relever du droit pénal.France's involvement in Rwanda during the 1990's has been largely debated. This debate recently resurfaced at the 20 year commemoration of the Tutsis'genocide. For some, the French (politicians, military officers, ordinary servicemen, mercenaries, arms dealer) played an active role in the 1994 massacre which occurred in this country. Can these recurrent accusations be legally justified applying French penal law in order to bring about criminal charges against the perpetrators ? The application of the penal law in space and time in this instance pose a great challenge. However the following research study will attempt to examine and identify what can be judicially investigated as culpable comportments be it hypothetical or averred and to differentiate between relevant moral issues and criminal issues.
- Le crime de réduction en esclavage : Ou l'incrimination du « cœur de l'esclavage moderne » en droit pénal interne par la loi du 5 août 2013 - Olivier Pluen p. 29-48 L'esclavage n'a pas disparu avec son abolition au XIXe siècle dans les pays occidentaux et, partout dans le monde, des hommes, des femmes et des enfants continuent à vivre différentes formes d'emprise ou d'exploitation. Ces dernières sont qualifiées d'« esclavage moderne » et recouvrent l'esclavage lui-même, mais aussi des institutions et pratiques similaires telles que la traite des êtres humains et le travail forcé. D'après un rapport publié par la Fondation Walk Free en 2014, près de trente-six millions de personnes étaient alors victimes d'esclavage. La France n'échappe pas à ce phénomène. Dans ce contexte, un crime de réduction en esclavage a été introduit dans le code pénal français par la Loi n˚ 2013-711 du 5 août 2013 « portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France ». Adoptée par la voie d'un simple amendement parlementaire, cette incrimination tardive de l'esclavage stricto sensu dans la législation répressive nationale nous interpelle. L'objet du présent article est dès lors d'étudier le cadre normatif, supra-législatif et législatif, et les travaux parlementaires qui ont conduit à l'introduction de cette incrimination, son contenu et sa place par rapport aux autres infractions en matière de dignité et de liberté de la personne humaine, ainsi que ses conditions d'application dans le contexte de la politique actuelle de lutte contre l'« esclavage moderne ».Slavery did not end with abolition in the 19th century in the western countries and, worldwide, men, women and children are still living under various forms of control or exploitation. The latter are described as “modern slavery” and include slavery itself, but also similar institutions and practices such as trafficking in human beings and forced labor. According to a 2014 report published by the Walk Free Foundation, near 36 million people were affected at that time. France is no exception to this phenomenon. In this context, a crime of enslavement was introduced into the French Criminal Code by the Law N˚. 2013-711 of 5 August 2013 “concerning several implementing provisions with regard to justice in line with European Union and the France's international commitments”. Passed through a simple parliamentary amendment, the late criminalization of slavery as such in the French criminal law summons us. The purpose of this article is therefore to study the legal framework, supra-legislative and legislative, and the parliamentary work that led to the introduction of this crime, its content and its place in relation to other offenses regarding violation of dignity and freedom of the human person, and its conditions of application in the context of the current public policy to fight against “modern slavery”.
- La magistrature face au management judiciaire - Nicolas d'Hervé p. 49-66 La magistrature est aujourd'hui confrontée aux théories néolibérales imposant une évaluation de sa performance. Face à un management présenté comme incontestable, prônant les valeurs de l'efficacité et du pragmatisme, la magistrature se divise entre les tenants d'une action publique innovante et les nostalgiques d'un rituel judiciaire en voie de recomposition. Or, c'est paradoxalement dans ce nouveau management de la qualité que la magistrature peut trouver une nouvelle source de légitimité.
- Le génocide des Tutsi du Rwanda : la thèse des complicités françaises au prisme des exigences du droit pénal - Damien Roets p. 1-27
Variétés
- Des listes définitoires de 1810 au code pénal éducatif de 1992 - Morgane Daury-Fauveau p. 67-82 Le principe de légalité, exprimé par l'adage « pas d'infraction, pas de peine sans texte », impose au législateur l'obligation de faire des textes clairs et précis. Il doit, lorsqu'il décide d'incriminer un comportement, définir celui-ci. Les textes qui ne définissent pas ou très peu l'infraction, au point qu'elle pourrait être retenue à l'occasion d'agissements qui ne heurtent pas les valeurs sociales, sont sources d'arbitraire car la répression dépendra alors de la morale individuelle du juge.Cette crainte explique le recours fréquent, par l'ancien code pénal, aux listes définitoires, véritables inventaires destinés à brimer la tentation créatrice de la jurisprudence.Au contraire, le législateur contemporain a créé de nombreuses nouvelles infractions, sans vraiment les définir. Celles-ci n'interdisent pas les actes qui portent une atteinte grave aux valeurs fondamentales, indispensables à la vie en société, mais induisent un modèle de conduite, de nouvelles « bonnes mœurs » auxquelles il faut se conformer. L'absence de définition précise permet alors au juge de remplir la nouvelle mission qui lui est assignée, celle de déterminer l'opportunité sociale de la répression.The principle of legality, also known as “nullum crimen, nulla poena sine lege”, constrains the legislator to create clear and precise texts of law. When determined to incriminate a behavior, the legislator must characterize that precise behavior. Legislations that do not or barely define the criminal offence - to the point that they could be used to reprimand actions that do not hurt our social values - are a source of arbitrariness given that the repression will depend upon the judge's own morality.This concern explains the old French Criminal Code's frequent use of exhaustive lists of definitions, real inventories meant to limit the judiciary's creative temptation.Conversely, today's legislator has created numerous new criminal offences without giving them a definition. These offences do not prohibit actions that are against our fundamental values, which are crucial to societal life, but induce a model of conduct, new standards of behavior to comply with.The absence of a precise definition thus enables the judge to fulfil the new mission it has been assigned: to determine the social opportunity to repress.
- Des listes définitoires de 1810 au code pénal éducatif de 1992 - Morgane Daury-Fauveau p. 67-82
Chroniques
- Infractions contre les personnes - Yves Mayaud p. 83-91
- Infractions contre les biens - Haritini Matsopoulou p. 93-99
- Infractions relevant du droit de l'information et de la communication - Jacques Francillon p. 101-113
- Procédure pénale - André Giudicelli p. 115-125
- Chronique législative - Marc Touillier p. 127-141
- Religion et prison, je t'aime moi non plus - Pierrette Poncela p. 143-154
- Droits de l'Homme. Jurisprudence de la CEDH - Jean-Pierre Marguénaud, Damien Roets p. 155-174
- Procédures quasi-répressives en droit de la concurrence - Laurence Idot p. 175-185
- Retour aux sources ? La place du droit pénal économique dans l'action de l'Union européenne - Stefano Manacorda p. 187-202
- Quand Christian Debuyst invite Wittgenstein en criminologie - Guy Casadamont p. 203-217
Informations
- La protection des victimes de violence domestique et de genre dans la procédure pénale espagnole - Ángel Tinoco Pastrana p. 219-230
- Actualité du droit pénal hellénique. Aspects pénaux et administratifs du droit du tourisme - Antonios Maniatis p. 231-234
- Propositions de réforme de la libération conditionnelle en droit marocain - Abdelaziz El Idrissi p. 235-241
Bibliographie
- Notes bibliographiques - p. 243-248