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Revue | Revue de science criminelle et de droit pénal comparé |
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Numéro | no 2, avril-juin 2018 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Doctrine
- Présentation - p. 329 Le 14 novembre 2016 s'est tenue à Bruxelles une journée d'étude sur « Les nouveaux modes de preuve », journée organisée par les responsables scientifiques de trois projets de recherche : Sonia Desmoulin-Canselier, qui coordonnait le projet « Normastim » (ANR 2014), Bertrand Renard, en charge au GERN du thème Analyse criminelle, prédiction, mode de preuve du projet « Usages des nouvelles technologies dans les domaines de la sécurité et de la justice pénale » et Elsa Supiot, qui coordonnait le projet « Le procès pénal à l'épreuve de la génétique » (GIP Justice 2015).Issues des contributions présentées lors cette journée, les deux articles qui suivent permettent un état des lieux critique et complémentaire quant à la mobilisation au cours de la procédure pénale de nouveaux outils scientifiques : la neuro-imagerie et la génétique. Ainsi, Sonia Desmoulin examine « les usages et interprétations judiciaires des images cérébrales », quand Ludivine Richefeu et Claudia Riccardi présentent « les nouvelles utilisations de la génétique dans la procédure pénale », plus particulièrement le « portrait génétique » et la recherche en parentèle. Ces deux études mettent en exergue les interrogations et difficultés soulevées par les conditions dans lesquelles ces nouveaux éléments scientifiques sont examinés, débattus et mobilisés dans le cadre de la procédure pénale et proposent, le cas échéant, quelques lignes directrices.The 14th of novembre 2016 has been held in Brussels a study day on « the forensic tools ». This study day has been organized by Sonia Desmoulin-Canselier, scientific leader of the project « Normastim » (ANR 2014) ; Bertrand Renard, leading axe « Criminal analysis, prediction, methods of proof » of the GERN's project « uses of new technologies in the field of security and criminal justice » ; Elsa Supiot, scientific leader of the project « Genetics in criminal cases ».Deriving from this study day, the two following contributions allow a critical and complementary situational analysis regarding the current use of new forensic tools : neuroscience and genetics. Sonia Desmoulin's paper digs into judicial uses and interpretations of brain images. Meanwhile Ludivine Richefeu and Claudia Riccardi's contribution explores the innovative uses of genetics in criminal procedure, especially DNA phenotyping and DNA familial searching. These two studies highlight the questions and difficulties that stir up the conditions under which those new scientific elements are examined, discussed and mobilized in the field of criminal procedure. Eventually, they propose some guidelines.
- Les nouvelles utilisations de la génétique dans le cadre de la procédure pénale - Claudia Riccardi, Ludivine Richefeu p. 331-342 Les progrès scientifiques relatifs à l'expertise génétique ont mis en lumière de nouvelles possibilités d'utilisation de l'ADN au cours de la procédure pénale. Ces nouvelles utilisations ont notamment donné naissance à des techniques telles que le portrait-robot génétique ou la recherche en parentèle qui, après avoir été développées par la pratique en dehors du cadre légal, ont finalement bénéficié d'une certaine normalisation juridique, prétorienne ou législative. Ces techniques novatrices ont surtout modifié le rôle de l'ADN dans le cadre de la procédure pénale. Alors qu'il était jusqu'à présent conçu comme une « preuve parfaite » permettant de verrouiller les résultats de l'enquête, l'ADN devient aujourd'hui un véritable acteur de la procédure en offrant aux enquêteurs de nouvelles pistes d'investigation. Qu'il s'agisse ainsi de révéler les traits morphologiques apparents d'une personne inconnue (portrait-robot génétique) ou l'existence d'un lien de parenté (recherche en parentèle), l'intérêt principal de ces techniques consiste dans l'utilisation prédictive de l'ADN. L'ADN « parle », et il est utilisé non plus seulement pour prouver la culpabilité d'une personne, mais pour trouver l'auteur d'une infraction. Ces nouvelles utilisations de l'ADN font du corps humain une source d'informations, sans pour autant que le consentement des personnes concernées ait été préalablement recueilli. La recherche en parentèle permet ainsi de découvrir, à partir de l'ADN de la personne fichée, l'auteur de l'infraction lorsque celui-ci est l'un de ses proches ; le portrait-robot génétique dévoile quant à lui certaines caractéristiques physiques du suspect. L'utilisation de ces nouvelles techniques est par conséquent susceptible de remettre en question le cadre juridique des garanties offertes par le législateur français, sans pour autant revêtir une efficacité certaine.The new uses of genetics in criminal procedures
Scientific advances in genetic expertise have shed light on new possibilities in the use of DNA during criminal procedures. These new usages have given rise to such techniques as the DNA phenotyping (portrait-robot génétique) or familial DNA searches, which after having been developed through experience outside a legal framework, have finally obtained a legislative or judicial standardization. But these innovative techniques have especially modified DNA's role in criminal procedure. While DNA was until now designed as a « complete proof » to attest the results of an investigation, it becomes today a real actor of the trial, offering investigators new leads. The main interest in these techniques consists in using predictive DNA whether it reveals morphological traits of unknown persons (DNA phenotyping) or the existence of a relationship (familial DNA searches). The DNA « talks » and is used not only to prove a person's guilt, but also to find the offender. These new uses of DNA reduce the human body merely to a source of information, without obtaining prior consent of the people concerned. The familial DNA searches allows to find the offender from DNA profile of family members recorded by authorities in DNA databases and the DNA phenotyping reveals many physical traits to trace unknown persons who are unidentifiable with current comparative DNA profiling. These new techniques question the guarantees offered by french legal system without demonstrating a definite effectiveness. - Usages et interprétations judiciaires des images cérébrales - Sonia Desmoulin-Canselier p. 343-357 Dans d'autres pays, le recours à la neuro-imagerie à des fins judiciaires se développe au point de susciter une littérature aussi abondante qu'inquiète. S'y expriment notamment des craintes concernant les incidences de ce nouvel élément probatoire sur l'appréhension de la responsabilité et sur le déroulé du procès. En France, la question est apparue plus tardivement, à l'occasion des travaux précédents la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 et de l'adoption de l'article 16-14 du code civil. Les pratiques judiciaires (antérieures et postérieures à 2011) restent toutefois mal connues. Malgré les difficultés d'accès aux décisions de justice en matière pénale, il est possible d'analyser le contentieux à partir des arrêts de la Cour de cassation et des arrêts présentant une dimension civile. À partir de ces sources, la présente étude établit un panorama des usages des images cérébrales en justice pénale, pour prouver l'altération ou l'abolition du discernement de la personne poursuivie ou pour établir l'élément matériel de l'infraction. Permettant d'appréhender une réalité inaccessible aux sens, les images cérébrales peuvent jouer un rôle crucial dans le procès pénal. Il s'agit toutefois d'un élément de preuve dont la technicité et l'effet de conviction font craindre que le principe du contradictoire soit difficile à mettre en œuvre. Dans cette perspective, il est utile de prendre conscience de la variété des paroles expertes susceptibles d'être mobilisées pour replacer l'interprétation livrée par l'expert judiciaire dans un faisceau d'éléments ou dans un débat contradictoire.The use of brain images for judicial purposes is developing to the point to give rise to numerous worried comments. The expressed fears are varied : they concern in particular the consequences that this new pieces of evidence could have on the definition of the responsibility and on the course of the trial. In France, the issue appeared during the preparation phase for the adoption of Law N 2011-814 of July 7th, 2011 and of the article 16-14 of the civil code. Since then, several papers have been published on this topic, but judicial practices (before and after 2011) remain poorly known. Despite the difficulties of access to court decisions in criminal matters, it is possible to analyze the Cour de cassation statements and rulings and judgments with a civil dimension. By exploring and studying these sources, the present paper establishes an overview of the uses of brain images in criminal justice : to prove the alteration or abolition of the discernment of the person prosecuted or to establish the material element of the offense. In order to apprehend a reality inaccessible to the senses, brain images can play a crucial role in the criminal process. However, this is a piece of evidence whose technicality and persuasive effect raise the suspicion that the adversarial principle is difficult to implement. In this perspective, it is useful to be aware of the variety of experts that can be mobilized to place the interpretation delivered by the judicial expert in a bundle of elements or in a contradictory debate.
- Une justice pénale propre aux personnes morales : Réflexions sur la convention judiciaire d'intérêt public - Martina Galli p. 359-385 La Convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), introduite par la Loi Sapin II, ouvre la voie à une justice pénale « propre » aux personnes morales. Il s'agit d'une justice pénale tournée vers les coûts et les conséquences du jugement (c'est là qu'intervient la notion d'intérêt public qui qualifie la nouvelle procédure), silencieuse, en tant qu'elle est privée de sa capacité à « dire » la culpabilité de l'entreprise, et enfin d'une justice pénale orientée vers l'avenir. La rupture de l'unité tendancielle du système pénal quant aux acteurs, dont les répercussions sur le principe d'égalité de toutes les personnes devant la loi pénale méritent d'être examinées, semble en effet creuser un clivage qui est aussi temporel. Alors que la justice pénale s'appliquant aux personnes physiques continue à envisager une peine « pour le passé », la justice pénale des personnes morales cède le pas à la compliance « pour le futur ».The Convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), introduced by the Sapin II Law, opens to a proper criminal justice system for corporations, different from the one addressed to individuals. This system may be described as oriented towards costs and consequences of the judgment. This is indeed, in our opinion, the real significance of the public interest, which qualifies the new procedure. Furthermore, this new form of justice acts silently, since it renounces to declare the company's culpability, and appears future-oriented. Despite possible repercussions on the equality of all persons before the law, the separation of the criminal justice system by different categories of persons seems desirable. Notably, this separation is associated with a temporal split as well. Although the criminal justice system for individuals continues to be based on a punishment « for the past », the criminal justice system for corporations gives way to the compliance « for the future ».
- Retour critique sur le principe d'unicité de qualification des faits en droit pénal - Paul Cazalbou p. 387-407 La Chambre criminelle de la Cour de cassation a récemment affirmé à plusieurs reprises que « des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ». Cette solution, qui vient compliquer encore un peu plus la résolution des concours idéaux de qualifications, est l'occasion de revenir sur la pertinence du principe d'unicité de qualification des faits en matière pénale et de s'interroger, entre autres, sur son rapport réel ou supposé au principe non bis in idem.The Cour de Cassation's Criminal Chamber has recently stated in several cases that « facts which proceed inseparably from a single action characterized by a single guilty intention cannot give rise, against the same accused, to two convictions of criminal nature, even if they are concomitant ». Such a solution complicates the resolution of ideal qualifications competitions, which has never been clearcut under French criminal law. It is also the opportunity to look back at the relevance of the principle of unicity of qualification of the facts and to question its alleged relation to the ne bis in idem principle.
- Présentation - p. 329
Chroniques
- Infractions contre les personnes - Yves Mayaud p. 409-426
- Infractions relevant du droit des sociétés - Haritini Matsopoulou p. 427-435
- Infractions relevant du droit de l'environnement - Évelyne Monteiro p. 437-448
- Infractions relevant du droit social - Agnès Cerf-Hollender p. 449-455
- Procédure pénale - François Cordier p. 457-472
- Droit pénal médical - Patrick Mistretta p. 473-485
- Infractions boursières - Amélie Bellezza, Jean-Marie Brigant, Frédéric Stasiak p. 487-532
- Droit pénal - François Rousseau p. 533-540
- L'usage de la notion de radicalisation dans le champ pénitentiaire (suite) : existe-t-il un statut sui generis des personnes « radicalisées » ? - Francis Habouzit p. 541-555
- Droit pénal international - André Giudicelli p. 557-567
- « Usager de drogues » : (dé)construction d'une figure de politiques pénales - Nelson das Neves Ribeiro p. 569-580
Informations
- Actualités du droit pénal italien : Réserve du code, valeur du précédent et droit fondamentaux - Carlo Sotis p. 581-590
Bibliographie
- Notes bibliographiques - p. 591-605