Contenu du sommaire : « Nos ancêtres les Gaulois ! »
Revue | Parlement[s] |
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Numéro | no 32, 2020/2 |
Titre du numéro | « Nos ancêtres les Gaulois ! » |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction. Des Gaulois et des usages politiques de l'histoire - Étienne Bourdon p. 11-19
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- « Le coq n'est tout-puissant que sur son fumier ». « Faire rire » et stéréotypes gaulois à Rome (République-Empire) - Pascal Montlahuc p. 21-39 Considérer le rôle de l'humour dans l'établissement d'une opposition culturelle entre Romains et Barbares éclaire certaines des plaisanteries contre l'inclusion politique des Gaulois qui circulèrent dans la Rome républicaine et impériale. Les mécanismes de ce rejet se précisent encore lorsqu'on analyse l'usage de stéréotypes anti-gaulois afin de faire rire un auditoire ou un lectorat romain. Cet article rappelle ainsi que le « pouvoir des bons mots » contribua à lisser, voire à fausser, les réalités historiques de la présence politique et sociale des Gaulois à Rome.To consider the impact of “humour” in the development of a cultural opposition between Romans and Barbarians sheds a light on a few jokes that were spread in Republican and Imperial Rome and that targeted the political inclusion of Gauls. The mechanisms of this exclusion are even more observable when we analyse the use of stereotypes concerning the Gauls in order to provoke the laughter of a Roman audience or reader. This paper thus shows that the “power of jokes” was also that it smoothened, and even distorted, historical realities about the political and social presence of Gauls in Rome.
- « Nos ancêtres, les Gaulois » ? Les « racines gauloises » et leurs usages politiques dans la France médiévale - Franck Collard p. 41-56 C'est au Moyen Âge, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, qu'est apparu le premier récit historique global consacré au passé de la France, le « Roman aux Roys », chronique commandée par Saint Louis au moine de Saint-Denis Primat et continuée jusqu'à 1461 pour être imprimée à Paris en 1477. Mais l'ancestralité gauloise de la « Nation France » n'y apparaît pas. C'est cette absence a priori étonnante que l'on s'efforcera d'expliquer avant d'examiner les premiers signes de l'apparition des Gaulois dans la mythographie nationale.The « Roman aux Roys » is the first global historical narrative dedicated to the past of France. It was issued in medieval times, in the second half of the 13th century. This chronicle was an order placed by Saint Louis to the monk of Saint-Denis Primat and the latter's work was followed up until 1461 until it was printed in Paris in 1477. However the ancestral Gaul character of the “Nation France” is never mentioned in it. It is this very absence that first appears astonishing which we will attempt to explain and then we will examine the first signs of the Gauls in the national mythography.
- « De l'antique préexcellence de Gaule & des Gauloys ». Gallophilie, politique et francité de Louis XII à Henri IV - Étienne Bourdon p. 57-76 Le XVIe siècle se tourne vers une véritable affirmation de l'origine gauloise de la nation, en mettant progressivement à distance le récit troyen, et en rattachant les Gaulois à l'histoire biblique pour en faire des descendants directs de Noé. S'élabore ainsi un puissant discours croisant savoirs historiques, pouvoirs, religion et identités. De Louis XII à Henri IV, ce thème tend à s'imposer dans les ouvrages d'histoire et dans l'imaginaire royal comme élément constitutif de la francité dont témoigne l'invention du néologisme de « celtosité ».The strong claim of the Gaul origin of the nation was a major turn taken in 16th century France. Thenceforth, the Trojan narrative was gradually kept at distance whilst the Gauls were rather connected with biblical history thus presenting them as the children of Noah's lineage. From Louis XII to Henri IV, this seminal feature became the major trend both in history books and in the royal imaginary, it became a cornerstone of Frenchness. The invention of the neologism “Celtosity” is testament to the Gaul component necessary to the definition of Frenchness.
- La Révolution française et les ancêtres gaulois : les ambiguïtés d'une généalogie politique du peuple - Guillaume Mazeau p. 77-92 Pendant la Révolution qui éclate en France à la fin du XVIIIe siècle, le mythe de l'origine gauloise du peuple français devient un des principaux récits historiques qui alimentent et divisent le débat public. Utilisé pour désarmer les thèses nobiliaires de la supériorité franque, pour affirmer la prise de souveraineté du peuple, mais aussi pour revendiquer l'appropriation de droits antiques qui auraient été usurpés lors des époques ultérieures, ce récit est pourtant lourd d'ambiguïtés : il renforce autant la défense transnationale d'un droit des gens qu'il alimente les premiers nationalismes européens.During the French Revolution, the myth of the gallic origins of the French people becomes a powerful narrative and a political weapon. Patriots use it to fight against the legendary German origins of the French nobility, but also to justify the new people's sovereignty, or to legitimate the reconquest of their antique rights. Even if this narrative helps to build new universal definitions of citizenship, it also strengthens first nationalist cultures and identities in Europe.
- Naissance et affirmation d'un mythe scolaire : « Nos ancêtres les Gaulois », de l'Époque romantique à 1944 - Christian Amalvi p. 93-109 Le mythe de « Nos ancêtres les Gaulois » est une invention récente. Dans la culture classique française, longtemps dominée par la civilisation latine, les Gaulois étaient des inconnus. Leur apparition dans la seconde moitié du XIXe siècle est la conséquence de deux phénomènes distincts: le romantisme, qui redécouvre les racines nationales, et les luttes politiques contemporaines. Sous la Troisième République, la gauche se proclame héritière du peuple gaulois et de Vercingétorix contre la droite catholique, qui célèbre les Francs de Clovis, premier roi baptisé. Depuis 1959, le succès des aventures d'Astérix et d'Obélix a rendu les Gaulois familiers aux Français.The myth of “Our ancestors the Gauls” is a recent invention. In the classical French culture, long dominated by Latin civilization, the Gauls were strangers. Their appearance in the second half of the 19th century is the consequence of two distinct phenomena: romanticism rediscovering national roots, and contemporary political struggles. During the Third Republic, the left proclaims itself heir to the Gallic people and Vercingetorix against the Catholic right, celebrating the Franks of Clovis, the first baptized king. Since 1959 the success of the adventures of Asterix and Obelix has rendered the Gauls popular among the French.
- Prospérité et infortunes d'un mythe national. Les Gaulois dans le discours public depuis 1958 - Patrick Garcia p. 111-132 Cet article propose d'étudier l'évolution et la réécriture du mythe des Gaulois dans le discours public, à travers les discours présidentiels sous la Ve République. Encore vivace sous la présidence de Charles de Gaulle, le mythe perd en force au lendemain des septennats de François Mitterrand, avant d'être trivialisé – Vercingétorix laissant place à Astérix et Obélix – et réactualisé à la faveur du débat sur l'identité française.This paper aims to analyze the evolution and the rewriting of the Gaulish myth in public discourse through the study of Fifth Republic presidential speeches. Whereas it persisted during De Gaulle's and Mitterrand's presidencies, the myth then declined; it became trivial – Vercingetorix makes way to Asterix and Obelix – and was also updated thanks to the debate on French identity.
- « Le coq n'est tout-puissant que sur son fumier ». « Faire rire » et stéréotypes gaulois à Rome (République-Empire) - Pascal Montlahuc p. 21-39
Sources
- Deux exemples d'usages politiques des Gaulois à la fin du XVe siècle : Dédicace par Robert Gaguin à Charles VIII de sa traduction des Commentaires de César (1485) et Extrait du discours du chancelier Guillaume de Rochefort devant les députés des États généraux de Tours (1484) - Franck Collard p. 133-140
- François Ier et les Gaulois, la Tenture de l'Histoire des Gaules (Beauvais, vers 1530) - Étienne Bourdon p. 141-149
- Paul Jamin et la prise de Rome par Brennus ou le passé gaulois fantasmé (Le Brenn et sa part de butin, 1893) - Étienne Bourdon p. 151-159
Varia
- Parlement et réjouissances monarchiques à Paris au XVIIIe siècle : mécanique et intérêt d'une joie décrétée - Pauline Valade p. 161-181 Au cours du XVIIIe siècle, le Parlement de Paris constitue un pilier fondamental dans la légalisation des réjouissances monarchiques. Grâce au Parquet, un arrêt réglementaire conditionne les participations de chacun à la joie publique. Toutefois, les magistrats ont quelquefois manifesté un zèle déplacé dans la manière d'en appeler aux manifestations de joie publiques. Pour la Cour souveraine, il s'agissait d'un moyen de faire valoir leur importance dans l'administration monarchique, à l'heure où le souverain comptait de plus en plus sur les autorités de la Ville. En tant que détenteur de la « Grande Police », le Parlement engagea un conflit latent entre d'une part l'autorité des magistrats et, d'autre part, le roi et la Ville. L'instruction du procès à la suite du drame parisien le 30 mai 1770 en constitue le meilleur exemple.During the 18th century, the Parliament of Paris is a fundamental mainstay in the legalization of monarchical celebrations. Thanks to the Public Prosecutor's Office, a regulatory decision conditions everyone's participation in public joy. However, magistrates have sometimes shown inappropriate zeal in calling for public demonstrations of joy. For the Sovereign Court, it was a way of asserting their importance in the monarchical administration, at a time when the sovereign increasingly relied on the city authorities. As the holder of the “Great Police”, the Parliament engaged in a conflict between the magistrates on the one hand, and the king and the city on the other. The investigation after the Parisian drama on May 30, 1770 is one of the best example.
- Vichy, le 10 juillet 1940 : le vote des parlementaires francs-maçons démythifié - Frédéric Cépède p. 183-215 L'influence – voire l'emprise – supposée de la franc-maçonnerie sur la vie politique nourrit plus les marronniers journalistiques que la recherche historique, malgré des travaux récents sur la crise Boulangiste, l'Affaire Dreyfus ou la Résistance. À partir de l'identification du corpus des francs-maçons convoqués le 10 juillet 1940 (15,6 % des parlementaires), cette étude analyse et interroge leur comportement lors de ce vote et durant la guerre. Le vote parlementaire accordant les pleins pouvoirs à Pétain est dans son ensemble massif (84,8 %). Le vote des francs-maçons l'est également, même si un peu moins (73,8 %), surtout lorsque ceux-ci sont de gauche. Comme leurs collègues profanes, nombre d'entre eux ayant dit oui à Pétain rejoignent également la Résistance. À la Libération, la franc-maçonnerie, célébrant ses martyrs, fustigeant les « traîtres » aux idéaux maçonniques, n'a pas débattu du vote de « ses » parlementaires.This article, based on quantitative and qualitative methods, analyses the vote of the MPs committed in Freemasonry during this vote and during the war. MPs overwhelmingly granted Philippe Pétain full powers (84,8%). The vote of the Freemasons is also massive, even if a little less (73,8 %), especially when they are left-wing. Afterwards, like many of their non-Freemason MPs, many of them, despite this positive vote, joined the Resistance. At the end of the war, Freemasonry, celebrating its martyrs and castigating “traitors” to Masonic ideals, did not debate the vote of “its” MPs.
- Le Moyen Âge idéalisé de l'extrême droite européenne - Stéphane François p. 217-231 Le Moyen Âge a toujours intéressé l'extrême droite. Le recours à cette période historique permet aux militants de ce courant d'élaborer une ontologie, de concevoir un monde dont ils souhaitent l'avènement. Leur principale référence en ce domaine est le penseur antimoderne italien Julius Evola, qui influença grandement les droites radicales européennes dans les années 1960 et 1970. Le recours à cet auteur leur a permis de concevoir à la fois un nationalisme européen se réclamant du Saint-Empire Romain Germanique, et une nouvelle chevalerie incarnée par le militant d'extrême droite.The Middle Ages interested the Extreme right since its appearance. Using this historical period allows them to develop an ontology, to conceive a vision of a world they wish for. Their main reference in this field is the Italian anti-modern thinker Julius Evola, who greatly influenced European radical rights in the 1960s and 1970s. It enabled them, as we shall see, to conceive both a European nationalism claiming Holy Roman Germanic Empire and a new chivalry (the far-right activist).
- Parlement et réjouissances monarchiques à Paris au XVIIIe siècle : mécanique et intérêt d'une joie décrétée - Pauline Valade p. 161-181
Lectures
- Lectures - p. 235-258