Contenu du sommaire : Humanités environnementales

La géographie doit dépasser son mode de connaissance dualiste reposant sur l'opposition sujet-objet qui fait abstraction de la participation de tout individu au réel. Le langage des géographes est le premier problème. Celui-ci est à fondement visuel et par essence statique. Les travaux de géographes tels Éric Dardel, Luc Bureau, Augustin Berque ont cherché à contourner ce problème en créant des néologismes qui veulent dire l'en-même-temps ontologique des deux pôles qui composent la relation. Comment donc dire et penser les rapports homme/milieu ou société/ milieu ? Un langage vibratoire offre une perspective nouvelle. Et il pourrait s'inspirer des travaux précurseurs de Gilles Deleuze et Félix Guattari (1980) en philosophie qui, déjà, montraient la voie.

Dans un premier temps, nous tentons dans cet article de démontrer les liens requis entre les notions d'ambiance et de milieu en passant par celle de médiance. Nous établissons que l'ambiance se situerait entre le sens du milieu ou la médiance et le sentiment de la situation. Dans un deuxième temps, nous présenterons une part des données induites des différentes enquêtes mises en œuvre à partir des terrains d'étude dans la commune de Capaci en Sicile et les quartiers de Capaci Piccolo et Capaci Grandi situés à Sousse en Tunisie. Nous justifions que la porosité sensorielle constitue le principal sens de ces milieux. Nous établissons que la porosité éprouvée fait ambiance et qu'elle se manifeste à travers le registre spatial, le registre sensible, ainsi que les registres temporel et social.

Cet article constitue une réflexion sur la mésologie et son domaine esthétique. L'expérience esthétique apparaît comme un élément important dans la constitution des milieux humains et dans la production des spatialités et sociabilités. L'approche mésologique permet un autre regard sur les problématiques environnementales qui affectent nos paysages contemporains. Nous envisageons également de démontrer la validité d'une esthétique mésologique dans le contexte des recherches actuelles.

Les paysages d'une exposition universelle ne restituent jamais une vision neutre et objective de la nature environnante. Pour devenir un paysage, l'environnement est décomposé puis recomposé par les politiciens, les architectes, les urbanistes et les paysagistes déformant et traduisant selon leurs propres critères esthétiques une civilisation ; ceci par des mots, des langages, des plastiques et surtout une conjonction sensible entre perçu et vécu, imaginé et détourné par le jeu des représentations. À travers une exposition à venir, Dubaï 2020, proposant un portrait de ville difficilement soutenable et Osaka 2025, une exposition universelle en devenir, nous abordons les fondations mêmes d'une écofiction pour le tourisme mondial en proie à la sacro-sainte dialectique concernant les effets durables de l'éphémère. Le paysage des expositions universelles est d'une certaine façon une sorte de médiane, une trajectoire, trajective mésologique selon Augustin Berque, voulant faire d'un environnement de nature urbaine une identité propre, mais avec un caractère universel et humaniste. Néanmoins, elles portent en elles-mêmes les germes de leur propre fin ou d'un principe d'espérance à caractère utopique très souvent imparfait.

Il s'agit ici d'interroger la notion d'environnement au regard de la question des ontologies. Comment façonnent-elles notre réel ? Comment, en créant de nouveaux cadres ontologiques, pouvons-nous produire de nouveaux « environnements » ? Pour cela nous proposons l'élaboration d'un outil onto-fictionnel basé sur la construction d'un manuel de traduction des ontologies existantes et l'élaboration d'un vocabulaire typologique à travers l'analyse d'objets participant à la matérialité de l'environnement. Enfin, nous nous attachons à définir les ontofictions et ce qu'elles ont pour objectif de produire comme capacités descriptives et perceptives.

Cet article propose une vue synthétique sur les energy humanities, champ disciplinaire récent et nord-américain pour l'essentiel, qui documente l'extraction et la consommation des ressources énergétiques fossiles et produit sur cette base une analyse critique de la modernité occidentale.

Les représentations romantiques puis post-apocalyptiques des ruines sont des objets privilégiés pour les humanités environnementales dans la mesure où ce sont des mises en scène de l'ambiguïté du rapport de la modernité à la nature. Produites au cœur de la modernité dominée par la tentative d'artificialiser le monde, ces œuvres rendent présents d'autres mondes dominés par des non-humains que sont le climat, la géologie, les végétaux et les animaux. Formellement, les œuvres les présentent dans des espaces-temps situés avant et après la modernité. Cependant, elles sont exposées aujourd'hui. Cette confrontation rend perceptible l'idée d'un conflit où la nature et la culture cherchent à se gouverner l'une l'autre. La mise en regard des représentations romantiques et post-apocalyptiques amène à considérer qu'il se joue en fait entre trois instances : à l'artificiel culturel et au sauvage naturel, il faut ajouter une autre réalité non artificielle. Elle peut être désignée comme pollution. Elle s'oppose à l'artificiel sans être une forme de nature sauvage : elle est le résultat d'une dialectique entre le sauvage et l'artificiel sans se réduire à une composition des deux. Il faut faire place à cet hybride dans notre manière d'envisager l'écologie.

La crise actuelle de l'effondrement des colonies d'abeilles est une occasion pour l'homme de s'interroger sur la gravité de la situation dans laquelle se trouve l'abeille par sa faute. En effet, à cause, entre autres, de la monoculture, de l'utilisation de pesticides et de l'introduction de nombreux parasites, l'homme est le principal responsable du CCD (« Colony Collapse Disorder »). Cela est d'autant plus paradoxal que l'avenir de nombreuses vies, dont celle des hommes, dépend quasi exclusivement de l'activité de cet insecte pollinisateur qui existe depuis des temps immémoriaux. Un autre paradoxe est qu'au lieu de prendre soin de l'abeille, l'homme l'exploite entre autres pour son miel, sa gelée royale ou sa cire, maltraitant voire tuant de nombreuses abeilles. Un autre modèle relationnel plus éthique doit être imaginé par l'homme afin de partager la planète avec l'abeille.

Les termes fléaux, cauchemars, nuisibles, sont récurrents pour qualifier les Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) dans les médias, mais aussi dans les outils de sensibilisation destinés au public. On parle de chasse, de lutte, de combat, de guerre et même d'extermination massive pour les éradiquer. Mais pourquoi tant d'aversion face à ces espèces ? Sur quoi celle-ci est-elle construite ? Quels sont les concepts utilisés pour ancrer leur caractère indésirable ? Par une revue de la littérature, nous proposons une analyse critique de la notion de EEE. La mobilisation des sciences humaines et sociales, dans un sujet éminemment écologique, ouvre de nouvelles perspectives. Mais les EEE soulèvent d'autres questions qui relèvent de la philosophie, de l'éthique, du rapport à soi et aux autres. Les certitudes s'effritent, les nuances se renforcent, les arguments s'entrechoquent. Il s'ensuit des débats scientifiques, parfois vifs mais toujours constructifs, qui inscrivent désormais les EEE dans le champ des Humanités environnementales.

Cet article reconstruit trois moments consécutifs de la connaissance médiologique – les circonstances, les rétrospectives et la représentation – en les présentant comme des nœuds d'un réseau de ramifications et de renvois persistants. L'écriture, vue dans ses ouvertures au regard photographique, est le lieu où se déroule une forme de conscience comprise comme une discontinuité du temps.

À travers les récits de Laurent Alexandre, La guerre des intelligences, et de Yuval Noah Harari, Homo deus, l'étude se propose d'interroger l'imaginaire des sociétés digitales, entre fantasme et réalité, entre pratiques et prospective. La confrontation des deux textes de la pensée contemporaine autour des enjeux du numérique est l'occasion de questionner les représentations à l'œuvre dans des discours contradictoires. La digitalisation des sociétés est-elle le lieu du devenir machinique de l'humanité ou l'espace de circulation de nouvelles formes de savoirs ? Dans quelle mesure l'outil technologique redessine-t-il les contours de l'épistémologie et le rapport aux objets dans la perspective d'une humanité augmentée ? Entre asservissement et instrument de libération, il s'agit de déterminer comment le sens se dessine à travers la radicale nouveauté et de cerner les contours de la révolution globale en cours, obligeant à penser l'homme et le monde autrement.

Cet article propose une étude sur le site Chatroulette, entendu comme format qui incarne le mieux la nouvelle perspective de l'anthropologie humaine déclenchée par le web. La réflexion construit un itinéraire autour des modifications du corps et des liens sociaux en mettant l'accent sur la reproduction numérique du corps acéphale que Georges Bataille et sa communauté intellectuelle ont choisi comme sceau esthétique.