Contenu du sommaire : 1973, l'année intense
Revue | Hommes et migrations |
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Numéro | no 1330, juillet-août-septembre 2020 |
Titre du numéro | 1973, l'année intense |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Concordance des temps - Marie Poinsot p. 1
Le point sur
- 1973, l'année intense - Yvan Gastaut p. 9-13
- Les circulaires Marcellin-Fontanet - Danièle Lochak p. 14-17 Les circulaires Marcellin-Fontanet, signées par deux ministres du gouvernement Chaban-Delmas au début de l'année 1972, avaient pour objectif de diminuer la migration de travail en France. La mobilisation pour contrer leur application sur les plans juridique et militant va donner le ton de la décennie.
- « Crevons la faim. Joyeux Noël ! » : Chronique d'une action collective de « travailleurs sans papiers » de Valence à toute la France (1972-1973) - Philippe Hanus p. 19-24 En décembre 1972, des travailleurs immigrés tunisiens entament une grève de la faim à Valence contre la décision de leur expulsion prise par la préfecture de la Drôme. Cette modalité de lutte essaime bientôt dans toute la France grâce à l'appui de diverses organisations militantes. De Paris à Marseille en passant par Strasbourg ou Bordeaux, des actions similaires se multiplient avec le soutien du clergé qui accueille les grévistes dans les églises. De la protestation contre les refoulements, l'objet de la mobilisation va s'élargir aux demandes de cartes de travail et à l'abrogation des circulaires Marcellin-Fontanet.
- « Une idée revenait tout le temps parmi les ouvriers : pas de politique » : Entretien avec Driss El Yazami, militant des droits de l'Homme, ancien président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) au Maroc et de l'association Génériques. - Marie Poinsot p. 25-29
- Une année noire dans le Midi : Le racisme anti-arabe en actes, de Grasse à Marseille - Yvan Gastaut p. 31-36 Entre juin et décembre 1973, les actes racistes se multiplient dans le Sud de la France. De Grasse à Marseille, les nostalgiques de l'Algérie française et les militants d'extrême droite infusent la haine des Arabes dans les esprits, suscitant ratonnades et attentats. Au-delà de ces extrémistes, la France prend alors conscience qu'un « racisme ordinaire » gangrène la société.
- La Ligue communiste, de l'internationalisme à la lutte en faveur des immigrés - Jean-Paul Salles p. 37-39 Les militant.e.s trotskytes de la Ligue communiste tiennent le haut du pavé de la mobilisation contre les organisations d'extrême droite durant le début de l'année 1973. Des affrontements avec la police protégeant un meeting d'Ordre nouveau conduiront à la dissolution de la Ligue en juin 1973.
- Les premiers pas du Gisti - Liora Israël p. 40-41 Le Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti), association créée en 1973 par des hauts fonctionnaires et des militants, se caractérise par sa connaissance fine de l'administration et des politiques publiques, et sa capacité à mobiliser l'arme juridique pour défendre les droits des immigrés.
- L'année 1973 : la décision algérienne d'arrêt de l'immigration de main-d'œuvre - Catherine Wihtol de Wenden p. 42-43 En 1973, l'Algérie devance la France dans la suspension de l'immigration de main-d'oeuvre salariée entre les deux pays. Dans un contexte français marqué par le racisme à l'égard des Algériens, la décision algérienne met fin à cent ans d'une libre circulation des travailleurs commencée durant la période coloniale.
- Dérogations et « machine de l'exception » : L'après 1974 dans les couloirs des ministères - Sylvain Laurens p. 45-54 La suspension provisoire des introductions de travailleurs décidée en juillet 1974 a confronté la haute administration à une situation inédite : la multiplication des demandes dérogatoires de main-d'œuvre de la part d'entreprises de nombreux secteurs de l'économie française. Les hauts fonctionnaires administrant les mouvements de population en France se sont trouvés en première ligne dans la gestion de ces requêtes. Entre intérêt économique national aux contours mouvants et jeu des pressions de tout ordre, la culture administrative a dû fixer des règles à ce régime d'exception.
- Les pieds-noirs en 1973, le tournant mémoriel ? - Abderahmen Moumen p. 55-57 La volonté des pieds-noirs d'assurer en France la transmission de leur culture, marquée par la mémoire de l'exil, se cristallise en 1973 dans la création du Cercle algérianiste, une association de rapatriés d'Algérie à caractère culturel.
- 1973 : l'émergence d'une « question harkie » ? - Abderahmen Moumen p. 58-60 Dix ans après leur rapatriement en France, les Harkis, anciens supplétifs de l'armée française en Algérie, subissent toujours des conditions de vie particulièrement difficiles. Les années 1970 marquent le début de leur mobilisation.
- 1973, l'inauguration du « problème de l'immigration » à la télévision - Édouard Mills-Affif p. 61-63 La représentation médiatique de l'immigration envisagée comme un problème apparaît sur le plateau des Trois Vérités en mai 1973. Pour autant, la parole des immigrés, au centre des questionnements, reste absente des débats.
- Dupont Lajoie, portrait-type du raciste sur les écrans - Yvan Gastaut p. 64-67 Sorti en salle en 1973, Dupont Lajoie, long-métrage d'Yves Boisset, représente un archétype du raciste au début des années 1970. En la personne de Georges Lajoie, cafetier parisien en vacances, Jean Carmet incarne le racisme ordinaire, banalisé, décomplexé au point de se traduire en actes.
- 1973, deux comédies françaises face au racisme : La Valise et Les aventures de Rabbi Jacob - Julien Gaertner p. 68-70 En octobre 1973, la sortie en salles de La Valise de Georges Lautner et des Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury marque un tournant dans le traitement du racisme au cinéma en mettant en scène des personnages arabes. Si ces deux comédies entendent caricaturer religions et origines migratoires sans distinction, elles demeurent ambivalentes à bien des égards, relayant les clichés qui visent les Arabes en France, de l'autre côté de l'écran.
- « De la brousse aux bidonvilles » : quand Le Monde livre un tableau de l'immigration subsaharienne (mai 1973) - Yvan Gastaut p. 71-72 Dans une série d'articles consacrés à l'immigration subsaharienne parus dans Le Monde en mai 1973, le journaliste Jean-Claude Guillebaud enquête sur la noria, le mouvement pendulaire qui caractérise les migrations de l'époque.
- Africa Fête, une lutte culturelle des travailleurs immigrés - Hédia Yelles-Chaouche p. 73-75 La première édition du festival Africa Fête a été organisée en janvier 1978 à la Maison de la Mutualité (Paris) par Mamadou Konté. Elle vise à prolonger dans le champ culturel le combat des travailleurs immigrés pour leur reconnaissance et l'amélioration de leurs conditions de vie en France.
- Justifier la xénophobie par le « seuil de tolérance » - Yves Charbit p. 76-79 La théorie du « seuil de tolérance » constitue un argumentaire prétendument scientifique développé dans les années 1970, ouvrant la voie aux discours populistes d'aujourd'hui. Légitimant la xénophobie, il visait à expliquer l'hostilité de la société française à l'encontre des immigrés par la présence d'une proportion excessive d'étrangers dans le pays.
- Le Camp des Saints ou la mondialisation de l'idée d'Apocalypse migratoire - Piero-D. Galloro p. 80-81 Le Camp des Saints de Jean Raspail, paru en 1973, est devenu une référence littéraire de choix pour les racistes de tous horizons. Ce roman stigmatise l'altérité perçue comme une menace à travers la fiction d'un déferlement de migrants sur les plages françaises.
- 1973 ou la naissance de la politique de la ville - Thibault Tellier p. 83-88 L'année 1973 représente un tournant en matière de politiques urbaines portant sur l'habitat social. La construction de grands ensembles d'habitation est abandonnée au profit d'un travail plus étroit avec les élus locaux et les habitants des territoires, le tout animé par une volonté de lutter contre la ségrégation sociale.
- La Franche-Comté, territoire pilote des diversités en 1973 - Stéphane Kronenberger p. 89-93 Au tournant des années 1960-1970, les entreprises, et en particulier l'industrie automobile, embauchent en Franche-Comté. Dans cette région fortement industrialisée, le paysage de l'immigration est marqué par une diversité de plus en plus importante des origines. Dans les villes comtoises, comme ailleurs sur le territoire, les conditions de vie offertes aux travailleurs immigrés font naître des mobilisations accompagnées par des militants associatifs et syndicaux.
- 1973. Les Italiens sont-ils encore des immigrés ? - Stéphane Mourlane p. 94-97 En 1973, la France compte un demi-million de personnes de nationalité italienne installées sur son sol. Tout en maintenant la culture du pays d'origine, cette population recompose ses liens avec l'Italie et représente le paradigme d'une intégration socio-économique et culturelle réussie.
- Les luttes des insoumis, réfractaires et déserteurs portugais en France - Victor Pereira p. 99-104 Pour échapper au service militaire et à l'enrôlement dans les guerres coloniales du Portugal en Afrique, les jeunes insoumis, réfractaires et déserteurs portugais se réfugient illégalement en France. La politique migratoire de l'Hexagone reste ambiguë à leur égard : si les migrations de travail entre le Portugal et la France sont régulées par des accords de main-d'œuvre, ces jeunes de moins de 21 ans ne bénéficient ni du statut de réfugié politique, ni de la condition des travailleurs immigrés.
- Les travailleurs espagnols contre le « Procès 1001 » - Natacha Lillo p. 105-106 Pour les travailleurs immigrés espagnols en France, l'année 1973 est marquée par une mobilisation de soutien en faveur de syndicalistes inculpés par le régime de Franco sous la conduite du Parti communiste d'Espagne (PCE). Le « Procès 1001 », prévu à la fin de l'année, suscite de nombreuses initiatives, dont des recueils de signatures et des meetings de solidarité.
- Le Onze de France en 1973, un sélectionneur venu des Carpates - Paul Dietschy p. 107-108 Joueur et entraîneur de football roumain, Stefan Kovacs prend la tête de la sélection française en 1973. Après l'Anglais George Kimpton en 1934, il est le deuxième étranger à occuper ce poste prestigieux.
- Demander l'autonomie culturelle : Le tournant de l'année 1973 dans le mouvement de défense des travailleurs immigrés - Angéline Escafré-Dublet p. 111-118 Au début des années 1970, la mobilisation des travailleurs immigrés en France passe également par l'expression culturelle. Plusieurs associations fondées par des migrants espagnols, portugais, marocains ou algériens développent un théâtre militant contribuant à dénoncer à la fois la pression politique de leurs pays d'origine et la dureté de leurs conditions de vie.
- Fernand Raynaud, le rire antiraciste de 1973 - Yvan Gastaut p. 119-120 La mort brutale de Fernand Raynaud interrompt la carrière éclatante d'un humoriste engagé contre le racisme et les discriminations, et aimé des Français dont il traque les bassesses, l'ignorance et le chauvinisme.
- 1973 : il était une fois Idir… - Naïma Huber - Yahi p. 121-122 Le chanteur kabyle s'est éteint le 2 mai 2020. Fort d'une carrière commencée en 1973 marquée par une œuvre poétique qui a rencontré le succès, Idir restera un passeur sensible de la culture amazigh entre les deux rives de la Méditerranée.
- Idir : Il vivra… - Mouloud Mimoun p. 123
Au musée
- Petit jeu de société pour déconfinement très progressif… : 60 immigrés ou réfugiés installés en France sont cachés dans ce texte. Trouvez-les ! - François Héran p. 126-127
- Immigrations : les luttes s'affichent ! - Romain Duplan p. 128-131
- La mer sombre et lumineuse d'Enrique Ramírez : Entretien avec Enrique Ramírez - Isabelle Renard p. 172-178 Enrique Ramírez, né à Santiago au Chili en 1979, ne cesse, depuis 2010, de voyager et de travailler entre la France et le Chili. Croisant photographie, vidéo et installation, il compose une œuvre politique et poétique qui questionne le sens de l'image et son pouvoir. Une œuvre hantée par la mer, cette mer qu'il a beaucoup sillonnée avec son père, fabricant de voiles de bateaux sous la dictature de Pinochet. Espace mémoriel, la mer devient pour l'artiste métaphore des voyages et des exils mais aussi des conquêtes, des flux migratoires. De nombreuses expositions personnelles et collectives lui sont consacrées en France et à l'étranger. En 2017, il participe à l'exposition Viva Arte Viva, orchestrée par Christine Macel pour la 57e Biennale de Venise. Son travail fait partie de nombreuses collections publiques et privées dans le monde – MoMA, New York (États-Unis), Museo de la Memoria y los Derechos Humanos, Santiago (Chili), Macba, Barcelone (Espagne), MNHI, Paris (France), Kadist Foundation, San Francisco (États-Unis), Collection Lemaître, Paris (France), Collection Salomon, Paris (France)… Finaliste du Prix Meurice en 2014, Enrique Ramírez est lauréat la même année du Prix Découverte 2013 des Amis du Palais de Tokyo. Il est nommé pour le Prix Marcel Duchamp 2020.
- Chercher refuge : L'exil politique vers la France dans les années 1970 à travers les parcours de vie de la collection de société du MNHI - Élisabeth Jolys-Shimells p. 179-187
- « L'écriture, c'est un refuge et un délit » : Entretien avec Mehdi Charef, 11e lauréat du Prix littéraire de la Porte Dorée pour son roman Rue des Pâquerettes (éd. Hors d'atteinte, 2018) - Marie Poinsot p. 188-191
- 1973, le Paris kabyle - Mustapha Harzoune p. 192-198 Le début des années 1970 marque un tournant dans la création en langue berbère en France. Dans les domaines de la musique, de la littérature, du théâtre, de l'engagement associatif ou de l'enseignement linguistique, une nouvelle génération d'artistes et de militants se mobilise au service de la création et de la diffusion de contenus culturels en tamaziɣt.
- Rue Monge. Des manifestations de l'histoire dans Chaîne de Saïdou Bokoum - Nicolas Treiber p. 199-207 Au mois de juin 1973, la rue Monge cristallise la lutte menée par les militants d'extrême gauche contre les groupuscules fascistes à Paris. Cette rue du Quartier latin apparaît également dans le roman Chaîne de Saïdou Bokoum comme l'espace de convergence des luttes des étudiants et travailleurs africains pour la reconnaissance de leurs droits. Le croisement possible de ces deux manifestations dévoile un itinéraire à la fois réel et imaginé dans cette rue devenue le théâtre du combat antiraciste.
- Préjugés & discriminations aux frontières. Les coulisses d'un projet - Agnès Arquez-Roth, Dominique Beccaria, Yvan Gastaut p. 208-213 Depuis deux ans, des rencontres déterminantes entre la directrice générale de l'École de Condé, un historien qui a entraîné dans son sillage plusieurs chercheurs – sociologues et historiens – et le Musée national de l'histoire de l'immigration ont permis d'expérimenter, d'innover, et de croiser des mondes professionnels et artistiques. Ce projet a donné l'occasion d'éprouver un nouveau mode de collaboration entre disciplines et entre différents niveaux territoriaux. Tous les protagonistes – étudiants, chercheurs, institutions – se sont réunis autour d'un enjeu majeur : comment changer les représentations en matière de flux migratoires, en particulier celles qui portent sur les frontières ?
Champs libres
- « À l'époque, le champ scientifique “migrations” n'existe pas » : Entretien avec Jocelyne Streiff-Fénart, directrice de recherche émérite au CNRS, ancienne directrice de l'URMIS (2000-2012) et Maryse Tripier, professeure émérite de sociologie à l'université Paris-7 Diderot, membre de l'URMIS. - Yvan Gastaut p. 216-219
- Le réseau Traces fête son vingtième anniversaire - Abdellatif Chaouit, Philippe Hanus p. 219-223
- De 1973 au Covid-19 - Mustapha Harzoune p. 224-227
- Hommage à Manu Dibango - François Bensignor p. 228-233
- Le cinéma contre le racisme - Mouloud Mimoun p. 234-237
- Dominique Manotti, Marseille 73 : Équinoxe/Les Arènes, Paris, 2020, 384 pages, 20 €. - Mogniss H. Abdallah p. 238
- Akila Kizzi, Marie-Louise Taos Amrouche. Passions et déchirements identitaires : Fauves éditions, Paris, 2019, 488 pages, 25 €. - Mustapha Harzoune
- Ange Bergson Lendja Ngnemzué, Expulser les sans-papiers d'Europe. États répressifs et nécessité du maintien en démocratie : Karthala, Paris, 2019, 318 pages, 29 €. - Mustapha Harzoune p. 239-240
- Stéphane Beaud, La France des Belhoumi. Portraits de famille (1977-2017) : La Découverte, Paris, 2018, 352 pages, 21 €. - Mustapha Harzoune p. 240-241
- Saber Mansouri, La France est à refaire. Histoire d'une renaissance qui vient : Passés composés, Paris, 2020, 152 pages, 18 €. - Mustapha Harzoune p. 241-242
- Sabri Louatah, 404 : Flammarion, Paris, 2020, 356 pages, 21 €. - Mustapha Harzoune p. 242-243
- Virginie Symaniec, Barnum : Ed. Signes et Balises, Paris, 2019, 229 pages, 18 €. - Marie Poinsot p. 243
- Pierre Puchot (dir.), Islam et politique : Perrin, Paris, 2019, 448 pages, 10 €. - Jean-Baptiste Meyer p. 244