Contenu du sommaire : Les fleurs du mâle
Revue | Cahiers du genre |
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Numéro | no 45, 2008 |
Titre du numéro | Les fleurs du mâle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Introduction - Marie-Hélène Bourcier, Pascale Molinier p. 5-14
- Le mythe de la lesbienne masculine : Radclyffe Hall et la Nouvelle Femme - Esther Newton p. 15-42 Au XIXe siècle, la première génération de Nouvelles Femmes, bourgeoises éduquées et indépendantes, privilégia l'exaltation des amitiés amoureuses à l'expression publique de la sexualité entre femmes. Radclyffe Hall appartient à la seconde génération, contemporaine du modernisme prônant la liberté sexuelle contre les valeurs victoriennes. Hall est souvent condamnée pour avoir repris le modèle de l'invertie des sexologues, mais comment aurait-elle pu s'y prendre pour faire de la Nouvelle Femme éprise des femmes un être sexuel ? Les femmes, selon les critères de l'époque, n'ayant pas de libido, l'affirmation de leur sexualité passe par la masculinisation, garçonne hétérosexuelle ou lesbienne costumée en homme. Dans ce système de représentation, la lesbienne féminine est une impossibilité logique.In the 19th century, the first generation of New Women, educated and independent middle-class women, favoured the exaltation of loving friendships rather than the public expression of sexuality between women. Radclyffe Hall belonged to the second generation, contemporary with a modernism that preached sexual freedom as against Victorian values. Hall is often condemned for having used the invert model of sexologists, but how could she do otherwise in representing the New Woman attracted by women as a sexual being? Since the criteria of the period presumed women were without libido or sexual desire, the affirmation of their sexuality was achieved through masculinisation — a heterosexual tomboy or lesbian dressed as a man. In this representative system, a feminine lesbian was a logical impossibility.
- Images et formations de corps d'hommes trans : Politique visuelle dans les photographies de Loren Cameron - Josch Hoenes p. 43-57 Josch Hoenes analyse trois photographies de Loren Cameron par lui-même dans des poses de bodybuilding. Si ces images sont indubitablement politiques, au sens où elles visibilisent les hommes transsexuels, le lien entre la figure du bodybuilder et la masculinité hégémonique blanche pourrait se prêter à une lecture critique queer. La thèse de l'auteur est qu'en dépit de leur ambivalence, les nus de Cameron déplacent les représentations de la masculinité et de la transsexualité, montrant que la masculinité n'est pas tant liée à la possession d'un pénis qu'à celle d'un corps spécifiquement codé, ainsi qu'à sa mise en scène. Cameron se distingue par ailleurs de la rhétorique de la souffrance psychique et du ‘faux corps' qui caractérisent les représentations populaires des transsexuels.Josch Hoenes analyses three self-portrait photos of Loren Cameron in bodybuilding poses. While these images are undeniably political, in the sense that they make visible transsexual men, the link between the body of the bodybuilder and hegemonic white masculinity lends itself to a queer critical reading. The article argues that despite their ambivalence the Cameron nudes deplace representations of masculinity and transsexuality, showing that masculinity is not so much linked to the possession of a penis as to a specific body type and its self-representation. Cameron stands out moreover by his distance from the rhetoric of psychological suffering and the “wrong body” that characterises popular images of transsexuals.
- Technotesto : biopolitiques des masculinités tr(s)ans hommes - Marie-Hélène Bourcier p. 59-84 En relisant l'autobiographie de Max Wolf Valerio, The Testosterone Files : My Hormonal and Social Transformation from female to male, parue en 2006, et compte tenu des réappropriations dont font actuellement l'objet des technologies biopolitiques comme l'autobiographie et la prise d'hormones par les transhommes, nous verrons comment le féminisme radical lesbien séparatiste peut ironiquement produire un machisme à la fois testostéroné et féministe et conduire à une réinvention de son corps et de sa sexualité. In fine, c'est une nouvelle prolifération des masculinités et de corps inédits qui se profile et dont ne sauraient rendre compte des approches s'appuyant sur la question de la reproduction aliénante ou de l'imitation non plus que les ‘masculinités féminines' subversives tant célébrées par Halberstam et la théorie queer de la première vague.Through a rereading Max Wolf Valerio's autobiography, The Testosterone Files: My Hormonal and Social Transformation from female to male, published in 2006, taking into account the reappropriations currently being practised on biopolitical technologies as well as autobiographies and the taking of hormones by male trans, the article shows how radical lesbian separatist feminism can ironically produce a testeronised and feminist machismo that leads to a reinvention of the body and its sexuality. In fine, a new proliferation of masculinities and new bodies is developing and cannot be understood by approaches based on the idea of alienating reproduction or the imitation of the subversive “feminine masculinities” so celebrated by Halberstam and the first wave of queer theory.
- Masculinités queer, trans et post-trans : les rejetons du féminisme - Carine Bœuf, Morty Diamond, Jin Haritaworn, Vincent He-say, Jean Bobby Noble, Stephen Whittle, Marie-Hélène Bourcier, Pascale Molinier p. 85-124
- Queeriser les genres dans les ‘communautés gouines BDSM' - Robin Bauer p. 125-152 Dans cet article, je veux analyser le potentiel des pratiques bdsm à ‘queeriser' les genres (l'appropriation, la renégociation et l'imagination des masculinités sans ‘hommes') et poser la question de savoir si ce potentiel qui est développé par certaines subcultures est transférable dans la réalité de la vie quotidienne. En m'appuyant principalement sur une analyse empirique des ‘communautés gouines bdsm' aux États-Unis et en Europe occidentale, je vais m'attarder plus particulièrement sur la question de savoir pourquoi et comment cette scène particulière fonctionne comme un espace social perçu comme un terrain de jeu pour explorer les genres en général et expérimenter des masculinités au-delà des corps masculins en particulier.In this article I want to examine the potential that bdsm practices have in queering gender as an example of appropriating, renegotiating and envisioning masculinities without “men” and to what extent the potential certain subcultures develop in this regard is transferable to everyday realities. Drawing mainly on an empirical study of the dyke + bdsm communities in the usa and Western Europe, I will focus on the question why and how this particular scene functions as a social space that is perceived as a safe playground to explore genders in general and experiment with masculinities beyond male bodies in particular.
- Pénis de tête. Ou comment la masculinité devient sublime aux filles - Pascale Molinier p. 153-176 Cet article, centré sur la masculinité psychique des femmes hétérosexuelles, propose une lecture critique des positions des psychanalystes sur l'envie du pénis et le ‘complexe de masculinité', en soulignant que le travail figure, dans l'ensemble de ces théories, comme un point aveugle. Un pas vers une meilleure intégration des aspirations féminines à faire œuvre consiste à considérer le ‘complexe de masculinité' comme une voie normale d'accès à la sublimation dans le contexte de nos sociétés occidentales.This article, focused on the psychological masculinity of heterosexual women, proposes a critical reading of the position of psychoanalysts concerning “penis envy” and the “masculinity complex” emphasizing that work is a blind spot in all these theories. A step towards a better integration of women's aspiration to achieve consists in considering the “masculinity complex” as the normal road to sublimation in the context of our Western societies.
Hors-champ
- Les identités sexuées et ‘le troisième sexe' à Tahiti - Philippe Lacombe p. 177-197 Dans de nombreuses îles du Pacifique, sous différentes appellations, existent des personnes, ni hommes ni femmes, mi-hommes mi-femmes. En Polynésie française, les mahus sont définis comme des hommes douceurs ou encore des femmes prisonnières de corps d'hommes. Les temps anciens attestent de leur présence ainsi que de leurs fonctions sociales. L'arrivée des missionnaires et de la morale chrétienne a participé à l'émergence d'un nouvel ordre moral et sexuel. Les mahus restent aujourd'hui présents et visibles. Elles/ils sont intégré·e·s dans la vie locale, professionnelle, culturelle et sont accepté·e·s, tant que la sexualité reste non dite ou non visible (tabu). On examinera ici comment cette figure emblématique s'articule à d'autres — celle du rae rae et celle de la vahiné — et en quoi elle permet d'interroger les catégories de sexe, contribuant par là même à la remise en cause d'une approche binaire des identités sexuées.In many Pacific islands, and under a variety of designations, one finds people who are neither male nor female, half-women and half men. In French Polynesia mahus are defined as sweetened men or women trapped in men's bodies. Historical accounts confirm their existence as well as their social functions. The arrival of missionaries and Christian morality contributed to the emergence of a new moral and sexual order. The mahus are still present and visible today. They are integrated into local professions and cultural life and are accepted as long as their sexuality is not expressed and remains invisible (tabu). This article examines how this emblematic figure is linked to others — that of the rae rae and of the vahiné — and how this makes it possible to question gender categories thus challenging the binary approach to gender identities.
- Les identités sexuées et ‘le troisième sexe' à Tahiti - Philippe Lacombe p. 177-197