Contenu du sommaire : Environnement : perspectives indiennes

Revue Les Cahiers d'Outre-Mer Mir@bel
Numéro vol. 73, no 281, janvier-mars 2020
Titre du numéro Environnement : perspectives indiennes
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • Challenging the Environment: Uncertain Pathways to Transformation in/for India - Devanathan Parthasarathy p. 5-16 accès libre
    • « Le pari de l'Inde » - Anthony Goreau-Ponceaud, Émilie Ponceaud Goreau p. 17-39 accès libre
    • « Nettoyer l'Inde », la marginalisation des récupérateurs de déchets à Delhi - Rémi de Bercegol, Shankare Gowda p. 41-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Des filières de récupération des déchets existent depuis longtemps en Inde mais, frappés du stigma de l'impureté, les individus qui y participent restent généralement marginalisés par la société et cantonnés à l'informalité. À Delhi, ceux qui s'adonnent à la récupération sont ainsi symboliquement associés à la saleté des ordures, et comme celles-ci, sont relégués aux marges de la société, dans les bidonvilles où cette activité occupe une place centrale pour assurer la survie des populations. L'analyse des modes de collecte de récupérateurs issus d'un quartier pauvre au sud de la ville révèle pourtant des pratiques très organisées qui, à travers tout un continuum d'intermédiaires et d'activités professionnelles, permettent efficacement d'assurer le recyclage du déchet en un intrant industriel destiné à l'économie formelle. Alors que cette récupération permet donc de réduire la masse des ordures à enfouir en décharge, la municipalité de Delhi s'est engagée dans des réformes de modernisation du service de ramassage des déchets qui privilégient des solutions technologiques, comme l'incinération énergétique, pour traiter la masse des effluents évacués. Cette négligence du secteur du recyclage, qui accentue encore la marginalisation des récupérateurs, provoque la résistance de ces derniers qui, arguant de leur contribution environnementale, s'organisent pour réclamer la reconnaissance de leur travail et un droit d'accès aux déchets.
      Waste recovery channels have been in existence for a long time in India, but, stigmatised by impurity, the individuals who are involved with it remain generally marginalised by society and confined to informality. In Delhi, those who engage in waste collection are symbolically associated with the filth of the trash and, like the rubbish, are relegated to the margins of society, in the slums, where this activity is central to the survival of the population. An analysis of the collection methods of reclaimers from a poor neighbourhood in the south of the city, however, reveals highly organised practices which, through a continuum of intermediaries and professional activities, effectively ensure the recycling of waste into an industrial input for the formal economy. But while this recovery thus makes it possible to reduce the mass of waste to be buried in landfill sites, the municipality of Delhi has embarked on reforms to modernise the waste collection service, giving priority to technological solutions, such as energy incineration, to treat the mass of effluents evacuated. This neglect of the recycling sector, which accentuates the marginalisation of waste pickers, is provoking resistance from the latter who, arguing that they make an environmental contribution, are organising themselves to demand recognition of their work and a right of access to waste.
    • Agriculture et environnement en Inde : des raisons d'espérer ? - Frédéric Landy p. 69-78 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Agriculture et environnement en Inde : l'une et l'autre ont des impacts réciproques négatifs. On traite ici de leurs relations en trois temps. D'abord en évoquant les problèmes écologiques dont souffre l'agriculture, comme les pénuries d'eau ; puis en renversant ensuite la proposition pour montrer combien l'agriculture fait souffrir l'environnement – ainsi de la pollution des sols et des nappes – ; enfin en cherchant une symbiose, à travers l'agroécologie et la reconnaissance des services environnementaux produits par l'agriculture.
      Agriculture and environment in India : both have negative reciprocal impacts. Their relationships are discussed here in three stages. First by evoking the ecological problems from which agriculture suffers, such as water shortages ; then by reversing the proposal to show how agriculture makes the environment suffer - for example, from soil and groundwater pollution ; and finally by seeking a symbiosis, through agroecology and the recognition of the environmental services produced by agriculture.
    • Être végétarien et en bonne santé : un luxe ! Impacts de la politique alimentaire et de la politisation des habitudes alimentaires en Inde - Brigitte Sébastia p. 79-103 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article mène une réflexion sur l'état de malnutrition en Inde (carences en micronutriments et anémies ferriprives) à partir de l'exploration de catégories d'aliments riches en protéines dont la consommation s'est fragilisée ces dernières années. Les premières catégories, de type végétal, concernent les légumineuses (pois, lentilles, haricots secs) dont le prix d'achat a subi une forte augmentation dans les années 2015-2016, et quelques variétés de céréales (mil, millets et sorgho) dont l'accès est devenu des plus précaires à cause du manque de soutien gouvernemental. La seconde catégorie concerne les produits carnés dont la consommation fait l'objet d'une politisation par les nationalistes au pouvoir qui cherchent à imposer le végétarisme comme modèle alimentaire de l'Inde. Ces catégories alimentaires seront explorées dans les programmes alimentaires destinés aux enfants de crèches (anganwadi) et des écoles publiques.
      This paper reflects on the state of malnutrition in India (micronutrient deficiencies and iron deficiency anemia) by exploring categories of protein-rich foods which decline in consumption these last decades. The first categories of vegetal type concern the pulses whose the price has drastically increased in the 2015-2016, and a few varieties of cereals (millets and sorghum) whose the access has become precarious due to lack of government support. The second food category concerns livestock products whose the consumption is politicised by the nationalists in the power who are seeking to impose the vegetarianism as the food model of India. These categories will be explored in the food programmes for children in creches (anganwadi) and in government schools.
    • Nouvelles formes de mise en valeur d'attachements spirituels à l'environnement en Inde - Audrey Richard-Ferroudji p. 105-127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce texte interroge la façon dont les attachements spirituels sont mis en valeur et mobilisés pour défendre la cause environnementale. Nous nous intéressons à trois dispositifs spécifiques qui ont composé de manière originale avec les attachements spirituels : la session de clôture du Delhi Sustainable Developments Submit (DSDS) en 2015 qui rassemblait des leaders religieux, un « festival de l'eau » à Pondichéry en 2016 et la « cérémonie de l'eau » organisée pour le cinquantième anniversaire de la cité d'Auroville en 2018. Nous montrons que ces évènements ont permis une ouverture pluraliste tout en diluant les différences dans une définition équivoque du monde comme « une seule famille »/« Vasudhaiva Kutumbakam », expression sanskrite par ailleurs promue par les nationalistes hindous.
      There is an increasing call for the spiritual dimension to be included in environmental policies. This article focuses on the way that spiritual attachments are valued and enrolled to defend the environmental cause. It analyzes specific settings that propose original assemblages with spirituality : the valedictory session of the Delhi Sustainable Developments Submit (DSDS) in 2015 which brought together religious leaders, the Pondicherry water festival in 2016 and the “water ceremony” organized for the Auroville's fiftieth anniversary in 2018. These events are opened to plurality while leading to a dilution of the differences with the ambiguous definition of the world as “one family”/“Vasudhaiva Kutumbakam” in Sanskrit. The expression that was used in these meetings is also promoted by Hindu nationalists.
    • Entre urbanisation et patrimonialisation : le lac d'Oussudu en devenir (Pondichéry, Tamil Nadu), Inde du Sud - Raphaël Mathevet, Simon Targowla, Munisamy Anbarashan, Govindan Venkatasubramanian, Narayanan Ayyappan, Nicolas Bautès p. 129-162 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose d'explorer l'articulation entre conservation de la biodiversité, gestion de l'eau, patrimonialisation et urbanisation dans le sud de l'Inde. L'histoire socio-environnementale d'une zone humide située aux franges de l'agglomération de Pondichéry montre comment un lac réservoir pour l'irrigation est devenu progressivement un lac support de biodiversité à des fins récréatives. Cette étude met en évidence des visions planificatrices divergentes et la place des collusions institutionnelles et politiques. Elle souligne le besoin d'adopter une approche basée à la fois sur la gestion des communs et une analyse multi-scalaire, socio-écologique, hydrologique et multi-acteurs.
      This paper aims to explore the articulation between biodiversity conservation, water management, heritage and urbanization in South India. The socio-environmental history of a wetland located at the margins of the Pondicherry metropolitan area shows how a reservoir lake for irrigation gradually became a lake supporting biodiversity for recreational purposes. This study highlights divergent planning visions and the place of institutional and political collusion. It underlines the need to adopt an approach based both on the management of the commons and a multi-scalar, socio-ecological, hydrological and multi-stakeholder analysis.
    • La forêt est un champ de bataille : Une histoire des régimes de gouvernement des « habitants de la forêt » en Inde coloniale et contemporaine (Himalaya, Uttarakhand) - Mauve Létang p. 163-190 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Inde, le droit forestier date de la période britannique. Véritable forme de colonisation intérieure, le contrôle des espaces forestiers est aussi révélateur de rapports de force entre l'État et les sociétés locales autour des phénomènes d'accaparement des terres et des situations nouvelles de monopoles fonciers. Pourtant, ce que nous donne à voir l'évolution du droit forestier est qu'il n'existe pas une prise de pouvoir total de l'État sur les territoires qu'il tente d'administrer. On observe plutôt une permanente renégociation avec des populations qui revendiquent une autonomie au sein de l'État, bien plus qu'en dehors de ce dernier. L'évolution récente du droit forestier, concomitance à la libéralisation indienne produit de nouvelles stratégies de gouvernement et de contrôle de la part de l'État qui réorganise l'économie de son administration forestière tout en redistribuant les légitimités politiques à l'échelle locale.
      In India, Forest laws date back to the British colonial rules. Real form of internal colonization, State power over forest areas is revealing of its relations with local societies around land grabbing processes and new situations of real estate monopoly. However, what the evolution of forest laws shows us is that there is never a complete and direct control of the State over territories it seeks to administrate. We rather see constant renegotiations with population seeking for greater autonomy within the State, rather than outside of it. The recent evolution of Forest laws, concurrent to the Indian liberalization creates new strategies of government and control from the State and reorganize the forest departments economy. This phenomenon is a redeployment of State leading to a redistribution of political legitimates at the local level.
    • Espaces de l'entre-deux dans la rivière Koshi (Téraï, Népal) : diversité de dynamiques socio-environnementales - Marie-Amélie Candau p. 191-217 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Plus grand système hydrographique du Népal, et un des affluents les plus importants du fleuve Gange, la rivière Koshi, est renommée pour son comportement erratique et ses inondations destructrices dans la plaine indo-népalaise. Ce comportement s'explique en partie par sa très forte dénivellation, l'altitude variant en seulement 160 km à vol d'oiseau, de plus de 8 800 m. (Everest) à 90 m. (Chatara). Elle débouche alors brutalement sur une plaine densément peuplée (plus de 500 heures/km2), à très faible relief, en déposant son exceptionnelle charge sédimentaire due à des débits énormes et extrêmement variables, allant de 280 m3/s à 25 878 m3/s, soit une variation de près de 100. La densification de l'occupation humaine dans la plaine gangétique, conjuguée à celle de l'usage de l'espace pour des raisons économiques importantes (agriculture et élevage s'intensifiant rapidement), a poussé à des tentatives d'aménagement dans la seconde partie du xxe siècle fondés sur l'endiguement complet du cours d'eau et le contrôle de sa dynamique au moyen d'un barrage d'écrêtement à la frontière indo-népalaise. Entre ces digues, des terres émergées sont occupées en permanence par de nombreuses populations. Pour mieux comprendre les dynamiques socio-environnementales de cette situation, notre approche s'appuie sur deux sites situés au Népal, de part et d'autre du barrage de Bhantabari. En amont, le site de Srilanka Tappu subit une importante érosion du cours d'eau mais reçoit des charges sédimentaires conséquentes permettant le maintien de ces terres qui se déplacent en îles « vagabondes ». Par contre, en aval, sur le site de Gobargada, le cours d'eau, assagi par l'écrêtage du barrage, offre des contrastes essentiellement érosifs en raison du faible apport sédimentaire en grande partie bloqué par le barrage. Cette dynamique entraîne la disparition programmée de ces territoires, « aux marges de l'extrême ». Ces deux dynamiques conditionnent le vécu des populations implantées, tant dans leurs ressources que dans leur structuration, aux implications politiques fortement inégales.
      The Koshi River, Nepal's biggest hydrographic system and one of the largest tributaries of the Ganges River, is renowned for its erratic behaviour and destructive flooding in the Indo-Nepalese plain. This behaviour can be partly explained by the very steep drop in altitude over a distance of just 160 km as the crow flies, from above 8,800 m (Everest) to 90 m (Chatara). The river then suddenly ends up flowing across a densely populated plain (more than 500 heures/km2), with very smooth relief, depositing its exceptional sediment load due to enormous and extremely variable flows, ranging from 280 m3/s to 25,878 m3/s, a variation of almost 100. The densification of human occupation in the Gangetic plain, combined with the growing use of space for essential economic purposes (rapid intensification of agriculture and livestock farming), has led to attempts in the second half of the 20th century to completely contain the watercourse and to control its dynamics by means of a weir built on the Indo-Nepalese border. A number of populations permanently occupy areas of land situated between these dikes. For a better understanding of the socio-environmental dynamics of this situation, we have based our approach on two sites in Nepal, on either side of the Bhantabari weir. Upstream, at Srilanka Tappu there is major erosion of the watercourse, but the site receives considerable sedimentary loads allowing for maintenance of this land that turns into “shifting” islands. By contrast, downstream, on the Gobargada site, the watercourse, abated due to the levelling out caused by the dam, offers essentially erosive contrasts due to the low sediment supply that is largely blocked by the dam. This dynamic leads to the programmed disappearance of these territories, “on the fringes of the extreme”. These two dynamics condition the experience of the settled populations, both in their resources and in their structuring, with highly unequal political implications.
    • Adaptations agroécologiques et mobilités face aux aléas hydromorphologiques et aux contraintes foncières dans la plaine alluviale du Brahmapoutre (Assam – Inde) - Émilie Crémin p. 219-248 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article questionne les processus d'adaptations agroécologiques et les mobilités des communautés paysannes face aux aléas hydro-morphologiques et aux contraintes foncières imposées par l'État dans la plaine alluviale du Brahmapoutre en Assam (Inde). En effet, les États qui ont gouverné successivement la plaine alluviale du Brahmapoutre (royaume Ahom, Britanniques, Inde indépendante) ont aménagé des digues afin de maîtriser le fleuve et d'assurer l'intensification des productions rizicoles. Or, ces aménagements bouleversent les dynamiques fluviales. Les paysans adaptent leurs pratiques agricoles en développant notamment différents types de cultures du riz. Néanmoins, ils doivent aussi faire face aux inondations suite à des ruptures de digues imprévues. Leurs terres disparaissent érodées par le fleuve ou enfouies sous les dépôts de sable. Par conséquent, ils déplacent leurs villages sur les digues, les bourrelets alluviaux et s'approprient des terres agricoles souvent sans droits ni titres. Les contraintes foncières imposées par l'État limitent ces pratiques et la mobilité des jeunes vers les espaces urbains apparaît comme une nouvelle alternative pour les communautés rurales de cette plaine densément peuplée.
      This article questions the processes of agro-ecological adaptation and the mobility of peasant communities in the face of hydro-morphological hazards and land constraints imposed by the State in the Brahmaputra alluvial plain in Assam (India). Indeed, the states which successively ruled the alluvial plain of the Brahmaputra (Ahom kingdom, British, independent India) have built dikes in order to control the river and ensure the intensification of rice production. However, these developments are disrupting river dynamics. Farmers are adapting their agricultural practices, notably by developing different types of rice crops. However, they also have to deal with flooding following unforeseen dike failures. Their land disappears eroded by the river or buried under sand deposits. As a result, they relocate their villages to dykes, alluvial ridges and appropriate agricultural land often without rights or titles. The land constraints imposed by the state limit these practices and the mobility of young people to urban spaces appears as a new alternative for the rural communities of this densely populated plain.
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