Contenu du sommaire : Les traités de paix en Europe centrale : quels potentiels pour quelles réalisations ?
Revue | Revue d'Allemagne |
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Numéro | Tome 52, N° 2, juillet-décembre 2020 |
Titre du numéro | Les traités de paix en Europe centrale : quels potentiels pour quelles réalisations ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les traités de paix en Europe centrale : quels potentiels pour quelles réalisations ?
- Introduction - Ségolène Plyer, Sylvain Schirmann p. 259-272
- Le Tyrol divisé. Quand les traités de paix parisiens de 1919 font émerger un problème de minorités - Oswald Überegger p. 273-287 The article focuses on the question of how the decision was taken at the Paris Peace Conference in 1919 to leave the German- and Ladin-speaking Tyrol to Italy as far as the Brenner Pass. The first part of the article deals with the “management of decisions” surrounding the creation of the border which still exists today and which divides North and South Tyrol, and the related question of which motivations were decisive in real political terms for the Brenner border - and at the same time against other variants of drawing the border. In a second part, on the other hand, the focus is on the direct political, social and socio-economic effects of the Peace of Paris in the historical area of Tyrol. The economic and social consequences of the Parisian decision for the region in the early post-war period are examined. Particular attention is paid to the direct effects that the region had as a result of the new border demarcation at the Brenner Pass and the division of the province.
- Quel(s) droit(s) pour quel(s) peuple(s) ? Les dilemmes du socialisme autrichien, 1918-1919 - Jean-Numa Ducange p. 289-302 L'article revient sur un moment clef de l'histoire de l'Autriche, la fin de la Première Guerre mondiale. Il expose notamment les origines du projet de « Grande Allemagne » (l'union de l'Allemagne et de l'Autriche dans ses frontières d'après-guerre) qui a eu les faveurs de la social-démocratie au moment des négociations du traité de Saint-Germain-en-Laye. À partir de là, l'article cherche à comprendre la façon dont le « droit des peuples » est mobilisé. Au XIXe siècle, la question du rapport aux peuples voisins, notamment aux Tchèques, avait permis au socialisme autrichien d'être novateur sur la question nationale ; mais la gloire de cet « austro-marxisme » eut tendance à minimiser la place du sentiment « grand allemand » qui prédominait au sein du parti. Largement centré sur l'histoire de la social-démocratie, l'article évoque également le sort du communisme autrichien dans son rapport à la question nationale.
- Le débat sur la responsabilité de la guerre à l'ombre de Versailles, 1919-1933 - Gerd Krumeich p. 303-315 Cet article s'essaie à une réinterprétation du débat sur les « responsabilités » du déclenchement de la guerre mondiale, avant, pendant et après les négociations du traité de Versailles. Il traite en particulier de l'affirmation selon laquelle les Allemands étaient « seuls responsables » du déclenchement de la guerre et du rejet global de cette accusation par les Allemands. Cependant, ces derniers ne purent s'entendre sur une action commune pour lutter contre « Versailles », car la droite accusait la gauche d'être responsable de la défaite et donc du traité. L'article cherche à montrer que l'accusation du « coup de poignard dans le dos » n'était pas entièrement dénuée de fondement. Mais elle perdit toute vraisemblance lorsque la droite s'en empara et prétendit que l'Allemagne avait été délibérément dépossédée de sa victoire par les juifs et les communistes.
- L'Estonie et l'échange des prisonniers de guerre entre Allemagne et Russie, 1918-1922 - Francesca Piana p. 317-340 Cet article vise à éclaircir les relations entre l'Estonie, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Société des Nations (SDN) au sujet du rapatriement des prisonniers de guerre de Russie et des anciens Empires centraux entre 1920 et 1922. D'abord, cet article montre que l'Estonie, un petit État nouvellement indépendant, permit l'échange de 400 000 prisonniers de guerre à travers son territoire, comme l'avaient suggéré le CICR et la SDN, afin de contribuer à établir la paix dans le monde, mais surtout pour renforcer sa position vis-à-vis des anciens ennemis allemand et russe, ainsi que pour être admise dans la « famille des nations ». Au moment de l'échange des prisonniers de guerre, l'Estonie abrita également dans la même région à l'est du pays des optants estoniens en provenance de Russie, dont la migration fut gérée par un accord bilatéral avec la Russie, et des réfugiés russes blancs, à qui furent étendues les formes de protection internationales précédemment établies par le CICR et la SDN pour les prisonniers de guerre.Cet article suggère ensuite que la prise en charge des personnes déplacées sur base nationale ou internationale, non seulement donne l'impression erronée que ces questions étaient séparées, mais encore que les besoins de protection des personnes en mouvement étaient différents. La création des catégories migratoires distinctes, loin d'être naturelle, risque de gommer les tensions politiques, économiques et idéologiques dans lesquelles l'Estonie, le CICR et la SDN se trouvaient et de passer sous silence les limites de la protection humanitaire pour les prisonniers de guerre, les optants et les réfugiés d'après-guerre.This article aims to clarify the relations between Estonia, the International Committee of the Red Cross (ICRC) and the League of Nations concerning the repatriation of prisoners of war (POW) from Russia and former Central Empires between 1920 and 1922. First, this article shows that Estonia, a small, newly independent state, allowed the exchange of 400,000 prisoners of war across its territory, as suggested by the ICRC and the League of Nations, in order to help establish peace in the world, but above all to strengthen its position vis-à-vis the former enemies of Germany and Russia, as well as to be admitted into the “family of nations”. At the time of the POW exchange, Estonia also hosted in the same region in the east of the country Estonian optees from Russia, whose migration was managed by a bilateral agreement with Russia, and white Russian refugees, to whom the forms of international protection previously established by the ICRC and the League of Nations for POWs were extended.This article also suggests that the care of displaced persons on separate national and international basis not only gives the false impression that the issues were unconnected, but furthermore that the protection needs of people on the move were different. The creation of migratory categories, far from being natural, is likely to erase the political, economic, and ideological tensions in which Estonia, the ICRC, and the League of Nations found themselves, and ignores the limits of humanitarian protection for POWs, opters, and post-war refugees.
- De l'ethnicisation de la nationalité à l'indigénat transnational : migration, citoyenneté, paix de Trianon - Gábor Egry p. 341-363 En Autriche-Hongrie, la citoyenneté ou nationalité était réglée différemment dans chacune des moitiés de la double monarchie, tout en suivant le même principe d'égalité nominale entre les citoyens. Dans la partie autrichienne ou cisleithanienne, la nationalité obéissait à une logique territoriale d'État ; dans l'autre partie, la Transleithanie, elle obéissait à une logique d'assimilation à la nationalité hongroise. Les traités de paix contraignirent les nouveaux États à octroyer la nationalité à ceux qui y avaient le droit de domicile ou indigénat (pertinenza, illetőség, Heimatrecht) à une date-butoir précise. Mais avec le droit d'option, ils promurent aussi l'ethnicisation des citoyennetés puisque chacun pouvait demander et obtenir la citoyenneté du pays où « la majorité de la population [était] composée de personne parlant [sa] langue et ayant [sa] race ». L'option était aussi censée faciliter les migrations entre les États successeurs de la double monarchie, après la première vague spontanée de réfugiés à la fin de 1918.J'analyse ici les liens entre migrations, indigénat et citoyenneté. Alors que les États étaient censés donner la préférence à leurs co-ethniques, leur pratique fut souvent bureaucratique et le processus d'acquisition de la nationalité obéit à une logique étatique plus qu'ethniciste. De leur côté, les individus utilisèrent les trous de la législation et les incertitudes de l'institution de l'indigénat sous l'Empire pour se dégager une marge de manœuvre, souvent en contradiction avec la logique ethniciste des nouvelles règles de naturalisation. Pour conclure, les changements dans la citoyenneté après la Grande Guerre amenèrent un développement inattendu : l'institution de l'indigénat qui, sous l'Empire, donnait à l'individu un statut juridique purement local, devint transnationale, conservant l'ancien espace impérial intact à travers les nouvelles frontières. Passé le délai de l'option, des dizaines de milliers de personnes restèrent membres de la communauté nationale d'autres États sans pouvoir acquérir la citoyenneté de celui où elles vivaient ; les nouveaux États continuèrent à les identifier selon leur indigénat plutôt que leur ethnicité.Citizenship in Austria-Hungary was regulated by separate laws in both halves of the Monarchy. In Cisleithania an etatist-imperialist logic, in Hungary an ethicizing one defined its development until the World War I, without abandoning the principle of nominal equality of all citizens. The peace treaties, however, brought ethnicization one step further with the so-called cizizenship option right. While it obliged the new states to grant citizenship who held pertinency (illetőség, Heimatrecht, indigénat) on their new territory at a certain date, everyone was also entitled to apply for and acquire the citizenship of the state where his ethnic kin was the majority, a provision that implicitly bound citizenship to ethnic belonging. It was also to facilitate swift migration between successor states, although optants were only the second wave of migrations, after refugees took to the road from the end of 1918. In my article I analyze how migration decisions, pertinency and citizenship was entangled. While states were supposed to follow the logic of ethnicity and preference co-ethnics, their practice was often bureaucratic, end the process of citizenship acquisition more etatist than ethnicist. In their turn, individuals used loopholes of the legislations and the peculiarities of the institution of pertinency to establish some room for manoeuvre for themselves and their final goals often contradicted the ethnic logic of the new citizenship regulations. Finally, I argue that the changes in citizenship at the end of World War I contributed to a surprising development: the institution of pertinency, a legal status anchoring individuals in just one locality, became transnational, stretching through borders and keeping the former imperial space intact. Tens of thousands of people remained members of communities in other states without being able to acquire a new citizenship, and the new states identified them through this legal status instead of their ethnicity.
- « Appartenances coloniales ». Les répercussions du traité de Versailles sur le statut juridique des Allemands noirs et de leurs familles entre les deux guerres - Laura Frey, Robbie Aitken p. 365-380 Under the Treaty of Versailles the German colonial empire was placed under the mandate system of the League of Nations. France, Britain and South Africa took over legal responsibility for the administration of Germany's former African territories, whose populations were, in theory, placed under the ‘diplomatic protection' of the same states. What this amounted to was unspecified, but as this article shows, the willingness of the mandate states to take responsibility for their new charges would be particularly tested in Germany itself. There, to the concern of the German colonial authorities, a small population of African colonial subjects, willingly or otherwise, had set up home and formed families. This article examines the legal and real-life consequences the shift from German colony to Mandate state had during the interwar period for these men, their white, European wives and their German-born children who remained in Germany. At the same time, it highlights public and private initiatives undertaken by German-based Black people to raise attention to their plight and to improve their legal status.
Varia
- De la rapière à la raquette. Les étudiants allemands face au sport : débats et pratiques autour de 1900 - Antonin Dubois p. 383-397 Cet article analyse la difficile adoption du sport parmi les étudiants allemands au tournant du XXe siècle. Contrairement à leurs homologues français qui sont nombreux à pratiquer le sport à partir des années 1890, les étudiants allemands débattent vivement de la légitimité même de la pratique sportive, qui ne serait pas en adéquation avec leur ethos. Le sport serait moins digne et moins véritablement allemand que la gymnastique et surtout que la Mensur, forme de duel estudiantin ritualisé. Cela vaut particulièrement pour les membres des corporations élitistes et duellistes, tandis que des associations moins prestigieuses promeuvent de plus en plus le sport après 1900. La pratique sportive devient ainsi progressivement un enjeu de concurrence entre les différentes organisations étudiantes.This article studies the difficult adoption of sport among German students at the turn of the 20th century. Contrary to their French counterparts, many of whom practiced sports from the 1890s onwards, German students strongly debated the very legitimacy of practicing sports, which they perceived as inconsistent with their ethos. Sport was seen as less dignified and less truly German than gymnastics and especially less so than the Mensur, a form of ritualized student duel. This was particularly true for members of elitist and duelist corporations, whereas less prestigious associations increasingly promoted sport after 1900. The practice of sports thus gradually became a competitive issue between the different student organizations.
- Die ‚Volksgemeinschaft‘ nach dem Nationalsozialismus - Simon Specht p. 399-425 Le fait que le concept national-socialiste de ‘Volksgemeinschaft' fut encore utilisé après 1945 est ignoré par la majorité de l'historiographie. S'appuyant sur la méthode de l'histoire des concepts de Reinhart Koselleck et la notion d'idéologie développée par Michael Freeden, nous nous demandons ici par qui, comment et dans quel but la ‘Volksgemeinschaft' et les concepts associés ‘Volksgenosse/n'et ‘Volkskörper' ont été utilisés dans les procès-verbaux sténographiques des débats pléniers du premier Bundestag (1949-53). Nous pouvons constater que l'ensemble des groupes parlementaires en fait un large usage, souvent sans commentaire ou distanciation, et se référant en partie à l'usage national-socialiste du terme et en partie à d'autres conceptions. Nous mettrons en lien les résultats obtenus à ceux de la recherche antérieure sur la ‘Volksgemeinschaft' et aux interprétations possibles de l'histoire de la RFA.The fact that the National Socialist concept of ‘Volksgemeinschaft' was still in use after 1945 has been ignored by most existing research. Utilizing Reinhart Koselleck's conceptual history approach and Michael Freeden's understanding of ideologies, this contribution investigates the question by whom, how and to what ends ‘Volksgemeinschaft' and the associated concepts ‘Volksgenosse/n'and ‘Volkskörper' were used in the stenographic transcripts of the plenary debates of the first Bundestag (1949-53). The findings indicate a widespread use by all parliamentary groups, for the most part without accompanying comments or criticism, which partly drew on the National Socialist understanding of the term and partly on alternative conceptions. The results are related to the prior research on the ‘Volksgemeinschaft' and possible narratives of the history of the Federal Republic of Germany.
- Quand gauche et droite votent les mêmes lois : Angela Merkel et les réformes Hartz de Gerhard Schröder - Pierre Baudry p. 427-436 Les réformes Hartz constituent un objet privilégié des études sur l'Allemagne contemporaine. Ce que nous voulons comprendre, c'est l'attitude de la CDU/CSU en amont et durant le vote de ces lois. Notre idée centrale est en effet qu'il y a eu collaboration entre la majorité dirigée par Schröder et l'opposition démocrate-chrétienne. Notre hypothèse est qu'il y a eu au tournant des années 2000 une mutation symétrique de la CDU/CSU et du SPD. Ces partis ont connu d'abord une évolution idéologique significative vers davantage de libéralisme et une remise en cause de l'État-providence. En outre, la Loi fondamentale allemande prévoit que le Bundestag et le Bundesrat trouvent un compromis autour des projets de loi présentés par le gouvernement. Ce mécanisme de cartellisation généré par la constitution allemande est selon nous le second facteur qui explique le rapprochement entre conservateurs et sociaux-démocrates au sujet des lois Hartz.The Hartz reforms are a privileged topic for the German studies. I aim to understand the stance of the CDU/CSU before and during the passing of these laws. My central contention is that there has been a close collaboration between the majority led by Schröder and the Christian Democrat opposition. My hypothesis is that at the turn of the 2000s, there was a symmetrical mutation of the CDU/CSU and of the SPD. These parties have first experienced a significant ideological watershed towards more liberalism and a general upheaval of the welfare state. In addition, the German constitution stipulates that the Bundestag and the Bundesrat must find a compromise around bills proposed by the government. This mechanism linked is the second mechanism which explains the rapprochement between the conservatives and the social democrats.
- Déclaration conjointe de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni sur une situation en mer de Chine méridionale : des conceptualisations communes au‑delà du cadre de l'Union européenne - Sandie Calme p. 437-442
- De la rapière à la raquette. Les étudiants allemands face au sport : débats et pratiques autour de 1900 - Antonin Dubois p. 383-397
Italiques
- Fatima Saadi, Diderot et Lessing. La configuration de la scène moderne - Jean-Jacques Alcandre p. 443-444
- Peter-Paul Bänziger, Die Moderne als Erlebnis. Eine Geschichte der Konsum- und Arbeitsgesellschaft 1840-1940 - Michel Hau p. 444-445
- Bernd Wegner, Das deutsche Paris. Der Blick der Besatzer 1940-1944 - Gilles Buscot p. 445-446
- Dietmar Hüser, Ansbert Baumann (dir.), Migration – Integration – Exklusion. Eine andere deutsch-französische Geschichte des Fußballs in den langen 1960er Jahren - Philippe Hamman p. 447-448
- Mathieu Dubois, Les conséquences économiques de Mai 68. Du désordre social français à l'ordre monétaire européen - Michel Hau p. 448-451
- Anne-Marie Pailhès, Communautés rurales en Allemagne de l'Est : vers une réunification des contre-cultures ? - Olivier Hanse p. 451-452