Contenu du sommaire : Mobilités de classe
Revue | Politique africaine |
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Numéro | no 159, 2020/3 |
Titre du numéro | Mobilités de classe |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Édito - p. 5
Le dossier. Mobilités de classe
- Introduction au thème. Observer les mobilités sociales : l'investissement migratoire des familles - Amélie Grysole, Doris Bonnet p. 7-32
- La migration comme émancipation ? Pluralité des classements sociaux et recompositions des rapports de pouvoir au sein de la société haalpulaar (Mauritanie-Sénégal) - Olivier Leservoisier p. 33-50 Cet article analyse les rapports entre migrations et mobilités sociales à partir de parcours d'individus catégorisés comme descendants d'esclaves au sein de la société haalpulaar. Il s'intéresse aux retombées socio-économiques et politiques de la réussite migratoire sur ceux restés au pays. Tout en décrivant comment la migration contribue aux recompositions des pouvoirs et à la multiplicité des classements sociaux, l'article montre que la variable statutaire reste présente dans la manière dont les migrants vivent leurs mobilités sociales, conduisant ainsi à s'interroger sur le sens donné à la réussite et sur l'enjeu de sa reconnaissance.This article analyzes the relationships between migration and social mobility based on the migration routes of individuals categorized as descendants of slaves within Haalpulaar society. It focuses on the socioeconomic and political effects of the success of migration on those who stayed in the country. While describing how migration contributes to the reconfiguration of powers and the multiplicity of social classifications, the article shows that the statutory variable remains present in the way migrants experience their social mobilities, thus raising questions about the meaning given to success and the issue of its recognition.
- « La prostitution, ça ne tue pas ! » Projets d'ascension sociale familiale dans le contexte de la traite sexuelle (Nigeria-Europe) - Élodie Apard, Precious Diagboya, Vanessa Simoni p. 51-82 La majorité des jeunes femmes africaines en situation de prostitution aujourd'hui dans les grandes villes européennes sont originaires de l'État d'Edo, au sud du Nigeria, une région où la traite est devenue un modèle économique à part entière. Malgré le jugement moral et la stigmatisation dont souffrent les prostituées au Nigeria, l'envoi d'une fille en Europe représente une opportunité que de nombreuses familles décident de saisir, misant sur les retombées financières potentielles qui permettraient une ascension sociale collective. La prostitution vue comme un projet migratoire familial au Nigeria permet d'éclairer le rôle joué par les parents dans les mécanismes qui rendent possible, voire renforcent, l'exploitation sexuelle des filles en Europe.The majority of young African women involved in prostitution in major European cities today come from Edo State, in Southern Nigeria, where trafficking has become an entire economic model. Despite moral judgment and the stigmatization of prostitutes in Nigeria, sending a girl to Europe represents an opportunity that many families decide to take advantage of, relying on potential financial benefits that would allow collective social climbing. Analyzing prostitution as a family migratory project helps to shed light on the role of parents in the mechanisms that make possible and even reinforce the sexual exploitation of girls in Europe
- Investir dans plusieurs classes sociales. Enfance transnationale et accueil des enfants de la diaspora à Dakar - Chelsie Yount-André p. 83-104 Des familles sénégalaises issues des classes moyennes résidant en France emmènent leurs enfants au Sénégal durant les congés scolaires pour rendre visite à leurs familles. Cet article examine comment, à travers la socialisation des enfants, des migrants sénégalais diplômés du supérieur cherchent à leur transmettre un statut de classe moyenne à la fois en France et au Sénégal. L'appartenance aux classes moyennes ne reposant pas sur les mêmes ressources ni sur les mêmes moralités économiques en France et au Sénégal, ces aspirations sociales transnationales nécessitent des investissements stratégiques dans les deux pays. Cette situation génère des tensions au sein des familles, qui se donnent à voir à l'occasion des congés au Sénégal, quand les migrants et leurs proches à Dakar essaient de créer ou de maintenir des liens socio-économiques avec et à travers les enfants de la diaspora.Middle-class Senegalese families who live in France bring their children to Senegal during their summer vacations to visit their families. This article examines how, through the socialization of children, university-educated Senegalese migrants work to transmit their middle-class status in both France and Senegal. Given that middle-class status does not depend on the same resources or economic moralities in France and in Senegal, these transnational class aspirations require strategic investments in the two countries. Familial tensions created by this situation unfold during families' vacations in Senegal, as migrants and their relatives in Dakar work to create or maintain socioeconomic relations with and through children.
- Les dynamiques générationnelles de la mobilité sociale en migration. Le cas des classes populaires aux Comores - Hugo Bréant p. 105-124 En pensant les migrations internationales comme des dynamiques de mobilité sociale, cet article analyse les effets de l'émigration dans les milieux populaires aux Comores à l'échelle des familles et sur plusieurs générations. Dans le pays d'origine, la mobilité spatiale transforme la position sociale des émigrés et de leurs proches. En favorisant la circulation des ressources matérielles acquises à l'étranger, la migration peut diminuer la vulnérabilité économique de l'entourage familial. En forgeant progressivement des dispositions à migrer pour se former et étudier, elle amoindrit la distance des familles populaires aux normes culturelles dominantes. Quand elle a été engagée par plusieurs membres de l'entourage, et surtout quand elle s'inscrit durablement dans l'histoire familiale, l'internationalisation des émigrés peut permettre une sortie des classes populaires, voire un relatif rapprochement avec les classes moyennes. Les migrations internationales ont donc joué un rôle important dans la recomposition de l'espace social aux Comores. Cependant, la dynamique générationnelle de ces mobilités spatiales et sociales est fondamentale pour comprendre les diverses trajectoires familiales et les inégalités qui s'instaurent au fil du temps au sein même des classes populaires comoriennes.By considering international migrations as dynamics of social mobility, this article analyzes the effects of migration among the working-classes in the Comoros, at the family level and over several generations. In the country of origin, spatial mobility transforms the social position of migrants and their relatives. By promoting the circulation of material resources acquired abroad, migration can reduce the economic vulnerability of families. The first experiences of the family gradually forge dispositions toward migration for learning and studying and reduce the distance of working-class families from dominant cultural norms. When it is initiated by several members of the family, and especially when it is firmly rooted in the family's history, the internationalization of their trajectories has allowed the migrants to leave the working class, or even to approach the middle class. International migration has therefore played an important role in the reconfiguration of the social space in the Comoros. However, the generational dynamic of these spatial and social mobilities is fundamental for understanding the various family trajectories and the inequalities that appear over time even within the Comorian working classes.
- Le (double) passeport des élites africaines. Être et rester cosmopolite au Mali grâce à l'acquisition d'une seconde citoyenneté - Kevin Mary p. 125-144 Cet article interroge les différentes significations que peut prendre l'acquisition d'une seconde citoyenneté et donc d'un second passeport chez les élites africaines. Basé sur un travail de terrain au Mali, l'article passe en revue les multiples avantages relatifs à la possession d'un tel document d'identification : facilitation de circulation mais aussi outil de distinction et source d'une certaine forme de sécurité, pour soi et pour sa famille. L'article plaide ainsi pour la prise en compte des citoyennetés dans la définition des classes sociales.This article considers the different meanings that the acquisition of a second citizenship and therefore a second passport can take among African elites. Based on fieldwork conducted in Mali, the article reviews the multiple advantages relating to the possession of such an identification document: it facilitates movement but is also a tool of distinction and a source of a certain form of security, for oneself and for one's family. The article thus argues that citizenship should be taken into account in the definition of social classes.
- Du réfugié yéménite à l'entrepreneur. Quand l'exil de guerre devient opportunité économique à Djibouti - Alexandre Lauret p. 145-168 En s'appuyant sur des données empiriques récoltées auprès des réfugiés yéménites à Djibouti, cet article traite de l'articulation entre réfugiés, opportunité économique et formation d'une classe sociale en exil. La guerre au Yémen a entraîné l'exode d'une partie de la population yéménite vers les États voisins. Sur la rive africaine, Djibouti accueille une partie de ces réfugiés. Certains sont envoyés au camp de réfugiés de Markazi à Obock et d'autres intègrent les réseaux « arabes » de Djibouti présents depuis la colonisation française. Ces populations commencent alors à travailler au sein de la diaspora. Au Yémen, la guerre qui se prolonge paralyse l'économie du pays. Quelques années après le premier exode, de nouveaux réfugiés yéménites arrivent à Djibouti. Ils sont en contact avec les premiers réfugiés urbains : ce sont des amis ou des membres de la famille. Ils représentent une nouvelle classe de réfugiés en quête de travail localement, tout en restant en lien avec leurs familles au Yémen.Using new empirical data collected from Yemeni refugees in Djibouti, this paper explores the dynamics between refugees, economic opportunities, and the development of a distinct social class in exile. The war in Yemen has triggered an exodus of its population toward neighboring countries. On the African shore, Djibouti has received a share of these refugees. While some are sent to the Markazi refugee camp in Obock, others are able to integrate directly within the Arab communities located in Djibouti since colonial times. Members of the latter category proceed to seek work among the Yemeni diaspora in Djibouti City. While the prolonged war in Yemen continues to paralyze local economic production capacities, a new form of immigration emerges: “economic refugees.” These two immigrant populations form a new type of social class in exile, which their families left in Yemen increasingly rely on as the war continues there.
Conjoncture
- La religion du président Bozizé. Rhétorique guerrière d'un chrétien céleste - Sandra Fancello p. 169-190 Lors de son exil politique au Bénin, au milieu des années 1980, l'ancien chef d'État centrafricain, François Bozizé, s'est converti au Christianisme céleste, une église prophétique africaine. À partir d'enquêtes menées en Centrafrique et au Bénin, cet article retrace son inscription dans les réseaux célestes transnationaux et sa double quête de pouvoir à la fois au sein de l'Église du christianisme céleste et de l'État centrafricain. Ses dix années de pouvoir sont également marquées par une rhétorique guerrière inspirée de la « guerre spirituelle » censée délivrer le pays de ses ennemis, étrangers et musulmans, contribuant ainsi à exacerber la violence des affrontements.While he was a political exile in Benin, in the mid-1980s, the former president of the Central African Republic (CAR), François Bozizé, converted to the Celestial Church of Christ, an African prophetic church. Based on fieldwork in CAR and in Benin, this article describes his involvement in transnational celestial networks and his quest for power both within the Church and within the Central African state. During his ten years in power, he developed a rhetoric of warfare inspired by the “spiritual warfare” supposed to free the country from its foreign and Muslim enemies. This exacerbated violence in the clashes between Muslims and Christians.
- La religion du président Bozizé. Rhétorique guerrière d'un chrétien céleste - Sandra Fancello p. 169-190
Lectures
- Revue des livres - p. 191-205