Contenu du sommaire
Revue | Politiques de communication |
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Numéro | no 14, printemps 2020 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Quand la communication publique travaille son expression : Les administrations à la recherche d'un « langage clair » - Alice Krieg-Planque p. 3-34 Cet article expose et met en perspective la démarche de « simplification du langage administratif » adoptée en France depuis le début des années 2000. Nous abordons l'histoire des politiques publiques en la matière, à travers la création du Comité d'Orientation pour la Simplification du Langage Administratif (COSLA), en 2001. Nous montrons que de telles initiatives ne peuvent être comprises qu'en lien avec des objectifs démocratiques (accès aux droits, citoyenneté) et avec des représentations de la langue et des discours (idéaux rattachés à l'idée d'un « langage clair »). En observant les avatars de la « simplification du langage administratif » dans le contexte néolibéral de la « réforme de l'État » et de la généralisation du recours au numérique, nous concluons sur l'importance des inégalités sociales dans l'accès à l'information.This paper presents and puts into perspective the “simplification of administrative language” approach adopted in France since the early 2000s. I address the history of public policies in this area through the creation of the Comité d'Orientation pour la Simplification du Langage Administratif (COSLA) (Steering Committee for the Simplification of Administrative Language) in 2001. I show that such initiatives can only be understood in connection with democratic objectives (access to rights, citizenship) and with representations of language and discourse (ideals linked to the idea of “clear language”). By observing the avatars of “simplification of administrative language” in the neoliberal context of “state reform” and the generalization of the use of digital technology, I conclude on the significance of social inequalities when it comes to accessing information.
- Quand le journaliste saute de classe : La consécration par l'État des médias « citoyens » - Simon Mangon p. 35-64 Après les attentats contre Charlie Hebdo en janvier 2015, les autorités publiques françaises ont mis en place des dispositifs d'éducation aux médias et à l'information (EMI) dans les établissements scolaires afin de renforcer « l'esprit critique » du jeune public pour lutter contre la « radicalisation ». Cette enquête se penche sur l'investissement d'acteurs peu étudiés dans les travaux sur l'EMI, les journalistes, et notamment ceux des médias locaux dits « citoyens ». En prenant pour cas d'étude la région Sud, l'article montre comment des agents pourtant marginaux dans le champ journalistique local et critiques à l'égard des autorités sont consacrés par les dispositifs publics. L'aide étatique ne vient pas seulement légitimer une certaine conception du journalisme, elle incite également les médias à se « professionnaliser » et à se « réformer » pour sortir de la précarité. Ainsi, l'article développe l'hypothèse d'un gouvernement à distance d'une partie du champ journalistique par une administration publique, qui a le pouvoir de définir des critères de professionnalité et des « bonnes pratiques » journalistiques. À travers la promotion de l'EMI et d'un « journalisme citoyen », cet article interroge en définitive le rôle de l'État dans le processus de reconnaissance d'une profession en quête constante d'autonomie.In the wake of the terrorist attacks on the satirical newspaper Charlie Hebdo in January 2015, the French authorities implemented tools to foster media literacy in schools in an attempt to strengthen young people's “critical thinking” in order to combat “radicalization”. This study looks at the actors that have been absent from most studies on media literacy, namely journalists, and especially those from local “citizen” media. My case study, focused on the Provence-Alpes-Côte d'Azur region in the South of France, shows that these marginalized local journalists are being attributed a special role in media literacy. There is no doubt that public aid reinforces “citizen journalism”, but it also encourages the “reform” and “professionalization” of the media. Through financial support, the public authorities promote “professional practices” and define a vision of “good” journalism. Finally, this paper calls into question the role of the state in structuring the field of journalism.
- Le droit de cité publicitaire : Critiques et régulation d'un « espace public privé » - Keyvan Ghorbanzadeh p. 65-90 Cet article revient sur la régulation contemporaine de la publicité, en théorie indépendante de l'État, car organisée autour d'une autorégulation des professionnels. On mettra d'abord au jour les tensions civiques liées à l'énonciation publique du discours publicitaire, constituant un « espace public privé » qui permet de penser une coproduction de la régulation entre professionnels, espaces critiques et acteurs publics. On reviendra ensuite, sur le contrôle du dicible publicitaire en tant que régulation par et pour la protection des publics, permettant de justifier la place de la publicité dans l'espace public.This paper discusses the contemporary regulation of advertising, which is in theory independent of the state, as it is organized around self-regulation by professionals. I will first highlight the civic tensions linked to the public enunciation of advertising, constituting a “private public sphere” that allows us a coproduction of regulation between professionals, critical spaces, and public actors to be considered. I will then examine the control of advertising as a regulation by and for the protection of the public, which justifies the place of advertising in the public sphere.
- Les usages militants de Facebook au Brésil : De la contestation à la mise en agenda culturel des luttes sociales - Julien Figeac, Nathalie Paton, Tristan Salord, Guillaume Cabanac, Arthur Cuelho Bezerra, Héloïse Prévost, Pierre Ratinaud p. 91-120 Cette recherche explore les modes d'appropriation de Facebook par des groupes de militant•es brésilien•nes pour coordonner des luttes sociales, en se basant sur une analyse lexicale des contenus de 529 pages, publiés entre 2013 et 2017. Deux répertoires d'action principaux se distinguent. Facebook est mobilisé comme arène de contestation de l'action gouvernementale et comme outil de coordination de leurs mobilisations.Cette recherche montre plus précisément que les contenus artistiques et l'agenda des événements culturels ont occupé une place centrale dans ces répertoires d'action en ligne. Ils ponctuent l'ordinaire des échanges d'informations entre les militant•es, notamment en dehors des périodes et des événements de cristallisation des luttes. Ils ont favorisé la structuration des réseaux militants sur le moyen terme et la coordination des mouvements sociaux en créant les conditions de rassemblements ponctuels, transversaux aux différents types de militantisme et aux diverses luttes sociales.This study explores how Brazilian activist groups use Facebook to coordinate their social struggles, based on a lexical analysis of posts on 529 pages, published between 2013 and 2017. These groups have two main repertoires of action, using Facebook as an arena for protesting government action and as a tool for coordinating their mobilizations.This study shows more specifically that artistic expression and the agenda of cultural events are central to these digital repertoires of action. The lexical realms of culture punctuate the ordinary exchanges of information between activists, especially during the lulls of social struggles. They enable the structuring of activist networks on a medium-term basis and contribute to the coordination of social movements by creating the conditions for occasional gatherings, cutting across different types of activism and various social struggles.
- Et la poésie ? : Pratiques langagières et politiques de la langue - Stéphane Olivesi p. 121-143 L'article se présente comme un exercice de problématisation de la réalité contemporaine du fait poétique. Il part d'un constat élémentaire : au-delà des clichés et des rares auteurs mobilisés dans le cadre du système éducatif, les mondes de la poésie restent relativement méconnus et, surtout, étrangers aux sciences sociales. Qui sont les auteurs, les lecteurs, les éditeurs et tous ceux qui participent aux mondes de la poésie ? Que représente la poésie quantitativement, en regard du marché de l'édition, mais aussi qualitativement pour ceux qui écrivent, qui lisent, qui vivent dans leur intimité la poésie ? Cet essai de problématisation déborde le seul registre de l'objectivation sociologique et tente d'expliciter les fonctions sociales qui ont été imparties à l'activité poétique, l'idéalisation dont elle fait l'objet et les mythes qui accompagnent sa diffusion.This article is presented as an exercise in problematizing the contemporary reality of poetry. It starts from an elementary observation: beyond the clichés and the few authors used within the context of the education system, the worlds of poetry remain relatively unknown and, above all, foreign to the social sciences. Who are the authors, readers, publishers, and all those who participate in the worlds of poetry? What does poetry represent quantitatively, with regard to the publishing market, but also qualitatively for those who write, read, and live poetry in their private lives? This attempt at problematization goes beyond the sole register of sociological objectification and attempts to explain the social functions that have been assigned to poetic activity, the idealization of which it is the object, and the myths that accompany its dissemination.
- En réponse : De Jacques Fusina - Jacques Fusina, Stéphane Olivesi p. 145-163