Contenu du sommaire
Revue | Revue historique |
---|---|
Numéro | no 632, octobre 2004 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La parole : un instrument de la lutte politique dans la Castille de la fin du Moyen Âge - J.M.N. Soria p. 707 Parler de lutte politique dans la Couronne castillane des XIIIe-XVe siècles permet d'aborder un ensemble relativement varié de faits et d'événements, au sein duquel les questions de la prise du pouvoir politique et du contrôle du pouvoir royal occupent une place privilégiée. La rhétorique, les rituels et la formalisation d'associations politiques sont des recours habituels dans le cadre de ces affrontements politiques et la parole occupe dans cette gamme instrumentale une place évidente, pour ne pas dire première. En effet, bien que très diversement, elle y joue un rôle décisif, en particulier par sa capacité à produire ce qu'on pourrait appeler un effet de communication ou de propagande, et, par là, à induire une opinion publique, de cet élément dépendant en définitive le succès ou l'échec de la confrontation engagée.The political fight in the Crown of Castile from the XIIIth to the XVth centuries is a subject that allows approaching a relatively ample set of manifestations, within as, the taking of the political power and the control of the royal power occupies a main place. The rhetoric, the rites, the expression of the political associationism are very typical resources of these political conflicts. The word has an evident place, not to say main, in these categories. In effect, it played a decisive role by its capacity to produce a communication, propaganda effect and, really, to induce a public opinion, contributing this last aspect of significant way to the success or failure of the undertaken fight.
- Vérités contradictoires et réalités constitutionnelles. La ville et le roi en France à la fin du Moyen Âge - G. Naegle p. 727 Les mémoires urbains sont des témoins importants des relations des villes avec la royauté, nés le plus souvent dans une situation de requête. Leur argumentation en porte les marques. Comme pour les procès des villes devant le Parlement, l'un de leurs traits caractéristiques est la référence fréquente au bien commun. Mémoires et procès montrent une communauté d'intérêts entre les villes et la royauté – particulièrement en temps de guerre – mais ils mettent aussi en évidence les « vérités contradictoires » des villes et du roi quand il s'agit du paiement d'impôts ou des ingérences d'officiers royaux dans les affaires internes des villes. L'analyse des sources montre un transfert réciproque d'arguments de la royauté vers les villes et vice versa. Ce phénomène est renforcé par certaines procédures telle l'enquête de commodo et incommodo comme en témoignent les formulaires de la chancellerie royale. Pourtant, à la fin de la période étudiée, l'écart entre la théorie juridique et politique et les réalités constitutionnelles dominées par des liens personnels et des groupes au pouvoir reste considérable.Urban petitions and grievances are important witnesses of the relationship between towns and the crown. Very often, their origins are due to a « situation of request » (situation de requête). As in the case of urban lawsuits in the Parlement, one of their characteristic features is the constant reference to the common good. Petitions, grievances and lawsuits show strong common interests of towns and the crown – particularly in times of war. But in matters of taxation or in cases of royal officials interfering with the internal affairs of towns, they also point out the contradictory truths of towns and the king. The analysis of sources shows a reciprocal transfer of arguments from the level of the crown to that of the towns and vice versa. This phenomenon is reinforced by certain procedures, as for instance the enquête de commodo et incommodo, as can be confirmed by the study of the formulaires of the royal chancellery. Nonetheless, at the end of the examined period, the gap between juridical and political theory and the constitutional realities dominated by personal bonds and power groups is still considerable.
- L'Alliance française ou la diplomatie de la langue (1883-1914) - F. Chaubet p. 763 À la fin du XIXe, dans un contexte de compétition multiforme entre les grandes nations, la culture devint à la fois un des enjeux de la puissance et une de ses mesures. Ainsi la fondation, en 1883, de l'Alliance française, « association nationale pour la propagation de la langue française dans les colonies et à l'étranger », traduisit la volonté de certaines élites française, intellectuelles et administratives au premier chef, d'assurer à leur pays les conditions renouvelées de son traditionnel « rayonnement » culturel. Grâce à des Comités locaux, presque totalement indépendants du siège central parisien, un réseau mondial et décentralisé apparaît en une vingtaine d'années. À travers une politique de soutien aux écoles et au livre français, l'organisation de tournées de conférences, et surtout, la mise en œuvre, à Paris, de cours de langue et civilisation d'un haut niveau intellectuel, l'Alliance française de Paris et ses Comités à l'étranger inventèrent le dispositif de la diplomatie culturelle moderne, avant même l'apparition des premiers Instituts culturels français vers 1910. Les représentations idéales d'une langue et d'une culture françaises de type universaliste s'inscrivirent au sein de ce jeu de pratiques multiples qui furent mises en œuvre par des acteurs français aussi bien qu'étrangers. Et cette souplesse demeura un des principaux atouts d'une association, souvent enviée, parfois copiée, mais demeurée difficilement imitable.At the end of the XIXth, in a context of multiform competition between the great nations, culture became one of the strake of power and a good measure too. L'Alliance française, founded in 1883, « national association for propagating french language in colonies and abroad », incarnated the will of some french elites, above all intellectual and administrative ones, to ensure France the renewed conditions of his ancient cultural « radiance ». Owing to local Comities, almost independent of Paris, a world-wide network appear for twenty years. Through sustaining french schools and french book, the organisation of conference trips, and above all the creation of language and civilisation curses, in Paris, l'Alliance française of Paris and her local Comities abroad invented the apparatus of modern cultural diplomacy, even before the apparition of the first french Institutes about 1910. Ideal representations of language and french universal culture were inscribed amid this game of multiple practices created by some french and foreign actors. And this suppleness were one of the principal trumps of this association, often envied, sometimes copied, but stayed unesasily imitable.
- Eloigner le soldat du civil en temps de guerre. Les expériences de trêve en Midi toulousain dans les dernières années des guerres de religion. - P.J. Souriac p. 787 Constater la fin des guerres de Religion en France au milieu de la décennie 1590 impose à l'historien une réflexion sur la diffusion d'un modèle de pacification après plus de trente ans de conflits civils. L'édit de Nantes, œuvre législative du règne d'Henri IV, apparaît comme le texte clef de la coexistence confessionnelle, celui qui établit le modus vivendi entre catholiques et protestants. Se pose pourtant la question très concrète de la cessation des hostilités, de l'acte qui permit aux Français en lutte les uns contre les autres depuis de longues années de déposer les armes sans craindre pour leur vie. Cet article propose d'analyser à l'échelle du Midi toulousain le moyen par lequel la guerre fut progressivement rejetée hors du champ du quotidien. Ce rejet se révèle grâce à un refus partagé par les deux partis de voir le soldat réduire à néant les bases économiques de la société locale, refus partagé qui passa par l'invention d'un nouvel outil juridique, la trêve de labourage. En prenant pour cible l'homme de guerre, consuls et députés des États provinciaux des deux bords réussirent à renouer un dialogue, et ouvrirent de nouvelles voix à la coexistence pacifique.To understand how French religious war ended in mid-1590, historians should take into account the circulation of theories on peace-keeping after a thirty years civil fights. The Edit de Nantes, a legal achievement during the reign of Henry IV, turned out to be the basis on which a modus vivendi between Catholics and Calvinists could be built. However, it remains to be seen how the cease-fire could effectively be enforced and how the French manage to convince to themselves that it was safe to lay down weapons without putting their life at risk. This article is a case study of the pacification process in the south-west of France, through the example of a new legal device calle « trêve de labourage » or « plough-agrement ».
- Albert Thibaudet et l'Europe - M. Leymarie p. 821 Albert Thibaudet (1874-1936), avant même d'être le critique célèbre de La Nouvelle Revue française de 1912 jusqu'à sa mort à la veille du Front populaire, est un européiste convaincu, pacifique et non pacifiste. Ce grand voyageur, ouvert aux littératures européennes, se montre hostile à l'égard de la politique rhénane du Bloc national ainsi qu'au nationalisme intransigeant de Poincaré ou de Barrès, jugé inadapté et dangereux après le traité de Versailles (Les princes lorrains, 1924). Participant aux périodiques pro-européens, membre de l'Institut international de coopération intellectuelle, il enseigne à l'Université de Genève à partir de 1924 et il devient un observateur privilégié de l'âge d'or de la Société des Nations dans laquelle il fonde de grands espoirs. Il constate l'enlisement et la faillite de l'institution, alors que la dictature devient « l'état normal de l'Europe et de l'Asie » (Les idées politiques de la France, 1932).Albert Thibaudet (1874-1936), even before he can be viewed as the famous reviewer of La Nouvelle Revue française – from 1912 to his death on the eve of the Popular Front –, is a convinced Europe enthusiast, a peace-loving man yet not a pacifist This great traveller, who is open to European literary works, shows strong disapproval of the Rhine-oriented policy led by the Bloc national He is equally hostile to the uncompromising brand of nationalism of a Poincaré or a Barrès, which he deems dangerous and not adapted after the Treaty of Versailles (Les Princes lorrains, 1924). A contributor to pro-European periodicals, a member of the International Institute of Intellectual Cooperation, he teaches at the University of Geneva as of 1924 and becomes a privileged observer of the heyday of the League of Nations, on which he places high hopes He records how the institution gets bogged down and fails, while dictatorship becomes “the normal state of Europe and Asia » (Les Idées politiques de la France, 1932).