Contenu du sommaire : Lukács

Revue Actuel Marx Mir@bel
Numéro no 69, 2021
Titre du numéro Lukács
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Présentation - p. 7-10 accès réservé
  • Dossier : Lukács

    • Marxisme orthodoxe ou marxisme occidental ? La réception de Lukács en France dans les années 1940 et 1950 - Alix Bouffard, Alexandre Feron p. 11-27 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En France, Lukács est considéré aussi bien comme un représentant de l'orthodoxie marxiste que comme un auteur subversif fondateur de la tradition du marxisme hétérodoxe. Cet article revient sur la genèse de cette appréciation ambivalente, qui trouve ses sources dans les années 1940 et 1950. C'est durant ces années que s'élaborent les cadres et présupposés de la réception française de son œuvre, à travers une série d'épisodes dont les enjeux sont à la fois théoriques, éditoriaux et politiques : l'intervention de Lukács en France dans la bataille idéologique de la Guerre froide en 1948-1949 et sa polémique menée avec l'existentialisme français, l'éclatement international de « l'affaire Lukács » en 1949-1950 et ses retombées hexagonales, enfin le changement de statut de Lukács au cours des années 1950.
      In France, the work of Georg Lukács is regarded in very contrasted ways: he is both seen as an incarnation of Marxist orthodoxy and as a subversive author foundational to the tradition of heterodox Marxism. This article presents the genesis of this ambivalent reception, whose sources lie in the 1940s and 1950s. During these years the major characteristics and presuppositions of the French reception of Lukács are put into place, through a series of theoretical, editorial and political events: Lukács' intervention in the Cold War ideological battle in 1948-1949 with his polemic against French existentialism, the outbreak of the « Lukács Affaire » in 1949-50 and its effects in France, and finally Lukács' change of status during the 1950s.
    • Annexe : Lettre à Georg Lukács, 24 mai 1946, Paris - Maurice Merleau-Ponty p. 28-30 accès réservé
    • Le retour au roman : Lukács dans les années 1930 - Guillaume Fondu p. 31-43 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse le sens que prend, dans l'activité théorique de Lukács des années 1930, la notion de narration, cruciale dans ses travaux ultérieurs. On y fait l'hypothèse que c'est l'événement révolutionnaire russe et ses suites qui posent directement la question du statut de la narration dans le discours politique révolutionnaire et tous les problèmes liés : continuité historique et importance de l'héritage, point de vue de l'écriture de l'histoire, etc. Lukács partage ce questionnement avec les théoriciens du réalisme socialiste, alors en voie de formalisation (et de stérilisation), mais il leur confère une dimension théorique qui sera plus tard réinvestie, en premier lieu dans l'Esthétique, et lui permettra de préciser le statut du marxisme au sein des sciences sociales.
      This paper considers the evolution of Lukács' ideas during the 1930s, analysing why the concept of narration becomes central in his writings. The main explanation is political: after the October revolution and the early history of the USSR, Marxists had to draw up general guidelines for a socialist account of the events and were faced to many questions: how to write the history of a revolutionary shift? How to deal with cultural and social legacy? How to come up with historically realistic plans for the future?… Lukács discusses these problems with the artists and philosophers who, in the USSR, are shaping (and dogmatically setting) the framework of a « socialist realism ». But the theoretical richness of Lukács conceptions allows for more general questions to be raised, in particular the question of the meaning of Marxism in social sciences.
    • La Révolution française dans l'œuvre de Lukács - Stéphanie Roza p. 44-59 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte sur les enjeux de l'émergence de la Révolution française comme moment de rupture fondatrice dans l'œuvre du second Lukács, à partir des années 1930. Ce prisme permet de reconsidérer ce qui est généralement présenté comme le tournant stalinien de l'auteur. Lukács voit dans les prises de position à l'égard de la Révolution française le révélateur de lignes de fracture philosophiques, esthétiques et idéologiques majeures du monde moderne. Sur cette base, il élabore une lecture marxiste hétérodoxe du champ intellectuel comme lieu d'affrontement entre irrationalisme et rationalisme, romantisme et réalisme. Cette réinterprétation n'est pas sans conséquences politiques : elle justifie une ligne qu'on peut qualifier de marxiste humaniste, qui implique une critique des travers du stalinisme.
      This article deals with the stakes of the emergence of the French Revolution as a moment of founding rupture in the work of the second Lukács, from the 1930s onwards. This prism makes it possible to reconsider what is generally presented as the author's Stalinist turning point. Lukács sees in the positions taken towards the French Revolution the revelation of major philosophical, aesthetic and ideological fault lines in the modern world. On this basis, he elaborates a heterodox Marxist reading of the intellectual field as a place of confrontation between irrationalism and rationalism, romanticism and realism. This reinterpretation is not without political consequences: it justifies a line that could be called humanist Marxist, which implies a critique of the shortcomings of Stalinism.
    • La démocratie, le fascisme et la question de la société socialiste dans les écrits politiques de Lukács (1945-1950) - Ádám Takács p. 60-74 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte sur la question des conditions historiques et sociales de la démocratie, objet de réflexion permanent dans les écrits politiques de Lukács, et singulièrement entre 1945 et 1951, quand il s'engage dans les débats, en Hongrie et à l'échelle européenne, sur la situation politique de l'après-guerre. C'est aussi sous cet angle que Lukács développe ses idées en faveur d'une nouvelle forme de démocratie sociale. On reconstitue ici les arguments historiques et théoriques de Lukács contre la démocratie représentative libérale et et l'on présente la conception inédite de la démocratie socialiste qu'il défend. Mais on analyse aussi l'évaluation lukácsienne du fascisme et son rôle fondamental dans le discrédit de la « réalité politique » de la démocratie traditionnelle.
      This article focuses on the question of the historical and social conditions of democracy, which is an object of permanent reflection in the political writings of Lukács, and particularly between 1945 and 1951, when he engages in the debates, in Hungary and at European level, on the political situation of the post-war period. It is also from this perspective that Lukács develops his ideas for a new form of social democracy. Here we reconstruct the historical and theoretical arguments of Lukács against liberal representative democracy, and the new conception he defends of socialist democracy. We also examine Lukács' assessment of fascism and its fundamental role in discrediting the « political reality » of traditional democracy.
    • Peut-on défendre une ontologie sociale réaliste ? Le réalisme de Georg Lukács au prisme du constructivisme searlien - Juliette Farjat p. 75-89 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse la position réaliste de Lukács en ontologie sociale, à partir d'une comparaison avec la perspective ontologique de John Searle. Relevant de traditions théoriques que tout oppose, ces deux ontologies se rejoignent sur trois points : elles se proposent d'appréhender le social d'un point de vue ontologique ; l'enquête ontologique elle-même est conçue par les deux auteurs comme une enquête de type génétique ; et chacune de ces approches octroie une place décisive au langage dans la définition de la réalité sociale. Ce dernier point détermine la différence entre le constructivisme de Searle et le réalisme de Lukács. Pour l'un, la réalité sociale suppose le langage, pour le second le langage suppose la réalité sociale, et plus précisément le travail. On évalue chacune de ces positions au regard de l'autre, pour faire apparaître les difficultés que peuvent faire émerger les approches génétiques du social.
      This article analyzes Lukács' realistic position in social ontology, in comparison to John Searle's ontological perspective. These two ontologies are based on theoretical traditions that everything opposes, and yet they agree on three points: they propose to understand the social from an ontological point of view; the ontological investigation is conceived by both authors as a genetic type of investigation; and each of these approaches grants a decisive place to language in the definition of social reality. This last point determines the difference between Searle's constructivism and the realism of Lukács. For the former, social reality presupposes language, while for the latter language presupposes social reality, and more precisely work. Each of these positions is evaluated with respect to the other, in order to reveal the difficulties that genetic approaches to the social can bring to light.
    • Travail sans société ? Les limites de l'interprétation ontologique du concept de travail chez Lukács - Daria Saburova p. 90-105 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article cherche à situer le concept ontologique de travail que l'on trouve dans l'œuvre tardive de Lukács par rapport à d'autres interprétations de ce concept dans la tradition marxiste. En s'appuyant principalement sur l'Ontologie de l'être social, l'article pose d'abord la question des difficultés épistémologiques de ce concept, avant d'en venir aux liens qu'il entretient avec l'idée de la centralité sociopolitique du travail. Peut-on tirer des conséquences directement politiques de l'ontologie du travail ? Les différentes versions de celle-ci dans le marxisme sont-elles orientées par le besoin de fonder ontologiquement un projet politique ancré dans le travail ?
      This article attempts to locate the ontological concept of work found in Lukács' late writings among other interpretations of this concept in the Marxist tradition. Focusing mainly on the Ontology of Social Being, it first raises the question of the epistemological difficulties of this concept, and then turn to its relations with the idea of the socio-political centrality of work. Can direct political consequences be drawn from the ontology of work? Are the different versions of the ontology of work in Marxism shaped by the requirement of an ontological foundation the political project rooted in the workplace?
    • Du constructivisme au naturalisme ontologique. L'itinéraire intellectuel de Lukács à la lumière des questionnements écologiques contemporains - Timothée Haug p. 106-118 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article relit l'itinéraire conduisant Lukács d'un constructivisme fort à un naturalisme plus prononcé à la lumière des débats écologiques contemporains polarisés par l'opposition entre naturalisme et antinaturalisme. La critique de la naturalisation des phénomènes sociaux conduit dans Histoire et conscience de classe à disqualifier tout concept de nature ; ce constructivisme fort empêche la première philosophie de la praxis de problématiser les rapports écologiques entre nature et société. À l'inverse, Ontologie de l'être social interroge le conditionnement naturel de la praxis humaine. Si le dernier Lukács souligne la contradiction possible entre les finalités de l'agir humain et la toile causale naturelle où il s'inscrit, sa conception optimiste de l'histoire évacue en même temps l'éventualité d'une crise écologique du capitalisme.
      This article attemps to read anew the intellectual itinerary leading Lukács from a strong constructivism to a revisited naturalism, in the light of contemporary ecological debates polarized by the opposition between naturalism and antinaturalism. In History and Class Consciousness, the critic of the naturalization of socio-historical reality leads to a disqualification of the very concept of nature: a strong constructivism prevents the philosophy of praxis from questioning the ecological relations between nature and society. In contrast, Ontology of Social Being aims at grasping the natural conditions of human praxis. Although the late Lukács points at the possible contradiction between the telos of human action and the causal nexus in which it unfolds, his optimistic vision of history denies at the same time the emergence of an ecological crisis of capitalism.
  • Documents

  • En débat

    • « Cette continuité souterraine ne sera jamais brisée ». Retours sur l'histoire de l'URSS et la nature actuelle de la Russie - Jean-Jacques Marie, Jean-Numa Ducange p. 137-148 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet entretien revient sur l'histoire des oppositions de gauche en URSS (notamment trotskystes, mais pas uniquement) et sur l'évolution actuelle de la Russie post-soviétique. Il critique les approches considérant l'URSS comme un « capitalisme d'État » et analyse les transformations à l'œuvre de la Russie contemporaine, notamment en terme de rapports de propriété. La nomenklatura joue un rôle contradictoire, tenant à conserver le contrôle de l'État tout en impulsant une vague de privatisations sous pression internationale.
      This interview looks back at the history of left-wing oppositions in the USSR (notably Trotskyists, but not only) and the current evolution of post-Soviet Russia. It criticizes approaches that consider the USSR as « State capitalism » and analyses the transformations at work in contemporary Russia, particularly in terms of property relations. The nomenklatura plays a contradictory role, insisting on maintaining state control while at the same time driving a wave of privatisations under international pressure.
  • Interventions

    • De la flânerie. Un improbable dialogue entre F.W. Taylor et W. Benjamin - Baptiste Rappin p. 149-168 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La flânerie offre un pont qui relie les rives de la gestion et de la philosophie. Cet article clarifie d'abord le sens de la flânerie chez Taylor, sa distinction entre flâneries naturelle et systématique, et l'attention spécifique porté par Taylor à cette dernière, collective, organisée et sournoise, donc plus difficilement rationalisable. Il confronte ensuite Taylor aux réflexions de Benjamin s'attachant aux métamorphoses du flâneur dans le Paris du xixe siècle, pour interroger enfin l'ambiguïté de la flânerie et son potentiel révolutionnaire : pour Taylor, la maîtrise du désir devient l'objet même du management ; pour Benjamin, la flânerie apparaît comme l'une des dernières possibilités de voir éclater l'espace-temps homogène de la Fin de l'Histoire. Le management contemporain clôt cette tension en intégrant les actions et les pensées des travailleurs dans de multiples boucles de rétroaction.
      « Soldiering » offers a bridge between the two sides of management and philosophy. This article first clarifies Taylor's understanding of soldiering, his distinction between laziness and soldiering, and his specific attention to the latter, which is collective, organized and sly, and then more difficulty inclined to be rationalized. Then we confront Taylor with Benjamin's thought on the transformation of the stroller in the Paris of the 19th century, and finally we question the ambiguity of soldiering and its revolutionary potential: for Taylor, the control of desire becomes the very essence of management; for Benjamin, soldering appears to be one of the last possibilities to smash the homogenous space-time of the end of history. Contemporary management gives an end to this tension as it captures the workers' actions and thoughts into multiple feedback loops.
    • Mariátegui, marxiste décolonial - Deni Alfaro Rubbo, Marcos Camolezi p. 169-184 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article présente chez José Carlos Mariátegui la construction d'une critique dialectique de la modernité depuis la périphérie de l'Occident, contribuant ainsi à une histoire intellectuelle marxiste décoloniale. Inséré dans l'horizon intellectuel et épistémique de son temps, Mariátegui a produit un récit critique du système capitaliste périphérique, mettant en débat à la fois sa face moderne et sa face coloniale, destructrice et violente. Nous soutenons que l'essayiste péruvien s'est éloigné à la fois de la vision centrée sur l'Ouest, caractérisée par le marxisme orthodoxe, et des interprétations selon lesquelles les lieux périphériques seraient des espaces pratiquement extérieurs à la modernité occidentale.
      This paper presents how José Carlos Mariátegui constructed a dialectical critique of modernity from the periphery of the West, contributing to a decolonial Marxist intellectual history. Inserted in the intellectual and epistemic horizon of his time, the thinker produced a critical account of the peripheral capitalist system, debating both its modern side and its colonial, destructive and violent side. We also argue that the Peruvian essayist departed both from the western-centric view characterized by orthodox Marxism, and from the interpretations according to which peripheral places would be practically external to Western modernity.
    • Penser le capitalisme global : multiplication du travail, opérations du capital et contre-pouvoirs - Davide Gallo Lassere p. 185-203 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à contribuer à l'élaboration d'une théorie critique du capitalisme global. Il s'appuie pour ce faire, d'une part, sur une relecture serrée des deux ouvrages cosignés par Sandro Mezzadra et Brett Neilson, La Frontière comme méthode (2013) et The Politics of Operations (2019). Il esquisse d'autre part un diagnostic historique de la séquence enclenchée par la crise de 2008. L'article se développe en trois temps, l'un sur le « multivers capitaliste », où sont considérées les dimensions spatio-temporelles de la dynamique capitaliste, le second de critique de la violence politique nécessaire à la reproduction élargie du capital, le troisième ouvrant sur des problèmes de stratégie politique sous le prisme d'une reproblématisation actualisée des « soviets » et du « double pouvoir ».
      The aim of this paper is to contribute to the development of a critical theory of global capitalism. To accomplish such a task, it relies on a double test bed. On the one hand, it sets up a close confrontation with the two books co-authored by Sandro Mezzadra and Brett Neilson, The Border as method (2013) and The Politics of operations (2019). On the other hand, it sketches a historical diagnosis of the sequence triggered by the 2008 crisis. In this respect, the article develops in three sections: the first one considers the spatio-temporal dimensions of the « capitalist Multivers »; the second one involves a critic of the political violence necessary for the expanded reproduction of capital is criticized; the third one deals with strategical issues in the perspective of a new problematization of soviet form and « dual power ».
  • Livres

    • Livres - Jean Quétier p. 204-207 accès réservé