Contenu du sommaire : Les débuts du Hirak en Algérie

Revue Maghreb-Machrek Mir@bel
Numéro no 245, 2020/3
Titre du numéro Les débuts du Hirak en Algérie
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  • Le football au cœur de la contestation - Akram Belkaïd p. 5-11 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    En Algérie, le football a toujours eu une influence allant au-delà de la simple sphère sportive. Dans les tribunes des stades, il a permis aux supporters d'être les porte-voix de la revendication nationaliste durant la période coloniale puis les relais de l'opposition au régime du parti-unique après l'indépendance. En 2019, le Hirak, ce mouvement populaire de protestation pacifique contre le régime, a bénéficié de la créativité musicale et de la cohésion des groupes d'« ultras » des grands clubs habitués à se confronter aux forces de l'ordre. Les chants et slogans entonnés dans les stades dès le milieu des années 2010 étaient d'ailleurs annonciateurs du Hirak.
    In Algeria, football has always had an influence that goes beyond sport. In stadium stands, he allowed supporters to voice the nationalist demands during the colonial period and then relay the opposition to the one-party regime after independence. In 2019, the Hirak, this popular movement of peaceful protest against the regime, benefited from the musical creativity and the cohesion of groups of « ultras » from the big clubs used to confronting the police. The songs and slogans sung in the stadiums from the mid-2010s were also heralds of the Hirak.
  • Une si longue absence : notes sur la politicité de la rue en Algérie - Ratiba Hadj-Moussa, Islam Amine Derradji p. 13-32 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La rue a longtemps été interdite aux Algériens. Lorsqu'elle est mentionnée, elle renvoie le plus souvent à des groupes en colère, diffus et incontrôlables exigeant du régime qu'il réponde à leurs revendications. Mais cette rue se caractérise aussi et plus profondément par un silence assourdissant. En effet, précédant le hirak, le mouvement de protestation populaire, Alger, à l'instar de la majorité des centres urbains, est devenue le fantôme d'elle-même.Cet article retrace les interdits touchant au droit à l'expression associative et citoyenne en problématisant la conception du politique sous-jacente à l'appréhension de la « rue algérienne ». Dans un premier temps, nous faisons la critique de la conception constitutionnaliste du politique dont les limites sont aujourd'hui patentes. Nous analysons les rapports entre les gouvernants et les gouvernés en prenant en compte la déliaison qui existe entre les régimes politiques successifs et la « population ». Cette déliaison, souvent pensée du point de vue de l'État, a renforcé l'idée de la dépolitisation de la société. Mais à trop s'attarder sur l'État et ses formes de prédations, les points de ruptures inscrits dans la société ou activés par elle ont été négligés, comme l'ont été la temporalité et les effets de ces ruptures. Nous revenons dans un deuxième temps sur la rue « périphérique », pour montrer les points d'appui qui ont aidé à « régionaliser » la rue et qui ont, de façon inattendue, facilité la diffusion de l'idée de « rue politique ». Enfin, nous nous arrêtons aux significations prises par la politicité de la rue dans le hirak et ses différentes manifestations de la citoyenneté.
    The street has long been forbidden to Algerians. When mentioned, it most often refers to angry, diffuse and uncontrollable groups demanding that the regime responds to their demands. However, this street is also and more deeply characterized by a deafening silence. Indeed, preceding the Hirak, the popular protest movement, Algiers, like most urban centers, has become a ghost of itself.This article retraces the restrictions placed upon associative life and “ordinary” citizens' right of expression, and problematizes the conception of the political that underlies the understanding of the “Algerian street.” We begin by examining the constitutionalist conception of the political, whose limits are blatant today. Firstly, this involves an analysis of the relationships between the rulers and the governed that take into account the ruptures between the successive Algerian political regimes and the “population.” Apprehended from a point of view that privileges the state, this disjunction has reinforced the idea that society has been depoliticized. Dwelling too much on the state and its forms of predation, change within society or activated by it are neglected, as are temporality and the effects of these changes. Secondly, our argument considers the “peripheral” street in order to describe the bases on which the street has become “regionalized”, and that led unexpectedly to the spread of the idea of the “political street”. Finally, we explore the meaning of the street politicity of the Hirak and its various expressions of citizenship.
  • La recherche et l'écriture de l'histoire en Algérie : réalité et enjeux politiques et mémoriels - Amar Mohand-Amer p. 33-42 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Il s'agit dans cette contribution de porter l'attention sur le statut de l'historien et de l'histoire dans une Algérie post-indépendance tiraillée entre la force symbolique et politique du passé immédiat (celui Guerre de libération nationale) et l'émergence de nouveaux acteurs mémoriels. Cette articulation est analysée à l'aune de la narration officielle de l'histoire (le roman national), des tentatives de fragmentation du roman national (la « tragédie nationale » des années 1990), et enfin, de l'émergence du mouvement citoyen du 22 février 2019 (le Hirak).
    This contribution focuses on the status of historians and history in post-Independence Algeria, a country torn between the symbolic and political pull of the past of the War of Liberation (1954-1962) and the emergence of new stakeholders of memory. I analyze this configuration by considering the official narrative of history, as well as attempts at fragmenting the national narrative by integrating the « national tragedy » of the 1990s, and the emergence of the citizen's movement that began on February 22, 2019 (the Hirak).
  • Imaginaires politiques et paroles contestataires : « Brûleurs » de frontières dans les slogans et les chants du `ibhirak`/ib en Algérie - Farida Souiah p. 43-56 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    À partir de l'analyse des chants et des slogans protestataires, cet article explore la place de l'émigration dans les imaginaire politiques des Algériens à partir d'un phénomène migratoire spécifique. Les harraga, littéralement « les brûleurs », sont ceux qui tentent de quitter leur pays sans passeport ni visa, au péril de leur vie. On les nomme ainsi car ils « brûlent » les frontières ainsi que les étapes nécessaires à un départ qui respecterait les contraintes imposées par les États. Aussi, au sens figuré, ils « brûlent » leurs papiers, pour échapper à l'identification et donc à l'expulsion. Comment et pourquoi sont-ils évoqués lors de ces mobilisations ? Comment la charge protestataire de ces figures de l'émigration s'est-elle construite, a-t-elle évolué et pris de nouvelles résonances ?
    Drawing on slogans and songs of the Hirak in Algeria this article explores the place of emigration, more specifically harragas in Algerias political imaginaries. Harragas, literally “those who burn” the borders; in the Maghrebi dialects, this is notably how people leaving without documentation are referred to. It reflects the fact that they do not respect the mandatory steps for legal departure. Also, they figuratively “burn” their papers to avoid deportation once in Europe. How and why are harragas evoked in the framework of the Hirak? How did they become symbolic figures of Dissent in Algeria? How did the social and political significance of this migratory phenomenon come to be, to evolve, and to gain a new echo?
  • Penser pour demain, penser la Silmiya (le pacifisme) en Algérie. Vue des marches - Fatma Oussedik p. 57-74 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Fatma Oussedik propose ici ses réflexions à la fois de sociologue et de participante aux marches du Hirak à un moment précis de son histoire, dix mois après le début du mouvement. En retraçant les différents slogans qui ont émergé et se sont parfois affrontés, elle restitue ses réflexions à mesure du développement des premiers mois du mouvement populaire.
    In this article, Fatma Oussedik offers her considerations both as a sociologist and as a participant in the demonstrations of the Hirak at a specific time in its history, ten months after its beginning in February 2019. By identifying and analyzing the different slogans that were sung and sometimes competed, she renders her thoughts as the movement developed in the first months of the popular movement.
  • « Ats ruhem », le mouvement démocratique en Petite Kabylie entre appropriation locale et affirmation nationale - Salim Chena p. 75-91 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    À partir d'observations des marches dans la ville de Bejaïa, à l'été 2019 et au début 2020, et d'entretiens avec des citoyen.ne.s, militant.e.s et universitaires, cet article entend illustrer l'interaction entre le local et le national dans le mouvement démocratique et citoyen entamé en février 2019. Démarré par la marche de Kherrata du 16 février, le hirak algérien exprime des revendications démocratiques et pluralistes qui trouvent une résonance particulière en Kabylie – région traditionnellement vue comme contestataire. Ce travail met en œuvre une ethnographie des manifestations, associée à une étude de la mobilisation et de la perception de la mobilisation dans la wilaya de Bejaïa, pour faire ressortir les continuités historiques des discours et des pratiques, et montrer en quoi les dynamiques propres à la basse Kabylie s'intègrent dans la dimension nationale du mouvement, et inversement. Cela permet de démontrer que le hirak de 2019 constitue une refondation de la nation comme corps et acteur politique, et offre un pacte sociopolitique alternatif à celui qui a dominé depuis l'indépendance.
    From observations of marches in Bejaïa, made in the summer 2019 and early 2020, coupled with interviews with citizens, militants and academics, this article seeks to illustrate the interaction between the local and the national in the democratic uprising that started in February 2019. Initiated by a massive demonstration in Kherrata on February, 16th, the Algerian hirak expresses democratic and pluralist demands that find a particular meaning in Kabylia – a region deemed to be more prone to contestation. This work uses an ethnography of the demonstrations, a study of the mobilisation and the perception of the mobilisation in the Bejaïa wilaya, in order to highlight the historical continuities of discourses and practices, and to show how local dynamics are intertwined with national ones, and vice versa. This helps demonstrate how the 2019 hirak constitutes a rebirth of the nation as a political body and actor, and proposes an alternative sociopolitical pact that constrasts from the one inherited from the independence.