Contenu du sommaire : Sales boulots
Revue | Travail, genres et société |
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Numéro | no 43, 2020 |
Titre du numéro | Sales boulots |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Parcours
- Mirabelle, "trouble-genre chez Madame Arthur" - Tania Angeloff p. 7-23
Dossier : Sales boulots
- Sales boulots - Pauline Seiller, Rachel Silvera p. 25-30
- Masculinité des chiffonniers et disqualification des chiffonnières à Paris (1830-1880) - Caroline Ibos p. 31-49 Observer la situation des hommes socialement dévalorisés permet d'interroger différemment la domination masculine, ou masculinité comprise non comme substantielle mais comme politique, à savoir comme un ordre de domination qui, distinguant les hommes des femmes, confère aux premiers une supériorité socialement légitimée. Fondée sur des sources littéraires et iconographiques hétérogènes, cette étude de la construction des chiffonniers au XIXe siècle, groupe particulièrement stigmatisé, montre que la masculinité qui leur est reconnue par les élites culturelles s'inscrit dans un double rapport de pouvoir : un rapport de classe qui les assigne à des formes dégradées de masculinité et un rapport de genre qui les intègre à une commune humanité dont les chiffonnières sont implicitement exclues. Ces dernières subissent à la fois le mépris des hommes instruits et la tutelle des chiffonniers autorisés à exploiter leurs corps et chargés de les soumettre à leur loi domestique.Observing the situation of socially devalued men sheds a different light on male domination. Masculinity is understood not as substantial, but as political, as a domination order that, by distinguishing males from females, grants the former a socially legitimate superiority. Based on heterogenous literary and iconographic sources, this study of the construction of scavengers in the 19th century, a particularly stigmatized group, shows that the masculinity they are granted by the cultural elite stems from a double power relation: a class relation that assigns them degraded forms of masculinity and a gender relation that integrates them to a common humanity, from which female scavengers are implicitely excluded. These women must both bear educated men's despise and male scavengers' domination, the latter having the right to exploit their bodies and being expected to submit them to their domestic law.
- Se dépenser et se préserver. Éboueurs et balayeurs du secteur public - Hugo Bret p. 51-66 La virilité occupe traditionnellement une place centrale dans la composition de l'identité masculine, dans les styles de vie comme dans le rapport au travail chez les ouvriers. Chez les éboueurs et les balayeurs, les valeurs viriles (courage, force physique, endurance, résistance à la douleur, etc.) continuent de fonder la culture professionnelle et les manières de faire face au « sale boulot ». Mais elles sont aussi complétées voire concurrencées par une disposition professionnelle à préserver le corps et la santé, nécessaire pour tenir le poste. La nature de l'activité et les évolutions du secteur (modernisation, « médicalisation », recomposition sociale du groupe) ainsi que la trajectoire et les propriétés sociales des enquêtés éclairent la recomposition des masculinités et des écarts aux normes viriles au sein du groupe.Virility traditionally plays a central role in the construction of male identity in lifestyles and working experience of workers. Among garbage collectors and sweepers, virile values (courage, physical strength, endurance, resistance to pain, etc.) remain the foundation of professional culture and ways to deal with “dirty jobs”. But they also are complemented by, or even replaced by, a professional disposition to protect the body and one's health, which is necessary to keep the job. The nature of the activity and the evolutions in the field (modernization, medicalization, social composition) as well as the trajectory and social characteristics of the respondants shed light on the new composition of masculinities and deviation from virile standards within the group.
- Le tri des déchets ménagers. Inégalités de genre et santé au travail - Leïla Boudra p. 67-83 Le secteur de la gestion et du tri des déchets est souvent cité en exemple comme l'un des champs du « sale boulot » défini par Hughes, tant du point de vue des conditions de travail, de la division sociale et sexuée du travail produite en conséquence, et des dimensions subjectives engagées dans l'activité. Dans cet article, nous proposons une lecture des résultats d'une recherche en ergonomie dans des centres de tri des déchets ménagers en France, au prisme des notions de sale boulot et de genre. En étudiant les conditions de ce travail industriel réalisé à la chaîne par des équipes mixtes, nous montrons les divisions sexuées, sociales et spatiales en lien avec la répartition des tâches et des postes sur la chaîne de tri. Ces résultats réinterrogent les pénibilités au travail et supposent d'en différencier les effets selon le genre. Ils offrent une grille de lecture pour interroger la mise à l'épreuve du sensible dans l'activité et ses effets comme la valorisation sociale de l'activité par la finalité verte.The field of waste sorting is often quoted as an example of the field of “dirty jobs” defined by Hughes, be it from the perspective of working conditions, that of social and gendered work division or that of subjective dimensions that are mobilized in that activity. In this article, we offer an interpretation of the results of an ergonomic study in French household waste sorting centers from the perspective of such notions as dirty jobs and gender. By studying the working conditions of this industrial, assembly line work performed by joint teams, we show the gendered, social and spatial divisions linked to the distribution of tasks and positions on the sort chain. These results question hard work and its impact according to gender. They offer a playback grid to grasp how sensitivity is tested in that activity, as well as its impacts, such as social recovery thanks to its green purpose.
- Se salir les mains pour les autres. Métiers de femme et division morale du travail - Christelle Avril, Irene Ramos Vacca p. 85-102 Qu'est-ce qu'un « métier de femme » ? Cet article permet d'enrichir la réponse féministe à cette question à partir d'un angle négligé de l'approche du sale boulot d'Everett Hughes, celui concernant les rôles dans la division morale du travail. À partir de trois enquêtes, l'une sur les aides à domicile, la deuxième sur les aides-soignantes et infirmières en pédiatrie et la troisième sur les secrétaires hospitalières, il montre qu'un « métier de femme » se définit moins par la licence spécifique de faire certaines tâches que par le fait de faire ce qu'il reste à faire. Si les femmes peuvent vivre cette délégation positivement lorsqu'il s'agit d'endosser de « bons rôles », cela est moins vrai lorsqu'elles doivent se salir les mains pour les autres. Elles assument en effet de « mauvais rôles » en déchargeant les catégories supérieures des tâches peu morales et voire immorales. Cet article contribue à saisir les liens entre division sexuelle des rôles et construction des positions de pouvoir et de prestige.What is a “woman's job”? This article enriches the feminist answer to that question from a perspective of Everett Hughes's dirty jobs that has been neglected, id est roles in moral division of work. On the basis of three studies, the first one on home helps, the second on pediatric nursing assistants and nurses, the third on hospital secretaries, he shows that a “woman's job” is less defined by what it entitles one to do than by the fact that one does what is left to do. If women can positively experience this delegation when they are asked to assume “good roles”, it becomes more difficult when they have to dirty their hands instead of others. Indeed, they endrose the “bad roles” by unloading uper categories from less moral, or immoral, tasks. This article contributes to grasp the link between gendered role division and construction of power and prestige positions.
Mutations
- Quand la performance du corps reproducteur devient un travail : La gestation pour autrui en Inde - Virginie Rozée p. 103-123 L'approche de la gestation pour autrui (gpa) en Inde comme travail permet d'appréhender la complexité de cette réalité. Si, depuis une perspective féministe, la reproduction est considérée comme un travail, en Inde, la gpa est concrètement organisée comme tel. Les gestatrices elles-mêmes se représentent la gestation pour autrui comme une activité salariale alternative, présentant selon elles de bien meilleures conditions que leurs précédents emplois. Mais ce travail révèle des hiérarchies et des dominations et comporte parfois des risques sociaux et de santé pour les travailleuses, liés notamment à l'optimisation de la performance de leur corps reproducteur. Si ces hiérarchies et dominations sont à mettre en regard avec les rapports sociaux de genre en Inde, l'approche de la gpa comme un travail permet d'avoir un regard beaucoup plus critique de la condition des travailleuses de la reproduction dans le pays. Certaines organisations de femmes l'ont compris : au lieu de lutter contre la pratique en soi, elles se sont mobilisées pour améliorer les conditions de travail des gestatrices. Cette mobilisation semble pour autant dépassée aujourd'hui avec le nouveau projet de loi qui vise une gestation pour autrui locale et altruiste.Considering gestation for others as a job in India leads to grasping the complexity of this reality. If, from a feminist perspective, reproduction is considered to be a job, in India, gestation for others is concretely organized as such. Gestators themselves consider gestation for others as an alternative salaried activity, one that offers much better conditions than their previous jobs. But this work reveals hierarchies and dominations and comprises social and health hazards for the workers, especially because of the performance optimization of their reproductive bodies. If these hierarchies and dominations must be related to gendered social relations in India, considering gestation for others as a job enables a much more critical view on the condition of reproductive workers in the country. Some female organizations understood this: instead of fighting the practice per se, they worked on improving the working conditions of the gestators. However, this mobilization seems out of date, now that a new bill aims at a local and altruistic gestation.
- Des carrières sous le plafond de verre : Les femmes architectes en Lettonie soviétique - Eric Le Bourhis p. 125-143 La Lettonie se distingue par la rapidité et l'ampleur de la féminisation de la profession d'architecte au cours du XXe siècle, aussi bien en Europe qu'au sein de l'Union soviétique qui l'a annexée au cours de la Seconde Guerre mondiale. Cet article se penche sur les facteurs et les limites de la féminisation de ce petit groupe professionnel après 1945. Il interroge les ressorts soviétiques et locaux de la féminisation de cette profession et les transformations internationales du métier pour mettre en valeur les décalages entre la formation et l'embauche, favorables aux femmes, et un monde du travail régi jusque dans les années 1980 par des mécanismes d'exclusion sexiste tout aussi puissants. Ces mécanismes sont interprétés comme des arrangements aux termes desquels la progression des femmes dans la profession sert à absorber les contraintes imposées au métier.Latvia stands out by the speed and scope at which the profession of architect feminized over the 20th century, whether in Europe or in the Soviet Union, which annexed Latvia during the Second World War. This article focuses on the factors and limits of feminization of this little professional group after 1945. It questions the Soviet and local mechanisms of feminization of this profession and the international transformations of this trade so as to show the discrepancy between, on the one had, training and recruitment, favorable to women, and on the other hand a professional world governed by just as powerful sexist exclusion mechanisms until de 1980s. These mechanisms are interpreted as arrangements after which women's progression in the profession is used to absorb the constraints inherent to the trade.
- Quand la performance du corps reproducteur devient un travail : La gestation pour autrui en Inde - Virginie Rozée p. 103-123
Controverse : Féminicide
- Féminicide : une qualification nécessaire… et suffisante ? - Marlaine Cacouault-Bitaud, Maryse Jaspard p. 145-147
- Le féminicide, est-ce si nouveau ? - Lydie Bodiou, Frédéric Chauvaud p. 149-153
- Fémicide/féminicide. Les enjeux politiques d'une catégorie juridique et militante - Marylène Lapalus, Mariana R. Mora p. 155-160
- Condamner le féminicide sans le nommer - Catherine Marie p. 161-165
- Quels mots pour penser et combattre les féminicides ? - Diane Roman p. 167-171
- Est-ce qu'une loi pourra mettre fin aux féminicides au Mexique ? - Fernanda Núñez p. 173-178
Critiques
- Marie Buscatto, Mary Leontsini et Delphine Naudier (dir.), "Du genre dans la critique d'art/Gender in Art Criticism" : Paris, Éditions des archives contemporaines, 2017, 210 p. - Catherine Rudent p. 179-182
- Ester Gallo et Francesca Scrinzi, "Migration, Masculinities and Reproductive Labour: Men of the Home" : London, Palgrave Macmillan, 2016, 311 p. - Vulca Fidolini p. 183-186
- Frédérique Toudoire-Surlapierre, Alessandra Ballotti et Inkar Kuramayeva (dir.), "Apprenties Sages. Apprentissages au féminin" : Reims, épure – Éditions et Presses Universitaires de Reims, 2018, 473 p. - Arianna Capirossi p. 187-190
- Irène Théry, "Mariage et filiation pour tous. Une métamorphose inachevée" : Paris, Le Seuil, coll. « La République des idées », 2016, 122 p. - Marc Pichard p. 191-194
- Marie Duru-Bellat, "La tyrannie du genre" : Paris, 2017, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 305 p. - Catherine Louveau p. 195-197
- Marius Kamala, "Les Inégalités de genre en Inde. Regard au prisme des études postcoloniales" : 2016, Paris, Karthala, 300 p. - Anne Castaing p. 198-201
- Anne Revillard, "La cause des femmes dans l'État. Une comparaison France-Québec" : Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, coll. « Libres cours politique », 2016, 265 p. - Sandrine Dauphin p. 202-205
- Camille Robcis, "La loi de la parenté. La famille, les experts et la République" : Paris, Éditions Fahrenheit, 2016 [2013], 340 p. - Julie Landour p. 206-208
- Véronique Blanchard et David Niget, "Mauvaises filles. Incorrigibles et rebelles" : Paris, 2016, Éditions Textuel, 192 p. - Stéphanie Rubi p. 209-212
- Delphine Gardey et Marilène Vuille (dir.), "Les sciences du désir. La sexualité féminine, de la psychanalyse aux neurosciences" : Lormont, Éditions Le Bord de l'eau, Coll. « Objets d'histoire », 2018, 283 p. - Nicole Mosconi p. 213-216