Contenu du sommaire : L'urbanité
Revue | Humanisme |
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Numéro | no 306, février 2015 |
Titre du numéro | L'urbanité |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Indivisible, laïque, démocratique et sociale - Samuël Tomei p. 4-6
Vitriol
- Vous avez dit : « pédagogie » ? - Dania Tchalik p. 8-12 En bon français, l'adjectif pédagogique se rapporte au substantif enseignement : le sens commun désigne donc par pédagogie l'acte de transmettre des savoirs reformulés, hiérarchisés et ordonnés dans le temps. La pédagogie se décline alors en autant de versants disciplinaires, qu'ils soient techniques, scientifiques, littéraires ou artistiques. Dans ce processus d'humanisation, seule l'expérience de l'erreur permet d'éprouver la validité des contenus transmis, le tout pour s'approprier, comprendre les savoirs plutôt que de se contenter de les reproduire. Mais à travers cette saisie du savoir critique, le maître, magister et en aucun cas dominus, accueille celui qui est appelé à s'élever dans le cénacle des hommes libres. Car dans une République démocratique et sociale, on ne saurait faire l'économie de l'instruction publique et manquer d'instituer le citoyen, de sorte que celui-ci puisse à son tour exercer un jugement éclairé, faire évoluer si nécessaire les connaissances qu'il a reçues et œuvrer à la transformation de l'ordre social. Reste à savoir si cette acception de la pédagogie est bien celle admise dans les milieux autorisés (les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), ex-Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ), les ministères concernés (de l'éducation nationale à la culture) ou les mass media.
- Vous avez dit : « pédagogie » ? - Dania Tchalik p. 8-12
Société
- " I can't breathe " - Léo Romand-Monnier p. 14-17 « I can't breathe I can't breathe,… » : neuf fois prononcés, jamais écoutés ; tels seront donc les derniers mots d'Eric Garner, cet Américain de quarante-quatre ans, mort à la suite de la très brutale interpellation dont il a fait l'objet le 17 juillet 2014, soupçonné de vendre des cigarettes à l'unité et sans autorisation. La scène, filmée par l'un des amis de la victime, peut être écoutée, réécoutée, les images sont là, insupportables de violence. On y voit un homme mourir, on y voit une société s'asphyxier. Pourtant, trois mois plus tard, un grand jury décidera de ne pas engager de poursuites pénales contre le policier, bien qu'il se soit livré à un étranglement interdit par la police américaine en raison de sa dangerosité.
- " I can't breathe " - Léo Romand-Monnier p. 14-17
Dossier. L'urbanité
- Présentation : les paradoxes de l'urbain - Catherine Kintzler p. 20-23
- « L'égalité de destin urbain est le 4ème pilier de la République » - Roland Castro, Thomas Hantz p. 24-29 On n'interroge pas Roland Castro. On chemine avec lui, d'anecdotes en rebondissements, porté par un enthousiasme que le nombre des années n'entame pas, pas plus qu'il ne tempère les colères et les passions du plus politique des architectes. Évoquer le seul mot d'urbanité éveille son regard, anime sa gouaille professorale et paternelle. Il parle alors, sensible et même poète, emporté parfois mais qu'importe, on fait le chemin ensemble.
- Diderot : une philosophie matérialiste de l'urbanité - Charles Coutel p. 30-36
- « Paris capitale du XIXème siècle » : Walter Benjamin et la ville - Anne Boissière p. 37-41 La ville, chez Walter Benjamin, est inséparable d'une pensée de la modernité qui a ceci de particulier qu'elle s'organise autour d'une saisie de l'expérience humaine en sa totalité. Il ne s'agit pas seulement de décrire la ville ou les modes de vie urbains, mais d'appréhender les mutations d'une époque. C'est le XIXe siècle, celui de l'industrie et du capitalisme à son apogée, que Benjamin a en vue dans une perspective qui ne se réduit pas à la lecture marxiste qu'il connaît pourtant bien. La quête, en effet, est celle d'images qu'il faut amener à la visibilité, images d'un passé qui marque les commencements, ou mieux, la préhistoire de cette modernité. L'interrogation sur la ville, au premier chef Paris, ne peut se départir d'un projet critique sur l'histoire et sur le progrès, dans un style éminemment et délibérément concret.
- La ville, objet « naturellement » laïque et l'urbanisme comme politique - Catherine Kintzler p. 42-46 Les propriétés du concept de laïcité peuvent-elles recevoir une traduction en matière d'urbanisme ? La question n'est peut-être pas bien posée ainsi, mais faisons d'abord comme si elle était pertinente.
- Paris sera-t-il toujours Paris ? Patrimoine, tourisme et usage - Jérôme-Olivier Delb p. 47-52 Nous sommes en 2018. Après avoir été se prélasser au bord de la piscine Molitor à 180 € la journée, Jeff et Kristen, un couple de touristes américains aisés, se dirigent pour dîner au restaurant cinq étoiles situé au dernier étage de ce qui fut la Samaritaine. Le repas avalé, ils rentreront dans leur hôtel, toujours cinq étoiles, qui vient d'ouvrir dans l'ancienne poste du Louvre. En marchant le long des quais, ils ont croisé Esteban et Ines, un jeune couple espagnol qui vient de jeter la clé d'un cadenas d'amour accroché aux garde-corps du pont des Arts. Leur petit week-end low-cost en amoureux ne leur a pas coûté trop cher, un avion Easy Jet et deux nuits réservés grâce au site AirBnB. Au même moment, une bande de potes australiens se saoulent dans les bars parisiens avant de rentrer à l'auberge géante qui vient d'ouvrir près du canal Saint-Martin.
- Vers une ville courtoise et solidaire - Michel Cantal-Dupart p. 53-58 L'urbanité c'est politesse et courtoisie ; des qualités acquises par ceux qui vivent ensemble en ville. Aujourd'hui, de façon abusive, des constructeurs d'opérations immobilières se servent de cette appellation pour qualifier leur œuvre. La constitution des bourgs, puis des villes, est une conséquence de la division du travail. Le laboureur primitif forge et répare le soc de sa charrue, jusqu'au jour où il trouve avantage à aller chez le charron. Maintenant, il va plus loin pour choisir son tracteur. Simultanément les villes polissent leur langage : c'est là que se codifient les parlers qui rayonnent pour favoriser les échanges commerciaux.
- Géographies littéraires de l'urbanité d'aujourd'hui - Catherine Bernié-Boissard p. 59-64 Anticipation autant que reflet du réel, la fiction romanesque a notablement contribué en cette année 2014 à répondre à la question : qu'est-ce que l'urbanité aujourd'hui ? Au double sens de la manière de faire la ville et de la manière de vivre la ville. En effet, selon le géographe Pierre Georges, « l'urbanisme est à la fois science et art de l'ordonnancement urbain ». À ce titre, il est une création sociale. Dès lors, ne peut-on dire que l'urbanité est une déclinaison de l'urbanisme ? Produit de l'urbanisme, l'urbanité est une pratique. Image et reflet de l'urbanisme, l'urbanité est une symbolique. Elle est de l'ordre de la représentation et de l'ordre de l'action sur le territoire. Pour reprendre les mots d'André Breton, n'est-elle pas cette qualité de la « ville immense » qui lui permet de rassembler la totalité du divers ?
- Du social au spatial, les nouvelles fractures françaises - Philippe Foussier p. 65-68 Pour le géographe Christophe Guilluy, désormais deux France s'ignorent et se font face. Celle des métropoles, brillante vitrine de la mondialisation heureuse où cohabitent cadres et populations immigrées, et une France périphérique des petites et moyennes villes, des zones rurales éloignées des bassins d'emplois les plus dynamiques. Pour lui, on ne peut plus raisonner avec des critères et des schémas qui ont été bouleversés par les évolutions économiques et sociales.
- La ville et ses maux : À propos de La phrase urbaine de Jean-Christophe Bailly. Seuil, 2013 - Philippe Foussier p. 69-72 Jean-Christophe Bailly est un auteur éclectique. Il s'intéresse à des sujets très divers. On ne saurait trop recommander son Dépaysement, paru en 2011 et depuis en poche (Points Seuil). Il y racontait ses Voyages en France, au gré des parcours qu'il avait alors effectués dans les petites villes et les campagnes durant trois années.
Réflexion
- L'humanisme contre la détestation de l'espèce humaine - Gérald Bronner, Philippe Foussier p. 73-75 Gérald Bronner, professeur de sociologie à l'Université Paris-Diderot, est l'auteur de nombreux livres sur les croyances collectives, les erreurs de raisonnement et leurs conséquences sociales. Il vient de publier La planète des Hommes. Réenchanter le risque, et auparavant La démocratie des crédules (2013) et L'inquiétant principe de précaution (2010), entre autres, tous parus aux Presses universitaires de France.
- L'humanisme contre la détestation de l'espèce humaine - Gérald Bronner, Philippe Foussier p. 73-75
Travaux de loges
- L'universalisme républicain est-il anachronique ? - Pierre Leclair p. 76-79 L'universalisme républicain, héritier des Lumières et de la Révolution, semble de moins en moins compris par la société actuelle. On lui reproche d'être abstrait et déconnecté du réel, plus français qu'universel, incapable de gérer la pluralité des cultures.
- L'universalisme républicain est-il anachronique ? - Pierre Leclair p. 76-79
Controverse
- Non, le facisme n'est pas né en France ! - Samuël Tomei p. 80-83 La controverse sur les origines françaises du fascisme a donc resurgi. Zeev Sternhell persiste et signe : la France est bel et bien le berceau intellectuel du fascisme et le colonel de La Rocque son prophète. Les contestataires de cette idée seraient tous mus par des réflexes plus ou moins nationalistes ; tenants d'une thèse dite « immunitaire », ils s'imagineraient que leur pays aurait été insensible à la contamination fasciste.
- Non, le facisme n'est pas né en France ! - Samuël Tomei p. 80-83
Portrait
- Eugène Sue, le peuple et ses mystères - Emmanuel Pierrat p. 84-89 S'il est une année emblématique dans l'histoire de la censure, c'est bien celle de 1857, avec ses trois victimes célèbres, Gustave Flaubert, en janvier, Charles Baudelaire, durant l'été, et Eugène Sue, en fin d'année, poursuivis par un même homme : Ernest Pinard, appuyé par un système de censure alors à son apogée, a gravi les échelons de la magistrature à la faveur du régime autoritaire et bourgeois de de Louis-Napoléon Bonaparte, selon lui parangon du gouvernement idéal.
- Eugène Sue, le peuple et ses mystères - Emmanuel Pierrat p. 84-89
Hommage
- Lettre à Bernard Maris - Jean-Francis Dauriac p. 90-92
- Hommage à Michel Drouin (1934-2014) - Samuël Tomei p. 93-94
- Benjamin Matalon : un ami discret et d'une grande gentillesse - Alexandre Dorna p. 95-96 Benjamin Matalon était membre du conseil éditorial d'Humanisme. La rédaction perd en lui un honnête homme, discret, ouvert comme peu au dialogue, toujours enrichissant. Son ami Alexandre Dorna lui rend hommage.
Curiosité
- Une fraternelle pour construire le « roman national » - Christine Bataille, Philippe Foussier p. 97-101 Député PS du Nord, Christian Bataille est l'actuel président de la Fraternelle parlementaire, qui rassemble les francs-maçons titulaires d'un mandat national ou européen, sœurs et frères, de différentes obédiences et de l'ensemble des sensibilités politiques, à l'exception de l'extrême droite. Il a bien voulu s'exprimer sur les sujets d'actualité et sur le rôle de cette Fraternelle pour Humanisme.
- Une fraternelle pour construire le « roman national » - Christine Bataille, Philippe Foussier p. 97-101
République
- Communautarisme contre République ! : Rapport sur les discriminations - Guylain Chevrier p. 102-106 Mme Esther Benbassa (Ecologie – Val-de-Marne) et M. Jean-René Lecerf (UMP – Nord) ont été chargés, par le Sénat, d'une mission d'information sur la lutte contre les discriminations ethniques, raciales et religieuses. Le rapport présenté en novembre 2014, a posé bien des problèmes aux sénateurs qui n'en ont autorisé la publication qu'après des débats animés, tant son contenu venait télescoper nos valeurs républicaines. L'objectif était de faire le tour des problématiques relatives aux discriminations ainsi que des moyens permettant de les nommer et de les quantifier, afin de faire émerger des mesures plus globales susceptibles de les faire reculer. Derrière cette démarche sibylline, il en allait en réalité de la remise en cause profonde de l'édifice constitutionnel de nos droits les plus fondamentaux auxquels est adossé notre vivre-ensemble.
- Communautarisme contre République ! : Rapport sur les discriminations - Guylain Chevrier p. 102-106
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- Même les chiens - Jean-Louis Coy p. 107-109 Un film choc, un conte anthropomorphique terrifiant dont la brutalité s'allie à l'innocence, l'humain à l'a-humain, voici le dernier opus de Mundruczó Kornél, White God, prix de la section Un certain regard à Cannes en 2014. Héritier d'un cinéma hongrois au passé prestigieux, l'auteur est connu en France depuis Pleasant Days (2004) Johanna (2005) et surtout Delta (2008). Il s'avère le continuateur des maîtres tels Miklós Jancsó et Béla Tarr, pour ne citer qu'eux parmi la pléiade de cinéastes talentueux née après la guerre et sauvegardée malgré les rudes circonstances politiques grâce à l'existence du studio Béla Balazs mis en place en 1958.
- Même les chiens - Jean-Louis Coy p. 107-109
Musique
- La musique adoucit les mœurs - Jean Kriff p. 110-114 Si nous étions en 1913… Il y avait bien eu le coup de Tanger en 1905, mais c'était loin. Paris peignait, se tortillait sur du velours en écoutant Satie, Debussy en se parfumant de jasmin et lisait l'Immoraliste d'André Gide en faisant on ne sait quoi. De l'Affaire, on se disait guéri, mais l'affairisme déboulait, noyé d'effluves de peur, de souffrance et de mort.
- La musique adoucit les mœurs - Jean Kriff p. 110-114
Livres
- L'erreur de calcul : Regis Debray. Ed. Le poing sur la table, 2O14 - Jacques Sardes p. 115-116
- Grandir ensemble. L'éducation inclusive dès la petite enfance : Ouvrage collectif sous la direction de Maria Kron et Éric Plaisance. Institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés, 220 p., 19 € - Jean Moreau p. 117
- La panique identitaire : Joseph Macé-Scaron, Paris, Grasset, 144 p., 14 € - Philippe Foussier p. 118-119
- Psychanalyse corporelle et sociale. L'analyse reichienne : Jacques Lesage de La Haye. Chronique Sociale, 192 pages, 14€90 - Jorge Morales p. 119-120
- Du diable en politique. Réflexions sur l'antilepénisme ordinaire : Pierre-André Taguieff. Paris, CNRS, 392 p., 22 € - Philippe Foussier p. 121-122