Contenu du sommaire : Médiateur santé publique, médiateur santé pair, pair aidant, patient expert ?
Revue | Psychotropes : Revue internationale des toxicomanies et des addictions |
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Numéro | vol. 27, 2021/1-2 |
Titre du numéro | Médiateur santé publique, médiateur santé pair, pair aidant, patient expert ? |
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- Médiateur de santé publique, médiateur santé pair, pair-aidant, patient expert ? Éditorial - Michel Hautefeuille p. 5-9
- L'addiction est une pratique sociale soluble dans la coopération - Alain Morel p. 11-35 Comprendre les addictions, et donc les prévenir et les soigner, nécessite de s'entendre collectivement sur une définition qui intègre à la fois une délibération transdisciplinaire pour réunir les données scientifiques et la prise en compte des expériences vécues dans leur diversité. Partager une définition commune est la meilleure façon de restituer à toutes les composantes de la société et à chacun son pouvoir d'agir et d'éviter la captation de l'expertise par telle ou telle corporation. Dans le monde d'aujourd'hui, l'usage de drogues et l'addiction ne peuvent plus être considérés comme une faute, une faiblesse de la volonté ou une maladie de quelques-uns. C'est un fait social massif, une pratique quasi universelle directement en interaction avec le monde social dans lequel elle s'origine et prend sens. L'addictologie ne peut donc se réduire à une discipline, neuro-médicale ou autre. Elle doit se concevoir à travers un prisme fondamentalement intégratif. Un modèle « bio-psycho-social » qui prenne en compte le caractère humain, fondamentalement culturel et social, donc politique des consommations de drogues et des addictions. Elles n'ont cessé de se répandre dans le monde entier ces dernières décennies, attisées par des politiques plus centrées sur la répression que sur les droits humains. Pour relever ce défi, pour prévenir, aider, soigner, avec éthique et efficacité, les politiques des États et des institutions doivent avant tout recueillir les savoirs, mobiliser les ressources collectives, les relations sociales et la solidarité entre leurs membres. Les protocoles technologiques, pharmacologiques ou autres n'ont de portée qu'au service de la relation d'entraide et de sollicitude, et s'ils facilitent l'association des savoirs entre professionnels et usagers. Tout comme notre société, l'addictologie est au seuil d'une « transition ». Elle doit contribuer à la prédominance de nouveaux liens sociaux fondés sur la coopération, l'égalité, le renforcement du pouvoir d'agir, l'inclusion sociale, le partage expérientiel et la coéducation. Pour qu'une telle transition soit « durable », il est nécessaire de fédérer les acteurs, de soutenir les expériences innovantes et de consolider cette dynamique par une politique de santé qui favorise à tous les niveaux l'implication et la coopération avec les usagers dans les champs éducationnel, clinique et institutionnel.To prevent addictions and to help and treat drug users ethically and efficiently, the policies of states and institutions must collect knowledge and mobilise collective resources, social relations, and solidarity among their members. Technological protocols, pharmacological or otherwise, only have a bearing on the relationship of mutual aid and concern if they facilitate the association of knowledge between professionals and users. Addictology should contribute to the predominance of new social bonds based on cooperation, equality, empowerment, social inclusion, experiential sharing, and co-education. It is necessary to unite the players, to support innovative experiences, and to consolidate this dynamic through a health policy that promotes involvement and cooperation with users at all levels in the educational, clinical, and institutional fields.
- Quelle place aujourd'hui pour le patient expert dans le parcours de soins ? Premiers repères pour commencer à y voir clair… - Ariane Pommery - de Villeneuve, Micheline Claudon, Michael Besse p. 37-40 Toutes les appellations autour du patient expert telles que patient-intervenant, patient-partenaire, patient-tuteur, patient-ressource, patient-enseignant… créent un flou qui nuit à la compréhension de sa place et de son rôle. Une psychologue clinicienne, une patiente experte et un cadre administratif, à l'origine de la création d'un dispositif de patients experts dans le parcours de soin du service d'addictologie de l'hôpital Bichat, donnent quelques points clés issus de leur expérience afin de permettre à chacun d'entamer ou de poursuivre une réflexion personnelle et institutionnelle.All the names surrounding the expert patient such as patient-worker, patient-partner, patient-tutor, patient-resource, patient-teacher, etc. create a blur that harms the understanding of his/her place and role. A clinical psychologist, an expert patient, and an administrative executive, at the origin of the creation of a system of expert patients in the care pathway of the addiction service of the Bichat hospital, give some key points from their experience to allow everyone to initiate or continue a personal and institutional reflection.
- Médiation, interculturalité, interprétariat - Stéphane Tessier p. 41-44 Les questions de cultures et de religion font souvent peur aux professionnels en contact avec le public, quel que soit leur secteur d'activité. Mais les occulter ne peut déboucher que sur des malentendus, voire des conflits préjudiciables et douloureux pour tous. Il existe pourtant de nombreuses pistes pour aborder sereinement ce sujet.Questions of culture and religion often scare professionals in contact with the public, regardless of their sector of activity. But to hide them can only lead to misunderstandings, even prejudicial and painful conflicts for all. There are, however, many avenues to calmly approach this subject.
- La pair-aidance ? Opportunisme ou conversion sincère ? - Sybille Liégeois, Bruno Didier p. 45-52 Dans cet article, les auteurs cherchent à développer de quelle façon Asud peut œuvrer à la véritable reconnaissance des savoirs expérientiels liés aux addictions et à l'intégration du travail-pair en addictologie.In this article, the authors seek to develop how Asud can work towards the true recognition of experiential knowledge related to addictions and the integration of peer support in addictology.
- C-Nous : des usagers de drogues accompagnent leurs pairs vers le dépistage et la prise en charge du VHC : le projet parrainage - Marie Dos Santos, Carine Magen, Paolo Martelli, Margot Ferrero, Sakina Tameur, Marie Gutowski, Perrine Roux p. 53-63 Le projet « C-Nous », porté par l'association d'auto-support Asud Mars Say Yeah et l'équipe SanteRcom du Sesstim, INSERM Marseille, est une intervention de parrainage et de médiation par des personnes usagères de drogues (qui ont consommé ou qui consomment encore) guéries du VHC, auprès de pair.e.s, difficiles à atteindre. Le projet vise à proposer une formation autour d'un accompagnement « sur mesure » vers le dépistage et si besoin vers une prise en charge VHC, par les traitements antiviraux à action directe (AADs). En effet, l'accès facilité à ces nouveaux traitements fait apparaître de nouveaux enjeux auxquels l'accompagnement par les pairs cherche à répondre.Abstract: The “C-Nous” project, conducted in collaboration with the Asud Mars Say Yeah Association and the SESSTIM research unit, is a mentorship and peer-based intervention with people who use or have used drugs (PWUD) and cured of HCV. The project aims to offer a tailor-made training for mentors and support for PWUD on screening and, if necessary, towards HCV treatment through direct-acting antiviral treatments (DAAs). The need for easier access to these new treatments raises new challenges that peer support seeks to address.
- De la création et de l'utilité d'un groupe auto-support - Françoise Gaudel p. 65-76 Cet article aborde la naissance d'un groupe auto-support d'aide à l'arrêt du tabac après un parcours de sevrage. « Je ne fume plus ! » est un groupe Facebook francophone, majoritairement féminin, surtout investi par des personnes vivant leurs premiers mois de sevrage. L'arrêt en communauté est un choix engagé des participants, dont la principale attente, à l'entrée dans le groupe, est l'échange avec les pairs. L'homophilie et la fonction auto-support sont les pivots du fonctionnement du groupe, avec un fort soutien émotionnel des membres, entraînant un grand nombre d'interactions. Le groupe est perçu comme une espace de parole dédié au vécu du sevrage tabagique. Les échanges autour des apprentissages expérientiels favorisent l'identification positive des membres et a valeur de consolidation de leurs parcours. Ils participent à la prévention de la rechute, par le croisement de la construction de savoirs, l'engagement solidaire des membres et l'entraide à toute heure. L'information, intégrée au moment où elle peut faire sens dans le vécu du sevrage, est issue non seulement des apports de patients experts sur le groupe, mais aussi de l'ensemble de ces interactions. Elle contribue à renforcer la motivation, le sentiment d'auto-efficacité et la confiance en soi. Patients-experts et professionnels de santé y ont un rôle : la fluidité des échanges et des parcours d'accompagnement entre les acteurs du soin et le groupe « Je ne fume plus ! » passe par le fléchage vers ces professionnels depuis le groupe, et l'utilisation du groupe comme outil d'accompagnement non guidé entre deux entretiens pour les professionnels. Ces différents éléments amènent le membre de la web-communauté à devenir acteur de son sevrage, ils favorisent l'autonomisation des personnes dans ce parcours, par la valorisation de chaque étape, la dédramatisation des difficultés, la mise en avant de l'engagement personnel. L'empowerment, tant au niveau personnel qu'au niveau collectif, prend ici sens : le membre devient un « e-patient » impliqué dans sa prise en charge, informé, se donnant les moyens d'agir de façon de plus en plus autonome. Nous nous situons dans un espace de réduction des risques liés au tabac et à son usage. Une association permet d'aller plus loin, de former les animateurs. Un groupe d'entraide en réseau social se pose ainsi comme un maillon dans la santé publique, qui doit être reconnu, soutenu et consolidé.This article discusses the emergence of a self-support group to help quit smoking after a quitting journey. “Je ne fume plus!” (“I do not smoke anymore!”) is a French-speaking, predominantly female Facebook group, comprised mainly by people going through their first months of withdrawal.
- Une certification Patient-Expert Addictions au carrefour du savoir expérientiel du patient rétabli de ses conduites addictives et des activités des acteurs des soins - Alain Dejour p. 77-94 Exercer une activité de patient-expert dans le champ des conduites addictives, au-delà des seuls programmes d'éducation thérapeutiques du patient, vaut bien une certification de patient-expert addictions (PEA). Il s'agit de légitimer une pratique existante, de développer et sécuriser son pouvoir d'agir de concert avec les acteurs des structures de soins et d'accompagnement, de créer un environnement d'échanges sur les pratiques. Le parcours de certification, individualisé, respectueux et professionnalisant, s'appuie sur un travail réflexif sur son savoir expérientiel au regard d'un référentiel d'activités et de compétences qui prend en compte tous les domaines d'activités du PEA.In this article, we present the certification of the patient-expert in the field of addictive behaviours. A certification is a question of legitimising an existing practice, developing and securing its power to act in concert with the actors of the care and support structures, and creating an environment for exchanges on practices. The certification process – individualised, respectful, and professionalising – is based on reflective work on our experiential knowledge with regard to a reference document, a repository of activities and skills, that takes into account all areas of patient-expert activities.
Témoignages
- La pair-aidance, posture critique - Philippe Brun p. 97-100
- Un médiateur en santé publique a-t-il une place dans une institution ? Une expérience innovante - Hélène Delaquaize p. 101-106
- Regard transversal d'Alain après 26 ans à l'accueil de l'hôpital Marmottan - Alain Lang p. 107-110
- L'entre-deux : comment allier posture d'infirmière et de patiente experte addictions ? - Sandra Pinel p. 111-116
- Une expérience de Patient expert en addictologie - Ariane Pommery - de Villeneuve p. 117-125
- Médiateur santé publique, médiateur santé pair, pair aidant, patient expert ? Synthèse & conclusion - Hélène Delaquaize, Philippe Brun, Albert Caporossi, Jean-Maxence Granier p. 127-130
Varia
- Du contrat de poids au contrat moral : Modèle de prise en charge de l'anorexie mentale à l'adolescence - Pierre Dumont, Daniel Terral, Dominique Fénéon p. 133-148 Cet article décrit le fonctionnement d'une équipe pluridisciplinaire de pédopsychiatrie dans l'accompagnement d'adolescents hospitalisés pour anorexie mentale sévère. Laissant tomber le contrat de poids au profit d'un « contrat moral », notre modèle de prise en charge invite le patient et le soignant à faire l'expérience d'une rencontre intersubjective hédoniste nécessaire pour dépasser les illusions et les dénis communs. Nous verrons comment notre positionnement, libéré de certaines « contraintes » et « privations », permet aux adolescents dits anorexiques d'accepter un retour de l'ordre naturel des choses dans la sécurité et le plaisir.This article describes the operation of an interdisciplinary child psychiatry team to support adolescents hospitalised for severe anorexia nervosa. Abandoning the weight contract in favour of a “moral contract”, our care model invites the patient and the medical team to experience an intersubjective hedonistic encounter necessary to overcome illusions and common denials. The reader will see how the team's positioning, freed from some “constraints” and “restrictions”, allows so-called anorexic adolescents to accept a return to the natural order of things, both safely and pleasurably.
- Le parcours de rétablissement des usagers de drogues illicites : ce que révèlent les journaux de santé des personnes concernées - Tim Greacen, Antoine Simon, Emmanuelle Jouet p. 149-173 Au-delà de leur problème par rapport à l'addiction elle-même, les usagers de drogues illicites se trouvent souvent confrontés à des problèmes multiples d'abord d'ordre médical et psychologique, mais aussi relatifs à leur inscription dans la vie sociale en général. Si un nombre important d'études se sont focalisées sur la gestion des produits et des enjeux psychologiques qui les entourent, il existe peu de recherches s'adressant spécifiquement à la question de l'environnement social et de son impact sur le parcours de rétablissement des personnes. Dans le cadre de l'étude DURESS (Drug Use Recovery, Environment and Social Subjectivity), 25 usagers de drogues illicites suivis dans un centre parisien ont tenu des journaux de santé sur leur vie de tous les jours et les obstacles et facilitateurs rencontrés au cours de leurs parcours de rétablissement. Les questions de la vie familiale, de la vie sociale, du logement, de l'emploi et des contraintes administratives et juridiques y jouent un rôle majeur.Over and above the difficulties managing their addiction, illicit drug users are often confronted with multiple issues not only of a medical and psychological nature, but also with regard to their social context and their lives in general. While many studies have focused on drug usage and the psychological issues involved, little research has focused on the impact of individuals' social contexts on their recovery journeys. In the DURESS (Drug Use Recovery, Environment and Social Subjectivity) study, 25 illicit drug users receiving care for their addiction problem in Paris kept health diaries concerning the obstacles and facilitators encountered in their everyday life regarding their recovery pathways. Family life, social life, housing, employment, and administrative and legal issues play major roles.
- Évaluation de l'impact des traitements résidentiels en matière d'addiction auprès d'une population luxembourgeoise adulte : Résultats d'une enquête - Grégory Lambrette, Maèva Flayelle, Joël Billieux p. 175-197 Le dispositif socio-sanitaire en matière d'addiction au Grand-Duché de Luxembourg a ceci de particulier qu'une large proportion des programmes résidentiels réalisés par les patients s'effectue, et ce pour divers motifs, au sein de structures localisées à l'étranger. La présente étude rend compte d'une évaluation de l'impact des traitements résidentiels en matière d'addiction auprès d'une population luxembourgeoise adulte. Destinée à l'orientation thérapeutique de patients présentant une addiction liée à l'usage de substances psychoactives, cette étude a permis de constater un certain nombre de changements entre l'entrée et la sortie des structures résidentielles. Les variables symptomatologie, qualité de vie, degré de sévérité de l'addiction, et degré de motivation au changement ont toutes montré une amélioration significative au terme des projets thérapeutiques réalisés. Il ressort donc que les programmes résidentiels sont efficaces en matière d'addiction, ceci même si la pérennité des changements observés demande à être confortée.In Luxembourg, a large proportion of residential treatments for addictive disorders are conducted abroad. This study reports on an assessment of the impact of residential addiction treatments among Luxemburgish treatment-seeking adults. Aimed at the therapeutic orientation of patients with substance-related disorders, this study revealed several changes between before and after residential treatment. The symptomatology, quality of life, severity of addiction, and motivation for change variables showed significant improvement following completion of the assessed therapeutic projects. These results thus give credence to the residential treatments' efficiency in terms of addiction, although the sustainability of the observed changes needs to be confirmed.
- L'attention portée aux femmes toxicomanes en situation de maternité : un point sur leur prise en charge : Revue de littérature - Angela Laera, Robert Lamborelle, Sylvain Missonnier p. 199-227 L'intrication entre toxicomanie et maternité est complexe et touche à de nombreux domaines : pénal, social, médical, sociétal, politique et moral. Cet affrontement entre toxicomanie et maternité vient bouleverser l'image idéalisée de la maternité. Les femmes toxicomanes font souvent l'objet de représentations négatives et stigmatisantes qui viennent déteindre sur leur prise en charge, mettant à mal l'accès à leur parentalité. La clinique de la toxicomanie féminine a permis d'ouvrir un nouveau champ de réflexion pour comprendre la spécificité des conduites toxicomaniaques dans cette population. La grossesse, à travers les intenses bouleversements psychiques qu'elle induit, représente une période favorable pour débuter ou renforcer une prise en charge déjà existante. Cet article se veut être un point sur l'évolution de l'accompagnement proposé aux femmes toxicomanes en situation de maternité, ainsi que le rôle fondamental des professionnels auprès d'elles.The interplay between drug addiction and motherhood is complex and cuts across many areas: criminal, social, medical, societal, political, and moral. This confrontation between drug addiction and motherhood is upsetting the idealised image of pregnancy and motherhood. Drug-addicted women are often the object of negative and stigmatising representations, which have a profound impact on them and affect their treatment, undermining their access to parenthood. Studies about drug addiction among women have opened a new field of reflection for understanding the specific features of drug-related behaviour in this population. The pregnancy, through the intense psychological upheavals that it induces, is a favourable time to start or strengthen existing treatment. This article is intended to provide an update on the evolution of the support offered to drug-dependent women and mothers, as well as the fundamental role of professionals working with them.
- Du contrat de poids au contrat moral : Modèle de prise en charge de l'anorexie mentale à l'adolescence - Pierre Dumont, Daniel Terral, Dominique Fénéon p. 133-148