Contenu du sommaire : Les personnes âgées des quartiers populaires : sortir de l'invisibilité !

En regroupant des paroles tirées de différents entretiens, Labo Cités a construit le portrait de cinq personnes âgées fictives, habitantes de quartiers en politique de la ville. On y découvre les témoignages de femmes et d'hommes ayant passé la majeure partie de leur vie dans le même immeuble, y vivant joies et peines. Aujourd'hui, ils partagent leur avis sur leur quartier, racontent leur quotidien, parlent de leurs craintes, de leurs relations sociales, de leurs difficultés.

Objectiver la situation du vieillissement dans les quartiers politique de la ville, tel est le but de Mickaël Blanchet, géographe associé au Gérontopôle Pays-de-la-Loire, chercheur associé à l'université d'Angers. À partir d'une étude conduite dans 10 quartiers, l'auteur dépeint avec finesse une réalité démographique et sociale, il dégage quelques spécificités propres aux quartiers prioritaires et insiste sur l'adaptation nécessaire des politiques publiques face aux enjeux du vieillissement.

Entre mars et juillet 2020, Jérôme Guedj, conseiller départemental de l'Essonne, a conduit une mission relative à la lutte contre l'isolement des personnes âgées et fragiles en période de confinement, à la demande du ministre des Solidarités et de la Santé. Retour sur les conclusions principales de la mission et les évolutions en cours.

Les quartiers politique de la ville n'échappent pas à l'important vieillissement de leurs habitants, conjugué à une forte précarité et un urbanisme qui n'a pas été conçu pour l'avancée en âge. Isabelle Sénécal, responsable du pôle plaidoyer/relations presse aux Petits Frères des Pauvres, souligne l'invisibilité des personnes âgées exacerbée par la mise en œuvre récurrente de politiques publiques orientées essentiellement depuis quarante ans vers la jeunesse ou l'insécurité. Elle explique que la crise sanitaire n'a pas, bien au contraire, atténué l'invisibilité des aînés dans ces quartiers, au risque de renforcer encore plus l'isolement et l'exclusion.

Le vieillissement des immigrés a principalement été traité sous l'angle des hommes, de leurs parcours migratoires ou professionnels, le regard se focalisant sur les situations de ceux qui étaient « utiles » à l'économie. Le destin des femmes immigrées est resté sous silence et peu d'études leur ont été consacrées. Rémi Gallou, chercheur à la Cnav et associé à l'Ined, s'attache depuis des années à réparer cet oubli. Il présente ici, sans volonté de généralisation, des situations récurrentes et emblématiques vécues par ces femmes.

L'augmentation du nombre de personnes âgées nous encourage à réfléchir à une meilleure prise en compte du vieillissement dans notre société. Leurs difficultés et leurs besoins révèlent des exigences à intégrer dans l'aménagement des espaces publics. Pauline Gauthier, cheffe de projets accessibilité au Cerema, nous en décrypte les enjeux et délivre des préconisations.

Ne pouvant pas sortir facilement et ainsi accéder aux commerces et services du quotidien, de nombreuses personnes âgées se replient sur elles-mêmes. Depuis septembre 2012, en lien avec ses partenaires de la ville de Bron, la régie de quartier a développé un service de proximité pour lutter contre l'isolement des personnes âgées du territoire. « Mobi-Cité Seniors » est porté par une équipe de médiateurs en contrat d'adultes-relais, sous la responsabilité de la coordinatrice du pôle médiation, Clélia Lardin.

Le logement est concerné de nombreuses façons par l'avancée en âge : passage à la retraite, évolutions familiales ou changement des rythmes et activités du quotidien. Aussi, dans sa matérialité, comme à travers les liens sociaux qui s'y jouent, l'habitat peut être un « support » à l'existence. C'est ce sur quoi travaillent Audrey Courbebaisse, chercheuse dans la cellule de recherche Uses and Spaces à l'Université catholique de Louvain, et Damien Vanneste, chercheur au sein de l'unité HADéPaS à l'Université catholique de Lille.

La solitude peut être un des facteurs aggravant les conditions de vie des personnes âgées, a fortiori quand elles résident en quartier prioritaire. Pour combattre cet isolement, de multiples initiatives voient le jour, parmi lesquelles la mission Intergénéreux. À Saint-Fons, en plus des actions des volontaires d'Unis-Cité, des temps d'échanges collectifs sont proposés en partenariat avec les bailleurs. Isabelle Devise, biographe, présente cette initiative qui favorise le lien intergénérationnel et l'autonomie des aînés.

Adaptation des logements, construction de résidences seniors, projets intergénérationnels, formation et sensibilisation des personnels… l'éventail des actions conduites par les bailleurs en faveur du maintien à domicile des personnes âgées est très large, comme en témoignent les expériences présentées par trois bailleurs : Montluçon Habitat, Lyon Métropole Habitat et GrandLyon Habitat.

Sans prétendre à l'exhaustivité et souhaitant donner à voir quelques exemples menés en Auvergne-Rhône-Alpes, Labo Cités propose à travers l'illustration ci-contre un panorama des divertissements et des activités de vie sociale des aînés des quartiers populaires.

Les plus de 65 ans sont une ressource précieuse pour les associations puisqu'ils représentent 39% des bénévoles françaisb. De même, dans les quartiers politique de la ville, les professionnels s'accordent à dire que de nombreuses actions contribuant au renforcement du lien social reposent sur l'engagement bénévole des aînés. Comment ces derniers vivent-ils leur engagement ? Trois habitants de quartiers, âgés entre 65 et 75 ans et résidant à Privas, Thiers et Ambérieu-en-Bugey, nous livrent leurs témoignages, recueillis en avril 2021.

Au local, comment la politique de la ville traite-t-elle les enjeux du vieillissement ? Zoom sur les évolutions à l'œuvre au sein du territoire de la métropole de Grenoble à l'occasion d'un entretien croisé entre Claire Namy, chargée de mission santé à la direction cohésion sociale et politique de la ville de Grenoble-Alpes Métropole, Carole Begou, coordinatrice du contrat local de santé, et Hélène Joseph, chargée de projets sociaux transversaux au CCAS d'Échirolles.

La coordination est un enjeu majeur dans la lutte contre l'isolement social des personnes âgées. Isabelle Terrasse, chargée du soutien à domicile des personnes vulnérables pour le département du Puy-de-Dôme et référente de Monalisa 63, témoigne de la mobilisation des citoyens, associations, institutions au sein de cette coopération territoriale.

Si certaines personnes se retrouvent seules et sans entourage à la fin de leur existence, les solidarités familiales envers les plus âgés n'ont pour autant pas disparu. Actuellement, l'accompagnement à la perte d'autonomie et au maintien à domicile est largement assuré par les aidants familiaux, ce qui n'est pas sans conséquence pour leur propre existence. C'est ce que Fleur Leplat, coordinatrice de Métropole aidante, et Gérard Ribes, psychiatre et membre du comité exécutif de France Répit, tiennent à mettre en lumière.

L'accompagnement au quotidien des personnes vulnérables est assuré par des professionnels aux métiers très variés qui s'exercent, sous des statuts différents, chez des particuliers employeurs ou des clients de services prestataires. La crise de la Covid-19 a mis sur le devant de la scène la réalité des métiers liés à l'intervention à domicile, notamment la difficulté des conditions de travail. Estelle Deberle, responsable du centre Adhap Clermont-Ferrand, et Christophe Pinheiro, aide à domicile, nous parlent de leur quotidien.

Pour beaucoup de centres sociaux, le vieillissement de la population constitue désormais un axe d'engagement à part entière, que ce soit par le nombre de bénévoles présents dans les instances et les activités ou les publics et les types d'actions proposées. Cécile Coulmain, chargée de communication, et Pascale Gautier, déléguée générale de la Fédération des centres sociaux du Rhône, analysent par le menu ces évolutions et insistent sur le rôle des centres sociaux dans le maintien du lien social.

Favoriser l'autonomie « numérique » des personnes âgées dans les activités de loisirs, de lien social et dans la gestion des démarches administratives, tout en permettant à des jeunes de s'engager dans des actions de solidarité, tel est le défi lancé par Unis-Cité, association spécialisée dans le service civique.

Pour faciliter l'accès aux soins de personnes en grande vulnérabilité, le réseau Intermed a développé une méthodologie d'intervention basée sur la médiation de proximité. Maud Aufauvre, directrice régionale du réseau Intermed Auvergne-Rhône-Alpes, explique les conditions dans lesquelles les professionnels interviennent. Son propos est illustré par le témoignage d'un soignant.

Il n'y a pas d'âge pour gagner en autonomie et reprendre du pouvoir sur sa vie. L'association stéphanoise Globe 42 le démontre depuis 2014 dans le domaine de la santé. L'objet de cet espace participatif est de permettre aux personnes âgées ayant vécu une expérience de migration d'accéder à leurs droits en santé, et par extension d'avoir accès aux soins. Malika Lebbal, militante du droit des étrangers et directrice de Globe 42, présente la philosophie d'action de l'association et ses impacts.

S'il y a une chose que notre société doit retenir de la pandémie de Covid-19, c'est l'impérieuse nécessité, pour les personnes âgées plus particulièrement, de maintenir du lien physique. C'est le message de Vincent Rebeille, médecin généraliste exerçant depuis trente-sept ans en quartier prioritaire. À travers son témoignage, il dépeint ce qu'il nomme la « fracture humaine » telle qu'il l'a observée en tant que médecin et exhorte à reconsidérer l'usage que nous faisons des technologies de communication.