Contenu du sommaire : Transition énergétique : le retour des lieux

La transition énergétique constitue un nouveau paradigme qui promeut le passage d'un système carboné vers un système plus soutenable. Cet article s'intéresse au développement des systèmes énergétiques en analysant la « dépendance au sentier ». Dans un contexte de décarbonisation des productions et des sociétés, le développement des énergies renouvelables entraîne des bifurcations. Ces énergies diversifient les matrices énergétiques, consolidant l'offre par la hausse d'une production alternative et le renforcement des réseaux. Leur développement entraîne l'apparition de nouveaux territoires énergétiques en fournissant un service dans des sites isolés et en supportant des processus extractifs. Trois cas d'étude situés dans des territoires de montagne argentins, boliviens et français illustrent en quoi le développement des énergies renouvelables constitue un processus de renforcement de l'offre auquel participent les grands acteurs énergétiques traditionnels, et une opportunité d'inclusion et/ou de réappropriation citoyenne des trajectoires de ces territoires.

Si la transition énergétique passe par les villes, elle ne peut être uniquement mise en œuvre dans leurs périmètres administratifs : la majorité de l'énergie qu'elles consomment est produite en dehors de ces derniers. Alors que le système énergétique dominant laisse peu de marge de manœuvre aux acteurs locaux, les bouleversements à l'œuvre depuis le xxie siècle créent un contexte plus ouvert. Pour contribuer au déploiement local d'énergies renouvelables, les villes peuvent (re)créer des liens avec les campagnes susceptibles de contribuer à leur approvisionnement. Cet article montre que ces relations villes-campagnes ne constituent pas actuellement la tendance dominante des actions mises en œuvre par les collectivités territoriales. De plus, la majorité de ces relations sont caractérisées par une lecture urbano-centrée : la ville capte les ressources des campagnes pour satisfaire ses besoins. La perspective d'un mutualisme villes-campagnes apparaît encore peu développée, mais représente un réel potentiel de transformation du métabolisme territorial et de contribution in fine à la transition énergétique.

Dans cet article, nous interrogeons la dimension spatiale de la gouvernance des communautés énergétiques et son rôle dans la reconfiguration des territoires de l'énergie. Plus particulièrement, nous analysons la mise en œuvre d'un dispositif d'autoconsommation collective électrique dans un habitat participatif, où espaces partagés et pratiques individuelles sont profondément enchevêtrés. La gouvernance horizontale conduit les membres du groupe à négocier des règles empiriquement construites, sur la base d'un compromis entre vivre ensemble et optimisation de la production/consommation d'énergie. L'équilibre entre sphère privée et mise en commun des espaces conduit à l'émergence de dynamiques de pouvoir et de gouvernement des conduites qui révèlent le rôle prédominant de l'espace dans l'organisation des communautés locales au prisme de la transition énergétique.

L'intégration de dispositifs de production et de consommation d'énergies renouvelables dans les projets d'urbanisme implique la collaboration entre des acteurs de l'urbain et des énergies. Elle pose la question de l'articulation entre deux processus de conception et de ses effets sur les matérialités résultantes ainsi que sur les systèmes techniques. Alors que des recherches sur les dimensions énergétiques des projets urbains ont pointé notamment les rapports entre les acteurs impliqués, cet article souligne celui de la conception sur les décisions. À partir de l'analyse spatiale et sociotechnique du projet bluefactory (Suisse), il montre que les spatialités des objets urbanistiques et énergétiques interfèrent, sinon se percutent. Il propose la notion de dépendance spatiale afin de réduire la complexité de l'intégration de l'énergie dans l'urbanisme et d'esquisser des croisements entre expertises urbanistiques et énergétiques autour d'objets intermédiaires qui restent à inventer.

En France, depuis les années 2000, les pouvoirs publics engagent des actions en faveur de l'électromobilité en réponse aux enjeux énergie/climat. Les bornes de recharge pour véhicules électriques sont déployées sur le territoire à différentes échelles par des acteurs publics ou privés, nouveaux ou historiques. Cet article réalise une étude spatiale des modalités de ce déploiement avec une attention portée à deux territoires de montagne. Il interroge la construction des logiques différenciées qui concourent à une organisation inégale de ces équipements et questionne la nécessité d'une coordination des acteurs publics et privés de l'électromobilité au moyen d'une gouvernance multi-niveaux pour une organisation spatiale cohérente du service de recharge pour les véhicules électriques.

La production de chaleur et de froid représente actuellement 50 % de la demande énergétique en Europe et se trouve à l'origine d'importantes émissions de gaz à effet de serre. Le verdissement de cette production s'appuie sur le développement des énergies renouvelables thermiques (biomasse, solaire, géothermie) et, dans une moindre mesure, sur les énergies de récupération. L'article montre comment la chaleur de récupération, source d'énergie singulière, est construite comme une ressource territoriale par le biais d'un processus de cadrage à de multiples niveaux (européen, national, régional, métropolitain). L'étude des cas de Dunkerque, Lille et Lyon, qui chacune à leur manière mobilisent de la chaleur de récupération issue de l'industrie et des services urbains, illustre l'intérêt porté par des collectivités urbaines à cette ressource locale ainsi que la diversité des trajectoires territoriales de transition initiées autour de cette source d'énergie.

Anticipant les conséquences possibles de la prochaine délocalisation d'un pôle interpartenarial de formation supérieure et de recherche en intervention sociale, les auteurs, tous deux acteurs historiques de ce pôle, rappellent combien un espace public est à la fois une opportunité d'interactions et un cadre concret. Ils utilisent, pour décrire les interactions complexes qui s'y déroulent, les concepts matériels et immatériels, physiques et métaphoriques, de mondes et de frontières. Ils montrent comment les implications matérielles et organisationnelles de la délocalisation du site hébergeant un espace commun peuvent, si elles ne sont pas anticipées et collégialement maîtrisées, conduire à la dissolution des équilibres fragiles et toujours en mouvement des interactions qui s'y déploient et qui le structurent.

Des pratiques de mobilité active naissent dans la ville de Buenos Aires : il s'agit de promenades collectives à pied ou en bicyclette. Ces pratiques font partie de l'ensemble d'alternatives à la mobilité quotidienne, mais leurs caractéristiques spécifiques rendent possibles d'autres sortes d'interactions et d'échanges liés aux environnements urbains. Ce travail propose une approche ethnographique de ces pratiques pour comprendre leur insertion dans le cadre plus vaste des courants et des déplacements et pour identifier la capacité d'action des personnes participant aux promenades dans les transformations de la ville.

Des auteurs de plus en plus nombreux relèvent que les sociétés occidentales contemporaines sont marquées par des rythmes de vie particulièrement complexes (Rosa, 2010). Cette complexité se refléterait à travers les pratiques de mobilité. Pour analyser finement et de façon heuristique cette complexité, nous proposons dans cet article de développer une approche rythmique de la mobilité quotidienne à partir des données du Microrecensement Mobilité et Transports suisse (mrmt) de 2015. L'analyse proposée dans cet article vise à mesurer les modalités de déploiement de la mobilité à partir des fréquences d'actions quotidiennes, de l'ancrage temporel des programmes d'activités au sein de la journée et de l'étendue spatiale de la mobilité. Les résultats montrent la diversité des rythmes quotidiens, suggérant que l'approche rythmique permet de révéler des formes de vie quotidienne tout en dégageant des différences sociales. Ils indiquent également les relations entre les configurations rythmiques et les pratiques modales. Ces observations plaident pour une prise en compte des rythmes dans les politiques publiques de mobilité et dans les politiques sociales, en vue de la planification de l'offre de transport et de la réduction des inégalités.

Henri Lefebvre connaissait bien et aimait beaucoup l'Italie. En effet, il consacra à la Toscane une attention particulière dans ses premiers écrits de sociologie rurale au début des années cinquante. Cependant, la sensualité exubérante qui imprègne sa vie et son travail ne pouvait rester indifférente à la fascination exercée par une ville unique au monde comme Venise. Bien que Lefebvre n'ait jamais traité systématiquement de Venise, ses références dans les quelques pages consacrées à la cité lagunaire dans La production de l'espace sont non seulement extraordinaires pour leur acuité et leur synthèse, mais surtout fondamentales pour illustrer et clarifier certains concepts-clés pour la compréhension de la théorie spatiale élaborée par Lefebvre. Ces concepts incluent ceux de « la ville comme produit » et de « la ville comme œuvre » ainsi que ceux de « l'espace que le corps occupe » et du « corps qui produit l'espace » qui seront discutés ici.