Contenu du sommaire

Les sciences humaines et sociales utilisent le terme de situation pour désigner le réseau évolutif de relations enchevêtrées et les interactions transformatrices qu'une entité entretient avec un assemblage hétérogène d'éléments abiotiques, biotiques et anthropiques. Sans prétendre à l'exhaustivité, cet article a pour objectif d'identifier quelques jalons qui permettent de constituer un cadre théorique pour penser les situations problématiques en géographe. Les influences proviennent non seulement des écrits anglophones associés à la philosophie pragmatiste (Dewey et Mead) et à la sociologie interactionniste (Becker, Blumer et Goffman), mais aussi des éclairages de l'existentialisme (Marcel, Sartre et Jaspers), de l'Internationale situationniste (Debord) et de la philosophie de l'instauration (Souriau). Pour chacun de ces jalons, un exemple emprunté à la géographie de l'eau permet de montrer comment s'incarnent et se nouent les principes théoriques dans des situations particulières. Le croisement de ces différentes approches peut aider les géographes à traiter les situations problématiques de manière à la fois plus humaine, plus qu'humaine et plus-que-représentationnelle.

Cet article porte sur les rapports entre le film Casablanca (1942) et la ville éponyme. Il examine en termes d'orientalisme l'imaginaire géographique du film et ses conditions de tournage pour montrer comment la métropole marocaine en est quasi-absente. Il atteste en revanche que le classique hollywoodien est bien présent dans les paysages urbains casablancais. L'analyse porte en particulier sur le Rick's Café, ouvert à Casablanca en 2004 pour évoquer l'établissement qui sert de cadre au film. Il propose le concept de « simulacre in situ » pour comprendre les logiques, les pratiques et les effets de lieux à l'oeuvre Rick's Café, et démontre sa pertinence en déclinant divers exemples, issus du cinéma, de la télévision, de la peinture, de la littérature ou de récits historiques. L'article constitue une contribution à la réflexion sur les simulacres géographiques et sur le ciné-tourisme (film-induced tourism), et plus généralement sur les rapports entre les lieux et les imaginaires. Sur la base d'une approche décomplexée des simulacres, il plaide pour une géographie qui prenne pleinement en compte la dimension imaginaire des lieux, et au sérieux la capacité de leurs visiteurs à faire semblant d'y croire.

Un réexamen de l'aménagement du territoire français au croisement des concepts de la géohistoire et de l'approche cognitive des politiques publiques (référentiels d'action publique) ouvre des perspectives nouvelles pour une nouvelle compréhension des temporalités propres à cette modalité d'action (émergences, rythmes, décalages, transitions, sens…). Grâce au concept de régime de réflexivité proposé par les politistes ayant théorisé ce courant de la science politique, il est possible d'expliciter l'articulation complexe de la pensée et de l'action aménagiste puis de révéler trois des constantes de l'aménagement du territoire en France que sont, selon des modalités renouvelées lors des changements de référentiel, le rapport de la société aux inégalités spatiales, la revendication de l'équilibre et la scalabilité.

Cet article propose d'analyser, à partir d'une étude de cas sur les développements du surf dans trois localités de la côte est à Madagascar, comment se fabriquent et s'imbriquent des identités individuelles et territoriales autour d'une pratique corporelle. L'émergence récente du surf dans la Grande île permet d'interroger le rapport au corps et au littoral induit par cette nouvelle pratique pour les habitants. Jusqu'ici, les croyances fortes autour de l'océan qui emporterait et tuerait les individus en font un espace répulsif. L'actuelle faible littoralisation à Madagascar devient un enjeu de développement pour certains acteurs locaux. Le surf, en tant qu'objet d'étude, permet ainsi de saisir l'influence d'un modèle culturel construit ailleurs, dont la circulation est conditionnée par des enjeux politiques, économiques et sociaux, et dont les réappropriations multiples contribuent au façonnement de cet objet.

La majorité des candidatures à un poste de maître de conférences dans un établissement d'enseignement supérieur français suppose que la personne a certes soutenu une thèse de doctorat mais surtout a été qualifiée par une section du Comité National des Universités (CNU). Certaines informations des dossiers de candidatures qualifiés constituent un matériau inédit pour rendre compte de la géographie universitaire et urbaine de ces thèses et des thématiques traitées. L'analyse de telles informations vient ainsi enrichir la géographie de la science en France. Des explorations sont menées ici à partir des dossiers qualifiés en 23e section du CNU, intitulée « Géographie physique, humaine, économique et régionale », au cours de la mandature 2016-2019. Elles permettent de souligner que l'écrasante majorité des thèses qualifiées ont été soutenues dans une université et qu'au-delà de la très forte concentration de thèses dans l'agglomération parisienne, des villes occupent des positions remarquables, par un nombre très élevé de thèses qualifiées par encadrant et des thématiques de recherche spécifiques. Ces premiers résultats posent de nombreuses questions sur l'inertie de la géographie des thèses qualifiées, ce qu'elles révèlent des thématiques de recherche et des champs à l'intérieur de la discipline. Ils invitent également à s'interroger sur la stabilité des potentiels d'encadrement doctoral.