Contenu du sommaire : Les milieux « dissidents » et le système
Revue | Cahiers du monde russe |
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Numéro | volume 62, no 1, janvier-mars 2021 |
Titre du numéro | Les milieux « dissidents » et le système |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Avant-propos. Les milieux « dissidents » et le système - Maike Lehmann p. 9-17
- Foreword. ‘Dissident' Milieus and the System - Maike Lehmann p. 19-26
- “Nothing to do with "melukhe”? Two Jewish alternative milieus under the late Soviet regime: Between defiance and cooperation - Galina Zelenina p. 27-50 L'article examine les attitudes, à l'égard de l'État soviétique et de ses valeurs, de deux minorités juives dissidentes, le mouvement religieux clandestin des hassidiques de Loubavitch et le mouvement nationaliste juif issu de la lutte pour l'émigration. Les membres des deux groupes, qui s'identifiaient comme juifs au départ, se décrivirent rétrospectivement comme des victimes du pouvoir soviétique et des ennemis acharnés du régime. Étayé sur des documents datant de la fin des années 1960 à la fin des années 1980, ainsi que sur des mémoires et des entretiens ultérieurs, l'auteure soutient que tant les loubavitch que les refuzniks sont restés des produits culturels du système soviétique et que leurs déclarations et leur lutte antisoviétiques ont coexisté avec leur adhésion aux valeurs et à la rhétorique soviétiques et leur volonté de négocier avec l'État de diverses manières.The article examines attitudes towards the Soviet state and Soviet values shared by two dissenting Jewish minorities: the religious underground of Lubavitch Hasids and the nationalistic Jewish movement stemming from the struggle for emigration. Members of both groups identified themselves as Jews in the first place and retrospectively described themselves as victims of Soviet power and bitter enemies of the regime. Based on documentary evidence from between the late 1960s and the late 1980s as well as on later memoirs and interviews, the article argues that both Lubavitchers and refuseniks remained cultural products of the Soviet system and that their anti-Soviet declarations and struggle coexisted with their embrace of Soviet values and rhetoric and willingness to negotiate with the state in various ways.
- Affective pedagogy and caring community: Jacek Kuroń's political milieu in 1970s socialist Warsaw - Thuc Linh Nguyen Vu p. 51-75 Les liens d'amitié et les pratiques quotidiennes comme le chant et la cuisine peuvent sembler anodins, mais, comme le montre cet article, ils sont en fait essentiels à la vie quotidienne des militants d'où émerge la dissidence. En reconstituant la formation de la « communauté solidaire » autour du dissident Jacek Kuroń sur la base de sa pédagogie socialiste et l'histoire orale, l'auteure montre comment Kuroń et son milieu ont incarné les valeurs de solidarité, de bienveillance et de coopération. Principe de base essentiel à la formation du Comité de défense des ouvriers (KOR), ces valeurs se sont développées lors d'expériences antérieures vécues au sein du groupe des scouts socialistes Walterowcy. Le réseau d'amis de Kuroń, les pratiques informelles d'assistance et les espaces apparemment privés tels que son appartement constituaient l'armature sociale de ce milieu politique, nous obligeant à réviser les frontières réifiées entre vie privée et activisme public.Bonds of friendship and everyday practices like singing and cooking appear trivial, but as this article argues they are, in fact, essential to activists' everyday lives, from which dissidence emerges. By reconstructing the formation of the ‘caring community' around the dissident Jacek Kuroń on the basis of oral history and his socialist pedagogy, the author shows how he and his milieu embodied the values of solidarity, care, and cooperation. Key to the formation of the Workers' Defence Committee (KOR), these values were rooted in earlier experiences in the socialist scout group Walterowcy. Kuroń's network of friends, informal practices of care, and seemingly private spaces such as his apartment formed the social backbone of this political milieu, forcing us to revise reified boundaries between private life and public activism.
- Young and socialist at Moscow State University: Dissident subjectivities in the last Soviet generation - Natasha Wilson p. 77-102 Cet article explore les expériences quotidiennes à l'université d'État de Moscou d'un groupe d'étudiants de la faculté d'histoire, qui formèrent un cercle de dissidents au lendemain de l'obtention de leur diplôme. Connus plus tard sous le nom de « Jeunes socialistes » à la suite des reportages internationaux qui avaient été réalisés sur leur arrestation en 1982, ces futurs dissidents avaient noué des liens d'amitié étroits alors qu'ils partageaient une même chambre en résidence étudiante. S'appuyant sur l'histoire orale, l'auteure examine ces jeunes intellectuels comme une fenêtre ouverte sur les sources des subjectivités politiquement engagées dans les années 1970. Elle explore l'impact des études historiques et de la culture étudiante dirigée par le Komsomol, tout en soulignant l'influence de l'Amérique latine, champ d'étude et source d'engagement politique, qui a alimenté des discours anticapitalistes s'opposant à ceux de l'Occident imaginaire. Cet article présente une nouvelle perspective sur la dernière génération soviétique, qui met l'accent sur ses socialistes et ses dissidents engagés.This article explores the everyday experiences of a group of students from Moscow State University's history department who formed a dissident circle the year after their graduation. Later known as the Young Socialists following international reporting on their arrests in 1982, these future dissidents formed close bonds of friendship while living together in a dorm room. Informed by oral history, this study examines these young intellectuals as a window onto the sources for politically engaged subjectivities in the 1970s. It explores the impact of historical studies and Komsomol-led student culture while emphasizing the influence of Latin America as a field of study and source of political engagement, which fueled anti-capitalist discourses countering those of the imaginary West. This article introduces a new perspective on the last Soviet generation that shifts focus onto its committed socialists and dissidents.
Articles
- Russkaia/rossiiskaia identichnost´ rannego staroobriadchestva : ot « svetloi Rossii » k « preslavneishei i vseschastlivoi Rossiiskoi imperii » (seredina XVII – pervaia tret´ XVIII v.) - Pëtr S. Stefanovich p. 105-136 L'auteur étudie le rapport à la Russie qu'entretenaient les vieux croyants ou, dit autrement, à leur identité russe. Pour ce faire, il procède à l'analyse de textes, depuis les travaux des premiers opposants à la réforme de l'Église des années 1660-1670 aux textes des années 1720-1730 publiés au monastère du Vyg. L'auteur montre qu'initialement les vieux croyants adhéraient à l'idéal de « la Russie radieuse / la Sainte Russie » (État autocratique orthodoxe choisi par Dieu) développé dans la mythologie politique de Moscou entre le milieu du XVIe siècle et celui du XVIIe. Cependant, après les décisions du Grand Concile de 1666-1667 et leur désillusion envers le gouvernement tsariste et l'Église, les vieux croyants durent reconsidérer leurs relations avec la nouvelle Russie « hérétique ». Cette révision, conclut l'auteur, conduisit au début du XVIIIe siècle à une sorte de dédoublement de l'identité des vieux croyants qui se manifesta, d'une part, par la conservation d'une croyance utopique en la renaissance de la « Russie radieuse » d'avant la réforme de Nikon et, de l'autre, par la reconnaissance de leur appartenance à l'Empire russe, qui s'était engagé sur la voie de la modernisation et de la sécularisation.The author considers what the Old Believers thought of Russia or, in other words, what their Russian identity was. He analyzes texts ranging from writings by the first opponents of the Russian Orthodox Church reform in the 1660s-1670s to works of the Vyg community leaders of the 1720s-1730s. He claims that, originally, the Old Believers adhered to the ideal of “Shining/Holy Russia,” the autocratic orthodox country chosen by God as it was elaborated in the Muscovite political mythology between the mid-sixteenth and mid-seventeenth centuries. However, after they lost faith in tsar and patriarch (following the decisions of the Great Council of 1666-1667) they had to reconsider their relationship to the new “heretic” Russia. The author concludes that, at the beginning of the eighteenth century, the Old Believers' Russian identity was double or split: on the one hand, they cultivated a utopian vision of pre-reform (pre-Nikon) “Shining Russia,” on the other hand, they admitted their allegiance to the Russian Empire with its new mission of modernization and secularization.
- Reforma administrativnogo deleniia Ekateriny II v moskovskom regione - Dmitrii A. Khitrov p. 137-158 Dans cet article, l'auteur examine les transformations territoriales réalisées dans la région de Moscou dans les années 1780 lors de la mise en œuvre de la réforme territoriale de Catherine II. Il reconstruit précisément les limites des districts de la province de Moscou dans les années 1770, les compare à celles du gouvernorat (namestničestvo) de Moscou dans les années 1790 et révèle une image complexe et mosaïque de la redistribution territoriale entre les centres urbains. La réforme a abouti à un nouveau système de division administrative et territoriale fondé sur les principes d'une répartition à peu près équilibrée de la population et d'un regroupement compact des territoires dans les unités administratives. Il démontre ainsi qu'en dépit des fortes modifications du tracé des frontières, les auteurs de la réforme se sont efforcés de préserver les contours du réseau urbain et les voies de communication déjà existantes.The article examines the territorial transformations carried out in the Moscow region in the 1780s during the implementation of Catherine II's territorial reform. A detailed reconstruction and comparison of the boundaries of the districts of the Moscow province in the 1770s and the Moscow “government” (namestnichestvo) in the late 1780s reveals a complex and mosaic picture of the redistribution of territories between urban centers. The reform brought about a new system of administrative division based on the principle of an approximately equal distribution of the population and compactness of territories in administrative units. The author shows that, despite strong changes in boundaries, the administration sought to preserve the urban network and existing territorial communication channels.
- Nezhelatel´nye blagotvoriteli : kupecheskie premii, moskovskoe issledovateli stariny i osobennosti oborota simvolicheskogo kapitala v Rossii serediny XIX v. - Vladislav Boiarchenkov p. 159-178 L'auteur étudie ici la tentative des marchands de Saint-Pétersbourg, dans les dernières années du règne de Nicolas Ier, de devenir membres de la Société d'histoire et d'antiquités russes de l'université de Moscou. Le secrétaire de la société, Osip Maksimovič Bodjanskij, et l'antiquaire Ivan Petrovič Saharov, protecteur des marchands, ont discuté des effets possibles de cette entrée et ont formulé une vision différente des perspectives de développement de la Société d'histoire en Russie. Le concept de capital symbolique développé par Pierre Bourdieu est proposé comme outil de réflexion sur les différentes questions soulevées au cours de la discussion : enjeux du statut social des chercheurs, possibilités de division du travail entre eux et incitations matérielles à leurs activités. Ce faisant, l'étude met au jour des obstacles sérieux, souvent insurmontables, à la conversion du capital économique, dont disposaient les marchands, en ce capital symbolique, que conférait l'appartenance à une prestigieuse société académique.The article studies St. Petersburg merchants' attempt at joining Moscow University's Society of History and Antiquities of Russia during the last years of Nicholas I's reign. The Society's secretary, Osip Maksimovich Bodianskii, discussed the prospects of this membership with antiquarian and merchant patron Ivan Petrovich Sakharov, and the two men formulated different visions of the Society's development in Russia. The issues at hand in their discussion, such as the social status of antiquities historians, a possible division of work among them, and material incentives for their activities, are analyzed within the framework of Pierre Bourdieu's concept of symbolic capital. The study shows serious, insurmountable obstacles to the conversion of the merchants' economic capital into the symbolic capital conferred by membership in a prestigious academic society.
- « Pisatel´skaia rota » : K istorii stalinizma voennogo vremeni - Oleg Budnitskii p. 179-205 En juillet 1941, une centaine d'écrivains ont rejoint la milice populaire de Moscou. Cet article est dédié à l'histoire de la création et de la disparition de la « compagnie des écrivains » de la 8e division de la milice populaire. Cette histoire constitue une page très révélatrice de l'histoire sociale de la littérature soviétique. L'auteur tente de répondre à diverses questions : pourquoi précisément ces écrivains avaient-ils été « délégués » par la direction de l'Union des écrivains à la milice populaire ? Quelle était la propre motivation de ces écrivains à rejoindre la milice ? Pourquoi comptait-on parmi eux tant de « suspects » selon les normes du régime stalinien ? Dans l'histoire de la compagnie des écrivains, on retrouve mêlées l'histoire du mécanisme de la mobilisation de la société pendant la seconde guerre mondiale et celle des répressions. Il s'agit là d'une nouvelle page du stalinisme de guerre, un sujet dont nous ne connaissons l'histoire que de façon fragmentaire.In July 1941, about 100 writers joined the People's Militia of Moscow. This article is devoted to the history of the formation and demise of the “writers' company” of the 8th division of the People's Militia. This story represents a very revealing page in the social history of Soviet literature. The author attempts to answer the questions: why were these writers “delegated” to the People's Militia by the leadership of the Union of Soviet Writers? What were their own motives for joining the militia? Why were so many of them “suspicious” by the standards of the Stalinist regime? The history of the “writers' company” is an intertwining of the history of the mechanism of social mobilization during World War II and that of repressions. It is yet another page in the history of wartime Stalinism, a topic that is still very fragmentarily studied.
- Russkaia/rossiiskaia identichnost´ rannego staroobriadchestva : ot « svetloi Rossii » k « preslavneishei i vseschastlivoi Rossiiskoi imperii » (seredina XVII – pervaia tret´ XVIII v.) - Pëtr S. Stefanovich p. 105-136
- Livres reçus - p. 215-216