Contenu du sommaire : Communs et services urbains : un croisement fructueux
Revue | Flux |
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Numéro | no 124-125, 2021/2-3 |
Titre du numéro | Communs et services urbains : un croisement fructueux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Communs et services urbains : un croisement fructueux ? - Bernard De Gouvello, Sylvy Jaglin p. 1-11
- Biodéchets : retour d'expériences de commoning autour du compostage de proximité - Marion Boespflug, Catherine Carré, Thomas Lamarche p. 12-26 Présenté dans la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte de 2015 comme une solution possible pour la gestion séparée des biodéchets dans les collectivités locales, le compostage de proximité se développe progressivement en zone urbaine. Le rassemblement d'individus autour de l'outil partagé qu'est le composteur peut faire apparaître des processus de commoning produisant des règles d'accès, d'utilisation et de gestion. Cet article examine comment les pratiques de commoning construites autour du compostage de proximité réinterrogent les modes de fonctionnement du service public des déchets. Il présente la place singulière des biodéchets au cours de l'édification de ce service et la façon dont la valorisation récente d'une gestion séparée des autres déchets le met à l'épreuve de ses contradictions. Le commoning au sein de la gestion des composteurs de proximité met en avant des liens différents, « alternatifs », entre usager et service public et entre usager et collectivité locale. L'article montre que cette « mise en commun » ne se fait pas sans difficulté ; nombre d'obstacles d'ordre économique, humain ou institutionnel peuvent limiter ou éteindre ces processus demandant temps, engagement et souplesse pour se construire. Les tiers-lieux offrent des espaces d'expérimentation facilitant les mécanismes du commoning et réintégrant le compostage dans un mode de vie plus global. Ces pratiques en marge des systèmes institutionnels ne pourront cependant pas s'épanouir sans l'ouverture d'une gouvernance multipartite entre société civile, opérateurs privés et institutions publiques.Promoted in the Energy Transition Act of 2015 as one of the possible solutions for the separate biowaste collection and treatment for local authorities, community composting is gradually developing in urban areas. Bringing together individuals around composter can lead to commoning practices. This article examines how commoning practices around composting at the neighbourhood level re-examine the ways public waste management operates. It presents the singular place of biowaste during the historical construction of this service and how the recent development of separate biowaste collection and treatment systems puts it to the test of its contradictions. The commoning within locally based composting highlights different, “alternative” links between user and the public service and between user and local authorities. The article shows that this commoning is not without difficulty; many economic, human, or institutional obstacles can limit or extinguish these processes, which require time, commitment, and flexibility. Third places offer places for experimentation that facilitate commoning and reintegrate composting into a more global way of life. However, these practices on the fringes of institutional systems will not develop without the opening of multi-stakeholder governance between civil society, private operators, and public institutions.
- L'émergence d'un commun en matière d'assainissement urbain : les toilettes sèches séparatives en habitat participatif - Aurélie Joveniaux, Bernard De Gouvello, Marine Legrand p. 27-40 Les excrétats humains contiennent des éléments valorisables en agriculture (carbone, phosphore et azote notamment). La généralisation du tout-à-l'égout concomitante au développement du phénomène urbain au cours du 20e siècle a massivement orienté leur gestion vers des modalités linéaires génératrices d'externalités négatives du point de vue environnemental. Cette logique est remise en question. Dès les années 1990, des projets de séparation à la source ont été menés en Suède. L'intérêt pour cette pratique s'affirme aujourd'hui en France avec des projets d'immeubles ou d'aménagement de quartier envisageant la mise en œuvre de filières de collecte et valorisation des excrétats. Ces projets réinterrogent l'assainissement urbain d'un point de vue technique, organisationnel, social et territorial, en instituant l'échelon décentralisé comme producteur non plus d'un déchet, mais d'une ressource que les habitants se réapproprient.La dynamique de l'habitat participatif semble fournir un cadre privilégié pour expérimenter la séparation à la source en ville, en l'insérant dans une logique de communs. C'est ce que donne à voir le cas de l'immeuble Au Clair du quartier situé à Grenoble et habité depuis 2017 par cinq familles qui ont opté pour l'adoption de toilettes sèches séparatives dans leurs appartements et le compostage des matières fécales dans le jardin géré en commun. Cet article analyse les conditions ayant conduit à ce choix, ainsi que les règles adoptées afin de maintenir fonctionnels ces dispositifs techniques. Cet exemple permet de s'interroger sur les mutations du système d'assainissement urbain qui pourraient être engendrées par le développement de projets de séparation à la source tel que celui d'Au Clair du Quartier. Se dessine ainsi une troisième voie entre l'assainissement non collectif (individuel) et collectif (public), avec des collectifs d'habitants et d'usagers qui prennent part à la production du service d'assainissement, invitant à penser la mise en place de nouveaux communs dans la gestion des flux en milieu urbain.Human excrement contains elements that can be used in agriculture (carbon, phosphorus, nitrogen…). The widespread use of sewerage following the urban development during the 20th century has massively oriented their management towards linear modalities generating negative environmental externalities. This logic is called into question. Source separation projects have been carried out in Sweden since the 1990s. Interest in this practice is now growing in France, with building or neighbourhood development projects considering the implementation of excreta collection and recovery systems. These projects re-examine urban sanitation from a technical, organisational, social and territorial point of view : the decentralised level, that was defined as a source of waste, becomes a resource producer, thus enabling inhabitants to initiate a reclaiming process.The dynamics of co-housing seems to provide a privileged framework for experimenting with separation at source in the city, by inserting it into a logic of commons. This can be seen in the case of the Au clair du Quartier building in Grenoble, inhabited since 2017 by five families who have adopted separating dry toilets in their apartments and the composting of faecal matter in their shared garden. This article analyses the conditions that led to this choice, as well as the rules adopted in order to keep these technical devices functional. This example raises questions about the changes in the urban sanitation system that could be brought about by the development of source separation projects such as the one in Au Clair du Quartier. A third way is thus emerging between non-collective (individual) and collective (public) sanitation, with groups of inhabitants and users who take part in the production of the sanitation service, inviting us to think about the implementation of new commons in the management of flows in urban areas.
- La sécurisation du risque d'inondation comme « commun-communauté » : colonisation institutionnelle et résistances pratiques dans la plaine grenobloise - Antoine Brochet, Yvan Renou p. 41-58 Dans cet article, nous mobilisons le paradigme des communs pour réinterroger sur le temps long (de l'Ancien-Régime à aujourd'hui) les modalités de gouvernance des associations syndicales de sécurisation du risque inondation dans la plaine de Grenoble. L'hypothèse défendue est que l'analyse de la gouvernance de ces associations syndicales permet d'identifier des logiques d'action et pratiques de commoning qui sont souvent dissimulées derrière un vernis public du fait d'un processus de colonisation du commun par la puissance publique. Après avoir à la fois positionné notre problématique dans la littérature sur le risque d'inondation et sur les communs, nous retraçons l'histoire des associations syndicales de sécurisation du risque inondation dans la plaine de Grenoble en rendant compte de leur colonisation et marginalisation par la puissance publique. Dans la dernière partie de l'article, nous discutons des enjeux contemporains et de l'avenir de ces formes d'organisation en commun à partir de l'analyse du cas de deux associations syndicales dont l'une est toujours en activité.In this paper, we mobilise the paradigm of the commons to re-interrogate, from the Ancien-Régime to the present day, the modes of governance of associations of property owners for the protection of the flood risk in the Grenoble plain (France). The hypothesis defended is that the analysis of the governance of these associations allows us to identify norms and practices of commoning that are often hidden due to a process of colonisation of the common by the public power. After having contextualised our problematic in the literature on flood risk and on the commons, we retrace the history of these associations by reporting on their colonization and marginalization by the public power. In the last part of the article, we discuss the contemporary issues and the future of these forms of commons organizations, based on the analysis of the case of two associations, one of which is still active.
- La tragédie d'un commun urbain : le cas des petits opérateurs privés de services d'eau à Cochabamba - Juan E. Cabrera, Jacques Teller p. 59-76 Notre étude est centrée sur l'autogestion de l'eau par les communautés locales de Cochabamba (Bolivie). Nous nous intéressons plus spécifiquement aux effets sur le territoire et la société de la production de l'eau par un foisonnement de petits opérateurs privés agissant dans un cadre non coordonné, sans concertation avec les opérateurs publics. Les résultats de notre étude ne remettent pas en question la valeur de l'eau en tant que bien commun. Ils questionnent comment la création de synergies dans la logique d'une gestion communautaire de l'eau peut être pénalisée par des logiques d'auto-production mal ou non encadrées. Nous mettons en évidence la nécessité d'une gestion partagée de l'eau entre opérateurs communautaires et administrations publiques, considérant, à la suite d'Ostrom, qu'une collaboration entre ces deux types d'acteurs est indispensable pour assurer une forme d'exploitation collective et durable de la ressource. Nous mettons par ailleurs en évidence les processus de fragmentation urbaine, les conflits entre acteurs et l'exploitation non durable de l'eau liés à la prolifération de petits opérateurs locaux.Our study focuses on community-based management of water in Cochabamba (Bolivia). We are more specifically interested in the territorial and social effects of the production of water by a proliferation of small private operators acting in an uncoordinated framework, without any supervision by public operators. The results of our study do not question the value of water as a common good. They question how the creation of synergies in community-based water management can be penalized by poorly or unframed self-production logics. We are stressing the importance of a shared water management associating community-based operators and public administrations, considering, following Ostrom, that collaboration between these two types of actors is essential to ensure a collective and sustainable exploitation of the resource. We also highlight urban fragmentation processes, conflicts between actors and the unsustainable exploitation of water related to the proliferation of small local operators.
- La coopérative d'usagers, un modèle de commun pour la gestion des services urbains d'eau et d'assainissement ? Le cas de SAGUAPAC à Santa Cruz (Bolivie) - Bernard De Gouvello p. 77-91 La prise en charge des services urbains d'eau et d'assainissement relève généralement d'une gestion publique directe ou d'une gestion privée – majoritairement sous la forme de la délégation de services. Si d'autres formes de gestion existent, telles les coopératives d'usagers, elles opèrent principalement en milieu rural ou dans des contextes urbains « périphériques ». Le cas de la coopérative SAGUAPAC qui gère les services d'eau et d'assainissement de la plus grande agglomération bolivienne interpelle. A un moment où l'on assiste à un retour des communs, étudier cet exemple en analysant les conditions qui l'ont rendu possible permet de s'interroger : à quelles conditions la coopérative d'usagers constitue-t-elle une déclinaison possible d'une logique de communs en matière de prise en charge des services d'eau et d'assainissement de centres urbains ?Après avoir situé l'intérêt d'étudier le cas de la coopérative SAGUAPAC dans la perspective d'une analyse en termes de communs et dressé un bref portrait des caractéristiques de la coopérative, l'article propose un récit synthétique de l'histoire de la coopérative de sa création en 1979 jusqu'à nos jours. Les principes de gouvernance élaborés par celle-ci pour assurer sa pérennité sont ensuite caractérisés en mettant en exergue leurs conditions d'élaboration. L'analyse de ces conditions conduit alors à nuancer l'exemplarité de cette expérience.The provision of urban water and sanitation services is generally under direct public management or private management – mostly in the form of delegated services. While other forms of management exist, such as user cooperatives, they operate mainly in rural areas or in ‘peripheral' urban contexts. The case of the SAGUAPAC cooperative, which manages the water and sanitation services of Bolivia's largest conurbation, is a case in point. At a time when we are witnessing a return of the commons, studying this example by analysing the conditions which made it possible allows us to ask: under what conditions does the users' cooperative constitute a possible variation of a logic of common in terms of the management of water and sanitation services in urban centers?After having situated the interest of studying the case of the SAGUAPAC cooperative in the perspective of an analysis in terms of commons and having drawn a brief portrait of the characteristics of the cooperative, the article proposes a synthetic account of the history of the cooperative from its creation in 1979 to the present day. The principles of governance developed by the cooperative to ensure its durability are then characterized by highlighting the conditions under which they were developed. The analysis of these conditions then leads us to qualify as limited the scope of this experience.
- Energie électrique décentralisée et réseau municipal : hautes tensions autour d'un bien commun urbain dans la province du Western Cape (Afrique du Sud) - Sylvy Jaglin, Alain Dubresson p. 92-108 En un temps de profusion d'usage des concepts de bien commun et de commun(s), il est tentant de mobiliser ces derniers pour analyser les évolutions des réseaux électriques municipaux sud-africains. Après un rappel des relations entre ces concepts et le réseau électrique telles qu'elles sont discutées dans la littérature, l'article établit une distinction entre la notion de bien collectif (l'infrastructure) et celle de bien commun (le projet politique d'intégration urbaine et ses valeurs) dont le réseau est à la fois l'incarnation matérielle et le vecteur sociotechnique en Afrique du Sud. Il montre d'abord qu'au stade actuel, l'essor du solaire photovoltaïque, résultant d'initiatives individuelles de citadins aisés ou de stratégies d'entreprises, ne peut pas être interprété en termes de communs électriques. Il explique ensuite pourquoi la déstabilisation de la fonction municipale de distribution électrique sous l'effet d'une révolution solaire encore mal contrôlée menace l'existence d'un bien commun urbain adossé au réseau depuis 1994. Enfin, revenant sur la distinction proposée entre bien collectif et bien commun, il montre qu'elle est utile pour interpréter les circonstances qui ont rendu possible l'alignement entre un dispositif matériel hérité et les objectifs du projet urbain post-apartheid. En revanche, le concept de commun(s) et celui de bien commun ne permettent qu'imparfaitement de comprendre ce qui se joue, aujourd'hui, dans les réseaux électriques municipaux. Les difficultés qu'éprouvent en effet les municipalités du Western Cape à combiner tous les dispositifs sociotechniques et à réinventer des formes de régulation constitutives d'un nouveau modèle redistributif font craindre une appropriation du solaire PV par les seuls citadins et entreprises qui en ont les moyens financiers. Ainsi pourraient surgir des clubs hors réseau porteurs d'une fracture électrique au sein de villes très inégalitaires.In a time of profuse use of the concepts of commons and common good, it is tempting to mobilise them to analyse the evolution of South African municipal electricity networks. After a review of the relationship between these concepts and the electricity network as discussed in the literature, the article distinguishes between the notion of collective good (the infrastructure) and that of common good (the political project of urban integration and its values) of which the network is both the material embodiment and the socio-technical vector in South Africa. It first shows that, at the present stage, the rise of photovoltaic solar energy, resulting from individual initiatives by wealthy urbanites or corporate strategies, cannot be interpreted in terms of electric commons. It then explains why the destabilization of the municipal electricity distribution function under the effect of a still poorly controlled solar revolution threatens the existence of an urban common good backed by the grid since 1994. Finally, it returns to the proposed distinction between a collective good and the common good, showing that it is useful for interpreting the circumstances that made possible the alignment between an inherited material infrastructure and the objectives of the post-apartheid urban project. However, the concepts of commons and common good only imperfectly allow us to understand what is at stake today in the municipal electricity networks. Indeed, the difficulties experienced by Western Cape municipalities in combining all the socio-technical devices and in reinventing forms of regulation that constitute a new redistributive model give rise to fears that solar PV will only be appropriated by city dwellers and companies that have the financial means. This could lead to the emergence of off-grid clubs that would create an electricity divide in highly unequal cities.
- Gouvernance autonome des réseaux à Rome, Semarang (Indonésie) et en Ile-de-France : la fragilisation des communs dans le temps long - Hélène Nessi, Julien Birgi, Joël Idt, Margot Pellegrino p. 109-126 Cet article s'intéresse à la gestion commune des infrastructures en réseau. Cette forme de gestion des services urbains collectifs, échappant à la dichotomie publique/privée, répond à une logique des communs et interroge cette notion. A partir de deux approches des formes d'organisation alternatives, l'une fondée sur une entrée économique et juridique (Ostrom, 1990), l'autre sur une entrée philosophique et sociale (Laval, Dardot, 2014), nous analyserons trois exemples d'organisations en France, en Italie et à Java. Pour ces trois cas, nous considérons que l'infrastructure en réseau (d'eau potable, d'assainissement, de distribution d'énergie, de voirie) est l'objet matériel autour duquel se structure une institution (Ostrom, 1990 ; Coriat, 2013) ou des actions collectives (Laval, Dardot, 2014). Nous interrogeons ainsi l'émergence de nouveaux modes de gouvernance dans la production et/ou la gestion des réseaux, et leur évolution dans le temps long. La matérialité du réseau implique des phases successives de conception/planification, de mise en place, puis de gestion. Chacune de ces étapes forge ou érode les communs dans un rapport plus ou moins conflictuel avec la puissance publique, dans des contextes où la gestion des réseaux relève plus ou moins fortement de l'intérêt général. L'analyse de leurs conditions d'émergence, leurs évolutions et leurs difficultés d'articuler micropolitique et macropolitique nous amène également à interroger les imbrications entre intérêts individuels et émancipation collective.This article focuses on the joint management of networked infrastructures. This form of management of collective urban services, escaping the public/private dichotomy, responds to a logic of the commons and questions this notion. We will analyze three examples of organizations in France, Italy and Java using two approaches to alternative forms of organization, one based on an economic and legal approach (Ostrom, 1990), the other on a philosophical and social entry (Laval and Dardot, 2014). For these three cases, we consider that networked infrastructure (drinking water, sanitation, energy distribution, roads) is the material object around which an institution (Ostrom, 1990; Coriat, 2013) or collective actions (Laval and Dardot, 2014) are structured. We thus question the emergence of new governance methods in the production and/or management of networks, and their evolution over time. The materiality of the network involves successive phases of design/planning, implementation, and operation and maintenance. Each of these steps forges or erodes the commons in a conflictual relationship with public power, in contexts where the management of networks is related to general interest. The analysis of their conditions of emergence, their evolution and the difficulties of articulating micropolitics and macropolitics also leads us to question the interweaving of individual interests and collective emancipation.
- Le commun eau territorialisé : dynamique de construction et politisation. Eclairages à partir de cas au Burkina Faso et en Indonésie - Catherine Baron, Muriel Maillefert p. 127-142 Cet article s'intéresse à la définition et à la construction du commun eau. L'examen de la littérature permet d'identifier une spécialisation des analyses sur le commun qui conduit à un cloisonnement dans le traitement des enjeux d'eau. Ces cloisonnements entrainent une déconnexion des travaux sous deux angles : une déconnexion entre des travaux sur l'eau ressource et ceux sur l'eau service ; et une déconnexion entre des travaux sur l'eau en milieu urbain et rural. Ce constat amène à interroger ce qui fonde la notion de commun eau. La plupart des recherches, fondées principalement sur la controverse Hardin/Ostrom, se réfèrent à une vision économique non interrogée de l'eau comme commun. Nous cherchons à déconstruire cette vision et repérons trois représentations du commun : le commun comme donné, le commun comme construit et le commun comme processus. Partant de l'idée du processus, nous identifions les éléments constitutifs du commun à partir d'une revue de la littérature. Trois composantes sont mises en évidence : les infrastructures, les usages et la gouvernance. Nous interprétons, à l'aide de cette grille, de manière comparative, des éléments d'incohérence entre ces dimensions constitutives du commun liés à des situations de conflits sur deux terrains, au Burkina Faso (Afrique de l'Ouest) et en Indonésie. Ces situations nous permettent de mettre au centre de notre analyse la politisation du commun. Nous discutons l'hypothèse selon laquelle la compréhension des dynamiques du commun suppose d'identifier les valeurs qui le fondent, les valeurs étant le marqueur de la politisation du commun. Une analyse croisant valeurs et représentations du commun est proposée à partir d'exemples tirés des cas d'étude. Une cause récurrente de dissociation et de conflits que nous avons pointée provient de l'exogénéité des valeurs et finalités qui guident l'action. En effet, quand elles sont exogènes, les valeurs peuvent entrer en frottement avec les organisations, les pratiques, les règles et les usages antérieurs. Les cas étudiés pointent l'importance des dispositifs organisationnels et matériels qui structurent les usages et informent la gouvernance.This article focuses on the definition of water resources and water services as commons. The literature review shows a compartmentalization in the analysis of water issues. This leads to a disconnection between water resources and water services analyses on the one hand, and between rural and urban approaches of water issues, on the other hand. This article aims to discuss how the concept of commons can reconnect these fields. Most of the academic research on water as a common is based on the Hardin/Ostrom controversy and do not question the economic vision of water as a common. We aim to deconstruct this vision. First, we identify three representations of the commons: the commons as a good, the commons as a social construction and the commons as an ongoing process. Considering water commons as an ongoing process, we then identify the three main components of water commons: technical devices (infrastructures), uses and governance. In reference to this conceptual framework, we interpret disruptive situations related to the complex articulation between these three components. These water conflicts are analyzed from this point of view in two different contexts in Burkina Faso (Africa) and Indonesia. The politization of the commons appears as a key issue to understand commons as an ongoing process. Politization implies to take into consideration the values and goals that guide collective action. A comparative analysis of our two case studies in Burkina Faso and Indonesia is proposed to discuss the role of values in this context. We consider that a recurrent cause of conflicts comes from the exogenous dimension of the values that guide collective action in the water sector. Indeed, when they are exogenous, values can come into friction with previous organizations, practices, rules and customs. Our case studies point out the importance of organizational and technical devices that structure uses and governance modes.
- "Gestion durable de l'eau urbaine. Observations et échanges France-Brésil", Barraqué, Bernard (sous la direction de), Versailles : Editions Quae, 2018, 247 p. - Kevin Caillaud p. 143-145
- "Densifier-dédensifier. Penser les campagnes urbaines", Léger Jean-Michel, Mariolle Béatrice (sous la direction de), Marseille : Parenthèses, 2018, 320 p. - Laetitia Dablanc p. 146-148