Contenu du sommaire : Open data : une révolution en marche
Revue |
Légipresse. Hors-séries Titre à cette date : Légicom : revue du droit de la communication des entreprises et de la communication publique |
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Numéro | no 56, 2016/1 |
Titre du numéro | Open data : une révolution en marche |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Karine Favro p. 3-12
I – L'ouverture des données publiques
- Faut-il réellement craindre l'Open data pour la protection de nos données personnelles ? - Matthieu Berguig, François Coupez p. 15-24 Open data et protection des données personnelles semblent n'entretenir aucun rapport l'un avec l'autre. Il est difficile de concevoir que la diffusion des informations que les organismes publics recueillent, produisent ou achètent pour les aider dans la prise de décision, puisse contrevenir à la protection des données personnelles qui, par définition n'ont pas vocation à être diffusées. Pour autant, les liens sont étroits, que ce soit en raison de la nature de l'organisme qui les détient, ou du type de données concernées. La collecte par les détenteurs de données publiques s'effectue auprès des personnes privées et parfois relèvent du domaine des données qualifiées de sensibles. Dès lors, la loi Informatique et libertés peut se révéler l'un des obstacles prépondérants à la mise en œuvre d'une politique d'ouverture des données. C'est la raison pour laquelle l'Open data est construite sur un nécessaire anonymat dont le juge devra rester le garant. Mais il n'en demeure pas moins que la question de la confidentialité des données personnelles est mise en débat car certaines personnes physiques peuvent être contraintes, par l'effet de la loi, à révéler des informations personnelles les concernant. La diffusion publique de données à caractère personnel peut également prendre une forme indirecte et concerner alors tout un chacun, élus ou simples citoyens. ■
- L'ouverture des informations publiques au regard de la propriété intellectuelle - Vincent Varet p. 25-40 La présente étude a pour objet d'analyser l'articulation entre les droits de propriété intellectuelle – plus spécialement le droit d'auteur, les droits voisins et le droit sui generis reconnu aux producteurs de bases de données – et le principe de libre réutilisation des informations publiques, que ce soit à des fins commerciales ou non commerciales. Le législateur, abondamment sollicité ces derniers mois, ne pouvait ignorer les droits de propriété intellectuelle qui peuvent constituer une contrainte à l'ouverture des informations publiques. Cette contrainte est absolue lorsque les droits sont détenus par les tiers, et constitue alors un frein à l'ouverture. Lorsque les droits sur certaines informations publiques sont détenus par l'organisme du secteur public, cette contrainte s'atténue. Utilisant à son profit cette ambiguïté de régime, le législateur suggère pour autant de faire de ces droits de propriété intellectuelle un outil de cette ouverture dans le cadre de schémas contractuels spécifiques. Les contrats afférents à des droits de propriété intellectuelle peuvent en effet devenir des outils en faveur de l'ouverture des informations publiques. Le législateur a choisi de suggérer cet outil plutôt que de l'imposer, tout en édictant certaines conditions impératives, que les contrats doivent respecter, l'outil étant alors aménagé. ■
- Le statut des archives publiques dans le discours d'ouverture des données : de la formalisation d'un droit d'accès à l'émergence d'un droit d'exploiter la donnée - Marie Cornu p. 41-49 La loi du 3 janvier 1979 sur les archives rassemble dans un texte unique un grand nombre des dispositions relatives au régime juridique des archives. Elle est adoptée un an après la loi du 17 juillet 1978 sur les documents administratifs, catégorie d'archives publiques soumise à un régime spécifique. Ces deux textes formalisent un droit d'accès à l'information. Ils n'obéissent cependant pas à la même logique. La première loi s'attache à mettre à disposition les gisements de documents qui procèdent de la sphère publique dans le cadre d'un accès différé. La seconde met l'usager en mesure d'être informé, en tant que citoyen, sur l'action publique dans le cadre d'un accès immédiat. Aujourd'hui, la démarche d'Open data consiste à rendre utilisable la donnée de façon à ce que l'usager puisse l'exploiter, la valoriser. Le fait qu'un document soit librement accessible et communicable n'en libère pas en toute hypothèse l'exploitation. Outre la réservation des droits de tiers, la liberté d'accès n'induit pas la libre exploitation. L'ordonnance de 2005 sur le droit de réutilisation des informations du secteur public met en tension, dans des termes nouveaux, logique de commerce des données et logique de gratuité. Cette tension s'exprime aujourd'hui au travers des chantiers législatifs en cours, dans lesquels alternent discours de l'ouverture des données, et nécessités économiques. ■
- Transparence administrative, Open data et libre administration des collectivités territoriales. Un triptyque à définir ? - Karine Favro p. 51-66 L'article L. 1112-23 du CGCT introduit par la loi NOTRe prévoit pour les collectivités de plus de 3500 habitants l'obligation de rendre accessible en ligne leurs informations publiques lorsqu'elles sont disponibles sous forme électronique. Cependant, concilier la transparence, l'ouverture des données et la libre administration des collectivités n'est pas une mince affaire même si des effets bénéfiques sont attendus. L'émiettement des territoires locaux n'est pas de nature à favoriser la mise en œuvre de l'Open data tant les disparités territoriales sont avérées et sources d'inégalités quant à l'accès aux ressources et aux moyens déployés pour dématérialiser les services administratifs. Le législateur doit prendre en considération cette réalité, notamment à l'échelle des communes. Le seuil des 3500 habitants n'est d'ailleurs pas des plus pertinents et suppose que l'on réfléchisse sur les informations publiques qu'il convient utilement de libérer en application de la loi de 1978, de quelle façon et pour quelle finalité dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. Le principe de libre administration sert alors de variable d'ajustement en créant un clivage entre les petites collectivités qui mettront en œuvre a minima cette obligation législative, et les plus importantes, qui s'adonnent déjà à l'Open data. ■
- Open data des données de la recherche publique : entre réformes législatives et retour d'expérience sur un guide pratique à destination des chercheurs - Céline Castets-Renard, Nathalie Gandon p. 67-75 Le partage des données de recherche et leur réutilisation est un des enjeux de l'Open data contribuant au progrès scientifique et à l'innovation. Cependant, toutes les données de recherche ne peuvent être libérées et le contexte législatif foisonnant et incertain révèle l'utilité d'un cadrage dont il appartiendra aux chercheurs de se saisir. Dans ce contexte, une initiative Open data a été menée par l'INRA (Institut national de recherche agronomique) pour constituer un groupe de travail d'experts interorganismes composé de juristes et non juristes dans le but de rédiger un guide pratique de l'Open data, à destination des chercheurs. L'Institut, en tant que grand producteur de données, a décidé de s'inscrire dans une démarche de libre accès aux données de la recherche en se dotant d'un cadre dessinant une politique institutionnelle en matière de partage de la donnée scientifique. L'objectif fut d'élaborer un guide pour accompagner les chercheurs dans l'ouverture des données issues de leurs recherches dans le cadre d'une politique d'Open data qui serait encadrée par leurs établissements de recherche respectifs. C'est la raison pour laquelle cette étude s'attelle au futur cadre législatif dans lequel l'Open data des données publiques de recherche doit s'inscrire avant de s'intéresser à la démarche qui a présidé l'élaboration de ce guide. ■
- L'ouverture des données de l'INPI - Pauline Darnand, Karlo Fonseca Tinoco p. 77-85 L'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, est aujourd'hui directement visé par l'Open data. L'INPI intervient dans deux cadres distincts, mais intimement liés : celui, d'une part, de la propriété intellectuelle et celui, d'autre part, du droit des sociétés. C'est sa mission en matière de propriété intellectuelle qui est au centre de cette étude. L'article D. 411-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, issu du décret n˚ 2014-917 du 19 août 2014, consacre la mise à disposition du public des informations publiques relatives aux titres de propriété industrielle, ainsi que le principe de leur réutilisation. Dès avril 2014 cependant, l'INPI avait fait un pas significatif à la faveur de l'Open data en mettant en ligne une « dataroom » composée d'informations brutes (majoritairement des statistiques). Ce dispositif se confronte aux particularités attachées aux droits de propriété intellectuelle. Les premières interrogations procèdent du risque d'atteinte au monopole accordé aux titulaires de droits, et des conséquences du principe de l'Open data sur les tiers dès lors qu'il s'agit d'encadrer l'accès et la réutilisation des informations publiques dans le cadre d'un contrat de licence. Ce contrat à titre gratuit a pour objet d'encadrer la réutilisation de ces informations, mais également de rappeler aux demandeurs de licence leurs obligations quant à la réutilisation de données à caractère personnel. ■
- Faut-il réellement craindre l'Open data pour la protection de nos données personnelles ? - Matthieu Berguig, François Coupez p. 15-24
II – Questions de droit inhérentes au fonctionnement des plateformes
- La Privacy by design : une fausse bonne solution aux problèmes de protection des données personnelles soulevés par l'Open data et les objets connectés ? - Philippe Pucheral, Alain Rallet, Fabrice Rochelandet, Célia Zolynski p. 89-99 L'Open data peut soulever d'importantes difficultés concernant la protection des données à caractère personnel, directement ou indirectement par recoupement des bases de données publiques. Les objets connectés posent la question avec encore plus d'acuité puisqu'ils enregistrent nos activités personnelles au travers de leur diversité, de leurs localisations et de leurs temporalités. La Privacy by design, plébiscitée par les autorités de régulation pour promouvoir le développement des nouveaux usages, est à cet égard un mode de régulation séduisant puisqu'il intègre la protection des données à caractère personnel dès la conception des outils de collecte, de traitement ou d'exploitation des données. Il s'agit dès lors d'interroger la pertinence de cette solution, son intérêt et ses limites au regard des problèmes soulevés par l'Open data et les objets connectés grâce à une étude multidisciplinaire croisant analyses juridiques, techniques et économiques. La Privacy by design apparaît alors objet d'un paradoxe dans la mesure où, prétendant régler les problèmes de protection en amont, elle en fait naître en aval. C'est pourquoi une autre logique de protection peut être plébiscitée, la Privacy by using, complément et inversion de la précédente. ■
- L'agrégation des données ouvertes dans le cadre de plateformes : les objets connectés dans le domaine de la santé - Corinne Thiérache p. 101-109 Le développement d'internet facilite l'émergence de larges communautés à travers le monde, capables de se mobiliser pour créer et partager les savoirs en vue de faire avancer la recherche et mieux appréhender les traitements médicaux. Les données ouvertes contribuent au partage de la production scientifique et la France n'est pas en reste. Ses chercheurs de forte renommée participent à de nombreuses recherches et études cliniques dans le domaine médical, contribuant ainsi à de nombreuses découvertes et avancées. Pourtant, le droit positif dans le domaine de l'Open data et du text and data mining, ne vient pas en soutien de la recherche médicale. L'exploration de données est moins développée dans les pays où le niveau de protection par le droit d'auteur est le plus élevé et ne prévoit pas de mécanisme spécifique pour les sécuriser. Or, à une époque où la demande citoyenne d'accès aux données de santé est réelle, la recherche médicale ne pourra s'enrichir que si l'on accepte, comme postulat de départ, que les données scientifiques et l'information soient d'un accès plus libre. En ce sens, le projet de loi porté par Axelle Lemaire tente de moderniser la législation tout en préservant les droits de propriété intellectuelle avec l'essor des objets connectés. Mais il faudra s'assurer de la protection des données personnelles dans une société où l'inconscience des particuliers et des tiers est de nature à remettre en cause l'éthique médicale. ■
- La Privacy by design : une fausse bonne solution aux problèmes de protection des données personnelles soulevés par l'Open data et les objets connectés ? - Philippe Pucheral, Alain Rallet, Fabrice Rochelandet, Célia Zolynski p. 89-99
III – Régulation et modèle économique de l'Open data
- La régulation de l'Open data - Mélanie Clément-Fontaine p. 113-120 La notion d'Open data est discutée et repose sur deux acceptions soumises à des impératifs économiques et juridiques bien différents. Cette étude est circonscrite à l'analyse de la politique qui préside l'ouverture des données d'origine publique et laisse de côté les données ouvertes provenant des secteurs privés marchands ou non marchands. Même dans ce cadre, la régulation est protéiforme et dépendante des modalités et des objectifs propres à chaque État. La régulation de l'Open data suppose ensuite d'être conciliée avec les régimes de la protection des créations intellectuelles, des données personnelles, ou encore du secret des affaires ce qui fait l'objet d'âpres discussions sur le plan international. Dès lors, le chemin pour y parvenir est encore sinueux. Selon un raisonnement en ellipse, l'objet de la politique de l'Open data est double. Il vise, d'une part, les éléments qui sont mis en partage. Le droit ne distingue pas entre la donnée et l'information publique. D'autre part, les objectifs poursuivis sont doubles, procédant du renforcement de la démocratie et de l'accélération de l'économie numérique. Enfin, la gestion de l'Open data repose à la fois sur des principes directeurs définis par la directive PSI de 2013, et de nombreux organes de régulation comme en témoigne l'exemple français. ■
- Open data et business models - Étienne Roché p. 121-127 À l'heure où les discussions parlementaires se crispent autour du principe de gratuité, il est important de réfléchir sur le modèle économique de l'Open data. En effet, la question de la réexploitation des données n'oppose pas la gratuité à la licence. La donnée en soi n'a pas grand intérêt, à part pour celui qui la collecte. C'est la mise en relation avec d'autres données qui peut révéler une nature tout à fait différente et une information inattendue, créant une nouvelle utilité et donc une valeur. Le modèle économique choisi doit concourir dans sa logique à cette création de valeur et se structure à partir des plateformes. Le modèle apparaît ainsi dynamique s'opposant au débat plus statique inhérent à l'idée de gratuité et à ses exceptions visant à préserver les droits de propriété intellectuelle ou le préjudice économique engendré par la libération de certaines données. Le modèle économique de l'Open data, dans la lignée de l'Open source, s'en distingue néanmoins. Pour le comprendre, il convient d'en caractériser les coûts incompressibles de plateforme et de distribution de façon à les répartir entre les différents acteurs en fonction de leur nature (publics, privés...). Il convient également en fonction des revenus attendus de choisir le business model le plus adapté : freemium, financement croisé, modèle de réseaux et collaboratif. Les meilleures pratiques s'observent au regard de l'attractivité et de la confiance que la plateforme suscite. ■
- La régulation de l'Open data - Mélanie Clément-Fontaine p. 113-120