Contenu du sommaire : Contestation et gouvernance globale
Revue | Revue internationale des sciences sociales |
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Numéro | no 170, décembre 2001 |
Titre du numéro | Contestation et gouvernance globale |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Contestation et gouvernance globale
- Résumés - p. 555
- Les organisations internationales face aux défis de la mondialisation - Pierre de Senarclens p. 559 Cet article analyse le rôle des organisations internationales dans la dynamique de la mondialisation, en insistant sur leurs fonctions symboliques et normatives. Il souligne les contraintes bureaucratiques et politiques affectant la réalisation de leur mandat, en insistant sur la responsabilité primordiale des gouvernements dans le maintien de structures institutionnelles incapables de contribuer significativement à réduire la pauvreté de masse et la dégradation de l'environnement. Il conclut en affirmant la nécessité de nouveaux mécanismes de régulation internationale.
- Réflexions sur les organisations internationales et la légitimité internationale : contraintes, pathologies et perspectives - Jean-Marc Coicaud p. 573 L'idée de rapprocher les organisations internationales et la légitimité internationale peut sembler discutable au premier abord. Il y a pourtant des liens étroits entre elles. Les organisations internationales expriment, soutiennent, promeuvent et diffusent une conception des relations internationales (comme moyens de « socialisation ») qui est essentielle pour créer et mettre progressivement en pratique un sens de la légitimité internationale. Il peut donc être utile, dans le cadre d'une réflexion sur l'état actuel et l'avenir probable de la gouvernance mondiale, d'examiner la façon dont les organisations internationales expriment et contribuent à définir la légitimité internationale. L'auteur de cet article aborde trois points principaux. Premièrement, il évalue la légitimité actuelle des organisations internationales. Deuxièmement, il examine leur contribution à la « socialisation » internationale, et par conséquent à la gouvernance internationale ou mondiale. Troisièmement, il essaie de prévoir et de délimiter quelques-unes des grandes questions dont l'avenir (et la légitimité à venir) du système international, des organisations internationales et de la gouvernance mondiale devrait dépendre.
- Les nouvelles politiques sociales de la Banque mondiale : le cas des pensions - François-Xavier Merrien p. 589 Depuis une quinzaine d'années, le monde est devenu un champ de luttes entre grands acteurs internationaux sur les politiques à mettre en œuvre pour assurer la prospérité économique et le développement social. La Banque mondiale y tient une place prépondérante. Dans cet article, l'auteur met en évidence la révolution épistémique intervenue dans le domaine des politiques sociales sous l'égide des experts de la Banque. Il analyse les éléments de la nouvelle orthodoxie en matière de pensions et les effets sur les politiques des gouvernements. En dernier lieu, il interroge la pertinence théorique et pratique des recommandations et se demande dans quelle mesure la banque est capable de tirer les leçons de ses propres erreurs.
- Les institutions financières internationales (ifi) et les leçons politiques des crises asiatiques de 1997-1998 - Luiz A. Pereira da Silva p. 605 À la lumière des crises asiatiques de 1997-1998 qui ont apporté au grand public des révélations nouvelles sur le fonctionnement et la raison d'être des institutions financières internationales de Bretton Woods (ifi), cet article passe en revue les critiques qui se sont élevées contre celles-ci, en provenance de la gauche comme de la droite. Des deux côtés, il a été suggéré de limiter le rôle des institutions financières internationales, voire d'y mettre un terme, mais pour des motifs opposés. L'article porte un jugement sur les mérites respectifs de ces critiques pour déterminer si les ifi peuvent être considérées comme préludant à un nouvel ordre international démocratique et global ou, au contraire, comme de simples instruments du « Vieux » Monde conservateur.
- La gestion des institutions et les limites de l'obligation redditionnelle : l'OMC, le FMI et la Banque mondiale - Ngaire Woods, Amrita Narlikar p. 627 Au cours des deux dernières décennies, les institutions économiques internationales ont été dotées d'attributions beaucoup plus larges pour pouvoir mener des programmes et des politiques qui touchent des catégories d'individus, de groupes et d'organisations plus nombreuses et variées qu'autrefois. Alors qu'auparavant ceux-ci pouvaient demander des comptes à leurs gouvernements pour les politiques menées, ils doivent désormais se tourner vers les institutions internationales où sont prises les décisions. Mais à qui ces institutions doivent-elles rendre compte et sont-elles responsables devant ceux dont elles influencent directement le sort ? Nous nous proposons dans le présent essai de répondre à cette question en ce qui concerne le fmi, la Banque mondiale et l'omc. Après avoir analysé les nouveaux modes d'ingérence de l'omc, du fmi et de la Banque mondiale, nous examinons quelle pourrait être la meilleure façon d'appliquer le principe d'obligation redditionnelle aux institutions économiques internationales. Nous décrivons ensuite brièvement les efforts spécifiques accomplis récemment par le fmi, la Banque mondiale et l'omc pour mieux faire face à leurs responsabilités par une transparence et un contrôle accru de leur action. En conclusion, nous faisons valoir toutefois que, en dépit d'améliorations dans ce domaine, les institutions économiques internationales ne sont pas allées suffisamment loin dans la réforme de leurs structures de gestion. Il subsiste un décalage entre ce qu'elles font et la légitimité que leur reconnaissent ceux dont elles influencent le sort.
- L'architecture financière internationale : projets de réforme - Yves Berthelot p. 645 Les crises financières internationales se sont adaptées à l'augmentation considérable des mouvements de capitaux. Cependant, les crises financières de la décennie précédente, faisant suite à la crise de la dette des années quatre-vingt, ont stimulé le débat sur les réformes à apporter à l'architecture financière internationale et entraîné un certain nombre de décisions. Partant d'une description rapide des institutions chargées de la gestion financière internationale et d'une analyse des crises récentes, il apparaît que pour utiles que soient les efforts pour améliorer la supervision, la surveillance et la transparence, l'innovation financière les rendra insuffisants. De même, les facilités créées pour prévenir et gérer les crises sont sans doute insuffisantes et entravées de trop de conditions, par ailleurs pas toujours justifiées, pour être efficaces. Deux éléments manquent à la réflexion en cours : un débat sérieux sur la conditionnalité et la reconnaissance de la dimension régionale. En outre, le débat ignore l'objectif fondamental qui devrait être celui de tout système financier international : assurer le financement du développement, et notamment des pays les plus pauvres.
- L'Organisation mondiale du commerce, l'environnement et la contestation écologique - Michel Damian et Jean-Christophe Graz p. 657 L'article examine la façon dont l'environnement met à l'épreuve l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'analyse se réfère à l'économie politique globale et à l'économie écologique. La première section traite de la gouvernance environnementale. La seconde, consacrée à la contestation écologique, examine de façon critique les principales propositions de celle-ci. Trois points sont en particulier mis en évidence. 1) L'environnement ne faisait pas partie de l'ordre du jour du Cycle d'Uruguay. Or aujourd'hui, l'OMC ne peut plus en faire abstraction : la contestation écologique a transformé le débat en introduisant les limites physiques de la biosphère et l'emprise du politique dans l'organisation des échanges. 2) Le secrétariat de l'OMC entre maintenant en matière sur le contenu de la contestation écologique. Il prend ainsi acte du champ de contestabilité infini des politiques commerciales, en particulier sur le statut du libre-échange et du commerce administré, sûr et équitable. 3) Mais pour régler les différends commerciaux liés à l'environnement, l'OMC se limite à mobiliser des normes exogènes. La production de ces normes est du ressort d'accords multilatéraux aux configurations diverses et d'institutions internationales aux statuts hybrides. Les transferts d'autorité impliqués par l'adoption de telles normes exogènes constituent désormais un enjeu crucial de l'économie politique globale du commerce et de l'environnement.
- Acteurs sociaux et souveraineté dans les oig - Patrice Meyer-Bisch p. 671 Les OIG sont d'autant plus contestées que les États se trouvent actuellement dans une situation de crise. Leur compétence à saisir les grandes questions de politique économique, écologique, sociale et culturelle est de plus en plus mise en cause. Les OIG sont affaiblies par cette crise de légitimité alors qu'elles constituent en même temps une issue possible, dans la mesure où elles réalisent des espaces et des instruments de gouvernance régionale et mondiale. Une condition est cependant primordiale pour que cette voie soit réaliste et démocratique : la participation des acteurs représentant la société civile, non seulement les ONG, mais aussi les acteurs privés (les entreprises). Après les domaines économique et écologique, cette contestation se fait de plus en plus forte dans le domaine culturel et représente un défi essentiel pour l'Unesco. Cette organisation peut-elle, dans un délai assez court, identifier les acteurs culturels dont l'interaction est nécessaire au respect de la diversité et des droits culturels de chacun ? Peut-elle leur donner la place qui leur revient dans ses organes ? C'est en se recentrant sur cet objectif institutionnel et sur la communication des savoirs qu'elle peut se décentrer d'une logique beaucoup trop étatiste.
Tribune libre
- Scientifiques et décideurs : vers un nouveau partenariat - Kenneth Wiltshire p. 681 Il est urgent de lier la recherche en sciences sociales à la décision politique pour traiter les nombreuses questions-clés qui se posent aux nations du monde. Les décideurs ont besoin des apports de recherches en sciences sociales qui soient pertinentes, opportunes et transdisciplinaires. Mais les sciences sociales doivent aussi être capables de saisir au plan méthodologique les tendances globales aussi bien que locales, de répondre promptement aux questions fondamentales et de présenter des résultats exposés clairement, diffusés de façon effective et axés sur les conséquences concrètes. Pour cela, un partenariat nouveau est nécessaire entre les scientifiques et les décideurs politiques. Nous pouvons mieux concevoir la nature du partenariat recherché en explorant la dichotomie entre le monde de la science et le monde de la décision politique. Quelques enseignements précieux sont fournis par l'expérience de l'Unesco dans le cadre du Programme de gestion des transformations sociales.
- Le développement participatif, entre souhaits et réalité - Karl Blanchet p. 697 Quarante ans après les indépendances, les pays africains n'ont toujours pas décollé. Les innombrables indicateurs produits par les organismes nationaux nous décrivent une situation tout à fait pessimiste, voire même pire que celle qu'a connue l'Afrique dans les années soixante-dix. Pourtant, depuis de nombreuses années, des budgets relativement importants sont investis dans le domaine du développement, des milliers de personnes travaillent sur ces thèmes. Pourquoi à l'heure actuelle, après une remise en cause des politiques de développement des années soixante-dix et quatre-vingt et une prise de conscience de l'importance de l'opinion des populations dans leur propre développement, les succès des projets dits « participatifs » ne sont-ils toujours pas probants ? Est-ce que le développement participatif n'est pas devenu une nouvelle idéologie mal comprise et mal appliquée ? Le Togo, pays qui subit une crise politique dénoncée par la communauté internationale, connaît actuellement une émergence de projets conçus et réalisés par les populations. Cet exemple nous permet de mieux appréhender le travail de l'agent social de développement et de comprendre ce que signifie « participation des populations » dans l'esprit des opérateurs de terrain.
- La crise du secret médical dans le cadre de la lutte contre la pandémie de vih/sida au Botswana - Charles Manga Fombad p. 703 Le présent article analyse les récentes remises en question du secret médical à l'égard des patients séropositifs au Botswana, pays présentant le taux d'infection par le VIH le plus élevé dans le monde. L'auteur examine la nature et la portée du secret médical, ainsi que ses fondements juridiques et éthiques. Il montre que ce principe n'est pas seulement un aspect des droits fondamentaux de la personne humaine dont peuvent se prévaloir les patients, mais aussi un facteur déterminant dans toute stratégie visant à juguler efficacement la propagation du virus en encourageant la levée consentie du secret, ce qui devrait contribuer à éliminer la stigmatisation, l'ostracisme et la discrimination dont sont victimes les personnes séropositives. Bien que généralement considéré comme intangible, le secret médical n'a jamais été érigé en principe absolu. La décision d'y déroger procède d'un compromis, qui met en balance le droit du patient au respect de sa vie privée et à la confidentialité et la protection des personnes courant le risque d'être infectées par lui. Par conséquent, fait valoir l'auteur, toute mesure radicale portant atteinte au principe du secret médical aura pour effet de décourager, plutôt qu'encourager, la franchise indispensable pour enrayer la pandémie.
- Scientifiques et décideurs : vers un nouveau partenariat - Kenneth Wiltshire p. 681
- Les numéros parus - p. 719