Contenu du sommaire : La présidence Trump : de la politique étrangère à la politique de l'étranger

Revue Politique Américaine Mir@bel
Numéro no 37, 2021/2
Titre du numéro La présidence Trump : de la politique étrangère à la politique de l'étranger
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Éditorial - Pierre Bourgois p. 5-7 accès libre
  • Donald Trump et la politique internationale : regards croisés sur une présidence controversée - Pierre Bourgois, Bradley Smith p. 9-15 accès réservé
  • Donald Trump : déconstructeur-en-chef de « l'ordre libéral international » ? - Adrien Schu p. 17-38 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La remise en cause par Donald Trump d'une multitude d'accords, institutions et normes internationales a été analysée dans la littérature comme représentant un défi quasi existentiel pour ce que nombre d'auteurs appellent « l'ordre libéral international » et, ce faisant, comme marquant une rupture radicale avec la politique étrangère de ses prédécesseurs, engagés quant à eux dans la promotion et la défense de cet « ordre libéral ». L'objectif de cet article est de critiquer cette grille de lecture, et d'en proposer une de substitution. Nous pensons en effet que le concept « d'ordre libéral international » est trop large pour nous permettre de saisir avec suffisamment de précision ce que Donald Trump a effectivement entrepris de déconstruire ; de même qu'il est trop large pour nous aider à identifier la nature exacte de sa rupture avec ses prédécesseurs. Il convient ainsi de repenser et d'affiner ce concept « d'ordre libéral » afin d'être à même de rendre compte des effets et de l'originalité de la politique étrangère de Donald Trump.
    Donald Trump's questioning and scrapping of several international agreements, institutions and norms has been analyzed as representing an existential threat to what many authors have called the “liberal world order” and, as such, as signaling a radical departure with the foreign policy pursued by his predecessors, who were supposedly engaged in promoting and defending this “liberal order”. The purpose of this article is to criticize this interpretative framework, and to put forward an alternative one. Indeed, we believe that the “liberal world order” concept is far too broad to allow us to precisely grasp what it is that Donald Trump has in fact started to undermine; as it is far too broad to enable us to identify the exact nature of his rupture with his predecessors. It is necessary to rethink and refine the “liberal order” concept so that we may fully understand the repercussions and originality of Donald Trump's foreign policy.
  • Zero Tolerance: The Trump Administration's Permanent Anti-Immigrant Offensive and its Repercussions in the Americas - James Cohen p. 39-60 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La politique de l'administration Trump en matière d'immigration et de gestion de la frontière mexicaine est ici examinée sous l'angle de son impact non seulement sur les migrants et demandeurs d'asile mais aussi sur les pays et les États d'origine, en particulier ceux du « triangle nord » de l'Amérique centrale : le Guatemala, le Honduras et le Salvador, ainsi que Mexique en tant que pays de transit. Bien que Trump ait manifesté vis-à-vis de ces pays et leurs dirigeants un comportement fantasque et imprévisible, son administration y avait néanmoins une méthode, grâce notamment à la détermination du conseiller présidentiel Stephen Miller, décidé à stopper les flux venant de ces pays, par tous les moyens, y compris en séparant les parents et enfants comme mesure de dissuasion et en obligeant le Mexique à garder de son côté de la frontière tous les demandeurs d'asile. Ces mesures draconiennes n'ont cependant pas réussi à endiguer les flux, ce qui reflète une crise sociale permanente dans les pays d'origine, à laquelle la politique états-unienne elle-même contribue depuis plusieurs décennies.
    The Trump administration's immigration and border policy is examined here from the standpoint of its impact not just on migrants and asylum seekers but also on certain countries and states of origin, in particular those of the “northern triangle” of Central America: Guatemala, Honduras and El Salvador, as well as Mexico as the transit country. Although Trump was highly erratic in his discourse and actions toward these countries, displaying open hostility both to migrants and to governments, there was nonetheless a method to the administration's policy, thanks to the determination of presidential advisor Stephen Miller to halt flows from or through these countries by whatever means necessary, including the separation of children from parents, and forcing Mexico to keep all asylum seekers on its side of the border. However, such extremely harsh measures have not succeeded in stemming the migration flows from these countries, which reflects a permanent social crisis that U.S policy for many decades has helped to reproduce.
  • La « doctrine Trump » à l'international : l'Amérique contre le reste du monde ? - Alexis Pichard p. 61-86 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article entend démontrer l'existence d'une « doctrine Trump » en matière de politique étrangère malgré l'approche erratique des relations internationales adoptée par le 45e président américain. Dans un premier temps, l'article remonte aux origines de la formulation de cette doctrine, vers la fin des années 1980, pour retracer ensuite sa maturation au fil des décennies. Pour ce faire, il procède d'abord à l'examen croisé des écrits politiques de Donald Trump pour faire affleurer les thèmes et motifs récurrents qui instruisent une vision du monde cohérente, reposant sur le rejet de la mondialisation et du multilatéralisme. Par la suite, l'article analyse les efforts de théorisation entrepris par Trump pour conceptualiser sa doctrine, de même que le basculement progressif de ses soubassements idéologiques vers un populisme d'extrême droite. Enfin, il rend compte de la réalisation effective de la doctrine Trump durant l'unique mandat du président républicain afin d'en élucider les différentes phases.
    This article aims to demonstrate the existence of a “Trump doctrine” in foreign policy despite the erratic approach to international relations adopted by the 45th American president. First, the article goes back to the origins of this doctrine, in the late 1980s, to then trace its maturation over the decades. This is done by cross-examining Donald Trump's political writings to uncover the recurring themes and motives that make up a coherent worldview based on the rejection of globalization and multilateralism. Next, the article analyzes Trump's efforts to theorize his doctrine, as well as the gradual shift from its ideological underpinnings towards far-right populism. Finally, the article explores the actual deployment of the Trump doctrine during the Republican president's one and only term, in order to elucidate the different phases.
  • Une cité au milieu de la plaine ? L'exceptionnalisme américain à l'épreuve de Trump - Frédéric Heurtebize p. 87-109 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La politique étrangère du président Trump a été disruptive sur le plan rhétorique ainsi qu'en raison de son caractère imprévisible. S'il importe de ne pas minimiser le style présidentiel, les éléments de continuité ne doivent pas être sous-estimés, qu'il s'agisse de la politique de retrait du Moyen-Orient et de l'engagement dans une compétition de puissance dans l'Indo-Pacifique entamés sous Obama, ou de l'unilatéralisme déjà patent sous Bush fils. C'est donc probablement avec l'abandon de l'exceptionnalisme que la transgression de Donald Trump s'est avéré la plus spectaculaire. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, Washington a refusé d'endosser le rôle de chef de file des démocraties et a renoncé ouvertement à défendre la démocratie et les droits de l'homme, ne serait-ce que sur le plan discursif. L'Amérique se voulait exceptionnelle par sa générosité. Sous Trump, l'America First a revendiqué la fin de cette ère, tenté l'hégémonie illibérale et porté un coup dur à l'exceptionnalisme américain.
    Despite his campaign promises, and for all his rhetorically disruptive and unpredictable conduct of foreign policy, Donald Trump did not break away from his predecessors as radically as is generally assumed. His policy of retrenchment in the Middle East, for instance, followed Obama's just as his brutal unilateralist outlook was a sequel to George W. Bush's first term. Donald Trump's most transgressive move, then, may have been his rejection of American exceptionalism. Never since the early 1940s has a president refused to contemplate the US as the leader of democracies and to promote – if only through discourse – human rights. The concept of exceptionalism rested on the belief that the United States was uniquely blessed and ought to be a provider of peace, stability and other services for the global commonweal as well as for its own interests. Trump's “America First” policy, it seems, tolled the knell of that concept and it is too early to know how easy or hard it will prove for his predecessors to revive.
  • Le « choc de Trump » et la Chine : leçons du protectionnisme trumpien - Jean-Baptiste Velut p. 111-132 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Les guerres commerciales sino-américaines et l'accord dit de « Phase 1 » dont elle a accouché constituent le test le plus probant pour évaluer la politique commerciale de Donald Trump. S'agit-il d'un nouveau départ pour la diplomatie économique américaine ou au contraire un échec économique et géostratégique patent ? Cet article dresse le bilan de cette expérience protectionniste en trois parties : la première définit le nationalisme économique trumpien entre héritage et hérésie de la politique commerciale américaine ; la seconde examine les conséquences économiques et sociales de la guerre commerciale impulsée par Donald Trump ; la troisième analyse la forme et le fond de l'accord commercial dit « de Phase 1 » conclu entre les États-Unis et la Chine en janvier 2020 et tire les enseignements de l'expérience protectionniste trumpienne, en esquissant les perspectives géopolitiques pour l'administration Biden.
    The US-China trade wars and the “Phase 1” deal that resulted from it are a litmus test to evaluate Donald Trump's trade policy. Is it a new beginning for US economic diplomacy or a blatant failure on both economic and geostrategic accounts? This article evaluates this protectionist experiment in three sections: the first defines Trump's economic nationalism as both a legacy and a departure from the history of US trade policy; the second draws the economic and social consequences of the two countries' trade conflicts; the third examines the form and substance of the Phase 1 trade deal concluded between the US and China in January 2020 before concluding on the lessons from Trump's protectionist experiment, while outlining the political and geostrategic perspectives for the Biden administration.
  • Point de vue. L'administration Trump et les enjeux stratégiques américains en Méditerranée orientale : l'impossible poursuite du désengagement ? - Maud Quessard p. 133-147 accès réservé
  • Varia

    • La "realpolitik" européenne au service de la destinée américaine ? Les clairs-obscurs de la pensée d'Henry Kissinger - Jean-Loup Samaan p. 151-170 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Henry Kissinger est souvent présenté comme le promoteur d'une realpolitik importée de l'Europe du XIXe siècle et qu'il aurait contribuée à populariser aux États-Unis. Cette vision de Kissinger comme une sorte de transfuge du « réalisme continental » est néanmoins trompeuse. Non seulement le réalisme de Kissinger est fluctuant mais son inspiration « continentale » reste partielle. Si le « milieu » européen a sans aucun doute façonné la pensée de Kissinger, il importe de souligner la tension originelle et trop souvent occultée par les biographes, au cœur de la vie de Kissinger : la cohabitation de cet héritage européen avec la tradition politique américaine. En effet, si Kissinger a indéniablement été influencé par ses expériences et ses lectures européennes, il a tout autant été marqué par l'idée d'un exceptionnalisme américain qui conditionna sa pratique du pouvoir et l'amena à soutenir certaines positions, notamment sur la guerre du Vietnam, en contradiction avec les grands théoriciens du réalisme de l'époque. Cet article propose donc un éclairage sur la trajectoire d'Henry Kissinger, tant à travers son parcours biographique que son évolution intellectuelle, et ce afin de mieux mettre en lumière sa relation à l'Europe.
      Henry Kissinger is often described as the proponent of realpolitik, a European concept from the 19th century that he is assumed to have imported in the US. However, this view of Kissinger as a messenger for “continental realism” is flawed. Not only is Kissinger's realism volatile but its “continental” inspiration is a partial dimension. If the European context undoubtedly shaped his political thought, it is worth considering a fundamental tension between this European legacy and the American political tradition in Kissinger's life. Indeed, if the latter is undeniably influenced by his personal experiences and his European readings, he was also marked by the idea of American exceptionalism which accompanied him during his rise in US politics. It even led him to justify policies, such as on the Vietnam war, which were contradicting the views of the main realist thinkers at that time. Therefore, this article aims to shed light on the trajectory of Henry Kissinger, by looking both at his biography and his intellectual evolution in order to better understand his relation to Europe.
  • Comptes-rendus d'ouvrages